Raymond Ruyer

Raymond Ruyer

Raymond Ruyer (Plainfaing dans les Vosges, 1902 - Nancy, 1987) est un penseur et philosophe français du XXe siècle. Formé à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, ce montagnard vosgien tôt orphelin de père qui cache sous un aspect austère une grande espièglerie d'éternel étudiant appliqué est devenu, à son retour de guerre et de captivité, professeur de philosophie à l'université de Nancy.

Sommaire

Dans l'intimité d'une vie

À partir de 1983, Raymond Ruyer souhaite écrire sur sa vie. Mais il se méfie de la forme autobiographique[1]. Le philosophe discret sait que les livres composés pendant sa retraite studieuse des années 1970 lui ont permis de faire connaître son courant de pensée et d'exposer un message. Aussi décide-t-il d'abord de parler du coin de montagne des Vosges qu'il aime et où il réside dès qu'il le peut avec son épouse, sachant que le fil du récit et les inévitables confidences sur ses amis et sa famille le forceront à définir ce qu'il a été de la façon la plus dépouillée possible d'artefacts[2].

Au terme de sa vie

Mais le soir de la vie enveloppe déjà un homme désabusé et triste lorsqu'il rédige l'ouvrage. Il ressent une grande lassitude et des douleurs physiques, la mort de sa femme Mayi laisse un vide effrayant, impossible à combler et le solitaire touché par les fortes émotions que lui impose une douloureuse remémoration ne parvient à rassembler avec concision ses souvenirs. Il ressent de même une semblable sympathie douloureuse envers les habitants des vallées vosgiennes, soumises à une longue crise textile et vacillant sous une souffrance sociale. Se sentant tout au long de sa vie favorisé par son statut social et sa réussite, menant une vie quoique studieuse aussi agréable à Nancy que joyeuse à Plainfaing, il constate que l'effort des Vosgiens les plus humbles et méritants n'a pas été récompensé et ne le sera plus pendant les années difficiles qui s'annoncent[3].

Baignée d'une atmosphère de tristesse mélancolique, l'auteur qui s'avoue franchement fragilisé persiste à rédiger l'ouvrage de souvenirs[4]. Le premier tome sur sa vallée vosgienne et sa famille paraît en 1985. Le second tome sur sa vie d'étudiant et de professeur, tant en France qu'en captivité, reste à l'état d'ébauche.

Fulgurances des souvenirs d'enfance

Une figure tutélaire marque l'orphelin, son père le montagnard vosgien disparu trop tôt, absent de son enfance consciente, présent contamment par la maison édifiée des mains de ce charpentier, menuisier, architecte d'intérieur, qui constitue l'incroyable legs immobilier de ce paysan touche-à-tout sans formation académique, devenu un lieu de repos et d'étude paisible pour le fils ainsi que la maison-atelier de sa mère couturière et enfin sa résidence vosgienne. Raymond Ruyer a montré avec pudeur la distance instaurée par sa mère fragile et angoissée, porteuse d'un interminable veuvage vis-à-vis de la maison du père disparu. Celui qui avait été emporté trentenaire par une brutale maladie incurable était l'absent éternellement stigmatisé par les plaintes de l'épouse abandonnée.

Les fêtes, les longs et copieux repas de famille, la joie communicative d'une grande famille vivante étaient indissociablement ancrés dans la maison de son grand-père maternel, contremaître alsacien des usines des entrepreneurs Géliot, en particulier celle de Noiregoutte et du centre de Plainfaing. L'abandon momentané du petit Raymond aux vieux grands-parents paternels révélait une entrée dans le monde paysan inchangé, dialectophone, un peu à l'écart de la vie ouvrière animées par les nombreux oncles et tantes, et leurs enfants du côté maternel. Ses échappatoires ne pouvaient ôter le poids énorme de l'affection maternelle et l'accablement de sentimentalité effusive de la pauvre veuve, happée par un incessant labeur, qui retombait invariablement sur l'orphelin.

Intuitivement l'enfant savait-il que sa vie irait en accord avec la foule animée des oncles et tantes ? Et pourtant, l'adolescent, grand observateur de la nature vosgienne, attiré par les outils et les meubles admirablement unique de la maison paternelle, captivé par les machines et les expériences de petits inventeurs, comprend très vite que son père continuateur de lignée paysanne était seul un créateur libre, homme du bois épris de liberté alors que les ouvriers et petits contremaîtres, consciencieux et bien mieux rémunérés, obéissent servilement au patron industrie bienfaiteur par intérêt, véritable patron seigneur. C'est encore le temps, note-t-il, où les dynasties vosgiennes du textile réglent avec les forces d'encadrement religieuses et politiques, la vie ouvrière captive de la vallée[5]. Et en effet, l'union de la progéniture favorisée de la famille des patrons d'industrie et d'une famille de notables bordelais provoque la rencontre d'un oncle maternel et d'une servante basque originaire de Saint-Pée-sur-Nivelle[6]. C'est ainsi que la famille de Mayi, très cosmopolite et à la fois parisienne, vosgienne et basque, connut la grande famille alsacienne de la mère de Raymond.

Un boursier à Epinal et Paris

Le textile, moteur de l'économie industrielle vosgienne, semble décider indirectement de son envoi comme boursier au collège public d'Épinal, c'est la ville vosgienne référence de l'enseignement textile, donc de toute bonne éducation. Mais l'évolution du brillant étudiant dans un monde étudiant fort incompréhensible à ses proches parents ne tarde pas à le rendre maître de ses choix d'études, et amitiés scolaires et lectures assidues des vieux numéros de la Revue des Deux Mondes le mène à la philosophie et à la recherche, à l'école normale supérieure de la rue d'Ulm. Le fils rejoignait le père, dans une même absence à la mère réfugiée dans son dure labeur de couturière et murée dans une souffrance morale auto-mutilante.

La promotion sociale condamnait le brillant et studieux élève à n'être qu'un amoureux utopique, idéalisant son objet et éternellement éconduit des mêmes jeunes filles que ces collègues sortis de milieux huppés pouvaient priser. Mayi qui, à son entrée à Paris, avait initié le jeune provincial, jeune parent auréolé de ses premiers succès au concours aux rudiments de l'élégance parisienne, avait un fiancé britannique. Son jeune amoureux anglais avait fui sur le continent, l'ayant avec une assiduité déconcertante courtisée, bravant sa rigide famille de pasteurs britanniques qui jugeaient inconcevable une union avec une catholique provenant d'une province si proche de l'Espagne selon eux arriérée. Mais la famille anglaise comprit qu'il fallait rencontrer celle qu'il imaginait en séduisante Carmen et trouvant à sa grande surprise une sérieuse jeune fille parisienne, permit les fiançailles pour mieux désarmorcer la révolte de son rejeton romantique. La famille débarquée à Paris efface sa première attitude puritaine et exige seulement une conversion réformée facilement acceptée, escomptant que la possibilité d'un mariage avec une fille devenue à ses yeux si commune produise un infaillible rejet par le fiancé. Mayi, fiancée abandonnée, victime de la muflerie de son séducteur anglais si prompt à jouer du sentiment comme à le faire disparaître, se retrouve seule et desespérée. La rencontre de Mayi et Raymond lors de vacances dans les Vosges esquisse un rapprochement : elle est initialement une rencontre de jeunes gens malheureux. Leurs confessions mutuelles engendrent un rapprochement qui, dénouement improbable, engendre un couple stable.

Les harmonieuses années du couple Ruyer

Les années 1930 sont les années actives et fécondes du jeune couple. Les biographes connaissent bien peu de choses sur les travaux et les menus loisirs du couple, l'installation dans des appartements successifs, la naissance des enfants. Heureux couple, heureuse famille malgré la crise qui ravage d'autres vies. Mais ce sont ces jeunes familles qui initient un réveil psychologique et bousculent l'identité française après 1938.

Mayi est une femme libre, une épouse active qui gère et administre bientôt une entreprise de phares automobiles avec son frère. L'entreprise soumise à rude concurrence dans ce domaine de pointe nécessite beaucoup de sacrifices collectifs pour équilibrer des comptes souvent précaires. La réussite surviendra après 1950, mais Mayi, utile administratrice à tout faire, se voit alors remercier par les possesseurs de l'entreprise, en particulier son propre frère. Même si l'éviction impitoyable de Mayi de la direction, trop faiblement représentée au capital de la société, est ressentie avec cruauté, l'expérience de cette petite industrie en adaptation constante et précaire a été un grand moment d'investissement et de bonheur pour le couple.

Le normalien est professeur de lycée à Rennes, il rédige une thèse sur la phénoménologie de la connaissance. Le penseur Ruyer y a trouvé un espace appliqué des sciences et techniques qu'il étudiait abstraitement, le chercheur féru de modèles mécaniques de la conscience de la fin des années 1920 reconverti dans une quête éperdue des valeurs a surtout côtoyé toute une faune d'inventeurs et un réseau d'excellents spécialistes de mécanique et d'optique. Riche d'expérience et responsable, il peut apprécier l'apport technique d'un autre lorrain, Jean Prouvé. Le professeur est conscient de son statut protégé en temps de crise économique et observe les figures majeures de la politique et du champ littéraire hégémonique. Elles illustrent à ses yeux de jeune philosophe réfléchissant sur les puissantes mutations de la science et des techniques la décadence de la pensée française qui propage comme une mode de prêt à penser, romans, pièce de théâtre et discours grandiloquents de mythomanes, surenchères sur l'ordre du monde et vérités pompeuses sur la grandeur nationale. Le jeune philosophe préfère approfondir les sujets concrets qu'il a choisis, se trace des domaines rigoureux d'études scientifiques larges et poursuit constamment les thèmes ciblés avec persévérance.

La guerre en 1939 survient. L'officier Ruyer qui cantonne quelques jours à Eloyes, belle petite ville industrielle des Vosges, puis construit des abris anti-chars avec son unité dans le nord de l'Alsace fait un constat désabusé des mouvements de troupes et de la pratique de la défense militaire. Les soldats les plus humbles exécutent dignement, mais le jeune philosophe perçoit la vacance du sens pendant la drôle de guerre, avec d'autres chefs de famille abandonnée à l'arrière. Il dira plus tard : "Nous étions des adultes responsables, engagés à défendre notre pays et observateurs et auditeurs lucides, nous ne pouvions nous abstenir de penser avec conviction : c'est toute la pensée française qui sonne faux"

Prisonnier et chercheur universitaire

Le Prisonnier de Guerre à l'Oflag XVII A aura tout le loisir de réfléchir de 1940 à 1945. Les officiers français ne travaillent pas dans les camps allemands respectant en ce sens précis la convention de Genève, mais ils doivent assurer la vie commune de leur campement et dormir dans ces grands internats surveillés. La pitance est maigre, mais suffisante. Mais pour ne pas dépérir ou devenir une âme en peine autant physique qu'intellectuelle, il faut surtout se repaître de bonnes nourritures spirituelles et Raymond Ruyer devient un des actifs fondateurs et inconditionnels défenseur d'une université libre au camp. Des officiers prisonniers, excellents spécialistes de littératures, de langues anciennes ou modernes, de sciences, de mathématiques, de philosophie, d'histoire, de techniques donnent des cours inédits, mais aussi de théâtre, d'expression artistique, de sports... y apportent leur savoirs, service quasi-bénévole à ceux qui le souhaitent. Promus doyens à tour de rôle, Ruyer et ses amis, recrutent et sélectionnent les professeurs, programment les séances et fixent des objectifs semestriels. En une réunion de grec ou de latin, il a vu des esprits moroses ou malades s'éveiller et se guérir de leur douloureuse mélancolie en quelques heures. Lui-même s'est émerveillé devant les exposés d'embryologie du prisonnier Etienne Wolff, car il y découvrait fasciné toutes les clefs pour sa compréhension du monde des essences et des valeurs en liaison avec le monde du vivant.

Sous le régime de Vichy, Mayi travaille à Paris et élève sa petite famille en restant proche de sa grande famille vosgienne et basque. Le retour du prisonnier en France est une grande souffrance dont il a peu parlé. Son pays natal est meurtri, partout, l'effondrement des valeurs et le marché noir accablent le plus démunis. Déjà connu comme un spécialiste des valeurs, Raymond Ruyer intègre l'université Nancy, et rejoint des prometteurs mathématiciens, linguistes, chimistes et physiciens-mécaniciens qui deviendront ses proches ou ses amis. Pendant cette douloureuse période de reconstruction, où la France marque une profonde régression économique jusqu'en 1947 et 1948 malgré le discours des fonctionnaires dirigistes, sa famille connaît des difficultés pour s'y installer[7]. Après sa longue captivité en Allemagne la carrière à l'Université de Nancy le cantonne à un rang très modeste. L'assistant quadragénaire suit et construit une synthèse féconde des nombreux domaines de la science , en particulier l'embryologie, la biologie, la cybernétique, la théorie de l'information, tout en approfondissant la philosophie de la valeur qu'il avait commencé d'étudier bien avant la guerre.

La solidarité des penseurs universitaires les plus performants joue pour améliorer l'institution désuète marquée pourtant par un essor contrasté pendant l'occupation. Mais l'intense application et fécondité des chercheurs nancéïens portent ses fruits dès les années plus propices. Avec ses premières publications des années 1950, Raymond Ruyer à l'instar de la superbe génération scientifique nancéïenne sort de l'anonymat et entame sa carrière de penseur reconnu dans le cénacle philosophique international[8].

Professeur de philosophie correspondant de l'Institut, il est appelé à la Sorbonne, mais il refuse cette promotion de fin de carrière pour ne pas quitter l'environnement nancéïen où il se sent en phase avec les cercles de chercheurs amis, aussi différents que les chimistes versés dans la modélisation moléculaire quantique, les mathématiciens de l'école de Nancy, les informaticiens et linguistes à l'instigation du Trésor de la langue française informatisé et quelques biologistes.

Un écrivain philosophe

Jeune retraité, hostile et en tous les cas étranger au courant existentialiste constamment à la mode dans les salons parisiens, le philosophe provincial constate avec le journaliste devenu sociologue Raymond Aron que s'il est bien connu dans les cénacles savants et universitaires internationaux, il reste inconnu en France[9]. Le maître éditeur Aron lui commande plusieurs ouvrages de vulgarisation qu'il estime nécessaire dans la discipline. Les premiers ouvrages ne trouvent que peu d'écho parmi le public cultivé. Puisqu'il n'a plus rien à perdre, il a l'idée de présenter l'essentiel de ses idées philosophiques sous une forme légère et canularesque.

La forme présentée doit attirer le grand public et le mettre à l'écoute. Or le public français est friand, pour ne pas dire fasciné, par tout ce qui vient d'outre-Atlantique. Il faut si possible instiller une curiosité vers les arcanes mystérieux du savoir, une gnose de notre époque scientifique[10]. Raymond Ruyer, ici facétieux, annonce la couleur dans La Gnose de Princeton : il prétend avec sérieux être en communication avec un groupe informel de scientifiques américains de l'université de Princeton, à la fois timides et cachés derrière un nom de groupe de contact, et s'en fait l'interprète autorisé[11]. Il expose les idées de ces Américains gnostiques inconnus qui chercheraient à recréer une religion scientifique. L'ouvrage marqué d'humour subtil est un réel succès, et l'auteur y présente en réalité sous une forme simple l'essentiel des idées qu'il a développées au cours de sa carrière. La vente de tous ses ouvrages anciens et nouveaux s'en trouve relancée, mais le succès vraiment à part de l'ouvrage prouve que la plupart des lecteurs n'ont point compris le canular !

Par ses lectures scientifiques, Ruyer est un familier de la prose allemande et anglo-saxonne. Ainsi qu'il l'explique peut-être trop facilement dans un ouvrage, sa pensée est influencée entre autres par l'écrivain anglais du XIXe siècle, l'original Samuel Butler, auteur de la fable Erewhon et d'un long roman autobiographique Ainsi va toute chair. Sa rencontre inopinée avec le cercle anglo-saxon des amis promouvant l'œuvre de Samuel Butler a été en tout cas un tournant dans sa vie associative. Il a repris le même hobby que Samuel en s'appliquant à décortiquer les différentes structures de l'Iliade et l'Odyssée. Il pensait, à l'instar de Butler, que l'auteur était une femme !

Assez méconnu en France, mais apprécié dans le monde slave ou latin de l'Europe centrale, autrefois dominée par l'URSS, ce penseur vosgien attaché aux valeurs, qui, tout jeune, était fasciné par la croissance de la digitale et qui réexplicite ou s'inspire d'un large pan issu des tréfonds de la tradition montagnarde, procure une ample matière à poursuivre des travaux de recherche dans les pays anglo-saxons et en particulier au Canada. Par un effet d'influence dont il avait pastiché le message, la réception outre-Atlantique de son œuvre la plus difficile d'accès intrigue l'Université française. En tous cas, quelques documentalistes mettent à profit ses travaux sur la genèse de l'information.

Penser le monde par l'observation et l'étude des sciences

Raymond Ruyer est un chercheur en quête d'une épistémologie qui délaisse les poncifs éculés de l'histoire des sciences traditionnelles et se concentre sur les acquis récents de la recherche du début du XXe siècle. Il a pris évidemment en compte les courants d'évolutions au siècle précédent, si spécifiques par l'industrialisation, les fortes mutations sociales et les dogmes scientistes qui ont souvent enchaîné la science. Il a donc étudié la science et découvert par l'étude et l'observation le monde des techniques actuelles, quitte à se consacrer à la physique et la mécanique quantique, la biologie, la physiologie, l'embryologie, la psychologie... qu'il n'avait nullement apprise à Ulm.

Captivé par l'étude des théories biologiques, psychologiques et cybernétiques, ce penseur de l'information propose des encadrants axiologiques des êtres vrais, de Dieu à la fois agent et idéal universels, à l'actualisation des mécanismes et automatismes, en passant par l'agent individuel et la volonté humaine, l'animal et ses instincts, les montages pyscho-biologiques ou les référents mnémiques mis en œuvre. Il ne faut pas s'attarder sur les raccourcis proposés pour aborder sa conception du monde. Raymond Ruyer s'est proclamé avec humour le fondateur d'une théorie philosophique, le panpsychisme car la description des niveaux de consciences et des sens piégés dans les complexes psychiques lui a permis de relier le monde des valeurs à l'actualisation mécaniste présente également au premier stade dans le monde biologique et chez tous les êtres vrais.

L'étude de la biologie, en particulier de l'embryologie, révèle la nécessité de l'existence de régions inobservables de mémoire spécifique et typique, de thèmes actifs et formatifs en conjugaison avec des localisations strictes dans l'espace-temps du code génétique. Des formes spécifiques comme les instincts formatifs et les comportements nécessitent également un autre monde transpatial, non localisable dans l'espace-temps de la physique. Où est le lien spatial entre l'instinct ou l'amour maternel et la structure moléculaire de prolactine ? De même l'anticipation psychologique, fruit d'un montage, ou la familiarité d'être dans un groupe humain, incorporée par un habitus sociologique, appelle un semblable monde caractérisé par une utopie et une uchronie.

Considérant la genèse interne par embryogenèse et le comportement des organismes comme un tout d'action structurée et structurante, il s'oppose à ce que toutes les formes de vie, de l'amibe à l'homme, ne relèvent que du seul mécanisme. Le mécanisme apte à décrire un présent spatio-temporel au moment de l'effectuation ou actualisation matérielle est toujours subordonné, encadré. Il relève de l'ici-maintenant spatial et du temps, quatrième dimension de la physique. Le mécanisme, comme le monde physique, ne serait rien sans une organisation d'êtres vrais, caractérisée par ses liaisons informantes qui engendrent ou laissent à son tour des liaisons conservatrices.

Le philosophe pense qu'il est ridicule d'appliquer et généraliser la causalité mécanique à l'existence, c'est-à-dire à la création et au développement de la vie hors du stade de l'automatisme et d'actualisation mécanique[12]. Même un rationaliste mécaniste ne va jamais au bout de sa méthode, à moins que l'apprenti penseur ne tienne à l'absurde. Un biopsychisme transpatial sous forme de montages anticipateurs ou renouvelés enveloppe la vie de tout organisme et guide son comportement interne et externe : au métabolisme biochimique des sucres correspond, tôt ou tard, sous une forme peut-être plus vague, une appétence de l'animal pour le sucré. Au delà du montage bio-psychique, apparaît un agent individuel et volontaire qui continue cet autre monde transpatial et intemporel, à la fois fournisseur spécialisé et offertoire en partie accessible de thèmes, d'essences, de types-idéaux, d'idéaux, de sens et de valeurs. Il existe une axiologie invisible, niée par les tenants de la pensée mécaniste qui, toujours facilement repoussée dans le domaine complexe des possibles, efface l'espace par l'ubiquité, le temps par l'éternité et explique le survol du temps et de l'espace par la conscience ou ses multiples niveaux ou avatars interpénétrés[13].

Les individualités élémentaires de la physique ne sont pas des choses ou des structures inertes, mais des formations actives, des actions irréductibles à un fonctionnement selon une structure. L'atome se comporte tel un être vrai en activité, caractérisé par des incessants mouvements intrinsèques définis par les lois quantiques, activité de liaison incessante à l'origine du maintien de sa forme ou de sa participation à des structures collectives ayant elle-même une forme, des mouvements et des configurations. Un atome ou une molécule caractérisée par une axiologie transspatiale et intemporelle, qui porte une identité et recèle donc une dimension génératrice d'information, est en ce sens une individualité vraie par opposition aux amas ou foules diverses, agrégats ou mélanges. Une vraie entité particulaire n'a qu'une fonction connue sur le plan de l'existence. Elle ne fait qu'actualiser son existence. On comprend que les variations d'énergie, intrinsèquement liées aux temps propres, constituent une source possible de mesure du temps, ainsi l'horloge atomique.

Les individualités microphysiques, caractérisées par des liaisons vraies et des informations liantes, sont des sources d'information et de structuration, aussi primaires qu'un champ de conscience avec lequel s'effectue un survol absolu.

L'eau, un corps pur, dans la pratique composé d'un très grand nombre de molécule d'eau similaire dans une phase déterminée, est facilement caractérisé alors qu'un nuage, un brouillard ou la mousse n'est pas un être vrai. C'est pourquoi un atome ou une molécule, caractérisé par une carte d'identité physico-chimique, peuvent être identifiables par des techniques de spectroscopie.

Comment encadrer un être, se demande Ruyer, soucieux d'une taxinomie minimaliste ? Deux cadres descriptifs, le premier fondamental et le second dérivé existent :

  • I. Une individualité x ( il faut préciser : particule, atome, molécule, virus, organisme, association ou société organique...) maintient ou développe activement un certain état ou forme conforme à un type spécifique ou idéal.
  • II. Un amas tend automatiquement vers un état d'équilibre maximal.

Toutefois, ce qui est en italique, n'est et ne peut être pleinement reconnu par les sciences positives. Au stade premier, la chimie comme la physique n'étudie pas une molécule ou une particule en soi, mais se limitent aux actions et interactions qui ont pour effet de maintenir la forme de la molécule ou les constantes caractéristiques des particules. La biologie n'étudie l'organisme comme une sorte d'être-principe, mais seulement les développements et interactions qui aboutissent en fait à la forme organique. La psychologie n'atteint jamais l'x de l'individualité. Au stade final, la notion de forme typique, de but idéal reste une chimère finaliste, aux yeux des savants rationalistes.

Partant d'une exploration du second encadrement, bien développé avec les savants du siècle industriel utilisant le bilan d'énergie, par le développement des calculs statistiques, Ludwig Boltzmann a pu valider les lois macroscopiques de la thermodynamique. Mais ce faisant, sa quête de précision l'a conduit à redécouvrir la nécessité de l'hypothèse atomique. Sur le terrain de la chimie, les pionniers qui ont ouvert les perspectives les plus prometteuses ont été les plus en conformité avec le premier encadrement, suscitant souvent la risée de leurs collègues établis. Si les expérimentateurs comme James Joule ou les tenants d'une science appliquée comme Pasteur n'ont pas souffert de l'ostracisme de la science positive, c'est le cas de modeste théoricien, de Dalton, d'Auguste Laurent, tenant ridiculisé d'une chimie organique basée sur la description par molécule squelette et de groupe d'atomes de substitution, de Dimitri Mendeleiev qui posait la carte d'identité d'un atome par case, ordonné par masse croissante et disposé par similitude de valence. Il faudrait encore rappeler l'ouverture du champ marginal de la chimie physique ou Physikalische Chemie, qui fournit matière à Albert Einstein, jeune héritier des chimistes tenant de l'atomisme et des physiciens théoriciens les plus proches des techniques et de la science expérimentale, comme James Clerk Maxwell ou Boltzmann.

Le mouvement, d'après la mécanique ondulatoire, est propagation, et non pas transport matériel. L'étude capitale de la physique, c'est d'abord la manière de se propager, le mouvement permet la propagation de l'information et la formation, sorte d'autocanalisation par invention, de la liaison informante et structurante. Le corps mobile dans l'espace ou la consistance matérielle du mobile n'est qu'une apparence en mécanique quantique.

Notons que la bonne physique ou l'excellente chimie définissent bien leurs domaines d'investigation et partent dans une quête éperdue de précision. La science ne se préoccupe nullement du monde religieux défini précédemment alors que ses résultats bousculent les petites certitudes routinières des religions naturalistes. La modeste tâche de Ruyer a été de fondre des modèles généraux incluant les mécanismes et les valeurs, de restaurer une continuité entre le monde des sciences et le monde philosophique étrangement assimilable au religieux.

De la proximité évidente de la philosophie et de la religion

Ruyer reconnaît la vérité extirpée par le labeur des sciences humaines, au contraire d'un Foucault ou d'un Derrida, adeptes d'un double jeu qui utilisait les sciences sociales pour les réduire ou les détruire alors qu'ils s'en nourrissaient tant par une pratique cachée que par une distance scolastique sans servitude à la recherche.

Cet optimiste théiste est donc capable d'être sceptique devant les grandeurs trompeuses de la philosophie, qu'il assimile avec finesse à un type de posture religieuse et parfois en privé, à une franche imposture ou à une mystique inconsciente.

Le monde correspond à la nature, à laquelle il faut soustraire le point divin. Dieu est le lieu de l'unique puissance transpatiale, inséparable de la nature mais différent d'elle. L'homme ne peut être un pur individu car il est mu par des archétypes religieux, des archétypes surbiologiques comme les valeurs ou des essences, des réminiscences rituelles[14]. Si l'homme mu par des valeurs est happé inévitablement et même de façon inconsciente par le domaine religieux, l'animal en harmonie avec ses instincts ne sort pas fondamentalement de son domaine vital, conservant une extraordinaire efficacité qui fait défaut au primate à la conscience évoluée, retournée vers l'extérieur pour découvrir le cosmos inconnu et s'adapter au monde naturel. La très grande diversité des espèces animales correspond en un sens approché à la multiplicité des caractères, des individualités humaines influencées par leur appartenance à une culture, à un monde humain spécifique, et à l'extrême à un champ philosophique ou scientifique.

On pourrait extrapoler, en guise de caricature, que le panpsychisme de Ruyer ne puisse qu'aboutir à la reconnaissance d'un déisme fondamental. Le philosophe pense le monde. La religion est l'accès à l'univers, à la totalité. Penser l'univers cosmique, c'est aborder la totalité du monde, et essayer d'en saisir le sens primordial est une activité autant philosophique que religieuse. Or le fait religieux est souvent à la limite de l'insignifiance, toute pensée repose en toile de fond, inconsciemment, sur les mythes. On pense sur un fond mythique. Le monde du sacré, qui prend l'aspect d'un autre monde, à la fois unique, indéfini, et à la limite rejoint l'au-delà ne garde un aspect réaliste que par l'archétype. Le monde du sacré fait le monde et le temps ordinaire.

La seule certitude à laquelle parvient Ruyer est l'impossibilité de l'athéisme, qui ne peut qu'être qu'une posture théorique et une affirmation purement verbale. Deus sive Ens totum. Le tout de l'être est là. Il faut accepter l'immanence formidable de Victor Hugo, puisque tout être implique une croyance primaire. Alors comment atteindre le géométral de toutes les perspectives de Leibniz, le focus imaginaire de Kant, le point de vue sans point de vue ou la prise de position sans position de Bourdieu ? Ruyer a répondu avec l'espiéglerie vosgienne : Si personne ne peut manquer Dieu, personne ne peut non plus le trouver. Et d'ajouter quatre lignes de philosophie religieuse pour contenter les inquiets :

  • 1. Il peut être utile que nos idées ne soient pas trop claires, afin d'éviter le dégoût et le mépris blasé.
  • 2. Si l'idée philosophique de Dieu est l'idée de quelque chose de transcendant dans l'immanent, Il est un utile barrage contre l'orgueil et une source constante d'humilité, nous épargnant la paranoïa, la mégalomanie, la démence qui font bon ménage avec un Dieu arbitraire et personnel, ou encore écrasant et tyrannique.
  • 3. La foi en l'unité aide à vivre et à penser le monde.
  • 4. L'optimiste déiste fait une bonne opération à peu de frais, vitalement efficace et théoriquement nulle. elle permet surtout de voir l'absolu de tous les êtres, la valeurs de toutes les valeurs. Au delà de la foi et de la technique, savoir correspond au doublon "savoir exister" et "savoir mourir".

S'il y a des thèmes universels des religions naturalistes, aptes à décrire les mondes des humains, leurs lubies, leurs caractères, leurs savoirs et techniques ou celui des animaux, leurs comportements et leurs instincts, par la compréhension de la psychologie, de la vie et des acquis de l'évolution biologique des espèces, ils sont présents dans la nature, autre nom de la totalité du monde. C'est cette nature que l'homme imite, redécouvre, perfectionne par participation. L'analogie entre nature et technique n'est point fortuite : l'antenne radio ressemble à une antenne d'insecte, la forme de phare à un oeil de calmar etc.

La nature, c'est-à-dire la vie comme un tout, est un intermédiaire immense entre l'homme et son groupe d'appartenance et à la limite du transpatial, la puissance transcendante du point polaire, unique convergence de tout l'univers. Si la communication rituelle opère par un acte créateur accepté, le groupe humain satisfait en retire un gain de puissance. Tous les mythes sont nés de ce retour au monde humain, souvent le plus familier, qui commande la mythopoïèse. Dieu que les anciens représentaient par un centre du monde, matérialisable par défaut, est source et puits d'où émanent et reviennent les valeurs vitales et les nourritures psychiques.

Les religions traditionnelles ou naturelles, d'essences naturalistes présentent sous des formes distinctes et parfois caricaturales une grande adéquation avec une juste approche avec les réalités biologiques et psychiques, même si elle ne parviennent pas à concevoir le point polaire divin. C'est par une analyse des valeurs authentiques et saines que Ruyer est conduit parfois à critiquer avec sévérité :

  • la science positiviste qui prétend prendre la place de la vraie religion
  • le dualisme gnostique superficiel
  • les nuisances idéologiques qui imposent la tyrannie politique puisque le dogmatisme de l'idéologie supprime tous droits de contestation et le dogme se mue en vérité sacrée.
  • toutes les fausses sciences, en particulier le véhicule d'idée mythique qu'est devenue une psychanalyse abusive et morbide
  • l'anthropologie culturaliste, donneuse de leçons.
  • le « zen de bazar » des hippies anarchiques.

L'écriture de Raymond Ruyer et sa réception

Les œuvres de Ruyer sont rédigées dans une langue simple et un style de grande clarté. Pourtant les ouvrages diffèrent fortement, même s'ils présentent une grande concision du message accessible. Les premiers ouvrages, en particulier sur "la conscience et le corps" ou "les valeurs" sont aisément abordables si le langage philosophique ou littéraire est subtilement maîtrisé. Les ouvrages d'après-guerre qui abordent la biologie, la psychologie et sa conception axiologique du monde sont en de multiples passages nettement moins accessibles car ils présupposent des connaissances scientifiques et techniques des domaines rencontrés. Enfin, l'auteur devenu un véritable écrivain s'est adonné avec plaisir à des exercices de vulgarisation de sa pensée, voire d'anticipation ou de canular philosophique.

Il n'empêche que ses idées qu'il sait si bien présenter avec concision sont beaucoup plus sophistiquées que le voile de simplicité apparente qu'elles revêtent aux yeux de lecteurs. Des comptes rendus d'universitaires ou de savants publiés dans des revues phares ou dictionnaire de philosophie étonnent souvent par leur contenu aberrant : la lecture rapide, négligée du rapporteur influence un résumé ou une critique qui n'a pas perçu le message évident et les supports et référents induits de nature scientifique ou alors le rédacteur a improvisé pour ne pas se perdre un article critique calquant une segmentation dogmatique, partisane ou idéologique fabriquée artificiellement à partir de son domaine de compétence. Il est donc dangereux d'aborder la pensée de Ruyer, qualifié de penseur secondaire et arbitrairement mis à part des grands courants de pensée, par des commentaires ou des articles généraux sur son œuvre.

Ruyer est très familier de la philosophie anglo-saxonne, et surtout de la seconde partie des investigations philosophiques de Ludwig Witgenstein, après que ce dernier a définitivement abandonné sa prime posture de logicien positiviste. Il est manifestement faux de classer Ruyer parmi les assidus de Bertrand Russell ou de Georges Moore, philosophes proches des écrivains et artistes de Bloomsbury et du modernisme littéraire anglo-saxon défenseur d'un courant de conscience. Ruyer n'est nullement un prolongateur du positivisme du XIXe siècle qu'il trouve fallacieux, il est moderne par sa méfiance toute witgensteinienne envers les fausses grandeurs et affirmations philosophiques, il l'est surtout car il a suivi le bouleversement des sciences à partir de 1905. Il lit les physiciens Louis de Broglie, Werner Heisenberg, Eddington, il suit l'évolution de la physique, de la chimie quantique... ainsi que de nombreuses techniques tout en étant vigilant sur les postulats tronqués des précurseurs de la cybernétique Norbert Wiener, Von Neumann, Bigelow, V. Bush, Mac Culloch, W.B. Cannon. Il a également suivi les principaux courants de la psychologie.

Ruyer n'est pas un historien et n'a pu bénéficier à Nancy que d'apports solides en histoire des religions, on peut affirmer qu'il commet quelques imprécisions que sa vaste culture générale l'empêche de généraliser en erreurs. Par contre, il a étudié avec assiduité les philosophes, savants et penseurs ainsi que les mœurs et l'histoire du XIXe siècle qu'il considère comme une époque singulière, vraiment marginale dans l'histoire de la pensée. Il apprécie les philosophes porteurs d'une pensée originale, Cournot, Proudhon, Nietzsche... et souvent même plus les écrivains forts, capables de voir le monde sans jérémiades ou incorporation de sourde haine.

Il manifeste beaucoup d'ironie envers les philosophes à la mode existentialiste ou journalistique, il pourfend les attitudes puériles sur de nombreux sujets de Sartre ou de Camus. Mais ces derniers, écrivains, homme de lettres et de théâtre, ainsi que maints autres défenseur des arts, étaient accaparés par leurs grandes œuvres sans nullement se préoccuper de l'essor concret des sciences et techniques.

Il reste que la clarté du Français Ruyer a été appréciée en Belgique et dans l'Europe centrale formée à la culture philosophique française. Peut-être parce que comme ces écoles de Roumanie, Tchécoslovaquie, Pologne, Albanie et Yougoslavie, initialement proches de la culture française, et de ses institutions animées dans les années 1920 d'une ambition formatrice, avaient tourné, comme lui, leur attention vers la pensée anglo-saxonne ou allemande en mutation. Ainsi Jan Patochka, né en 1907, le penseur tchèque résistant des années de normalisation quelques années après 1968, a suivi et apprécié l'apport de Ruyer.

Ouvrages et principaux articles de Raymond Ruyer

  • Esquisse d'une philosophie de la structure (Presses Universitaires de France, 1930)
  • L'humanité de l'avenir d'après Cournot (Presses Universitaires de France)
  • La conscience et le corps (Presses Universitaires de France, 1936 puis Alcan, 1937)
  • "Le psychologique et le vital", Bulletin de la Société française de Philosophie, novembre 1938.
  • Éléments de psycho-biologie (Presses Universitaires de France, 1946)
  • Le monde des valeurs (Aubier, 1947),
  • L'Utopie et les Utopies (Presses universitaires de France, 1950),
  • L’action à distance d’après la science contemporaine - Revue Métapsychique, 1951, n°16, 183-196
  • Néofinalisme (Presses universitaires de France, 1952),
  • La cybernétique et l'origine de l'information (Flammarion, 1954; édition révisée et complétée dans la collection Science de la nature en 1967),
  • La genèse des formes vivantes (Flammarion, 1956 puis 1958; réédité après révision et complément sous le titre L'origine des formes vivantes, collection Science de la nature, 1967)
  • La philosophie de la valeur (Armand Colin, 1959),
  • Paradoxes de la conscience et limites de l'automatisme (Albin Michel, 1960 puis 1966),
  • L'animal, l'homme, la fonction symbolique (Gallimard, 1964)
  • Éloge de la société de consommation (Calmann-Lévy, 1969),
  • Dieu des religions, Dieu de la science (Flammarion, 1970),
  • "Finalité", in Encyclopaedia Universalis, Corpus 9, Paris, 2002, article préservé, rédigé pour l'édition 1970.
  • Les nuisances idéologiques (Calmann-Lévy, 1972),
  • La gnose de Princeton (Fayard, 1974 et « Pluriel », 1977),
  • Les nourritures psychiques (Calmann-Lévy, 1975),
  • Les cent prochains siècles (Fayard, 1977),
  • Homère au féminin ou La jeune femme auteur de l'Odyssée (Copernic, 1977),
  • L'art d'être toujours content (Fayard, 1978),
  • Le sceptique résolu (Robert Laffont, 1979).
  • Souvenirs -1- Ma famille alsacienne et ma vallée vosgienne (Vent d'Est 1985)
  • L’embryogenèse du monde et le Dieu silencieux, manuscris nepublicat, Université de Nancy, 1983-1987.

Citations

  • « Une culture établie, protégée, subventionnée, constituée en Église ou chapelle vivant aux dépens du public risque fort de n'être qu'une fausse culture.(..) La vraie culture, le vrai sport, l'art véritable comme la vraie religion, est plus réellement démocratique. Elle est plus réellement et plus spontanément demandée. Elle ne va pas de haut en bas, jusqu'au peuple, à partir de mystérieux arcanes habités par des grands prêtres » in Eloge de la société de consommation, 1970
  • « Il est aussi puéril de se croire le seul créateur de ses œuvres que le seul créateur de ses enfants » in Dieu des religions, Dieu de la science, 1970.
  • « Dieu se partage : après partage, il n'est plus tout puissant. Il est l'Idéal qui permet les idéaux. Il est l'Éternel qui permet l'intemporel. », sur le partage du pouvoir créateur, ibidem supra.
  • « La conscience (créativité) est, en tout être, une parcelle de divinité partagée. (...) La conscience est présence absolue d'un sens ou d'une forme signifiante. », ibidem supra

Ouvrages au sujet de Raymond Ruyer

  • Sylvie Leclerc-Reynaud, Pour une documentation créative, l'apport de la philosophie de Raymond Ruyer, Collection Science et techniques de l'information, 2007. ISBN 2-84365-085-2
  • Fabrice Colonna , Ruyer, Les Belles Lettres, 2007. ISBN 2-251-76056-3
  • Laurent Meslet, Le psychisme et la vie, Harmattan, 2005 ISBN 2-7475-8688-X
  • Laurent Meslet, La philosophie biologique de Raymond Ruyer, 1997 ISBN 2-284-00489-X
  • Louis Vax et Jean-Jacques Wunenburger (collectif sous leur direction), Raymond Ruyer, de la science à la théologie, Editions Kimé, 1995.

Notes et références

  1. Grand lecteur, il a constaté la qualité inégale des biographies, nullement garante de scientificité, qui ont effectué un retour en fraude selon Pierre Boudieu dans le champ universitaire après 1970
  2. Dès qu'ils avaient un moment de libre, ils filaient vers les Vosges (témoignage d'un des petits-enfants sur le couple Ruyer). A Plainfaing, le couple retrouvait le vaste réseau de la parentèle maternelle et cultivait l'amitié de gens simples, voisins ouvriers-paysans, retraités parfois de carrières techniques, comme dans l'Aérospatiale. Un des hobbies constants de Raymond, fasciné par les incommensurables propriétés de support optique de l'espace était la peinture de paysage. A Nancy, l'appartenance au milieu universitaire avait ouvert une porte de communication de la famille avec l'élite culturelle et artistique de la ville.
  3. Et les plus opportunistes se nourrissant déjà du malheur, les donneurs de leçons politiques de se positionner en nouveaux parasites, les chanceux privilégiés d'afficher leur mépris envers les perdants. Les différentes allusions à la pensée de l'auteur sont présentes dans de courts passages, égrenés dans son premier tome de souvenirs
  4. L'écoute des deux secondes sonates en si bémol majeur de Frédéric Chopin et de Serguei Rachmaninov fait ressentir l'essence de cette tristesse et de cette mélancolie nostalgique face aux souvenirs vécus. Anton Rubinstein disait de la première qu'elle était un poème de la mort. Hélène Grimaud pour lesquels il représente la thématique "mort et transcendance" a choisi de les interpréter sur son CD Chopin/Rachmaninov, Deutsches Grammaphon, 2005.
  5. L'Empire Boussac né après 1920 continue et développe de manière caricaturale cette tradition de direction ouvrière bien implantée dans les Vosges.
  6. La mère de l'épouse, c'est-à-dire la grand-mère de Mayi tenait l'épicerie de l'entrée du village bascophone.
  7. Il a été un fin observateur de cette période de fraude et d'abus économiques et sociaux. Sa description sans illusion du modèle soviétique et son attachement au libéralisme économique, en optimiste de l'économie de marché et en conservateur des valeurs familiales traditionnelles, viennent de cette perception alors empreinte de lucidité
  8. Un bref aperçu dans "Les Universités de Nancy", Le Pays lorrain, n° hors-série, mai 2003 ; 102 p. Aujourd'hui sous forme de trois Universités(Nancy-I, Nancy-II et INPL), Nancy a durant tout le vingtième siècle multiplié des pôles d’excellence : en mathématiques (groupe Nicolas Bourbaki), en physique (mécanique), en médecine, en chimie théorique et quantique, en génie chimique, en géologie, en géographie rurale, en histoire (histoire des religions chrétiennes), en philosophie (œuvre de Raymond Ruyer), en linguistique (le Trésor de la Langue française), en formation continue (CUCES) et dans le domaine des relations universitaires internationales (Centre européen universitaire).
  9. Beaucoup de liens entre les deux Raymond : Aron reste attaché à Nancy, qui est la ville d'origine de ses parents industriels devenus parisiens, les racines vosgiennes et alsaciennes de Ruyer rappellent sous des lointaines formes d'appartenances communautaires et familiales, la marginalité juive d'Aron
  10. La révélation des choses cachées ou le dévoilement de pseudo-faits mystérieux fait vendre depuis le début du monde, et pas seulement en philosophie.
  11. Ce n'est qu'un demi-mensonge puisque le monde de la recherche est formé de groupe de travail en laboratoire.
  12. Il existe un grand nombre de lignes d'activité discernables qui restent invisible sur le plan des mécanismes
  13. La conscience n'est pas un état, elle est acte. Un tableau est vu, une mélodie entendue, ce sont des formes qui se présentent. La conscience pure est fascination par l'essence. L'actualisation de l'essence fait toujours exister une individualité, un "je" en même temps que l'essence. Vie et conscience sont indissociables. La vraie conscience est une unité absolue à double sens. "je" résumable à "ici, maintenant" exprime commodément l'absolu de la présentation et de l'actualisation du sens. Il n'existe que par cette présentation et actualisation du sens.
  14. Mettons à part les réminiscences instinctives caractéristiques de l'animal, qui ne réapparaissent chez l'espèce humaine qu'en conditions extrêmes de longue survie

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Raymond Ruyer de Wikipédia en français (auteurs)

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