- Aristocrate libertaire
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On a longtemps cru qu’il n’y avait aucun fondement constitué à l’expression « aristocrate libertaire ». Or, on constate aujourd’hui, notamment grâce à Internet, que l’expression a très souvent été utilisée en littérature pour qualifier des notoriétés aussi diverses que Charles de Gaulle[1], Georges Brassens par Louis Nucéra[2], ou encore Georges Palante par le philosophe Michel Onfray[3], George Sand, Sade, Proust, Pierre Gripari, etc.
Dans la nébuleuse de l’anarchisme de droite, on distingue trois courants principaux.
Sommaire
L’anarcho-poujadisme
Le premier, l’anarcho-poujadisme très justement défini dans le livre de Pascal Ory et qui serait composé d’individualistes râleurs, conservateurs et antisociaux : Jean Gabin pour le cinéma français avec en bouche les dialogues de Michel Audiard ; plus près de nous Laurent Gerra jouant les textes de Jean-Jacques Peroni. Nombreuses sont les célébrités qui, depuis une trentaine d’années, revendiquent leur « anarchisme de droite » qui ne serait en fait selon François Richard que de l’anarcho-poujadisme.
L'anarchisme de droite
Le second, l’anarchisme de droite, proprement dit, c'est-à-dire littéraire. François Richard, dans une thèse de doctorat en Sorbonne, a pour sa part étudié les écrivains de Arthur Gobineau à Michel-Georges Micberth en passant par Céline, antidémocrates absolus et pamphlétaires redoutés qui niaient les utopies progressistes et ignoraient le sens de l’histoire[4].
A ce sujet, Pol Vandromme écrivait : « L’Anarchisme de droite en littérature, se rattache à la tradition baroque et libertine. Baroque, parce qu'elle déteste le classicisme maigre. Libertine, parce que, dans la lignée des esprits forts, elle rudoie la dévotion intellectuelle. Le dégoût, la détestation passionnelle; le mépris pour ne pas compromettre le quant-à-soi, les rages lyriques, les coups de boutoir sur tes tables de la loi, les ironies burinées. La volonté d'être soi et, pour l'être sans concession, la pente brusque de la vérité brutale, le plaisir de s'acharner sur les âmes mortes et d'épouvanter les conformismes. Les écrivains de l’anarchie droitière – Bloy, Léon Daudet, Céline – ne sont pas en marge, ils sont ailleurs, animaux violents et solitaires, déserteurs du troupeau moutonnier[5]. »
La classification de François Richard est apparue à certains abusive, voire fautive. Proclamer haut et fort le goût de l’honneur, la volonté d’héroïsme et paradoxalement des aspirations libertaires relèverait de la plus haute fantaisie. Pourtant, sous la plume de Jean-Paul Sartre, on peut lire : (…) Champion de l'ordre établi, j'avais placé ma raison d'être dans un désordre perpétué ; j'étouffais le Mal dans mes bras, je mourais de sa mort et ressuscitais de sa résurrection; j'étais un anarchiste de droite[6].
L’aristocratie libertaire
Le troisième, l’aristocratie libertaire serait une réaction impatientée de Micberth devant l’agitation provoquée par les travaux de François Richard. A cet égard, Loïc Decrauze a écrit un curieux livre titré L’Aristocratie libertaire chez Léautaud et Micberth (à la base, mémoire de lettres modernes soutenu en 1996 à la Sorbonne nouvelle devant, notamment, le professeur Marc Dambre[7]). Seul travail, qui traiterait de ce sujet[8].
Olivier Meuwly, dans son ouvrage Anarchisme et modernité[9], nous dit :(…) Cette troisième face de l'absolu anarchiste, très bakouninien dans ses pulsions vitalistes, trouvera son interprète le plus engagé dans Micberth, fondateur d'un mouvement poétique en 1963, un mouvement destiné à faire vivre l'anarchisme de droite comme facteur évolutif de la société. Des spectacles théâtraux doivent dévoiler l'hypocrisie de la société, ce tissu de faux-semblant, souillé par le mercantilisme bourgeois. Cet anarchisme vitaliste s'affirmera avec force en 1968, y compris dans sa version droitiste. Son fondateur poursuivra son itinéraire dans les parages de la Nouvelle Droite (…) dès 1973, avant de s'en désolidariser six ans plus tard.
En bref, l’aristocrate libertaire ne serait pas un simple « plumitif », aboyant ses idées dans des brûlots redoutés, il appliquerait dans sa vie de tous les jours, les idées défendues sur le papier. À ce propos, François Richard[10], écrivait : « Un anarchiste de droite (aristocrate libertaire) digne de ce nom ne se contente pas d’émettre des borborygmes satiriques à la radio ou la télévision, d’écrire un article ou un livre incendiaire : il vit ses principes. Il n’est pas le bouffon du pouvoir, le provocateur maison, le sémillant putasson : il subit les tracasseries des pouvoirs publics, il est traîné en justice, jeté en prison, traqué dans sa vie privée, diffamé, occulté, paupérisé. Le seul homme de cette trempe, à ma connaissance, qui défende depuis près de 30 ans les mêmes principes, c’est Michel-Georges Micberth… »
Le romancier de la série noire, A.D.G. (Alain Fournier), non sans humour, se proclamait « anarcho-monarchiste » et en 1995, on a pu lire dans Le Monde des journalistes parler de « l’anarchisme d’extrême droite ». Le terme fut repris par provocation par l'écrivain Marc-Édouard Nabe, qui préféra toutefois celui d'« anarcho-fasciste[11] ». Pierre-André Taguieff, a qualifié aussi Pierre Gripari d'« anarchiste d'extrême droite » en lui attribuant une « filiation célinienne[12] », ainsi que Valérie Igounet à propos de Lucien Rebatet[13].
Références bibliographiques
- Loïc Decrauze, L'Aristocratie libertaire chez Léautaud et Micberth, Lorisse, Paris, 1996.
- Michel-Georges Micberth, Petite Somme contre les gentils, Allocutions télévisées 1976-1982, Lorisse, Paris, 1995.
- Michel-Georges Micberth / François Richard, Révolution droitiste, Jupilles, Paris, 1980.
- Anne Ollivier-Mellos, H. L. Mencken, anarchiste de droite ?, Études anglaises, Klincksieck, 2003, pp.447-457.
- Pascal Ory, L'anarchisme de droite, Grasset, Paris, 1985.
- François Richard, L'Anarchisme de droite dans la littérature contemporaine, Collection littératures modernes, PUF, Paris, 1988.
- François Richard, Micberth, anarchiste de droite, Comédit, Paris, 1991.
- Christophe Bourseiller, La nouvelle extrême droite, anarchisme de droite : aristocratie libertaire, Editions du Rocher, 2002.
Lien externe
Notes
- Pascal Sigoda, Charles de Gaulle, un non-conformiste parmi les siens, Au signe de la Licorne, 1991, pp. 46-47, 150.
- Louis Nucéra, Brassens, Archipoche, 2006, p. 187.
- Michel Onfray, Georges Palante, Les Belles Lettres, 1995.
- Paris, 1988. François Richard, L'Anarchisme de droite dans la littérature contemporaine, Collection littératures modernes, PUF,
- Pol Vandromme, Jours d'avant, L’Age d’Homme, 1993, pp. 41-42, Lausanne, Suisse
- Jean-Paul Sartre, Les Mots, Folio, Gallimard, 1981. p. 94
- Marc Dambre (…-…). Directeur des "Cahiers Roger Nimier". Docteur ès lettres (Paris 4, 1987). Professeur de littérature française à l'Université de Paris III. Responsable du centre "Études sur le roman du second demi-siècle" (en 2004).
- Il ne faut pas oublier un « Manifeste », signé du collectif des « Aristocrates libertaires » (Laurent Carozzi, Cyril Drouhet, Jean-Christophe Hua, Nicolas Revel, Laurent Sacchi), est paru en 1987 aux éditions Grasset & Fasquelle, collection "Figures".
- Olivier Meuwly, Anarchisme et modernité, essai politico-historique sur les pensées anarchistes et leurs répercussions sur la vie sociale et politique actuelle, L’Age d’Homme, 1998, Lausanne, Suisse.
- Éléments, n° 72, hiver 1991, p.32
- Au régal des vermines, Le Dilettante, 2005, p.159
- Pierre-André Taguieff, « Sources antisémites du “racisme juif” », L'Arche VIII.
- Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Le Seuil, 2000, p.78.
Voir aussi
Wikimedia Foundation. 2010.