Pas de printemps pour marnie

Pas de printemps pour marnie

Pas de printemps pour Marnie

Pas de printemps pour Marnie
Titre original Marnie
Réalisation Alfred Hitchcock
Acteurs principaux 'Tippi' Hedren : Marnie Edgar
Sean Connery : Mark Rutland
Diane Baker : Lil Mainwaring
Martin Gabel : Sidney Strutt
Louise Latham: Bernice Edgar
Bruce Dern : Le marin
Scénario Jay Presson Allen d'après le roman de Winston Graham
Musique Bernard Herrmann
Décors Robert Boyle
George Milo
Costumes Edith Head
Photographie Robert Burks
Montage George Tomasini
Production Alfred Hitchcock
Société de distribution Universal Pictures
Budget 3 000 000 dollars US[1]
Format 1,85:1
Genre Thriller
Durée 120 minutes
Sortie 6 novembre 1964
Langue(s) originale(s) Anglais
Pays d’origine États-Unis États-Unis

Pas de printemps pour Marnie (Marnie) est un film américain, du genre suspense-thriller, réalisé par Alfred Hitchcock et sorti sur les écrans en novembre 1964. 49e long-métrage d'Hitchcock, il est inspiré d'un roman de Winston Graham, Marnie, mais réécrit par la scénariste Jay Presson Allen.

Sommaire

Le Film

Description générale

Synopsis

Ce qui suit dévoile des moments clés de l’intrigue.

Mark Rutland sait qu'à chaque nouvel emploi Marnie Edgar déleste ses employeurs. Intrigué par son comportement et attiré par sa fascinante beauté, il l'engage tout de même comme secrétaire-comptable dans sa maison d'édition. Un jour, la jeune femme s'enfuit avec la caisse. Mark s'aperçoit du vol et donne le choix à Marnie entre le mariage ou la dénonciation à la police.

Fiche technique

Distribution

Acteur Rôle Acteur Rôle
Rôles principaux 'Tippi' Hedren Marnie Edgar/Margaret Edgar/Peggy Nicholson/Mary Talor Sean Connery Mark Rutland

Rôles secondaires Diane Baker Lil Mainwaring Mariette Hartley Susan Clabon
Martin Gabel
(VF : René Arrieu)
Sidney Strutt Alan Napier M. Rutland
Louise Latham Bernice Edgar Bruce Dern Le marin
Bob Sweeney Cousin Bob Milton Selzer L'homme de l'hippodrome

Genèse du film

En 1964, l'année de la sortie de Pas de printemps pour Marnie, Alfred Hitchcock était sans doute le réalisateur le plus connu aux États-Unis[3]. Le succès de ses derniers films, que ce soit La Mort aux trousses ou Psychose, comme l'impact produit par quelques jeunes cinéastes français de la Nouvelle Vague clamant haut et fort qu'Hitchcock était un génie, faisaient leur effet[4]. Le réalisateur avait conquis le grand public autant que les cinéphiles, et l'attente était grande.

À sa sortie Pas de printemps pour Marnie reçut un accueil mitigé[5]. Il fallut attendre quelques années avant que soit reconnu au film sa véritable valeur de chef-d'œuvre construit avec toute l'intelligence qui caractérise le génie d'Alfred Hitchcock[6].

Un projet ancien

C'est en 1960, durant un week-end passé à Santa Cruz, qu'Alfred Hitchcock, à la recherche d'un sujet pour un nouveau film, lut le dernier livre paru de l'écrivain Winston Graham : Marnie, dont l'intrigue est basée sur l'histoire d'un femme kleptomane et frigide qui entreprend une psychanalyse[7]. Ce thriller psychologique ne pouvait que séduire le réalisateur[8].

Marnie ne sera pourtant pas son prochain film. Hitchcock était alors accaparé par un étrange fait divers qu'il avait lu dans la presse, relatant une invasion d'oiseaux dans des maisons de la côte, et il se lança dans la réalisation d'un nouveau chef-d'œuvre, Les Oiseaux[8],[9]. Le projet Marnie ne fut pas abandonné, loin s'en faut. Hitchcock y pensait très régulièrement, et il travailla à son adaptation pendant le tournage.

Le casting

Un premier élément s'imposa immédiatement : le choix du premier rôle féminin. Il avait été conçu pour Grace Kelly[10]. Devenue princesse de Monaco, l'actrice était prête dans un premier temps à accepter[10], mais finalement, repoussa l'offre[10],[11]. Très déçu, Hitchcock se mit à la recherche d'une autre vedette. Plusieurs noms furent avancés, dont celui de Claire Griwold, la femme de Sydney Pollack que le réalisateur côtoyait à l'époque. Le choix semblait presque fait, quand Hitchcock effectua un de ces brusques revirements dont il avait le secret et décida de confier le rôle à son actrice fétiche du moment qu'il venait de diriger dans Les Oiseaux, Tippi Hedren[12]. Le réalisateur ne cachait pas son intention d'en faire une « nouvelle Grace Kelly » et elle s'avéra parfaite pour le rôle. Capable de se montrer tour à tour glaciale et sensuelle, Hedren fit une admirable Marnie.

Le choix de Sean Connery pour le rôle de l'aristocrate de Philadelphie Mark Rutland était plus osé. Surtout connu pour avoir incarné l'agent secret de Sa Majesté, James Bond (dont le premier épisode James Bond 007 contre Dr. No datait de 1962), l'écossais Sean Connery semblait loin du personnage qu'il devait incarner : son accent à couper au couteau et sa virilité un peu brusque seyaient mal à un grand bourgeois de la côte Est des États-Unis. Mais grâce à son charme et à la qualité de son jeu, l'acteur n'eut aucune difficulté à surmonter ces handicaps.

Connue pour ses seconds rôles, dont celui de Jenny dans Voyage au centre de la Terre, Diane Baker incarna la brune Lil opposée à la blonde Marnie. Le rôle du père de Mark revint à l'acteur anglais Alan Napier, mais Hitchcock avouera avoir été déçu, ne lui trouvant pas l'air qu'il aurait souhaité pour un aristocrate.

Quant à Louise Latham, devenu actrice sur le tard, c'est la scénariste Jay Presson Allen qui la présenta à Hitchcock pour interpréter la mère de Marnie. Il s'agissait de son premier film.

Le grand moment

Tippi Hedren, interprète de Marnie Edgar, en 2006

En mars 1962, en plein tournage des Oiseaux, Hitchocck confia à Evan Hunter le soin de travailler sur Marnie. Le scénariste se mit aussitôt au travail se plongeant notamment dans la lecture d'ouvrages sur l'hystérie féminine. Malgré cette application, des divergences de point de vue entre les deux hommes apparurent. Comme toujours, Hitchcock avait une idée très précise du film qu'il souhaitait réaliser. À ses yeux, le point essentiel résidait dans le lien unissant Marnie et Mark. Hitchcock ne cacha pas ses intentions: « J'aimais surtout l'idée de montrer un amour fétichiste. Un homme veut coucher avec une voleuse parce qu'elle est une voleuse. »

Car l'autre point fort du film à ce stade, l'élément qui semble avoir immédiatement retenu l'attention d'Hitchcock, à l'instar du meurtre sous la douche pour Psychose, était la scène du viol. « C'est le grand moment », dit le réalisateur. L'opposition entre le scénariste et le réalisateur se cristallisa sur ce point. Hitchcock tenait autant à montrer cette scène qu'Hunter se refusait à l'écrire : « Je ne voulais pas lui écrire cette scène, avouera-t-il, et je le lui ai dit. Je pensais qu'elle allait détruire toute sympathie pour l'homme et qu'elle n'avait aucun sens pour l'histoire. » Difficile en effet de faire d'un violeur un héros. Mais Hitchcock fut intraitable et, en avril 1963, il se sépara de son scénariste.

Pour remplacer Hunter, il fit appel à une scénariste de Broadway inconnue à Hollywood, Jay Presson Allen, qui comprit sa demande. Le choix d'Allen répondait également à un autre impératif: pour saisir en profondeur le caractère de l'héroïne, Hitchcock avait besoin d'une scénariste, et non d'un scénariste. Une femme qui puisse manier toute la subtilité nécessaire la psychologie de Marnie, point essentiel du scénario.

Réalisation

You Freud, me Jane !

Sean Connery, interprète de Mark Rutland en 1980

De quel point de vue aborder le personnage de Marnie ? Comment faire voir à l'écran ses obsessions et ses phobies ? Ces questions, Hitchcock se les est posées à de nombreuses reprises et il semble avoir envisagé toutes les solutions cinématographiques possibles. Il confiera à François Truffaut :

« Si j'avais, comme dans mon vieux film anglais Meurtre, utilisé le procédé du monologue intérieur, on aurait entendu Sean Connery se dire à lui-même : « Je souhaite qu'elle se dépêche de commettre un nouveau vol afin que je puisse la prendre sur le fait et la posséder enfin. » De cette manière, j'aurais obtenu un double suspense. Nous aurions filmé Marnie du point de vue de Mark et nous aurions montré sa satisfaction lorsqu'il voit la fille commettre son vol. [...] J'ai bien pensé construire l'histoire de cette façon ; j'aurais montré cet homme regardant et même contemplant secrètement un véritable vol. Ensuite, il aurait suivi Marnie la voleuse, l'aurait attrapée en feignant d'avoir retrouvé sa trace et il se serait emparé d'elle en jouant l'homme outragé. »

— Alfred Hitchcock à François Truffaut, Hitchcock/Truffaut

Le cas Marnie se voyait ainsi décuplé par le cas Mark Turland. L'obsession de cet homme devenait, au même titre que les angoisses de la femme qu'il convoite, un élément majeur dans le déroulement du scénario et la construction du film, au risque de brouiller le déroulement de l'intrigue et de disperser l'attention. La tache de Jay Presson Allen consista à faire de la psychologie de ces personnages le centre du suspense hitchcockienne. L'enquête purement policière fut délaissée au profit des éléments psychologiques. Hitchcock n'en conserva pas moins son fameux sens du rythme, qui culmine notamment dans la scène de l'analyse, après le cauchemar de Marnie. Psychanalyse de bazar, diront certains – mais n'est-ce pas ce que sous-entend Hitchocck lui-même quand il fait dire à Marnie : « You Freud, me Jane ! ». en référence à la fameuse réplique de Tarzan, tournant ainsi en dérision les ambitions de psychologue de Mark.

Hitchcock à tous les étages

Le scénario terminé, le tournage put commencer. Trois lieux différents furent nécessaire : Philadelphie, Atlantic City et Virginie, pour les vues extérieures de la chasse à courre. Toutefois, la plupart des prises furent réalisées en studio chez Universal Pictures. Hitchcock n'a jamais caché son peu de goût pour les tournages en extérieur. En studio, il pouvait maîtriser tous les éléments du film, jouer comme il l'entendait sur les décors et la prise de vue sans les contraintes inhérentes à un décor naturel. Comme à l'habitude, rien ne fut laissé au hasard.

Dans ces conditions, Hitchcock put se tenir à l'écart du tournage proprement dit, car tout avait été préparé à l'avance. Ceci ne l'empêchait pas de diriger ses acteurs avec fermeté, demandant par exemple à Louise Lorimer, qui jouait Mrs Strutt lors de la grande réception chez les Rutland, de sourire comme si elle avait de la porcelaine brisé dans la bouche

Le thème de Marnie

Ville de Baltimore où réside la mère de Marnie.

Marnie n'a aucune maîtrise de ses maux. Elle ignore la cause de ses pulsions de voleuse. Hitchcock utilisa des plans serrés sur le visage de ses personnages, sur leurs regards, afin de faire dire à la caméra ce qu'eux ne pouvaient exprimer. Il joua aussi sur les éléments traumatisants, comme le rouge, pour permettre au spectateur de sentir ce qui se passe dans la tête de Marnie.

Hitchcock se servit d'un autre élément essentiel pour mettre en relief les tourments du personnage : la musique. À nouveau, il la confia à son fidèle collaborateur Bernard Herrmann, ne tenant pas compte de l'avis contraire d'Universal Pictures. Le compositeur signa une musique pour grand orchestre symphonique, avec un thème musical qui épouse merveilleusement les états d'âme de Marnie, ses peurs comme ses espoirs. Autour du thème central, qui revient de manière récurrente comme un leitmotiv, la musique suit l'évolution du personnage. Les crises sont traduites par un motif bref (un glissando brusque à la clarinette, par exemple), suivi d'un retour au calme. Les scènes d'amour sont, elle traitées sur un mode romantique, avec envolée lyrique de cordes en crescendo. Le tout épouse parfaitement le scénario, notamment dans la scène de la chasse où la musique d'abord enjouée, évoque le plaisir de Marnie, puis devient de plus en plus oppressante au fur et à mesure que son angoisse se développe.

Des chevaux et des hommes

Un cheval de la même race que Forio.

La scène de chasse demandait effectivement du fait de son importance, des prouesses de la part du compositeur[13]. Cette scène-clé du film réunit tous les éléments essentiels et prépare la séquence finale. La chasse symbolise le piège que Mark a tendu à Marnie – qui est elle aussi un animal traqué et pris au piège. Quant à Forio, son cheval, il est son seul bonheur. Le cheval permet à Hitchocck de créer un lien crédible entre cette femme issue de l'Amérique profonde du Sud des États-Unis et la famille aristocratique de Mark. L'animal incarne également l'image du père absent comme l'indique le réalisateur : « Le cheval est l'image du père, elle n'a pas de père et, à la fin, elle doit tuer le cheval blessé. » Ce meurtre du père constitue un élément traumatisant, certes, mais il permettra à Marnie d'évoluer et, bientôt de revivre la scène du meurtre.

À l'absence du père s'oppose la figure centrale de la mère. Les peurs et les angoisses de Marnie apparaissent, se dévoilent et évoluent à l'occasion des visites qu'elle rend à sa mère. Ses vols ont à l'évidence un lien avec l'étrange relation qu'elle entretient avec elle, relation faite d'un amour démesuré sans cesse repoussé, comme refusé. Ils sont le moyen de fuir le milieu familial, mais aussi, et surtout, de s'élever aux yeux de celle dont Marnie ne cesse de rechercher l'amour – un amour maternel qui ne pourra s'exprimer vraiment qu'après l'explication finale.

Le léopard est un animal apprivoisé par Mark.

Alfred Hitchcock et 'Tippi' Hedren

Le tournage de Pas de printemps pour Marnie fut l'un des plus difficiles de toute la carrière d'Hitchcock et à coup sur le plus traumatisant. Non seulement le film mais aussi la poursuite de l'œuvre du cinéaste seront profondément marqués par les évènements. Racontés en détail dans la biographie célèbre de Donald Spoto, les différents assauts du cinéaste sur sa star vont instaurer une atmosphère pesante. Hitch commence par faire interdire le plateau aux visiteurs et fait porter tous les jours du champagne dans la loge de 'Tippi' Hedren. Puis un jour il raconte à l'actrice l'un de ses rêves :

« Vous étiez dans le séjour de ma maison de Santa Cruz, et il y avait une lueur, un arc-en-ciel, autour de vous. Vous êtes venue près de moi et m'avez dit : « Hitch, je vous aime. Je vous aimerai toujours »… Ne comprenez-vous pas (à voix basse) que vous êtes tout ce que j'ai jamais rêvé d'avoir ? S'il n'y avait pas Alma… »

— Donald Spoto, La Vrai vie d'Alfred Hitchcock.

Hedren repousse ces avances d'un « Mais c'était un rêve Hitch, rien qu'un rêve ». Hitchcock n'en démord pas : il tente de convaincre Universal Pictures que la prestation de l'actrice mériterait de lancer une campagne pour les Oscars, se confie à de plus en plus de personnes, et engage des comparses pour épier l'actrice, essayer de comprendre pourquoi celle-ci le repousse. Pour cerner sa personnalité, il envoie à un graphologue un échantillon de sa signature ! Si le cinéma d'Hitchcock a souvent été l'expression des fantasmes du metteur en scène, il semble que pour la première fois, l'art ne suffise plus à contenir ses désirs. En face de cela, Hedren, qui doit se marier et épouser son agent dans peu de temps, a du mal à supporter la pression. L'équipe essaye pourtant de jongler au mieux pour éviter les conflits ouverts… Jusqu'au point de non retour un après midi où Hitchcock fait dans la loge de l'actrice des avances sexuelles qu'elle repousse violemment. À partir de ce moment, c'est la haine qui empare Hitchcock, menaçant Hedren de baisser son salaire, de la ruiner, de briser la carrière qu'il lui avait créée (ce qu'il fera d'une certaine sorte). L'ambiance est de plus en plus épouvantable. Hitchcock ne s'adresse plus directement à l'actrice (qu'il appelle « cette fille là ») et utilise des intermédiaires. C'est dès lors que selon certaines sources, Hitchcock se serait totalement désintéressé du film.

Les effets spéciaux

La scène de la chasse à courre constitue le point d'orgue de l'art d'Hitchcock dans Pas de printemps pour Marnie. Sur une idée de la scénariste, Jay Presson Allen, elle fut tournée en Virginie, d'où était originaire son mari. Pourtant, Tippi Hedren et Diane Baker ne mirent pas les pieds dans cette région. Tous les plans où Lil et Marnie apparaissent furent réalisés en studio. Hitchcock ne cachait pas son goût pour le tournage en studio. Amoureux du trucage et des effets spéciaux, il réduisait au maximum les extérieurs, favorisant au contraire le travail en studio où il pouvait exercer son art en toute liberté, sans les contraintes imposées par un décor naturel se modifiant à chaque instant.

Cette exigence nécessitait une préparation rigoureuse. Le scénarimage de Pas de printemps pour Marnie montre que le réalisateur avait prévu, avant le tournage, chaque séquence avec une grande précision. Quelques prouesses techniques furent également nécessaires. Il fallait intégrer tous les plans où apparaissent Lil et Marnie aux scènes tournées en décor naturel. Les vues de Marnie à la chasse et de son échappée avec Lil lancée à sa poursuite furent tournées en transparence, devant un écran où étaient projetées les prises effectuées en extérieur.

Bien que Tippi Hedren se soit entraînée trois mois durant avant le tournage avec Forio, son cheval, elle passa plus de temps juchée sur un cheval mécanique qu'à galoper. C'est en effet cet instrument qui servit pour les très gros plans de l'héroïne. Bien qu'Hitchcock n'appréciât guère l'aspect peu naturel du cheval mécanique, il se laissa convaincre de la qualité d'un nouveau modèle fourni par les studios Disney.

Les plans larges posaient plus de problèmes. Hitchcock suggéra de mettre le cheval sur un tapis roulant, disponible et, à l'essai, il fallut admettre que l'idée était géniale. Cette méthode allait permettre d'intégrer, sans difficulté et avec un résultat très satisfaisant, des plans de Marnie au galop sur fond de paysage de Virginie. La chute de Marnie, quant à elle, dut être entièrement reconstituée. Elle nécessita notamment une grue pour filmer l'héroïne dans les airs.

La fin d'une époque

Pas de printemps pour Marnie marqua la fin d'une époque[14]. Plusieurs des fidèles collaborateurs d'Hitchcock participèrent pour la dernière fois à un de ses films[14]. Le directeur de photographie Robert Burks mourut peu après dans l'incendie de sa maison. Le grand monteur George Tomasini disparu également, victime d'une crise cardiaque. Hitchcock devait bientôt refuser le travail de Bernard Herrmann pour Le Rideau Déchiré, mettant fin à une longue collaboration[15]. Le réalisateur dût également se passer de 'Tippi' Hedren, qui refusa toutes nouvelles offres de retravailler avec lui, dont le projet inachevé Mary Rose, qu'avait écrit Jay Presson Allen[16].

Les Grands Thèmes

Pas de printemps pour Marnie compte incontestablement parmi les films les plus pscyhanalytiques d'Hitchcock. L'intrigue purement policière cède ici la place à un suspense qui atteint une tout autre complexité : celle de la pscyhologie de Marnie. Dans ces conditions, les phobies du personnage jouent le rôle de l'énigme à percer. Le thème des angoisses obsessionnelles est récurrent chez Hitchcock. Que ce soit la peur du vide de Scottie Ferguson dans Sueurs froides, les lignes parallèles qui obsèdent John Ballantyne dans La Maison du docteur Edwardes où les peurs multiples de Marnie (la couleur rouge, l'orage, le contact avec les hommes...), les phobies fournissent l'occasion de multiples rebondissements, tout en alimentant le suspense et en donnant plus de densité au film.

  • Lors des crises phobiques de Marnie, la caméra devient subjective et le rouge de ses visions s'installe à l'écran. Le spectateur prend ainsi directement part au traumatisme de Marnie.
  • Dans Sueurs froides, la peur du vide de Scottie Ferguson est matérialisée par une spirale tournante ; l'effet visuel provoque chez le spectateur la sensation éprouvée par le personnage.
  • Comme dans Marnie, l'intrigue policière de La Maison du docteur Edwardes se double d'une intrigue psyhologique. La recherche de l'origine de la phobie devient un élément majeur de l'action.

Le caméo d'Hitchcock

Dès Les Cheveux d'or (1927), Hitchcock prit l'habitude de faire une apparition dans ses films. Il prétendit d'abord économiser ainsi un figurant, mais avouera plus tard qu'il s'était inspiré de l'apparition de Charlie Chaplin dans L'Opinion publique. Dans Pas de printemps pour Marnie, l'apparition d'Hitchcock jette un œil vers la caméra, sortant ainsi du film, comme pour prendre le spectateur à partie au moment où Marnie, encore incognito, passe dans le couloir. Il accentue ainsi le mystère pesant sur cette femme[17].

Réception du film

À la sortie de Pas de printemps pour Marnie, Hitchcock essuya des critiques de plusieurs types. On lui reprocha la présence trop évidente d'artifices techniques (transparences trop visibles, décors peu réalistes, comme celui de la rue où vit la mère de Marnie, avec son bateau peint.). À ceux qui lui signalaient ces effets irréalistes, Hitchcock répondait toujours : « Non, non, tout me semble fonctionner parfaitement. »

Les commentateurs se sont demandé s'il s'agissait d'une erreur ou d'un choix. En y regardant de près, on ne peut qu'opter pour la deuxième interprétation. La scène de la chasse, par exemple, avec ses transparences qui font apparaître Marnie comme détachée de l'arrière-plan, a parfois été jugée comme un effet visuel déplorable, parce que trop peu réaliste. En fait, l'artifice donne plus de puissance à la scène : en isolant visuellement Marnie, c'est tout l'isolement psychologique du personnage qui est accentué. De même, le bateau qui mouille au bout de la rue acquiert une présence oppressante qu'un navire réel n'aurait jamais pu imposer. Il évoque les marins qui hantent encore les cauchemars de Marnie. Le décor a ici toute sa place et, plutôt que de nuire à la scène, il accentue sa puissance.

L'utilisation de transparences et de décors extravagants s'explique sans doute par l'influence qu'avait eue sur le jeune Hitchcock l'expressionnisme allemand. Évidente durant toute la période anglaise (que l'on songe au repaire des brigands dans La Taverne de la Jamaïque), cette influence reste sensible dans les films américains : ainsi, la demeure de Bates, dans Psychose, aurait pu servir d'abri au docteur Caligari... Sans parler de l'utilisation qu'Hitchcock fait des ombres portées démesurément agrandies à la manière d'un Fritz Lang.

La tiédeur des réactions à la sortie du film s'explique sans doute par le fait que le public fut pris de court s'attendant à voir surgir un nouveau Psychose, Fenêtre sur cour ou La Mort aux trousses, et non pas un thriller psychologique[18]. Une fois de plus, Hitchcock réussit à surprendre.

Le précédent film d'Hitchcock, Les Oiseaux avait été un succès avec 11 403 559 $[1] au box-office. Le résultat de Marnie destabilisa totalement Hitchcock. Il rapporta 7 000 000 $[1] pour un budget de 3 000 000 $[1].

Au-delà du film

Vidéographie francophone

VHS

  • Marnie, version originale sous-titrée (France), Universal Pictures Vidéos, 1999 Célébration du centenaire d'Alfred Hitchcock, 120 min.
  • Pas de printemps pour Marnie, version française (France), Universal Pictures Vidéos, 1999 Célébration du centenaire d'Alfred Hitchcock, 120 min.

DVD

  • Pas de printemps pour Marnie, Universal Studios, 2004, 120 min (suppléments : Le making of du film (The Trouble with Marnie), film annonce, galerie de photos, un livret de 4 pages avec les notes de productions).

Notes et références

  1. a , b , c  et d (en) Box office/business for Marnie (1964). IMDB. Dernier accès à l'url le 2 mars 2008
  2. (en) Release dates for Marnie. imdb.com.
  3. Documentaire «  'Torn Curtain' Rising »
  4. Interview de Lénoard Martin - «  'Topaz': An Appreciation by Film Critic/Historian Leonard Maltin » (2001)
  5. Interview de Hilton A. Green - « The Trouble with Marnie » : Réception
  6. Interview de Hilton A. Green - « The Trouble with Marnie » : Hitchcock/Truffaut
  7. Interview de Patricia Hitchcock - « The Trouble with Marnie » : Marnie de Winston Graham
  8. a  et b Interview de Joseph Stefano - « The Trouble with Marnie »
  9. Interview de Patricia Hitchcock - « All About "The Birds" »
  10. a , b  et c Interview de Joseph Stefano - « The Trouble with Marnie » : Grace Kelly
  11. Interview de Patricia Hitchcock - « The Trouble with Marnie » : Grace Kelly
  12. Interview de Joseph Stefano - « The Trouble with Marnie » : Le choix de Tippi Hedren
  13. Interview de Steven C. Smith, biographe de Bernard Herrmann - « The Trouble with Marnie » : La musique
  14. a  et b Interview de Hilton A. Green - « The Trouble with Marnie » : La fin d'une époque
  15. Interview de Steven C. Smith - « The Trouble with Marnie » : Hitchcock/Herrmann dernière collaboration
  16. Donald Spoto - La Vraie vie d'Alfred Hitchcock
  17. (fr) Paul Duncan, Alfred Hitchcock : Filmographie Complète, Tashen, 2004
  18. Interview de Patricia Hitchcock - « The Trouble with Marnie » : Les critiques

Pour approfondir

Liens externes

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