Pierre Jean Olivi

Pierre Jean Olivi

Pierre de Jean Olivi

Pierre de Jean Olivi (en latin Petrus Joannis Olivi) ( v. 1248 à Sérignan, Hérault - mort le 14 mars 1298, à Narbonne) était un religieux franciscain et un théologien français du Moyen Âge qui a exercé une influence considérable sur les Franciscains du Languedoc et sur les Béguins qui les entouraient. C'est lune des figures les plus marquantes, tant de lhistoire intellectuelle occidentale que de lhistoire religieuse du Languedoc dans la deuxième moitié du XIIIe siècle.

Sommaire

Biographie

à Sérignan en 1248 ou 49, entré à lâge de 12 ans chez les Franciscains de Béziers, Pierre de Jean Olivi a étudié à lUniversité de Paris dans les années 1267-72, au moment de leffervescence intellectuelle provoquée par la redécouverte de lensemble des œuvres dAristote et la présence de Thomas dAquin et de Bonaventure de Bagnorea. De retour en Languedoc, Olivi enseigne comme « lecteur » dans différents couvents : il est sans doute à Narbonne en 1278-79 et à Montpellier en 1283, cest quil est atteint par la censure dune vingtaine de thèses erronées quon lui impute : cette condamnation, plus politique que doctrinale, vise dabord à mettre au pas un esprit trop indépendant, et ruine ses espoirs de carrière universitaire à Paris. Après avoir été suspendu denseignement pendant quatre ans (et sans doute assigné au couvent de Nîmes), il est réhabilité en 1287 et nommé « lecteur » dans le prestigieux couvent de Florence (peu après, Dante y a suivi les cours dun disciple dOlivi). Il revient à Montpellier en 1289, puis est à nouveau nommé à Narbonne (sans doute dès 1292), il enseigne jusquà sa mort, le vendredi 14 mars 1298.

De son vivant, Olivi a exercé une influence considérable sur les Franciscains du Languedoc et des groupes de Laïcs (les Béguins) qui les entouraient, et suscité des inimités tout aussi fortes. Dès lannée qui suivit sa mort, la lecture de ses œuvres était de nouveau interdite (certains frères sont morts en prison pour avoir refusé de rendre ses livres) et larchevêque de Narbonne, Gilles Aycelin, prit des mesures contre les Béguins.

Pourtant, le culte dOlivi se développait : sa tombe, dans le couvent franciscain de Narbonne attirait en pèlerinage des foules importantes, des miracles sy produisaient (la fameuse Dame Prous Boneta y reçut une illumination) et le 14 mars était célébré dans toute la région. Grâce à lintervention du célèbre médecin Arnaud de Villeneuve (qui fut sans doute ami dOlivi) auprès du Pape, un compromis fut trouvé en 1312, les couvents de Narbonne et Béziers étant laissés aux Franciscains « spirituels » qui se réclamaient dOlivi. Mais en 1317, le Pape Jean XXII intervint plus violemment. Les spirituels étaient cités à Avignon, en dépit dun appel des consuls de Narbonne qui tentèrent de retarder léchéance, et quatre dentre eux furent brûlés à Marseille. Pour mettre fin au culte populaire, le corps dOlivi fut exhumé en secret (on ne sait toujours pas ce quil est advenu) et linquisition sattaqua aux Béguins (dont la propre nièce dOlivi qui vivait à Sauvian) qui protégeaient les spirituels en fuite.

Œuvre

Lœuvre dOlivi, actuellement en pleine redécouverte, constitue une contribution de premier ordre à la grande scolastique. Au point de vue philosophique, il sagit de lune des premières discussions méthodiques des thèses de Thomas dAquin, qui a abouti à des positions souvent originales. La reformulation Olivienne des questionnements traditionnels de lécole franciscaine a revêtu une importance décisive dans les décennies suivantes, malgré linterdit pesant sur la lecture de ses œuvres (notamment pour Jean Duns Scot, Guillaume d'Occam, Pierre Auriol, Guillaume Durand de Saint-Pourçain) mais lon retrouve également certains de ses thèmes spécifiques chez les Jésuites Espagnols et jusque chez Descartes. Lun des ressorts paradoxal de sa démarche, vise à défendre la vérité révélée contre les erreurs des philosophes, en attaquant ces derniers sur leur propre terrain, et en réclamant, en ce domaine, une très large liberté denquête.

Son "Traité des contrats" qui analyse la moralité des actes marchands en établissant notamment une distinction entre « argent » et « capital » constitue louvrage le plus marquant en ce domaine de tout le Moyen Âge.

Mais les deux aspects de son œuvre qui ont suscité la ferveur et les attaques concernent la pauvreté Franciscaine et linterprétation de lApocalypse.

Sur le premier point, Olivi soutient que les franciscains, outre labandon de toute propriété, sont liés par leur vœu à un « usage pauvre » des biens dont ils disposent. Cette notion visait plus un certain esprit que des prescriptions déterminées, mais les spirituels lont interprété de façon bien plus rigide, et se sont battus pour ne posséder, par exemple, ni grenier à provisions, ni manteau supplémentaire pour lhiver.

Sur le second point, sinspirant de Joachim de Flore, Olivi est lun des premiers à envisager, après un premier combat contre lAntéchrist, une période de paix et de compréhension spirituelle de 600 ans. Certain de ce schéma densemble et des persécutions et tentations quauraient à surmonter les Franciscains, Olivi sest retenu didentifier avec précision les événements contemporains, et a maintenu comme principes lobéissance au Pape et lunité de lordre franciscain. Au contraire, les spirituels ont vu la main de lAntéchrist chez leurs adversaires, et ont tragiquement interprété les persécutions quils subissaient comme signe de leur élection.

Isaac de Larrey, historiographe des États généraux, après avoir pris connaissance du dossier de censure de la Lectura super Apocalypsim, considère qu'Olivi est doté dun « esprit prophétique » : cest « un Prophète qui prèche hautement la restauration de lÉvangile[1]. »

Si lon ne sait presque rien de la famille dOlivi et de son milieu dorigine, limportance de son ancrage local ne fait aucun doute. Cest dans le contexte dune région marquée par la répression du catharisme, hostile aux Dominicains mais accueillante aux Franciscains, quil faut comprendre ce personnage aussi fascinant que complexe Bernard Délicieux, qui fut sans doute lélève dOlivi, puis son successeur comme lecteur à Narbonne, confronté à un regain de catharisme à Carcassonne, Albi et Castres, sest opposé à linquisition Dominicaine, en cherchant à réintégrer dans léglise, de façon plus souple, les élites locales déviantes. En bas Languedoc, cest le courant de spiritualité exigeante dans lequel sinscrit Olivi, qui a sans doute prévenu lémergence de ce « second catharisme » en fournissant une expression à ces aspirations diffuses. Et, neut été la répression sanglante du mouvement qui se réclama de lui, il sen est fallu de peu quil ne devienne lun des saints les plus intensément vénérés du Languedoc.

Le colloque, organisé à Narbonne et à Sérignan en 1998 autour de la date précise du septième centenaire de sa mort, se proposait dexaminer lensemble des aspects de son œuvre, et du surprenant accueil populaire qui lui a été réservé, et de chercher à en saisir la cohérence. Plus que dune simple célébration, il sagissait de faire le point sur les travaux en cours et de coordonner une recherche foisonnante, autour dune personnage dont limportance et loriginalité ne cessent de saffirmer.

Note : seule la forme latine de son nom est attestée : Petrus Joannis Olivi. Diverses reconstitutions de son nom en Français ont été proposées : Pierre de Jean Olieu, Déjean Olieu, Janolieu, etcLa dimension internationale du colloque nous a incité à conserver la forme latine, adoptée depuis un siècle par la communauté des chercheurs.

Œuvres traduites

  • La Matière, textes choisis, éd. Vrin, Translatio, 2009 (bilingue).

Bibliographie

  • Alain Boureau et Sylvain Piron (éd.), Pierre de Jean Olivi. Pensée scolastique, dissidence spirituelle, Vrin, 2000.
  • David Burr, L'histoire de Pierre Olivi, Franciscain persécuté. Le CerfEditions Universitaires de Fribourg (coll. Vestigia 22) 1997 (édition originale Philadelphie 1976).
  • François-Xavier Putallaz, Insolente liberté. Controverses et condamnations au XIIIe siècle, ch. 4, « Pierre de Jean Olivi ou la liberté exaltée ». Le Cerf - Editions Universitaires de Fribourg (coll. Vestigia 15) 1995.
  • Raoul Manselli, Spirituels et Béguins du Midi, trad J. Duvernoy, Toulouse. Privat 1981 (éditions originale, Rome 1959).
  • Franciscains dOc. Les Spirituels, 1280-1324 (Cahiers de Fanjeaux, 10) Toulouse Privat 1975.
  • Jean Louis Biget, « Autour de Bernard Délicieux. Franciscains et société en Languedoc entre 1295 et 1330 » in Mouvements Franciscains et société française. XIIIème-XXe siècle. André Vauchez dir. Paris. Beauchesne, 1984 pp75-93.

Notes et références

  1. Isaac de Larrey, Histoire dAngleterre, dEcosse et dIrlande ; avec un abrégé des événemens les plus remarquables dans les autres états, Rotterdam, Reinier Leers [puis] chez Fritsch & Böhm, 1707-1713

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