Contenu CO2

Contenu CO2
Charbon (anthracite) : le combustible dont la teneur en CO2 est la plus élevée.


Les émissions de CO2 sont des facteurs qui permettent d’évaluer, à partir d'une consommation énergétique « finale », par type d'usage, ou pour une somme d'usages un impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
Les émissions de CO2 s’expriment en général en grammes d’équivalent CO2 par kWh (gCO2eq/kWh) mais elles peuvent également s’exprimer sous forme de teneur en carbone en grammes d’équivalent carbone par kWh.

La mesure réelle ou l'évaluation modélisée des émissions de CO2 des différentes sources d'énergie permettent d’établir des « bilans d’émissions » en fonction des consommations en énergie, et par suite d'investir plus judicieusement dans du matériel produisant de l'énergie, des calories ou frigories, de manière à ce qu'il soit moins impactant pour le climat (moins consommateur de ressources énergétiques fossiles.

Les émissions de CO2 sont évaluées selon deux conventions :

  1. soit en émissions directes dues à l'utilisation de l'énergie chez le consommateur final ;
  2. soit en analyse du cycle de vie (ACV), afin de tenir compte des émissions dues à l’utilisation de l’énergie mais également les émissions dues aux chaines d’approvisionnement et de transformation énergétiques (production, transport, distribution jusqu’aux consommateurs...).


Sommaire

Émissions directes en CO2 des combustibles

Les hydrocarbures contiennent des taux variables d’atomes de carbones (en noir) - exemple des isomères du butane.

Le émissions directes de CO2 des combustibles sont directement liées à la présence de carbone dans la formulation chimique des combustibles.

Par exemple, les formules comparées du charbon et du gaz naturel permettent d’établir que le gaz naturel émet moins de CO2 que le charbon, pour la même quantité d'énergie libérée :

– pour le charbon : C + O2 → CO2 (9,2 kWh PCI par kilogramme de combustible à 25 °C) ;
– pour le gaz naturel : CH4 + 2O2 → CO2 + 2H2O (13,9 kWh PCI par kilogramme de combustible à 25°C).

Il est ainsi possible d’évaluer le rapport entre les émissions de CO2 et l’énergie dégagée par la combustion. Le contenu en analyse du cycle de vie est ensuite calculé en additionnant les émissions de gaz à effet de serre de la chaîne d’approvisionnement.

Des valeurs en émissions directes sont fournies par le GIEC pour un ensemble de combustible[1].
Ces valeurs sont adaptées par les organismes nationaux pour prendre en compte des spécificités locales comme la composition des combustibles commerciaux.
Ainsi, en France, les valeurs sont publiées par le Citepa dans son inventaire des émissions de polluants atmosphériques en France[2].

En analyse de cycle de vie (ACV), les valeurs dépendent des chaînes d'approvisionnement locale, elles sont donc fortement dépendantes des pays où les valeurs sont calculées, sans parler des périmètres d'analyse qui peuvent être différents. Par exemple pour la France, des contenus sont donnés par l’ADEME pour son Bilan Carbone[3] ou encore par l’arrêté du Diagnostic de performance énergétique[4]. Au Canada, des contenus sont publiées par exemple par le ministère du Transport pour le calculateur d'émissions liées au transport urbain[5].


Contenus CO2 des combustibles courants
(gCO2eq/kWh Pouvoir calorifique inférieur)
Combustibles Émissions
directes
Émissions
ACV
Charbon 342 384
Fioul lourd 281 320
Fioul domestique / Gazole 270 300
Essence (ARS, SP95, SP98) 264 309
GPL 230 274
Gaz naturel 205 234
Bois-énergie ~0 13


Les contenus peuvent varier en fonction de la composition des combustibles et des méthodes employées, l’ADEME pour son Bilan Carbone[3] estime l’incertitude à +/-5% pour les produits pétroliers et à +/- 20% pour le charbon et ses dérivés.

Pour le bois-énergie, le contenu CO2 émis à la combustion est considéré conventionnellement comme nul. En effet, le cycle entre la combustion dégageant du CO2 et le captage de ce CO2 par la croissance de la biomasse est court, de l’ordre de l’année. Cela suppose une politique cohérente de gestion des forêts. Les émissions de CO2 de la biomasse sont donc uniquement dues à la consommation de combustible pour l’exploitation et le transport du combustible, ainsi que les fuites d’autres gaz comme le méthane dont le potentiel de réchauffement global est élevé.

Les biocarburants font l’objet d’une polémique sur les émissions en analyse de cycle de vie décrit dans l’article correspondant.

Contenus CO2 des réseaux de chaleur

Répartition des consommations énergétiques par sources des réseaux de chaleur en France en 2006[6].

La chaleur consommée par les sous-stations raccordées aux réseaux de chaleur n’émet pas de gaz à effet de serre sur le lieu de l’utilisation. En revanche, l’utilisation des combustibles pour produire initialement la chaleur émet des gaz à effet de serre. Il existe donc une relation de cause à effet entre la consommation de chaleur et les émissions de CO2, il est donc couramment admis de parler de contenus CO2 des réseaux de chaleur.

En raison de la grande variété des sources énergétiques utilisées par les réseaux (du charbon à la géothermie), le contenu CO2 est fortement dépendant du type de combustible utilisé (hors géothermie).

En France, les réseaux font désormais l’objet d’une enquête annuelle[7] dont les premiers résultats ont été publiés dans un arrêté[8]. La méthodologie retenue dans l’enquête se base sur les émissions directes des combustibles ; Les valeurs ACV pour les réseaux ne sont donc pas disponibles.


Exemples de contenus CO2 des réseaux de chaleur(gCO2eq/kWh)
Réseau de chaleur Émissions
directes
Émissions
ACV
France - Chauffage urbain de la Duchère et Lyon 9e 368 ***
France - Compagnie parisienne de chaleur urbain 195 ***
France - Chauffage urbain de Brest 32 ***

Un arrêté ministériel du 4 mai 2009 établit le contenu en CO2 à retenir pour l’énergie distribuée par les réseaux de chaleur. Il liste 354 réseaux et le contenu CO2 (en kilogramme de CO2 émis pour chaque kilowattheure vendu en sous-station) qui doit être appliqué par les diagnostiqueurs dans le cadre des diagnostics de performance énergétique (DPE) ainsi que plus généralement par les organismes certificateurs et les éditeurs de logiciels spécialisés. D'autres arrêtés annuels mettront ces éléments à jour. En 2009, des discussion MEEDM-SNCU ont porté sur la méthode de calcul et sur la possibilité d'ajouter au contenu CO2, pour chaque réseau, un facteur de conversion entre énergie livrée en sous-station et énergie primaire (pour informer les usagers du rendement de production / distribution en quelque sorte)[9].

Des valeurs pour les réseaux de froid peuvent également être calculées (En France, en 2008, il y avait 427 réseaux, dont 13 réseaux de froid et le bouquet énergétique utilisé par l'ensemble des réseaux de chaleur se répartissait en énergies fossiles 67% (dont gaz naturel 49%) ; énergies renouvelables et de récupération 29% (dont chaleur de récupération UIOM 21%). 32% de cess réseaux disposaient au moins une source d’énergie renouvelable et de récupération et 23% étaient alimentés au moins à 50% par des EnR&R. Le contenu CO2 moyen des réseaux de chaleur était de 0,193 kg de CO2/kWh (électricité : 0,180 ; gaz naturel : 0,234 ; charbon : 0,384), pour une puissance totale installée : 17739 MW [10]). Les SRCAE devraient dès 2011-2012 encourager le développement de ces réseaux avec une meilleure efficience énergétique, et un moindre contenu carbone.

Contenus CO2 de l’électricité

Indicateurs simplifiés de « contenu CO2 » de l'électricité, par grands types d'usages, sur la base de moyennes calculées sur la base des statistiques disponibles (EDF & ADEME, 2005).
Ici, seules sont prises en compte les émissions directes, et non les émissions grises. Ces donnée varient selon les époques (cf. efficience énergétique, et évolution des types de carburants utilisés) et les pays (part du nucléaire plus importante dans certains pays, dont la France)
Détail des principaux indicateurs (pour l'électricité / en 2005),
avec plages de variations quand elles sont connues

Préambule

Comme pour les réseaux de chaleur, l’utilisation de l’électricité par le consommateur d’énergie n’entraîne pas d’émissions directe de gaz à effet de serre sur le lieu d’utilisation. En revanche, la construction et l'entretien du réseau de transport de l'électricité, et bien plus encore l’utilisation des combustibles pour produire initialement l’électricité émet différents gaz à effet de serre. Comme il existe donc une relation directe entre la consommation d’électricité et les émissions de CO2, il est couramment admis de parler du contenu CO2 de l’électricité.
Cependant le sujet des émissions de CO2 liées à l’électricité fait débat pour plusieurs raisons :

  • Le système électrique est complexe, mobilisant divers moyens de production pour répondre à la variabilité de la demande, au travers des mécanismes d’équilibre techniques et économiques de plus en plus sophistiqués ;
  • Les moyens de production électrique varient ; de l'hydraulique de lac n’émettant pas d'émission directe de CO2, jusqu’aux centrales thermiques à charbon émettant plus de 900 gCO2eq par kWh produit,
  • Le mix de production est plus ou moins carbonée selon les régions et pays (peu carboné en France, Suisse ou encore en Suède pour l'Europe),
  • L'importance de la part de l’énergie nucléaire varie beaucoup, avec en France, 76,9% du mix en 2007, et une part importante en Suède, alors même que cette énergie fait l'objet d'un débat particulièrement sensible (cf. débat sur l'énergie nucléaire),
  • la fluidité des échanges transfrontaliers entre les pays européens (ou entre le Canada et les États-Unis) rend délicat l’établissement de valeurs « nationales » de contenu CO2, valeurs souhaitées pour des raisons politiques alors qu'elles ne font que rarement sens d'un point de vue physique,
  • enfin, les politiques commerciales des fournisseurs d’énergie perturbent également les débats scientifiques.

Cet article a été structuré de façon à représenter la diversité des méthodes d’évaluation du contenu CO2 de l’électricité et leur domaine de validité.

Quelques définitions

Centrale de production électrique à base de charbon (Datteln, Allemagne). Ce type de centrale peut produire de l’ordre de 1000 gCO2/kWh.

Les contenus CO2 de l’électricité peuvent être définis de différentes manières, suivant les émissions auxquelles ils s’intéressent et aux périmètres pris en compte : à la production, à la consommation, à l’échelle d’un producteur ou d’un pays.

Le contenu CO2 du kWh produit par filière est défini comme les émissions de CO2 par kWh d’électricité produit en sortie d’une filière de production (centrale charbon, tranche nucléaire, éolienne...).


Quelques exemples de contenus CO2 du kWh
produit par filière (gCO2eq/kWh)
Filières Émissions directes
+ ACV d’après EDF[11]
Émissions directes
+ ACV d’après un rapport
de l'université de Stanford
Nucléaire 5 9 à 70
Charbon 600 MW 962
Charbon 250 MW 1036
Fioul 998
Hydraulique retenue 5 17 à 22
Photovoltaïque 97 19 à 59
Éoliennes 3 2,8 à 7.4
Géothermie 15,1 à 55

Le contenu CO2 du kWh produit est le contenu CO2 moyen du kWh électrique produit par l’ensemble des moyens de production d’un producteur (EDF, RWE...) ou d’un pays (France, Allemagne...).


Quelques exemples de contenus CO2 du kWh produit par producteur d’après PriceWaterhouseCoopers[12] (gCO2eq/kWh)
Producteur Émissions
directes
Émissions
ACV
Fortum 64 ***
Groupe EDF 145 ***
Electrabel 300 ***
Moyenne européenne 372 ***
Groupe EON (E.ON AG) 403 ***
Groupe RWE 848 ***

Le « contenu CO2 évité par kWh produit » est relatif à la production électrique : il permet d’évaluer les émissions de CO2 évitées par une nouvelle production connectée au parc existant, par exemple le Ministère de l'environnement français a évalué que les émissions évitées par la production éolienne sur le territoire nationale est de 300 gCOeq2/kWh[13].

Le « contenu CO2 du kWh consommé » est relatif aux émissions provoquées par une consommation électrique. Il prend en compte le contenu CO2 du mix de production, les importations et les consommations des réseaux de transport et de distribution nécessaires pour couvrir la consommation.

Le « contenu CO2 du kWh consommé par usage » est basé sur une décomposition du contenu CO2 consommé selon les différents usages. Comme il n’est pas possible de distinguer physiquement la participation des moyens de production pour tel ou tel usage, les moyens de production couvrant la somme des appels à tout instant, la décomposition repose sur des méthodes conventionnelles d’allocation (développées ci-dessous) ;

Exemple de débat : historique des contenus CO2 par usage en France

Plusieurs études ont été historiquement menées en France pour tenter d’évaluer des contenus CO2 différenciés par usage avec l’idée de distinguer les usages vertueux en termes d’émission de gaz à effet de serre de ceux qui ne le seraient pas.

1990 - DGEMP : la première tentative est effectuée en France par la Direction générale de l'énergie et des matières premières (DGEMP) en annexe du rapport du groupe interministériel sur l’effet de serre[14] présidé par Yves Martin (Ingénieur Général des Mines). La DGEMP après s’être intéressée aux coûts du chauffage électrique a essayé de calculer un contenu CO2 pour cet usage. L’annexe n’est plus disponible publiquement mais les conclusions permettent d’estimer une valeur supérieure à 240 gCO2eq/kWh pour l’usage chauffage.

"La contribution à l’effet de serre du chauffage électrique est pratiquement toujours supérieure à celle du chauffage à gaz à condensation (240 g de CO2/kWh); cette situation ne s’inverse que dans une hypothèse de forte hausse du prix du charbon et du gaz qui conduirait à majorer fortement la part du nucléaire dans un kWh de chauffage électrique" Rapport du groupe interministériel sur l’effet de serre - Novembre 1990 - page 54

2000 - ADEME : l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) publie une note sur les émissions de gaz à effet de serre[15]. Il n’est pas proposé de contenus CO2 de l’électricité différenciés par usage mais il est néanmoins fait mention des méthodes qui seront par la suite développées : méthode moyenne, méthode marginale et méthode incrémentale.

2002 - DGEMP : la DGEMP propose une nouvelle étude en 2002[16] sur une base différente mais pour tous les usages. La méthode cependant ne permet pas de distinguer clairement les usages entre eux, tous les contenus proposés étant très proches du contenu moyen du kWh consommé.

2003 - ADEME : l’ADEME contribue à l’élaboration du plan action climat 2003 avec une note méthodologique sur les contenus CO2 de l’électricité[17]. Cette note propose plusieurs type de contenus en émissions directes :

  • Contenu moyen de 62,1 gCO2eq/kWh en 2000,
  • Contenu marginal de 560 gCO2eq/kWh en 1997, repris de la note de 2000 (cf. ci-dessus),
  • Contenus différenciés par usages avec une méthode "moyenne marginale" qui sera renommée par la suite en moyenne saisonnière (cf. 2005) :
Quelques exemples de contenus CO2 du kWh par usage d'après l'ADEME en 2003 (gCO2eq/kWh)
Usage Émissions
directes
Émissions
ACV
Éclairage résidentiel 291 ***
Chauffage résidentiel 223 ***
Électroménager 144 ***
Tertiaire moyen 123 ***
Industrie 29 ***
  • Contenu incrémental par référentiel technologique de 400 gCO2eq/kWh sur la base d’un développement des cycles combinés gaz pour la production électrique.

2005 - ADEME/EDF : l’ADEME met à jour son étude de 2003 en collaboration avec EDF dans une note de cadrage sur le contenu CO2 du kWh par usage en France[18] en ne retenant que la méthode moyenne saisonnière en émissions directes.

Contenus CO2 du kWh par usage d'après les indicateurs simplifiés de l'ADEME et EDF en 2005 (gCO2eq/kWh)
Usage Émissions
directes
Émissions
ACV
Chauffage 180 ***
Éclairage 100 ***
Usages intermittents 60 ***
Usages en "base" 40 ***

2007- EDF : en annexe du rapport dit Syrota[19] de la Commission énergie du Centre d'analyse stratégique, présidée par Jean Syrota (Ingénieur des Mines), EDF a proposé une mise à jour des valeurs de la note ADEME-EDF. D'après les analyses du fournisseur d'énergie, le contenu CO2 pour le chauffage électrique passerait de 180 gCO2eq/kWh sur la période 1998-2003 à 130 gCO2eq/kWh en 2020. Selon EDF, "la méthode retenue est la seule qui permet de rendre compte des modifications du parc dans la durée".

2007 - Gaz de France : parallèlement à la prise de position d'EDF, Gaz de France propose dans le même rapport[19] une approche incrémentale du contenu CO2 de l'électricité pour le chauffage avec une valeur de 608 gCO2eq/kWh. Gaz de France propose également une mise à jour des valeurs moyennes de la note ADEME-EDF sur une période plus récente (2001-2006) et en prenant en compte les émissions ACV, la valeur mise à jour serait alors de 280 gCO2eq/kWh. Selon Gaz de France, cette méthode "est utile pour calculer le bilan passé, mais elle n'est pas adaptée pour estimer le contenu CO2 de nouveaux chauffages électriques".

2007 - DGUHC : subventionnés par la DGUHC, le bureau d'étude Énergie Demain et le consultant Antoine Bonduelle publient les résultats d'une étude prospective sur la valorisation des actions de maîtrise de la demande d'électricité au congrès ECEEE 2007[20] puis dans la Revue de l'Énergie[21]. Cette étude propose une approche marginale des contenus CO2 par usage par différence entre plusieurs scénarios d'évolution des consommations.

2007 - ADEME/RTE : dans une note interne[22] mais diffusée par certaines associations, l'ADEME et RTE (groupe EDF) tente de concilier les parties en présences en proposant une mise à jour de la méthode moyenne saisonnière de la note ADEME-RTE et une méthode marginale proche de celle proposée par l'ADEME en 2003. Des valeurs sont proposées en émissions directes :

Contenus CO2 du kWh par usage d'après la note l'ADEME et RTE diffusée en 2007 (gCO2eq/kWh)
Usage Méthode
moyenne
Méthode
marginale
Chauffage 180 500-600
Éclairage 100 600-700
Usages intermittents 60 600-700
Usages en "base" 40 450-550


L'aperçu de cet historique pourrait faire penser qu'il n'existe aucun consensus scientifique sur le sujet des contenus CO2 par usage de l'électricité. Des constantes apparaissent cependant dans cette controverse, notamment sur les méthodes d'allocation employées. À la lecture de l'historique, il se dégage trois familles de méthodes pour parvenir à évaluer un contenu par usage :

  • les méthodes moyennes notamment la méthode moyenne saisonnière développée par l'ADEME et EDF en 2005,
  • les méthodes marginales dont la plus récente est proposée dans la publication de l'ADEME et de RTE,
  • les méthodes incrémentales ou de référentiel technologique dont la plus récente est proposée par Gaz de France.

Méthodes moyennes

La méthode moyenne d'allocation des émissions de CO2 est à approcher par analogie à l'économie à la notion de coût moyen. L'expression mathématique du contenu CO2 moyen par rapport aux émissions totales Et et à la consommation totale Ct s'écrit :

 CO2_M = \frac{E_t}{C_t}

Afin de distinguer les usages, il est possible de calculer des contenus moyens horaires, journaliers, mensuels ou saisonniers puis de les affecter au prorata de la répartition des usages.

Ainsi en France, la méthode décrite dans la note ADEME-EDF[22] s'appuie sur un découpage saisonnier des consommations et de la production, justifié par le constat que la consommation d'électricité présente une variation saisonnière caractéristique entre l'été et l'hiver. Les 500 TWh de consommation d'électricité française sont répartis en 400 TWh de consommation de base, c'est-à-dire ayant le même niveau toute l'année, et 100 TWh de consommation saisonnière répartie sur la période hivernale. Le même calcul est réalisé sur les émissions de CO2 de la production, avec 16 Mt de CO2 sur la partie de base et 18 Mt de CO2 sur la partie saisonnière. Il est alors possible de calculer deux contenus CO2 en fonction de la saisonnalité : 180 gCO2eq/kWh pour les usages saisonniers et 40 gCO2eq/kWh pour les usages de base. Le calcul détaillé[22] par usage est réalisé sur la base d'un taux de saisonnalité, par exemple :

  • l'usage réfrigération résidentiel est stable toute l'année, son contenu CO2 moyen est donc de 40 gCO2eq/kWh,
  • l'usage industrie présente une légère saisonnalité, sa consommation est 10% supérieur en hiver qu'en été, son contenu CO2 moyen sera donc de 90%x40 + 10%x180 = 54 gCO2eq/kWh,
  • l'usage chauffage est exclusivement saisonnier, son contenu CO2 moyen est donc de 180 gCO2eq/kWh.

À noter que l'ADEME a publié en septembre 2008 une mise à jour partielle de l'étude de 2005 dans son Regard sur le Grenelle[23], établissant une nouvelle valeur pour le chauffage électrique à 225 gCO2eq/kWh. Le contenu CO2 mis à jour pour les usages de base n'est pas encore disponible.

Ce type d'étude peut évidemment être transposée à d'autres pays, à condition de connaitre la répartition saisonnière de la production et de la consommation d'électricité en se basant par exemple sur les données fournies par l'ENSTO (European Network of Transmission System Operators for Electricity)[24].

Comme le calcul du coût moyen, la méthode du contenu CO2 permet d'allouer des émissions de CO2 par secteur pour réaliser des bilans. En revanche, le contenu CO2 moyen ne répond pas à la question : combien émet une consommation supplémentaire d'électricité ou au contraire combien économise de CO2 une consommation évitée ?

Méthodes marginales

Pour tenter de répondre à la question de l'évaluation des conséquences, les méthodes marginales d'allocation des émissions de CO2 ont été développées par analogie à la notion de coût marginal. L'expression mathématique du contenu CO2 marginal par rapport aux émissions totales Et et à la consommation totale Ct s'écrit

 CO2_m = \frac{d E_T}{d C}

En pratique, le fonctionnement du parc électrique repose sur l'empilement des moyens de production à coût marginal court terme (=coût d'exploitation) de production croissant : les moyens de production les moins coûteux sont appelés en premier puis successivement les moyens de production de plus en plus coûteux jusqu'à l'équilibre offre-demande. Ainsi, les productions fatales (éolien, hydraulique au fil de l'eau, photovoltaïque...) sont nécessairement appelées par définition, puis viennent les centrales nucléaires et enfin les centrales thermiques et l'hydraulique de pointe. À partir des données de production et des conditions économiques, il est donc possible d'évaluer le moyen de production appelé en dernier qui a réalisé l'ajustement marginal heure par heure, donc le moyen susceptible de réagir à une petite augmentation ou à une petite diminution de la demande.

En France, cette notion a par exemple été utilisée dans la note ADEME publiée en 2000[15] pour calculer la marginalité thermique mensuelle, c'est-à-dire la durée pendant laquelle l'ajustement marginal est assuré par les moyens thermiques, émetteur de CO2 en émissions directes :

Marginalité thermique en 1997 et contenu marginal mensuel (gCO2eq/kWh) d'après la note l'ADEME de 2000[15]
Mois Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
% de marginalité 82% 78% 51% 60% 43% 52% 41% 50% 62% 76% 70% 77%
Contenu CO2 marginal 741 704 458 543 389 470 370 455 561 686 631 693

À partir de l'évaluation du contenu marginal horaire ou mensuelle et du profil de consommation d'un usage, il est possible d'établir un contenu CO2 marginal différencié par usage. Ainsi, les valeurs proposées par l'ADEME et RTE[22] différencient trois usages :

  • le chauffage électrique avec un contenu CO2 marginal compris entre 500 et 600 gCO2eq/kWh,
  • les usages de pointe avec un contenu CO2 marginal compris entre 600 et 700 gCO2eq/kWh,
  • les usages de base avec un contenu CO2 marginal compris entre 450 et 550 gCO2eq/kWh.

La notion de contenu marginal correspond directement à la notion d'"operational margin" utilisée pour évaluer l'impact des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto dans différents pays. Ainsi, des guides permettent des évaluations selon les données locales disponibles, comme le guide publié par l'OCDE[25].

Il est intéressant de souligner que le contenu marginal peut également être appliqué pour les productions électriques, notamment les productions éoliennes ou photovoltaïques. En effet, une production électrique nouvelle a le même effet qu'une diminution de la consommation sur le parc de production. Elle revient à moins solliciter le parc déjà installé, cet ajustement s'opérant en premier sur le moyen de production dont le coût marginal court terme est le plus élevé. Les méthodes marginales permettent donc d'évaluer aussi bien les effets des variations de consommation que les effets d'une nouvelle production, aux pertes de transport et de distribution près.

Le contenu marginal a cependant le défaut de ne pouvoir rendre compte que d'ajustements limités de la consommation ou de la production. En France, RTE estime la validité des valeurs jusqu'à des décisions représentant quelques dizaines de TWh[22]. Le contenu marginal doit être complété soit par des méthodes prospectives, c'est le cas des contenus CO2 marginal en développement tel que proposés par exemple par RTE[22] en France pour 2010 et 2020, soit par les méthodes incrémentales.

Méthodes incrémentales

L'approche incrémentale se propose d'évaluer les conséquences d'un changement profond dans le parc de production, dû par exemple à une conversion massive d'un usage des combustibles fossiles vers l'électricité. L'approche consiste donc à évaluer les conséquences d'un écart important de consommation. L'expression mathématique du contenu CO2 incrémental par rapport aux émissions totales Et et à la consommation totale Ct s'écrit

 CO2_i = \frac{\triangle E_T}{\triangle C}

En général, les hausses de demande sont étudiées de façon à prévoir les investissements nécessaires pour compléter le parc existant une fois arrivé à saturation et ainsi garantir l'équilibre offre-demande. Les investisseurs ont intérêt à investir dans les moyens de production qui minimisent le coût marginal long terme de production (coût complet). En prenant des hypothèses sur les coûts d'investissements, par exemple ceux proposés pour la France par la DGEC dans sa publication sur les coûts de référence de la production électrique[26], et des hypothèses sur le prix des énergies, il est possible d'évaluer les moyens à mettre en place en fonction des profils de consommation par usage.

En France, EDF avait déjà proposé à l'ADEME de travailler sur une telle méthode dans la note publiée en 2000[15], sans donner suite. Il faut revenir à une réponse d'EDF datée de 1988[27] envoyée suite à une étude de la DGEMP attaquant le cadre économique de développement du chauffage électrique pour trouver les premiers éléments d'une méthode incrémentale, limitée alors au chauffage électrique : "en termes d'énergie annuelle, 1 kW de chauffage électrique utilise 2540 kWh par an qui se décomposent en : 35 % de kWh nucléaire (900 kWh), 59% de kWh charbon (1 500 kWh), 6% de kWh fioul (140 kWh)". En se basant sur les contenus CO2 par filière publiée par EDF[11], le contenu CO2 du chauffage électrique calculé sur ce mix de production serait au moins de 629 gCO2eq/kWh.

Gaz de France a proposé en 2007[19] une approche similaire avec un mix de production actualisé, prenant en compte notamment les cycles combinés gaz naturel qui connaissent un développement important actuellement. Le mix proposé pour l'usage chauffage est de :" 67% de gaz naturel (50% de cycles combinés, 17% de turbines à combustion), 10% de fioul (turbines à combustion), 13% de charbon, 10% de nucléaire". D'où un contenu CO2 de l’électricité pour l’ usage chauffage de l’ordre de 608 gCO2eq/kWh.

La notion de contenu marginal correspond directement à la notion de "building margin" utilisée pour évaluer l'impact des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto dans différents pays. Ainsi, des guides permettent des évaluations selon les données locales disponibles, comme le guide publié par l'OCDE[25].

Les méthodes incrémentales permettent d'évaluer les tendances long terme d'évolution du contenu marginal. Elles peuvent être utilisées en complément du contenu marginal, notamment pour l'évaluation de projets dont l'effet sur le parc électrique est important et peut se ressentir sur la durée.

Domaine d'utilisation

En résumé, les différentes méthodes permettent une analyse complète des effets des consommations électriques sur les émissions de gaz à effet de serre :

  • le contenu moyen permet d'établir des bilans à l'échelle des consommations nationales (évaluation statique),
  • le contenu marginal permet d'évaluer les effets d'actions unitaires (évaluation dynamique court terme),
  • le contenu incrémental permet d'encadrer le contenu marginal en cas d'action importante sur la consommation et sur la durée (évaluation dynamique long terme).

Il existe des liens de causalité entre ces différents contenus. Comme dans le cas des coûts marginaux, le contenu marginal permet d'expliquer l'évolution du contenu moyen. Le contenu incrémental permet d'expliquer l'évolution du contenu marginal. Ainsi, la situation française actuelle fait que le contenu marginal est largement supérieur au contenu moyen, ce qui implique que :

  • une augmentation des consommations entraîne une augmentation des contenus moyens, donc des émissions totales,
  • une augmentation des productions renouvelables entraine une diminution des contenus moyens, donc des émissions totales...

Exemple d'utilisation des contenus CO2

Les différents contenus CO2 des énergies permettent d'établir des bilans d'émission de gaz à effet de serre pour les consommateurs d'énergie sachant que la quantité d'énergie consommée est connue à travers les comptages et facturations ou peut être estimée à travers des diagnostics énergétiques le cas échéant. Ainsi, le Bilan carbone de l'ADEME[28] ou le diagnostic de performance énergétique[29] en France proposent des méthodes d'évaluations d'émission de gaz à effet de serre, respectivement pour les entreprises et collectivités locales, et pour les logements et les bâtiments tertiaires.

Les contenus CO2 peuvent être utilisés dans tous les domaines énergétiques : bâtiments, transports, industries...

Choix d’un système de chauffage

L'exemple suivant montre les possibilités de comparaison entre les systèmes de chauffage. Les consommations sont des ordres de grandeur pour un logement demandant 10 MWh thermique utile pour le chauffage, les rendements sont issues de la méthode réglementaire française du diagnostic de performance énergétique[29].

Exemple de comparaison des émissions de gaz à effet de serre des chauffages en maison
Solution énergétique Besoin énergétique (kWh/an) Consommation (kWh PCI/an) Contenu CO2 (gCO2eq/kWh) Émissions de CO2 annuelles (tCO2eq/an)
Chauffage électrique à effet joule (convecteur) 10 000 10 000 500-600 5-6
Chaudière fioul 10 000 11 000 300 3,3
Chaudière gaz 10 000 10 500 234 2,4
Pompe à chaleur électrique 10 000 4 000 500-600 2-2,4
Chaudière bois 10 000 14 000 13 0,2

Note : le contenu marginal de l'électricité proposée par l'ADEME et RTE est utilisé dans ce cas, s'agissant de l'évaluation d'une consommation supplémentaire d'électricité entraînant un ajustement à la marge du système électrique. En toute rigueur, un calcul sur la durée de vie de l'équipement basé sur le contenu marginal pour le court terme et le contenu incrémental sur le long terme serait nécessaire.

L'exemple ci-dessus, donné à titre purement illustratif, indiquerait que la chaudière bois est la solution la moins émettrice de CO2, tandis que les solutions « chaudière gaz » et « pompe à chaleur » sont dans le même ordre de grandeur en termes d'émissions de CO2.

Choix d'un véhicule léger

L'exemple suivant montre les possibilités de comparaison entre plusieurs voitures utilisant différents carburants, connaissant leur consommation telle que donnée par le constructeur. Il est également possible d'établir son bilan personnel d'émission de gaz à effet de serre par rapport à sa consommation de carburant.

Exemple de comparaison des émissions de gaz à effet de serre des voitures
Type de carburant Consommation typique Contenu CO2 gCO2eq/kWh Émissions de CO2 gCO2eq/km
Essence 6 l/100 km - 0,578 kWh/km 264 153
Gazole 5 l/100 km - 0,537 kWh/km 270 145
GPL 6,45 l/100 km - 0,578 kWh/km 230 133
GNV 5,83 m³/100 km - 0,578 kWh/km 205 118

Les exemples sont ci-dessus sont donnés à titre purement illustratif. En particulier, le rendement des moteurs GPL et GNV sont supposés optimisés pour atteindre le même rendement qu’un moteur essence.

Il est ainsi possible d’orienter son choix sur le véhicule le moins polluant. À noter que la mise en place du système de bonus/malus pour l’achat d’un véhicule neuf repose sur un calcul d’émission de CO2 sur la base de contenu CO2 en émissions directes pour le passage des consommations conventionnelles aux émissions par 100 kilomètres.


Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • (en) European Commission, ExternE - Extenalities of Energy, 1996-2007, [lire en ligne]

Bibliographie

Références

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  7. Enquête annuelle de branche chauffage urbain et climatisation urbaine, https://www.enquete-reseaux.com/
  8. Ministère du Logement, Arrêté du 18 décembre 2007 modifiant l’arrêté du 15 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments existants proposés à la vente en France métropolitaine, 2007 [lire en ligne]
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  12. PriceWaterhouseCoopers, Facteur Carbone : nouvelle étude sur les émissions de gaz à effet de serre des 23 plus grands producteurs d’électricité du continent européen, 2008 [lire en ligne]
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