- Neutralité carbone
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Le principe de neutralité carbone consiste à compenser les émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère d'une activité utilisant des énergies fossiles. Dans le cadre du marché des crédits carbone (cf. protocole de Kyoto] ou non, il s'appuie sur le concept de compensation volontaire.
S'il s'inscrit dans une logique de marché du carbone, c'est en France, sous l'égide de l'ADEME), la compensation volontaire un mécanisme de financement permettant à une entité (administration, entreprise, association, individu) de substituer (pour tout ou partie) à ses propres émissions de gaz à effet de serre (GES) une quantité équivalente de "droits carbone" en les achetant auprès d'un tiers. Ceci implique de pouvoir mesurer les émissions de GES d'activités productives, du transport, chauffage etc. Puis, si possible après avoir réduit ces émissions, il s'agit de financer un projet de séquestration ou de réduction des GES ailleurs ou sur le même site, mais porté par un autre acteur compétent pour ce faire.
C'est un des moyens et exemples de remboursement d'une dette écologique, éventuellement ailleurs dans l'espace et dans le temps.Sommaire
Origine
L'utilisation d'énergie fossile augmente le taux de dioxyde de carbone dans l'air et contribue au réchauffement climatique global du fait de l'effet de serre. Le principe de neutralité carbone est basé sur le fait que le CO2 étant un gaz très miscible dans l'atmosphère, une quantité de CO2 émise dans un lieu peut être "compensée" par la séquestration ou la réduction d'une quantité équivalente de CO2 ailleurs, en termes de bilan global au moins, car les problèmes d'acidification de l'eau ou des pluies près de la source, et d'impacts indirects sur la biodiversité et donc les puits de carbone peuvent parfois exister. Ce principe de neutralité géographique, permet de donner une logique à un système de « compensation volontaire » et quantitativement mesurée, visant à sinon réduire la quantité de carbone dans l'air, à au moins ne pas en ajouter. C'est une des bases des mécanismes du Protocole de Kyoto.
La s'inscrit dans une logique de neutralité carbone : elle doit accompagner la mise en œuvre de solutions énergétiques alternatives ou d'efforts de réduction des émissions.
Principes généraux
La neutralité carbone :
- repose sur la connaissance des émissions de l'entité qui vise cette neutralité, il passe donc par un bilan des émissions de gaz à effet de serre
- admet que certaines activités peuvent moins facilement que d’autres compenser leurs impacts en Gaz à Effet de Serre (GES), mais qu’on peut les compenser dans le cadre d’autres activités, l’essentiel étant au minimum d’atteindre un bilan équilibré (neutralité) en compensant toute émission nouvelle de GES par le soutien à des projets réduisant les émissions de GES.
- concerne les investissements nouveaux, comme le fonctionnement (soutien aux activités).
- peut être atteinte en conditionnant des investissements à une meilleure efficience énergétique grâce par exemple aux labellisations de Très Haute Performance Énergétique (THPE), et en développant les énergies renouvelables, les transports collectifs, etc.
- s’évalue in fine, comme la compensation au sein du territoire concerné (ex : région, pour le cas des Contrats de Plan État-Région (CPER), sans possibilité de compensation entre régions).
- vise aussi à aider les territoires vulnérables dans un contexte d'incertitude énergétique et climatique.
- est un processus vertueux et pédagogique, comme le calcul de l’empreinte écologique lorsqu'il s’accompagne de mesures compensatrices (compensation carbone) et de réduction.
Évaluation et monétisation
La compensation ne se monétise pas (comme dans le cas des permis à polluer où la tonne de carbone a un prix fluctuant selon le marché).
La neutralité-carbone s’évalue en tonnes de carbone économisées ou absorbées par un puits de carbone, constituant ainsi un dispositif fixant un objectif politique clair aux partenaires régionaux lorsqu'il s'agit d'un projet public. Ce principe qui est un élément d’une première approche du remboursement de la dette écologique, intègre les contraintes liées aux modalités de la contractualisation des CPER.
Ce principe se traduit par de meilleures comparaisons énergétiques des diverses solutions dans les études d’impacts. Les contractants sont ainsi obligés de mieux prendre conscience de leurs émissions nouvelles directes et indirectes de GES. Ils sont invités à produire des objectifs crédibles à court et moyen terme; en s'inscrivant dans le processus de long terme du facteur 4 et de développement durable de leur territoire. Certaines filières courtes devraient ainsi retrouver de leur attractivité. C’est aussi un encouragement au progrès technologique et à l’efficience énergétique lors du renouvellement des équipements.
Outil « neutralité carbone » spécifique en France
La mise au point d'un outil spécifique, unique, pour mesurer les émissions de GES Un outil mis au point avec le concours de plusieurs services de l'État. La DATAR) promeut la démarche et offre un appui méthodologique et un outil d'évaluation de l'impact carbone: (calculateur) estimant les émissions potentielles de GES à partir des montants financiers du contrat, mis au point par le bureau d'études Énergies Demain recommandé par la Mission interministérielle de l'effet de serre (MIES) et reconnu par l'ADEME. Un comité de pilotage créé par la DATAR accompagne avec le MEDD, le Ministère de l'Industrie, la MIES, l'ADEME et la DATAR avec présentation des hypothèses de travail pour les CPER aux Ministères de l'Équipement et de l'Agriculture.
Le calculateur permet l’aide à la décision, par grandes catégories de projet, via :
- une évaluation a priori des projets de mandat CPER au cours des négociations (analyse macro, à partir des programmes LOLF détaillés vis-à-vis d'un référentiel de catégories d'intervention), avec un objectif de neutralité carbone qui sera expliqué à la DATAR par les Préfets qui remonteront les projets de contrat avec les Conseils Régionaux.
- suivi continu des impacts en GES des financements des Programmes Opérationnels (PO) européens et des CPER, sur la base des informations financières des opérations.
La DATAR et ses partenaires travaille fin 2006 à adapter l'outil « évaluation carbone» à PRESAGE, l’outil européen de suivi des opérations des PO (programmes opérationnels) pour les années 2007-2013, les PO complétant souvent les financements des CPER. Sans saisies supplémentaires, l’outil devrait calculer l’impact des PO en termes de contribution à l’effet de serre, ce qui était une obligation légale (les subventions européennes ne devant pas normalement générer d’impacts environnementaux qui n’aient pas été évalués et compensés) dans le cadre de l’Évaluation Stratégique Environnementale. : L'outil « neutralité carbone » des CPER offre une approche nouvelle, car on mesure actuellement mal les émissions de GES des activités et des territoires. Il sera affiné avec les évaluations et les connaissances apportées par les observatoires des gaz à effet de Serre (déjà opérationnel dans le Nord Pas-de-Calais) nouvelles en matière d'émissions de GES que ne manqueront pas d'acquérir les collectivités territoriales et les entreprises, notamment grâce à la généralisation des bilans carbone développés par l'ADEME.
Un tel dispositif devra, par la suite, être étendu facilement à d'autres catégories de projets de territoire, comme cela a été proposé par la DATAR dans le document d'actualisation de la Stratégie Nationale de Développement Durable et validé en réunion Interministérielle.
Un outil est également sur le point de voir le jour : Chantier Carbone. Développé par la société GREENLOGIC, Chantier Carbone répond à la problématique du BTP de la méthode Bilan carbone. En effet, le Bilan Carbone prend en compte de manière approximative l'impact de la construction sur le réchauffement climatique. C'est ainsi que le projet Chantier Carbone consiste en l'affichage précis des quantités équivalentes en carbone émises par l'activité de construction. Cet outil est développé avec le soutien de l'ADEME ce qui lui confère une crédibilité certaine. Chantier carbone peut être considéré comme une extension BTP du Bilan Carbone. Il n'est cependant pas encore inscrit dans les mécanismes officiels de compensation.
Initiatives
L'idée de la neutralité comptable rejoint la démarche de l'empreinte écologique déjà largement étudiée dans le cadre international.
De la neutralité carbone, la neutralité énergétique , la neutralité eau voire la neutralité déchets sont de nouveaux champs d'expérience qui sont tentés par des collectivités, ONG et/ou multinationales.
La recherche d'un nouveau modèle passera par une méthodologie irréprochable de l'objectif de neutralité défendu. Une expérimentation qui suscitera sans doute de longues années de tests par cycle visé.
Acteurs publics (États, collectivités)
Le Protocole de Kyoto nous engage d’abord à stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau de 1990 d’ici 2010. Au-delà, pour limiter le réchauffement à environ 2 °C en 2100, la loi d’orientation sur l’énergie du 14 juillet 2005, prévoit que la France divise par 4 ses émissions d’ici 2050 (Cf. « Facteur 4 »). Ceci implique une réduction d’environ 3% par an des rejets globaux. Après 2012, les efforts devraient être encore renforcés, car stabiliser les émissions c’est encore contribuer très significativement au réchauffement.
Le 21 février 2008, cinq pays — Costa Rica, Islande, Monaco, Norvège et Nouvelle-Zélande — se sont engagés à orienter leur économie vers une neutralité carbone en réduisant fortement leurs rejets de CO2[1]. Le Costa Rica est à l'origine de cette initiative, reprise par le Programme des Nations unies pour l'environnement. Les pays signataires s'engagent à devenir « climatiquement neutre » d'ici 2021.
En France, le Protocole de Kyoto a été adopté par le gouvernement et étudié par l’ARF (Association des régions de France) en 2006, qui en a fait un outil pour évaluer les contrats de plan État-Région CPER et les P.O (Plans opérationnels) européens : En 2006, le Premier Ministre français a annoncé l'objectif de « neutralité carbone » dans les contrats de plan (CPER): « Vous inscrirez le contrat de projets dans une perspective de neutralité carbone../.. Vous mettrez en place un dispositif de suivi permettant de veiller au respect de la neutralité carbone du contrat, en apportant si nécessaire des mesures correctives lors de leur révision à mi parcours ». Les projets soutenus financièrement au titre des CPER sous le contrôle des préfets de région, ne doivent désormais plus conduire globalement à des émissions additionnelles de GES (Gaz à effet de serre). Une approche de type compensatrice doit permettre aux CPER (ou équivalent) une premières mises en œuvre du principe de neutralité pour l’État et les Régions.
Acteurs privés
La neutralité carbone est aussi un objectif stratégique d'organisations. Les grandes banques affichent cet objectif de neutralité dans leur fonctionnement propre de structure et parfois pour certains de leurs produits financiers orientés vers la neutralité ou compensés. Cet objectif est également recherché par tous types d'entreprises, les nouvelles entreprises ou les entreprises innovantes ou technologiques (Google pour fin 2007) étant plus enclines à décliner cette exigence.
Limites
La neutralité carbone est une approche ou un outil forcément peu précis qui devra être amélioré, ce qui est prévu par ses concepteurs.
Il met en avant la responsabilité directe d’un niveau de collectivité territoriale. Le niveau de responsabilité est évalué par l'entremise d'un projet macroéconomique qui ne désigne pas directement ou nommément un pollueur identifié. Cet objectif peut être également décliné à l'échelle d'un produit, d'un service , d'un processus, d'une entreprise voire d'une stratégie bancaire au titre de ses investissements à l'exemple de la caisse des dépôts et consignations.Il n’empêche pas celui qui demande une subvention de proposer lui-même une compensation, avec le risque d’ainsi faire accepter le financement de projets qui ne sont pas nécessairement éthiques, utiles ou soutenables.
Cette approche de statu-quo permet une non-augmentation des émissions de GES, mais non une division par 4 ou 5, nécessaire pour répondre aux objectifs de Kyoto.
Ceux qui pensent qu’il y a urgence à agir ne se satisfont pas de la neutralité, et appellent par exemple des écotaxes qui pourraient plus rapidement permettre le « facteur 4 ». Néanmoins le facteur 4 est clairement annoncé comme cible minimale à moyen terme par la DATAR et d'autres. Par ailleurs, si l’outil est imparfait, certains espèrent que sa marge d’erreur sera en quelque sorte lissée par la moyenne.La prise en compte du vrai bilan carbone de l’électricité (de l’amont à l’aval de la filière et en termes d’effets induits) ne fait toujours pas l’objet de consensus (ce pourquoi les logiciels de calcul de l’empreinte écologique ne la prennent pas encore en compte). Faut-il utiliser un facteur de conversion en équivalent tonne par CO2 pour la production électrique ? Les États n'ont pas décidé de le faire pour l'instant.
Certaines ONG dénoncent en tous les cas le mythe de la neutralité carbone au vu de premiers retours d'expérience.
Des questions éthiques se posent aussi. Par exemple : Détruire et brûler un hectare de forêt ici pour replanter un voire 2 ou 4 hectares ailleurs, ne compense pas immédiatement la perte en carbone et surtout ne prend pas en compte les autres services écosystémiques rendus par la forêt.
Voir aussi
Articles connexes
- Bilan carbone
- Diagnostic de performance énergétique
- Contenu CO2
- Empreinte écologique
- Mesure compensatoire
- Protocole de Kyoto
- Carte carbone
Liens externes
- (fr) NECATER, outil d'évaluation de l'impact carbone sur le site de la DATAR
- (fr) Site "Compensation carbone", avec charte de bonnes pratiques en matière de compensation carbone volontaire et site portail créé pour favoriser la transparence d’un marché en plein développement, avec l'Ademe
Notes et références
- Le Figaro du 22 février 2008
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