Arrêt Kress

Arrêt Kress

Commissaire du gouvernement (France)

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En France, l’appellation commissaire du gouvernement désigne ou désignait plusieurs fonctions très différentes, par exemple :

  • devant certaines juridictions administratives, il s'agissait, d’un membre de la juridiction elle-même intervenant à l’audience pour analyser le litige et proposer une solution. Il est dénommé "rapporteur public" depuis le 1er février 2009.
  • devant certaines commissions ou assemblées, il s’agit d’un représentant du Gouvernement ou de l’administration

Sommaire

Juridictions administratives et Tribunal des conflits

Cas des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des formations contentieuses du Conseil d'État

C'est dans cette fonction que l'appellation « commissaire du gouvernement » fut à la fois la plus célèbre et la plus ambiguë.

Un décret en Conseil d'État en a changé le nom à compter du 1er février 2009[1], au profit de l'appellation « rapporteur public ».

On se reportera à l'article rapporteur public.

Historique

La fonction est créée au sein du Conseil d'État par les ordonnances des 2 février et 12 mars 1831[2] et il est dénommé à l'époque « maître des requêtes faisant fonction de ministère public » ou « commissaire du roi »[3],[4].

L'appellation sous laquelle cette fonction reste la plus connue, celle de « commissaire du gouvernement », avait été introduite sous la seconde République en 1849 [5].

C'est était un magistrat (devant un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel) ou un membre du Conseil d'État (devant le Conseil d'État), qui « expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent. » (article L7 du Code de justice administrative).

Certaines conclusions des commissaires du gouvernement devant le Conseil d'État ont marqué le droit administratif et aident à comprendre les jurisprudences les plus importantes.

Devant le Tribunal des conflits

L'article 6 de la loi du 4 février 1850 portant sur l'organisation du tribunal des conflits dispose : « Les fonctions du ministère public seront remplies par deux commissaires du gouvernement choisis tous les ans par le Président de la République, l'un parmi les maîtres des requêtes au Conseil d'État, l'autre dans le parquet de la Cour de cassation. »

Le Tribunal ne peut statuer qu'après avoir entendu les conclusions du commissaire du gouvernement (art. 4 de la loi), qui est pleinement indépendant.

Si le rapporteur appartient au Conseil d'État, alors le commissaire du gouvernement doit être un magistrat de la Cour de cassation, et réciproquement (art. 7 de la loi).

Devant les chambres régionales des comptes

Avant la réforme de 2008, il existait aussi des commissaires du gouvernement devant les chambres régionale des comptes, chargés, d'assurer le ministère public. L'article L212-10 du code des juridictions financières[6] disposait : « Chaque chambre régionale des comptes comporte un ou plusieurs commissaires du Gouvernement, choisis parmi les magistrats membres du corps des chambres régionales des comptes, qui exercent les fonctions du ministère public et sont les correspondants du procureur général près la Cour des comptes. ». Ces personnes sont désormais appelées « procureur financier ».

Le ministère public des juridictions financières est hiérarchisé comme celui des juridictions judiciaires et il requiert l'application des amendes prévues par la loi. Il peut faire appel des jugements[7]. La fonction de commissaire du Gouvernement des chambres régionales des comptes est donc très différente de celle exercée devant le Conseil d'État siégeant au contentieux, devant les cours administratives d'appel ou les tribunaux administratifs.

Devant divers autres conseils, assemblées, commissions et juridictions

Dans ce dernier cas, un commissaire du gouvernement est une personne, généralement un fonctionnaire, chargée de représenter le gouvernement ou l'administration. C'est un tout autre rôle que celui de l'ancien commissaire du gouvernement devant les formations contentieuses du Conseil d'État (appelé désormais rapporteur public).

On trouve ainsi des commissaires du Gouvernement :

Devant les assemblées parlementaires

Devant les assemblées parlementaires, on appelle commissaires du Gouvernement les personnes chargées d'assister les membres du Gouvernement (article 31 alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958)[12]. Ils sont nommés par un décret collectif du Premier ministre contresigné par le ministre que les commissaires vont assister. Les décrets portant nomination de commissaires du Gouvernement conservent leur validité pendant toute la durée des débats pour lesquels ils ont été établis, même dans le cas de lectures successives.

Dans la procédure en fixation des indemnités d’expropriation

C'est enfin l'appellation du fonctionnaire assurant une sorte d'expertise au nom de l'administration devant le juge civil lors de la procédure en fixation des indemnités d’expropriation (article R13-7 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique[13]). Le décret n° 2005-467 du 13 mai 2005 portant modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, modifiant cet article, afin d'assurer la conformité de la procédure aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme[14],[15], a précisé que :

  • la désignation du commissaire du fonctionnaire suppléant, dans cette fonction, le directeur des services fiscaux « ne peut porter sur des agents ayant, pour le compte de l'autorité expropriante, donné l'avis d'estimation préalable aux offres d'indemnité »,
  • « Le commissaire du Gouvernement exerce ses missions dans le respect du principe de la contradiction guidant le procès civil. »

La Cour de cassation a récemment eu à juger une affaire concernant la procédure d'expropriation et a apporté quelques précisions[16]. Plusieurs commentaires d'universitaires peuvent également être consultés[17].

Notes et références

  1. Cf. décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions.
  2. François Burdeau, Histoire du droit administratif, Presses universitaires de France, 1995 (ISBN 2130468934), p. p. 93 ; Nicolas Rainaud, Le commissaire du gouvernement près le Conseil d’État, LGDJ, 1996 (ISBN 227500226X) 
  3. Marc Bouvet, Le Conseil d'État sous la monarchie de Juillet, t. tome 17, LGDJ, coll. « Bibliothèque de science administrative », 2001 (ISBN 978-2-275-02049-5), p. p. 357 . Cf. aussi les expressions « maîtres de requêtes désignés pour remplir les fonctions de commissaire du roi » (ordonnance du 18 septembre 1839) et « commissaires du roi chargés de donner des conclusions » (loi du 19 juillet 1845).
  4. Sur les premiers commissaires du roi : « Il est remarquable que ces hommes ne se sentirent aucunement liés par l’esprit de l’ordonnance du 12 mars 1831 ni par les discours des juristes ou hommes politiques de l’époque. Le comportement de ces commissaires du roi a manifesté rapidement une liberté de conduite et de ton. Leurs pratiques, allant à l’encontre de ce que l’on attendait d’eux à l’origine, leur ouvraient lentement la voie de l’indépendance. « En effet non seulement ils n’exerçaient pas les attributions essentielles du Parquet (mise en mouvement de l’action publique, recours en révision ou en interprétation) mais encore, fait essentiel, ils présentaient leurs observations en toute indépendance et concluaient aussi bien au rejet des prétentions de l’administration que de celles des parties privées. » Olivia Schwarz, La compatibilité entre la conception française et la conception européenne du commissaire du gouvernement près le Conseil d'État, p. p. 11 et s. 
  5. Après une décision Conseil d'État du 1er juin 1849, qui fait suite à la loi du 3 mars 1849. Elle fut reprise ensuite par un décret du 20 janvier 1852 sous le second Empire, puis sous la IIIe République par la loi du 24 mai 1872. Cf. Bruno Genevois : « L’arrêt Kress de la Cour européenne des droits de l’homme », RFDA 9-10/2001 p.997.
  6. Article L212-10 du code des juridictions financières
  7. Article L243-1 du code des juridictions financières
  8. Article R123-24 du Code de justice administrative : « Dans chaque ministère, des décrets pris sur la proposition des ministres intéressés désignent des fonctionnaires ayant au moins rang de directeurs, qui sont habilités à assister en qualité de commissaire du Gouvernement aux séances du Conseil pour l'ensemble des affaires du département dont ils relèvent. Des fonctionnaires peuvent être en outre désignés par arrêté ministériel pour prendre part à la discussion d'une affaire déterminée. « Les commissaires du Gouvernement assistent avec voix consultative aux séances de l'assemblée générale, des commissions ou des sections pour les affaires qui dépendent de leurs services. »
  9. L'article L222-4 du Code de la sécurité sociale dispose que : « La caisse nationale est un établissement public national à caractère administratif . Elle jouit de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Elle est soumise au contrôle des autorités compétentes de l'État. » « Celles-ci sont représentées auprès de la caisse nationale par des commissaires du Gouvernement. »
  10. L'article L641-3 du Code de la sécurité sociale dispose de même que : « L'autorité compétente de l'État est représentée au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales par un commissaire du Gouvernement. »
  11. L'article D224-3 du Code de la sécurité sociale dispose que : « Le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé du budget sont représentés auprès de l'union des caisses nationales de sécurité sociale chacun par un commissaire du Gouvernement » « Les commissaires du Gouvernement assistent aux séances du conseil d'orientation et sont entendus chaque fois qu'ils le demandent »
  12. Cf. Article 31 de la Constitution : « Les membres du Gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils sont entendus quand ils le demandent.
    « Ils peuvent se faire assister par des commissaires du Gouvernement. »
  13. Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, art. R13-7
  14. CEDH, Yvon c. France, 24 avril 2003, no 44962/98
  15. Circulaire relative à l'entrée en vigueur du décret n°2005/467 du 13 mai 2005 portant modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, CIV 2005-16 D2/03-10-2005, NOR : JUSCO520646C, BO du Ministère de la Justice, n° 100 (1er octobre au 31 décembre 2005)
  16. Attendu « qu'il n'avait pas été fait application de l'article R. 13-35 du code de l'expropriation, ni des textes susceptibles de donner au commissaire du gouvernement une position dominante, que ce dernier avait été soumis dans la procédure aux mêmes obligations que les parties, celles-ci ayant été autorisées à répondre à ses observations, qu'à la demande de la cour d'appel et de l'exproprié, le commissaire du gouvernement avait produit l'ensemble des mutations réalisées en 2003 et 2004 sur la commune de Potelières et des communes limitrophes et que les parties avaient indiqué qu'elles ne s'opposaient pas à son intervention », la procédure a été régulière « au regard du principe de l'égalité des armes édicté l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Cf. Cass. 3e civ., 11 octobre 2006, Société civile d'exploitation agricole La Ferme du bouc, N° 05-16099.
  17. Cf. Une tentative de « conventionnalisation » du Code de l'expropriation par René Hostiou (4 juillet 2005), et Instantané d'audience, à propos du caractère équitable de la procédure judiciaire en droit de l'expropriation par Frédéric Rolin (23 novembre 2006)

Bibliographie

  • Bernard Asso, Frédéric Monera, avec la collaboration de Julia Hillairet et Alexandra Bousquet, Contentieux administratif, Studyrama, 2006 (ISBN 2-84472-870-7) 
  • René Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 2006 (ISBN 978-2-7076-1441-4) 

Liens externes

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