- Niolu
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Le Niolu est une microrégion de Corse, située au centre Nord-Ouest de l'île, à l'ouest de Corte. Il se compose des communes de Corscia, Calacuccia, Albertacce (E Lubertacce), Lozzi et Casamaccioli (Casamacciuli). Il est un « territoire de vie » du Parc naturel régional de Corse.
Sur le plan géographique, le Niolu correspond au bassin supérieur du Golo ; il se présente sous la forme d'une cuvette évasée dont les bords sont constitués par les plus hautes montagnes de Corse : Monte Cinto (2 706 m), Paglia Orba (2 525 m) et Capu Tafunatu (2 343 m). Sur le plan administratif, il fait aujourd'hui partie du canton de Niolu-Omessa, alors qu'il était autrefois autonome. Avant la Révolution, c'était une importante pieve de l'intérieur de la Corse.
Le Niolu est le lieu du plus grand pèlerinage religieux de Corse. Le 8 septembre de chaque année, on y célèbre A Santa di u Niolu au village de Casamaccioli (Casamacciuli). Autour de cette date et durant quelques jours, se tient la foire du Niolu (A Fiera di u Niolu).
Sommaire
Géographie
Le Niolu est limité au nord par la chaîne courte du Cinto qui, orientée est/ouest, rejoint à la Punta Minuta (2 547 m) la chaîne centrale qui traverse la Corse du nord au sud. Il est limité à l'ouest par cette chaîne centrale constituée de pics culminant à plus de 2 000 mètres d'altitude (Tafunatu, Paglia Orba, Capu a u Tozzu) situés à moins de 20 km de la mer (à Galéria), ce qui constitue un record en Europe. Au sud, la frontière est formée par une autre chaîne secondaire partant du Capu a u Tozzu, avec la Punta Artica (2 327 m), le capu di u Facciatu (2 117 m) et la punta Galghello (1 951 m). Les deux chaînes secondaires se rejoignent à l'est formant ainsi la limite orientale du Niolu qui n'est franchie que par les célèbres gorges de la Scala di Santa Regina.
Le Golo, fleuve qui prend sa source dans la Paglia Orba (on pensait jadis qu'il sortait du lac de Nino) draine la plus grande partie du Niolu, mais deux autres rivières ont également contribué à façonner le paysage, le Viru, qui vient de la Punta Minuta, et surtout l'Ercu, qui sort du lac du Cinto. Sur le cours du Golo, un barrage a été construit à hauteur du village de Calacuccia, créant le lac de Calacuccia.
Le Niolu est une microrégion très boisée. Elle est recouverte par la vaste forêt territoriale de Valdu Niellu et la forêt communale d'Albertacce, la forêt communale et la forêt de Cavallo morto de Casamaccioli, la forêt communale de Corscia. Châtaigniers jusqu'à 900 m, pins laricio et autres résineux rapportés jusqu'à 1 300 m, hêtres et bouleaux au-dessus, composent cette forêt. La montée au col de Vergio (1 477 m) permet d'apprécier les différents étages de la végétation.
Autrefois, la forêt couvrait presque la totalité de la cuvette. L'agropastoralisme avait entrainé une lente déforestation d'une grande partie des flancs montagneux. Les vestiges de terrasses de culture et de murs sont encore bien visibles. Les terres n'étant plus travaillées, la forêt reprend lentement ses droits.
Hormis Casamaccioli, tous les autres villages du Niolu (Corscia, Calacuccia, Lozzi et Albertacce) ont été construits à l'adret de la vallée du Golo, soit les versants qui bénéficient de la plus longue exposition au soleil. Sans être exceptionnel, le patrimoine bâti est bien conservé. Les maisons aux murs de pierre apparente et les anciennes bergeries sont nombreuses. Les ponts génois sont également nombreux.
Accès
Article détaillé : Scala di Santa Regina.Article détaillé : Col de Vergio.Le Niolu n'est « pénétrable » que par une seule route, la D84. Cet accès désenclave le Niolu depuis la fin du XIXe siècle. La route passe par les remarquables sites que sont le défilé de la Scala di Santa Regina à l'Est, le col de Vergio et les Gorges de Spelunca à l'Ouest. La D84 passe par le Vergio (1 478 m), un col franchissable toute l'année. L'hiver, le PC Neige de Corte assure l'information des usagers de la route.
Histoire
De l'origine des Niolins
La Corse, selon Ptolémée, était habitée par douze nations qui étaient pour la plupart autochtones. Les Licnini[1], maîtres des pays de Casacconi et d'Ampugnani, auraient été refoulés par les conquérants romains qui s'étaient établis dans le pays de Mariana (Marins avait fondé vers l'an 100 avant Jésus-Christ, la colonie militaire de Mariana sur l'emplacement de Nicæa)[2]. « Ils ont dû être refoulés vers la montagne, peuplant les cantons de Caccia et du Niolo » écrit Xavier Poli dans son ouvrage cité en référence. Il ajoute : « Il est permis de conjecturer que, du temps de Ptolémée, la Balagne était déjà romanisée et que les indigènes avaient cherché un refuge dans le Niolo ».
L'occupation sarrazine
« Au début du XIe siècle, probablement après la bataille de Luni (1016), des seigneurs toscans ou génois, sans mandat du Saint-Siège, passent en Corse et, aidés par les populations chrétiennes, chassent les musulmans du Nebbio, de la Balagne, de Mariana et d'Aléria. En 1077, le Saint-Siège revendique ses droits de suzeraineté et, quelque temps après, envoie des seigneurs pisans achever la conquête de l'île. les Sarrasins évacuent les vallées du Golo et du Tavignano, cherchant un refuge dans les montagnes les plus abruptes et les plus inaccessibles ; des colonies clairsemées se maintiennent au centre de l'île, d'autres plus nombreuses affluent vers le Sud, où elles se fortifient »[2]. « Les Sarrasins de Sicile, pressés de toutes parts par les chrétiens, furent obligés d'élever, pour leur sûreté, de nombreuses fortifications, désignées encore aujourd'hui par le nom de Cala[3] ou de Calata ». Empruntant cet argument à César Cantu[4], X. Poli écrit : « Il est aussi probable que des colonies sarrasines de Corte ou de la Balagne harcelées par les patriotes chrétiens, ont été refoulées dans le Niolo, où nous trouvons les noms significatifs de Calaguccia et de Calasima appliqués à deux villages ».
Les temps modernes
- Après la mort de Sampiero Corso, tué les armes à la main le 17 janvier 1567 entre Cauro et Eccica-Suarella, le Niolu ne se soumet à Gênes qu'au début 1569.
- Après la conquête de la Corse par les troupes françaises de Louis XV en 1769, le Niolu connaît une sauvage répression militaire. En effet, les envahisseurs français feront taire dans le sang et dans une sauvage barbarie soldatesque les révoltes naissantes, révoltes aspirant au rétablissement de la liberté dont jouissait le peuple corse sous le Généralat de Pasquale Paoli. Aujourd'hui, au couvent Saint-François-di-Niolu (en langue corse Conventu San Francescu) de Calacuccia, figurent sur une plaque en leur mémoire, les noms de onze paysans Niolins (le plus jeune avait 17 ans) qui furent pendus aux châtaigniers du couvent le 23 juin 1774, sur ordre du général français Sionville (Léopold Prosper Philibert Sionville, général de brigade) désireux de mater l’une des innombrables révoltes du Niolo.
Économie
Terre de bergers depuis des siècles, le Niolu en a perdu beaucoup avec la deuxième Guerre mondiale, depuis la fin de la transhumance à partir du milieu du siècle dernier, et plus récemment avec l'obligation de fabriquer des fromages aux normes imposées. Corscia qui comptait un berger dans chaque maison ainsi que Lozzi par exemple ne comptent plus aucun.
Même si beaucoup ont quitté leur région, les Niolins demeurent très attachés à leur terre. Ils y conservent leur maison devenue très souvent une résidence secondaire. Ainsi sa population quadruple en période estivale. Sans être exceptionnel, le patrimoine bâti (églises, chapelles, ponts génois excepté celui de Fontanella sous le barrage, et bergeries en altitude) est bien conservé. Il y a très peu de maisons ruinées et de nouvelles constructions sortent de terre.
Le Niolu demeure la région exclusive de fabrication des fromages Niolu ou Niolo. On y produit aussi de l'excellente charcuterie à base de porcs élevés en liberté (Prisuttu, Coppa, Lonzu, Figatelli).
L'écotourisme devenue l'activité principale de la microrégion, produit l'essentiel des ressources. Le Niolu était déjà situé sur un parcours touristique traditionnel comportant de remarquables sites : Scala di Santa Regina, Col de Vergio et les superbes forêt de Valdu Niellu et forêt d'Aïtone, les gorges de la Spelunca jusqu'au golfe de Porto et les Calanche de Piana. Plus récemment, chemins de grande randonnée (GR 20 et Mare a mare Nord), sentiers du Niolu et de la transhumance aménagés par le Parc naturel régional de Corse, site d'escalade dans le défilé de la Scala di Santa Regina, canyonisme dans le Golo, descente des rivières en canoë-kayak dès le printemps et station de ski à Vergio sont autant d'attraits qui ont contribué au développement de l'hébergement (hôtels, auberges, gîtes d'étape, chambres d'hôtes, campings dont deux à plus de 1000 m d'altitude à Lozzi) et de la restauration.
Fêtes et loisirs
Territoire riche d'histoire et de traditions, le Niolu est encore marqué par une longue pratique agro-sylvo-pastorale, par la fête religieuse A Santa di u Niolu et par sa foire annuelle.
A Santa di Niolu
A Santa di Niolu est à la base, un événement religieux de très grande importance à l’échelle de la Corse puisque tous les 8 Septembre depuis cinq siècles des milliers de pèlerins viennent commémorer la vierge au cours d’une messe sur la place de l’église de Casamaccioli, ainsi que durant la procession intitulée «A Granitula » qui voit les hommes de différentes confréries former une spirale qui s’enroule et se déroule au rythme des chants liturgiques. La légende dit qu'un capitaine de marine napolitain en pleine tempête implora la vierge Marie de lui donner un signe afin que son bateau ne sombrât pas dans les flots. À la fin de sa prière, une éclaircie permit de sauver les marins. En guise de remerciements, le capitaine du navire acheta une statue de la Vierge à Naples et la remit ensuite aux Corses qui furent chargés de la transporter et la placèrent sur un âne. Au passage de la statue, les villages cherchèrent à le faire stopper chez eux. Le seul village qui ne marqua aucune convoitise fut Casamaccioli. C'est après un périlleux voyage, à travers les gorges que l'âne s'arrêta à Casamaccioli sur le champ de foire. Rien ne pouvant le décider à partir, la statue resta dans le village.
Au cours du temps, une foire agricole, haut – lieu du pastoralisme, a vu le jour. Cette foire a été durant longtemps un lieu d’échanges économiques de premier importance sur le plan agricole (grand marché de bétails, fixation du prix de la viande…), mais aussi, un lieu d’expression culturel vivant par l’existence des « Chjam’é rispondi » (improvisation des poètes – bergers), et un lieu de fête (bals) et de jeux.
Le Niolu a été un vecteur du chant traditionnel corse. Aujourd'hui encore beaucoup chantée, la paghjella (chant traditionnel à trois voix) a pour terres mères le Niolu et la Castagniccia.
Le Niolu est considéré par certains Corses comme étant, parmi d'autres, un lieu très emblématique de la culture corse. Le taux de corsophones est le plus élevé de l'île.
Don-Ghjaseppu Giansily dettu Pampasgiolu (1901-1977), l'un des plus célèbres poètes de Corse est un Niolin originaire de l'Acquale (Lozzi).
Jean-Laurent Albertini [1], artiste peintre d'Albertacce propose dans ses œuvres une relation picturale fondatrice et cohérente avec le Niolu, sa région d'origine.
A Fiera di u Niolu
Article détaillé : A Fiera di u Niolu.A Santa di u Niolu et A Fiera di a Santa sont deux évènements indisssociables, débutant tous deux le 8 septembre à Casamaccioli.
La fiancée du Niolo
Dans ses Notes d'un voyage en Corse, Prosper Mérimée a joint quelques poésies populaires corses dont cette lamentation suivie d'une traduction avec notes de bas de page :
« Voceru di Niolu
- Eju filava a mio' rocca
- Quandu hu intesu un gran rummore ;
- Era un colpu di fucile
- Chi m'intrunò'ndru cuore
- Parse ch' unu mi dicissi :
- - Cori, u to fratellu more !
- Corsu'ndra cammara suprana
- E spalancai-ju la porta.
- - « Ho livato 'ndru cuore ! »
- Disse, ed eju cascai-ju morta.
- Se allora nun morsu anche eju
- Una cosa mi cunforta :
- Bogliu vestè li calzoni,
- Bogliu cumprà la tarzzetta,
- Pè mostrà a to camiscia,
- Tandu, nimmu nun aspetta
- A tagliasi la so varba
- Dopu fatta la vindetta.
- A fane a to vindetta
- Quel' voli chi ci sia?
- Mammata vicinu à mori?
- U a to surella Maria?
- Si Lariu nun era mortu
- Senza strage nun finia.
- D'una razza cusì grande
- Nun lasci che une surella
- Senza cugini carnali
- Povera, orfana, zitella.
- Ma per far a to vindetta,
- Sta siguru, vaste anche ella ».
« Lamentation funèbre du Niolu.
- Je filais mon fuseau
- Quand j'entendis un grand bruit;
- C'était un coup de fusil
- Qui me tonna dans le cœur;
- Il me sembla que quelqu'un me dit:
- -« Cours, ton frère meurt! »
- Je courus dans la chambre, en haut,
- Et je poussai précipitamment la porte.
- -« Je suis frappé au cœur! »
- Il dit, et je tombai (comme) morte.
- De n'être pas morte alors, moi aussi,
- C'est pour moi quelque consolation:
- (Je puis me venger.)
- Je veux mettre des chausses (d'homme),
- Je veux acheter un pistolet,
- Pour montrer ta chemise (sanglante).
- Aussi bien, personne n'attend
- Pour se faire couper la barbe
- Que la vengeance soit accomplie (1).
- Pour te venger
- Qui veux-tu que ce soit ?
- Notre vieille mère, près de mourir?
- Ou ta sœur Marie?
- Si Lario (2) n'était pas mort,
- Sans carnage l'affaire ne finissait pas.
- D'une race si grande
- Tu ne laisses qu'une sœur,
- Sans cousins-germains,
- Pauvre, orpheline, sans mari…
- Mais pour te venger,
- Sois tranquille, elle suffit.
(1) la chemise sanglante d'un homme assassiné est gardée dans une famille comme un souvenir de vengeance. On la montre aux parents pour les exciter à punir les meurtriers. Quelquefois, au lieu de chemise, on garde des morceaux de papier trempés dans le sang du mort, qu'on remet aux enfants lorsqu'ils sont d'âge à pouvoir manier un fusil. Les Corses se laissent pousser la barbe en signe de vengeance ou de deuil. Personne n'attend pour se faire couper la barbe; c'est-à-dire, il n'y a personne qui se charge de te venger.
(2) Abréviation du nom d'Hilarion »[5].Randonnées
De nombreuses possibilités de randonnées et promenades sont offertes aux amoureux de la nature et de la montagne. Parmi celles-ci, les plus notables sont :
Sentier de la Transhumance
Article détaillé : Sentier de la transhumance.Ce sentier patrimonial longe le remarquable défilé de la Scala di Santa Regina, à l'entrée nord du Niolu, pour atteindre Corscia.
Sentier de grande randonnée 20
Article détaillé : Sentier de grande randonnée 20.Le GR 20 longe les limites occidentales du Niolu qui compte 3 étapes sur la Partie Nord de son itinéraire : Tighiettu, Ciuttulu di i Mori et Col de Vergio.
Mare a mare Nord
Article détaillé : Mare a mare.Le sentier de grande randonnée Mare a mare Nord, venant de Corte, traverse le Niolu via Calacuccia et Albertacce, depuis le refuge de la Sega pour sortir au col de Vergio et continuer sur Évisa.
Pêche
L'association de pêche "AAPPMA A NIULINCA" forte de 150 membres, regroupe les cinq communes du canton et gère le milieu aquatique de cette région. De multiples possibilités sont offertes aux pêcheurs par le réseau hydrographique, le GOLO et le lac de Calacuccia. Depuis le 11 mai 2010, Cette association a son siège à la mairie d'Albertacce.
Ski
Article détaillé : Station de ski de Vergio.Escalade
Un site d'escalade se trouve à Corscia, à l'entrée du Niolu.
Citation(s)
- « [...] en traversant la sauvage et aride vallée du Niolu, qu'on appelle là-bas la citadelle de la liberté, parce que, dans chaque invasion de l'île par les Génois, les Maures ou les Français, c'est en ce lieu inabordable que les partisans corses se sont toujours réfugiés sans qu'on ait jamais pu les en chasser ni les y dompter [...] » Guy de Maupassant (1881)
Notes et références
- Un musée à Albertacce porte aujourd'hui le nom de musée Licninoi
- X. Poli La Corse dans l'Antiquité et le Haut Moyen Âge - Librairie A. Fontemoing Paris 1907
- Cala, d'après Wenrich, p. 310, est un mot arabe signifiant baie, port abrité, station navale sûre, « sinus maritimus, locus a ventis tutus, tuta navium statio. »
- César Cantu - Histoire Universelle 1846 T. IX p. 56
- Prosper Mérimée Notes d'un voyage en Corse, Éditeur : Fournier jeune (Paris) 1840
Voir aussi
Articles connexes
- Forêt de Valdu Niellu
- Le Golo
- Lac de Calacuccia
- Scala di Santa Regina
- Col de Vergio
- Le fromage Niulincu
Liens externes
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