Obligation d'adhésion à la Sécurité sociale

Obligation d'adhésion à la Sécurité sociale

Controverse autour du monopole de la Sécurité sociale en France

Article principal : Sécurité sociale en France.

Le droit français[1] assure à la collectivité le principe de « sécurité sociale ». Ce bénéfice est accordé sous certaines conditions à la majorité de la population[2]. La sécurité sociale française fonctionne sur le système de la solidarité. Les assurés cotisent sur la base de leurs revenus, selon un taux fixé par régime. Le système de la solidarité ne prend pas en compte les risques réels individuels (les salariés malades ne payent pas plus de cotisations sociales).

Les prestations d'assurance sociale se répartissent généralement en deux :

  • la part obligatoire (régime de base) dont le versement des prestations est assuré par un organisme agréé par l'état, par branche (vieillesse, maladie[3], allocations familiales) et par régime (travailleurs salariés, indépendants, personnel de la SNCF par exemple) ; le régime de base assure le remboursement de la part légale des frais engagés.
  • la part complémentaire dont le versement des prestations est assuré par des organismes ou sociétés privées[4].

Certains théoriciens libéraux voient dans les évolutions juridiques récentes un signe de la fin du monopole des organismes d'assurance maladie qui gèrent le versement de la part obligatoire, sans toutefois contester l'obligation d'être assuré. Le jeu de la concurrence permettrait, d'après ces théoriciens, d'obtenir un meilleur rapport couverture/cotisations.

Prenant appui sur certaines directives de l'Union européenne de 1994, ils en ont déduit la fin de l'obligation d'adhésion à la Sécurité Sociale, malgré les démentis du gouvernement français et de la Commission européenne, les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes et la confirmation du risque de sanctions pénales[5]. Plusieurs Français auraient quitté la sécurité sociale et souscrit à des assurances privées[6].

Sommaire

Acteurs

Actions du MLPS et de Claude Reichman

Parmi les défenseurs de cette interprétation libérale des directives européennes, Claude Reichman et le Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS) dont il est le président continuent à militer pour obtenir la reconnaissance judiciaire de ce qui est selon eux une réalité juridique : le monopole de la Sécurité sociale française serait aboli depuis 1994.

Leur thèse

Selon les thèses de Claude Reichman, les directives 92/49/CEE0 [7], 92/50/CEE [8] et 92/96/CEE [9], ou tout du moins leur transcription en droit français [10], ont eu pour effet d'ouvrir à tout résident français le libre choix du prestataire qui le protège dans le cadre de l'assurance maladie obligatoire. Selon Claude Reichman, la fin du monopole de la Sécurité sociale résulte de l'ouverture à la concurrence du secteur des assurances, qui a entraîné par voie de conséquence celle de l'assurance maladie. Le droit européen l'emportant sur le droit national, les mentions apparemment contraires de la législation française sont aujourd'hui caduques. Il cite notamment, à l'appui de sa thèse, divers courriers émanant de la Commission européenne [11] et l'arrêt n°262282 du Conseil d'État du 26 septembre 2005 [12].

Claude Reichman estime que l'abolition du monopole est devenue inéluctable du fait de la liberté d'installation instaurée par l'Acte unique de 1986, et de la disparité des divers systèmes d'assurances sociales en Europe.

Médiatisation de cette thèse

La thèse de Claude Reichman a reçu l'appui, entre autres, de Jean-François Prévost[13], professeur à l'Université de Paris V et avocat de Claude Reichman, et de Éric Vanlerberghe, ancien président national de la Mutuelle du ministère de l'Intérieur [14].

La thèse de Claude Reichman a bénéficié d'une importante couverture sur Internet[15]. Dans les médias traditionnels, elle a été évoquée à diverses reprises dans la presse, le plus souvent dans des articles qui ne se prononcent pas sur sa validité[16] [17][18] même si certains font preuve envers elle d'une considération manifeste[19] [20] [21]. On a également pu recenser quelques articles exprimant une approbation sans nuances[22] ou au contraire un total désaveu[23] du point de vue de Claude Reichman. Le Magazine de la santé au quotidien, sur France 5, a diffusé un reportage[6] très réceptif à son interprétation juridique. En juillet 2007, le journaliste Jean-Marc Vittori a également affirmé la fin du monopole dans un éditorial du quotidien économique Les Échos, éditorial consacré plus généralement aux difficultés de la sécurité sociale. Quelques jours plus tard, cette affirmation a été démentie par Vincent Ravoux, directeur général de l'Urssaf de Paris-région parisienne, dans le "forum des lecteurs" de ce même quotidien[24]. L'hebdomadaire Valeurs actuelles du 14 décembre 2007 a consacré sa une au véritable coût de la Sécurité sociale. Il juge son bilan "accablant" en estimant que "la question de la fin du monopole de la Sécu devrait se poser en urgence" et que nul ne pouvait nier que "plusieurs centaines de pionniers, dont Reichman, ont déserté à ce jour la Sécu pour des assurances privées étrangères - souvent après d'interminables procès"[25]. En février 2009, le magazine Entreprendre a consacré un dossier à cette controverse en estimant que le monopole de la sécurité sociale n'existe plus. Cette libéralisation constitue selon ce magazine « une formidable bouffée d'oxygène pour les entreprises et les ménages »[26].

Néanmoins, Claude Reichman estime extrêmement insuffisante la couverture médiatique qui est consacrée à sa thèse ; il déclare ainsi[16]: « J'ai été censuré, souvent amicalement mais censuré quand même », les médias « ne sont pas libres. Ils sont souvent bâillonnés par les intérêts de leurs actionnaires majoritaires qui ne souhaitent pas être mis en délicatesse avec les tenants du pouvoir politique ».

Autres acteurs

Outre le Mouvement pour la Liberté de la Protection Sociale (dirigé par Claude Reichman), le parti politique Alternative libérale[27] ou le Club de l'Horloge s'opposent au principe de cette obligation d'adhésion, au nom de principes politiques et/ou économiques, et du droit à la liberté.

Le Club de l'Horloge reconnaît que l'adhésion est pour l'instant obligatoire, et se montre très critique envers Claude Reichman[28].

Fin 2006, Édouard Fillias, alors président du parti Alternative libérale, a affirmé avoir « décidé de ne plus cotiser à la sécurité sociale »[29], se plaçant sur la même argumentation juridique que Claude Reichman[30]. Il a depuis réintégré les rangs de la Sécu après une série de complications juridiques et administratives.

Les députés Jean-Marc Roubaud, Jérôme Rivière, Jacques Remiller et Marcel Bonnot, le sénateur Roland du Luart, ont demandé à plusieurs reprises, depuis 2003, par la procédure des questions écrites, la position du gouvernement concernant la fin prétendue du monopole[31].

Le CDCA (comité de défense des commerçants et artisans, agriculteurs et professions libérales) a aussi lutté pour la fin du monopole, notamment pour la libre couverture sociale pour les travailleurs indépendants. Son leader Christian Poucet, assassiné le 29 janvier 2001, est à l'origine du premier recours européen pour demander l'abrogation du monopole qui a donné lieu à l'arrêt "Poucet et Pistre".

Depuis sa fondation en 1991, la Cedi-Confédération européenne des indépendants a régulièrement dénoncé l'obligation d'adhésion. Mais elle a surtout mis en cause les procédures de recouvrement de l'URSSAF.

L'adhésion obligatoire

Avis des professionnels du droit et des affaires sociales

Un certain nombre de professionnels du droit et des affaires sociales, interrogés par la presse, ont manifesté leur désaccord avec cette thèse [32] [33] [34] [35]. Par ailleurs, elle ne fait pas l'unanimité au sein de la famille politique libérale [5].

Démenti des autorités françaises et de la Commission européenne

Les autorités françaises[36] et la Commission européenne[37] ont démenti cette affirmation.

Par un communiqué, le ministère de la santé précise « Ces directives ont mis en place un marché unique de l’assurance privée mais ne concernent pas les régimes de sécurité sociale des États membres de l’Union européenne. Ceci est explicitement indiqué dans l’article 2.2 dans la directive CEE 92/49. » De fait, l'article 2.2 indique que « La présente directive ne s'applique ni aux assurances et opérations ni aux entreprises et institutions auxquelles la directive 73/239/CEE ne s'applique pas, ni aux organismes cités à l'article 4 de celle-ci. » A son tour, la directive 73/239/CEE[38] précise dans son article 2 que « La présente directive ne concerne pas : [...] D ) les assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale; [...] »

Les communiqués réfutant sa thèse rappellent que l'article 137 du traité CE a laissé aux États membres la liberté d'organiser à leur gré leur système de protection sociale, que les régimes légaux de sécurité sociale des États membres sont expressément exclus du champ d'application de la directive libéralisant les activités d'assurance, et surtout qu'à au moins cinq reprises la Cour de justice des Communautés européennes a tranché le litige et rappelé la compétence nationale sur l'organisation de la Sécurité sociale par les arrêts C-238/94 [39], C-158/96 [40], C-218/00 [41], l’arrêt Nazairdis en octobre 2005 (C-266/04 et suivants, point 54) et en 2006 dans l’arrêt Piatkowski (affaire C-493/04). Ils peuvent faire observer que les partisans de la thèse de Claude Reichman peinent à démontrer la réalité et préciser la répartition des statuts des travailleurs qui auraient pu quitter la Sécurité sociale.

Pour les autorités françaises et la Commission européenne, cette thèse est sans valeur. On peut ainsi noter un communiqué des ministres Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand [36] (communiqué réaffirmé par l'État le 22 janvier 2007[42]), une mise au point du service de presse de la représentation en France de la Commission européenne [37], et une lettre signée au nom du président de la Commission européenne [43] qui démentent cette interprétation et réaffirment que la règlementation européenne ne met pas fin au monopole de la Sécurité sociale.

Par ailleurs, la Sécurité sociale a elle-même apporté un démenti[44] quant à la supposée fin de son monopole.

Sanctions pénales encourues

Selon le droit français, des sanctions peuvent être encourues pour refus de cotiser à la Sécurité sociale[45] ainsi que pour toutes incitations à ne pas y cotiser[46]. Claude Reichman lui-même reconnaît l’existence d’« innombrables arrêts » condamnant « parfois lourdement », des requérants ayant tenté de s’assurer en dehors de la sécurité sociale[47].

Les partisans de la fin du monopole répliquent que ces sanctions ne concernent que ceux qui se soustraient à l'obligation générale d'assurance, et non ceux qui choisissent de sortir du système français[48]. Par ailleurs, ils utilisent différents procédés juridiques pour parvenir à leurs fins[49].

Voir aussi

Notes et références

  1. Dans le préambule de la Constitution de 1946 qui dispose en son 11e alinéa :
    « [La Nation] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » 
    Préambule de 1946
  2. Le rattachement se fait par régime et catégorie sociale : salarié, chômeurs, travailleurs indépendants,... Il n'y a donc qu'un monopole de cotisation obligatoire par régime.
  3. Quelques documents à propos des maladies professionnelles
  4. Il peut s'agir par exemple, d'assurances ou de mutuelles
  5. a  et b Sécu : toujours un monopole, hélas www.libres.org, site internet des associations ALEPS et Génération libérale
  6. a  et b Extrait du magazine de santé, France 5, 29 mai 2006
  7. Directive relative à l'assurance « non-vie »
  8. Directive relative à la passation des marchés publics de services (cette directive n'est plus en vigueur)
  9. Directive relative à l'assurance-vie
  10. Par la loi 94-5 du 5 janvier 1994, la loi 94-678 du 8 août 1994 et l'ordonnance 2001-350 du 19 avril 2001 (ratifiée par la loi 2001-624)
  11. Notamment une lettre de 2001 où est fournie une analyse de la situation des mutuelles françaises régies par le Code rural et une traduction personnelle d'une lettre de 2003 concernant le régime de la Sécurité sociale néerlandaise
  12. Conseil d'État, 26 septembre 2005, Mutuelle générale des services publics
  13. Avis de Jean-François Prévost recueilli par L' Express
  14. La Révolution, éditorial de Éric Vanlerberghe, MMI info, n°9, juin 2002, sur le site de Claude Reichman
  15. Notamment dans le blog de Laure Allibert intitulé « Quitter la sécu »
  16. a  et b Fin du monopole de la sécu : info ou intox ?, La Gazette, 16 février 2005, sur le site de Claude Reichman
  17. Entrepreneurs individuels et professions libérales - Avez-vous le droit de quitter la Sécu ?, L'Entreprise, n° 233, avril 2005, sur le site de Claude Reichman
  18. Le monopole de la Sécu est-il menacé?, Anne Vidalie, L'Express, 13 décembre 2004
  19. Assurance maladie - la bataille de la CSG, Jean-Marc Plantade, Le Parisien, 13 juillet 2004, sur le site de Claude Reichman
  20. Débat - La fin du monopole de la Sécu sur le blog de Ségolène Royal, Jean-Marc Plantade, Le Parisien, 10 juillet 2006, sur le site de Claude Reichman
  21. Sécurité sociale - Le monopole contesté, interview du docteur Bruno Gomez par les docteurs Odile Buisson et Richard Hanlet, Le médecin des Yvelines n°42, septembre 2006, sur le site de Claude Reichman
  22. SECU...FD, Bruno Theveny, Journal de la Haute Marne, 26 septembre 2005, sur le site de Claude Reichman
  23. Le monopole de la Sécu implicitement confirmé, Béatrice Taupin, Le Figaro, 6 septembre 2006
  24. Sécurité sociale : une franchise pas très franche, article dans Les Échos le 12 juillet 2007
    Sécu : monopole pas mort, démenti par le directeur général de l'Urssaf de Paris-région parisienne dans le "forum des lecteurs" des Échos du 23 juillet 2007
  25. Valeurs actuelles, 14 décembre 2007, p. 18
  26. Entreprendre, n° 227, pp. 70-72 Le dossier sur le site de Claude Reichman
  27. La position d'Alternative libérale sur le monopole de la Sécurité sociale
  28. Communiqué Club de l'Horloge, 5 janvier 2007
  29. Blog d'Édouard Fillias consacré au monopole de la Sécurité sociale
  30. État des lieux de la législation, blog d'Édouard Filias [lire en ligne]
  31. Jean-Marc Roubaud en 2003, question publiée au JO du 26/05/2003 18952 avec réponse du gouvernement 10 mois plus tard le 18 janvier 2005 ; Jérôme Rivière, question publiée au JO du 2 janvier 2007, n° 115253 ; Jean-Marc Roubaud, question 6579 publiée au JO le 9/10/2007 ; Jacques Remillier, question 17579 publiée au JO du 26/02/2008 ; Marcel Bonnot, question 24134 publiée au JO le 03/06/2008 ; Roland du Luart, question 05780, JO Sénat du 09/10/2008, p. 2022.
  32. Qui dit solidarité dit obligation de cotiser, Philippe Langlois, professeur de droit à Paris X-Nanterre, avocat et coauteur de Lamy Protection sociale (Lamy, ISBN 2721210610), propos recueillis par Anne Vidalie, L'Express, 13 décembre 2004
  33. La Sécu n'est pas soumise au droit de la concurrence, Philippe Coursier, maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier et auteur du Code de la sécurité sociale (Litec, éd. du JurisClasseur ISBN 2-7110-0747-2), propos recueillis par Anne Vidalie, L'Express, 13 décembre 2004
  34. La faillite du système justifie une réforme radicale, Gérard Vachet, professeur de droit social à l'Université du sud - Toulon - Var, propos recueillis par Anne Vidalie, L'Express, 13 décembre 2004
  35. Ce serait un séisme qui mettrait à bas les régimes sociaux, Yves Chassard, chef du service des affaires sociales du Commissariat général au Plan, propos recueillis par Anne Vidalie, L'Express, 13 décembre 2004
  36. a  et b Communiqué - Affiliation obligatoire à la sécurité sociale, République Française, Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la Protection sociale, Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'Assurance Maladie, 22 octobre 2004
  37. a  et b Communiqué - L'Union européenne et la Sécurité sociale, Commission européenne, représentation en France, service de presse
  38. Voir directive 73/239/CEE.
  39. Arrêt de la Cour du 26 mars 1996 José García e.a. contre Mutuelle de prévoyance sociale d'Aquitaine e.a. - Assurance non vie - Directive 92/49/CEE du Conseil - Champ d'application
  40. Arrêt de la Cour du 28 avril 1998 Kohll c.Union des caisses de maladie - Libre prestation des services - Remboursement des frais médicaux engagés dans un autre État membre
  41. Arrêt de la Cour du 22 janvier 2002 Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas contre Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL) - Affiliation obligatoire à un organisme d'assurance contre les accidents du travail - Qualification en tant qu'entreprise d'un organisme d'assurance contre les accidents du travail.
  42. Communiqué du ministère de la Santé et des Solidarités, 22 janvier 2007.
  43. Place aux mauvaises nouvelles, Courrier de la Commission européenne, Direction Générale Marché Intérieur et Services, adressé à Mme Laure Allibert, cité par elle-même
  44. L’Europe a-t-elle mis fin au monopole de la sécurité sociale ? Démenti de la Sécurité sociale.
  45. Quelles sanctions peuvent encourir les personnes qui refusent de cotiser à la Sécurité sociale ? Site de la Sécurité sociale.
  46. Article L652-7 du code de la Sécurité sociale
  47. Communiqué du 29 novembre 2004 sur MLPS
  48. Monopole : tout le monde savait, sur le site de Claude Reichman
  49. Comment échapper au Sécuraptor Gallicus ?, blog de Laure Allibert


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