Robert E. Lucas

Robert E. Lucas
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Robert Emerson Lucas Junior
Naissance 15 septembre 1937
Yakima, État de Washington (États-Unis)
Nationalité américaine
Champs Économie
Institution Carnegie Institute of Technology, Carnegie-Mellon University, Northwestern University, université de Chicago
Diplômé de université de Chicago
Renommé pour Nouvelle économie classique, anticipations rationnelles, Critique de Lucas, croissance économique
Distinctions Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel 1995

Robert Emerson Lucas Junior (15 septembre 1937 - ) est un économiste américain né à Yakima, dans l'État de Washington.

Fondateur de la Nouvelle économie classique, il appartient à l'École de Chicago.

Il a reçu le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel en 1995, pour son travail sur les anticipations rationnelles et sa fameuse « Critique de Lucas ».

Bien qu'il se prédestinait à faire des études d'ingénieur, au Massachusetts Institute of Technology, il se tourne, faute de bourses, vers les sciences sociales. Il dira que, pour citer Dominique Roux : « quand il monta dans le train pour un voyage qui allait durer 44 heures pour atteindre la côte est des États-Unis, il était certain qu'il se dirigait vers quelque chose d'intéressant ». Il a profondément transformé l'économie. Essentiellement connu par ses travaux sur les anticipations rationnelles, il a également apporté des contributions majeures dans beaucoup de domaines de la science économique comme ses travaux sur la théorie de l'investissement (avec des "coûts d'ajustements marginaux", 1967), la théorie de la croissance endogène (avec le "capital humain", 1988), théorie de l'évaluation des actifs et la théorie de l'argent.

Sommaire

Apports en économie

Déçu par la vie, Lucas prend sa revanche sur celle-ci dans la science économique. C’est dans cette science qu’il impose la connaissance de son nom et ses apports à tout économiste. On lui doit quelques critiques importantes de la macroéconomie keynésienne (discipline qui a régné en maître durant près de cinq décennies). Cependant, il s’est imposé comme un géant de la science économique bien au-delà de ses offensives contre le keynésianisme.

Ardent défenseur du libéralisme, promoteur du la Nouvelle macroéconomie classique, ses thèses forgeront, après l’essoufflement de la pensée keynésienne, le contexte intellectuel de la recherche macroéconomique et le nouveau paradigme de recherche en économie. Certains ont même parlé d’une révolution kuhnienne.

Nouvelle économie classique

Cette nouvelle école de pensée économique est associée aux travaux fondateurs de Lucas. Le terme de ‘théorie nouvelle classique’ vise à remettre à l’honneur le programme de recherche que Keynes avait tenté de disqualifier — c’est Keynes, dira Lucas, qui a constitué un détour dans le développement de la théorie alors que Friedrich Hayek avait correctement défini la voie à suivre[1]. Et constitue des critiques sévères qui ont, entre autres, chamboulé la théorie keynésienne.

Lucas versus Keynes

Avec l’aide de Thomas Sargent, Lucas monte au créneau, dans les années 1970, avec des critiques méthodologiques et conceptuelles à l’encontre de la pensée du professeur de Cambridge, John Maynard Keynes. D’ailleurs pour Lucas, ce qu’on doit retenir de Keynes est moins sa contribution à la théorie économique proprement dite que le rôle que ses idées ont joué pour endiguer l’expansion du socialisme[2].

Ses critiques se résument généralement à trois défauts de la pensée keynésienne:

  • Le fait de sortir la problématique du chômage dans l’analyse cyclique de la théorie macroéconomique est une faute impardonnable de Keynes, aux yeux de Lucas. Et pourtant, il l’avait esquissé dans son livre Treatise on Money. Parallèlement, il fait des observations par rapport à la vision à court terme de John Maynard Keynes (une analyse statique).
  • Il qualifie Keynes de traître, car, selon lui, il s’écarte de la logique qu’il appelle « discipline de l’équilibre » (expression chère à Lucas), c’est-à-dire du paradigme ou approche d’analyse de la science économique jusque à cette époque (postulats de comportement optimisateur et d’apurement des marchés…). C’est dans “Real Wages, Employment, and Inflation”[3], que Lucas laisse à apparaître sa désapprobation de la macroéconomie à la Keynes et qu'il commence son travail de sape en faisant de l’idée de substitution intertemporelle un élément important dans l’analyse économique.
  • et enfin, il pense que Keynes à des problèmes au niveau de la compréhension des concepts qu’il a lui-même créés : plein-emploi et chômage involontaire.

Il propose d’abandonner le cadre d’analyse de Keynes, car bourré d’imperfections et de confusions. Lucas rend responsable ce mathématicien-économiste anglais (Keynes) et ses sympathisants d’avoir détourné la théorie économique pour l’embarquer dans des constructions de modèles mathématico-économétriques. En réponse à ces critiques, les économistes de sensibilité keynésienne ripostent en proposant un autre cadre d’analyse, communément appelé la nouvelle économie keynésienne.

Critique de Lucas

Il pense que les modèles macroéconométriques keynésiens ne sont bons que pour les prévisions économiques et non pour définir les politiques économiques. Il suggère d'introduire des modèles structurels, où les agents sont rationnels et évoluent dans un environnement fluctuant[4]. Selon lui, cette notion doit constituer le principe fondamental de la modélisation macroéconomique.

Sa critique a été largement acceptée et a été à la base d’une transformation radicale de la modélisation macroéconomique[5].

Théorie d’anticipation rationnelle

Popularisé par Lucas, la théorie des anticipations rationnelles fut introduite par John Muth en 1961, pour désigner l’idée selon laquelle les agents sont dotés des capacités d’anticiper rationnellement avec les informations dont ils disposent les résultats de leur entreprise, prise au sens large.

De manière basique jusqu’avant l’apport de Lucas, on supposait dans les modèles que les agents étaient imprécis, naïfs, bref se projetaient dans le futur en se basant sur le passé de la variable concernée. Cette approche méthodologique se retrouve au sein de la théorie des anticipations adaptatives, que Milton Friedman avait utilisée dans ses modèles.

C’est dans « Expectations and the Neutrality of Money[6] » que Lucas aborde le problème de l'anticipation rationnelle et se soucie de la théorie développée par Friedman : il donne de la rigueur à la théorie de l’incapacité des politiques monétaires abordée par Milton Friedman, en remplaçant l’hypothèse d’anticipation adaptative par celle d’anticipation rationnelle. Pour y arriver, il construit un modèle à générations imbriquées. Il prouve, dans cet article, la neutralité de la monnaie : argument cher tant aux anciens classiques au sens de Keynes qu’aux nouveaux classiques. Il prouve en même temps la thèse soutenue par Friedman selon laquelle les chocs monétaires ont des incidences, sans toutefois que ce trait soit une des solutions proposées en politique monétaire.

Croissance et cycle

Bien que de courte durée, la théorie des fluctuations cycliques de Lucas[7] constitue un changement majeur dans les années 1970. Elle va vite être balayée par celle proposée par Kydland et Prescott, pourtant née dans la foulée des travaux de Lucas. La théorie lucasienne de cycle est parmi celles qui suggèrent que l’élément déclencheur des cycles économiques est un choc. Pour Lucas, il y a fluctuation parce qu’il y a choc de nature monétaire avec des décisions optimales des agents.

Il fait preuve d’ingéniosité quand il aborde la question de cycle économique avec la perspective d’équilibre (discipline d’équilibre). Et pourtant avant lui, on pense que c’était des champs qui ne se prêteraient pas à des telles approches. Lucas relègue le problème du chômage involontaire au second plan, puisqu'il ne peut être analysé en dehors des cycles économiques. Avec lui, le problème du nombre d’heures travaillées refait surface, et cette fois-ci en force.

Fervent défenseur du libéralisme (pas par hasard), il réussit à prouver que l’État n’a aucun rôle correcteur quand il s’agit de cycles, car ces derniers ne sont pas des dysfonctionnements de l’économie, mais des phénomènes normaux.

Pensée lucasienne, critiques hétérodoxes

Il fera encore preuve d'originalité en niant la distinction entre microéconomie et macroéconomie, ce qui va poser problème à certains épistémologues des sciences économiques, comme Claude Mouchot, qui insistent sur cette césure.

Par ailleurs, on le classe aussi parmi les économistes qui pensent que tout passe d’abord par le « fictif », c’est-à-dire l’imaginaire des savants[8]. Lui-même va utiliser ces mots « a mechanical, imitation economy », pour réduire la théorie économique à des ramifications plus ou moins abouties basées sur une économie artificielle.

En outre, Lucas reste une figure parfois critiquée par divers économistes. Entre autres parce qu'il fait appel à une dose massive, dans ses analyses, de « mathématiques compliquées » selon l'expression utilisée par Bernard Guerrien, et ce d'une manière peu rigoureuse[9]. En particulier, il emprunte aux mathématiciens des sciences de l’ingénieur leurs acquis portant sur le contrôle optimal et le calcul des variations, afin de théoriser la dynamique économique.

Publications

Voir aussi

Notes et références

  1. De Vroey, M. et Malgrange, P. (2006), La théorie et la modélisation macroéconomiques, d’hier à aujourd’hui, Working paper, N° 2006–33, p.11
  2. Idem, p.12
  3. Lucas R. E. Jr. et L. Rapping (1969) “Real Wages, Employment, and Inflation”, Journal of Political Economy, vol. 77, pp. 721-754.
  4. Michel De Vroey, Pierre Malgrange, Idem
  5. Ibid, p.14
  6. Lucas R. E. Jr. (1972), « Expectations and the Neutrality of Money », Journal of Economic Theory, vol. 4, pp. 103-24.
  7. R. E. Jr (1975), “Econometric Policy Evaluation: a Critique” dans K. Bruner et A. Meltzer, ed., The Phillips Curve and Labor Markets, Carnegie-Rochester Conferences Series in Public Policy, vol. 1, Amsterdam: North-Holland, pp. 19-46. Lucas, R. E. Jr (1977), “Understanding Business Cycles”, Carnegie Rochester Conference Series on Public Policy, vol. 5, pp. 7-46. C'est dans ces articles qu'il expose sa théorie des cycles et sa fameuse crtique, dite critique de Lucas
  8. Bernard Guerrien, Théories néoclassiques, tome 2, Macroéconomie, La Découverte.
  9. Bernard Guerrien (2007), L’illusion économique, Omniprésence

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