Musique pour 18 musiciens

Musique pour 18 musiciens

Music for 18 Musicians

Music for 18 Musicians
Music for 18 Musicians en concert par le Grand Valley State University New Music Ensemble en juin 2007
Music for 18 Musicians en concert par le Grand Valley State University New Music Ensemble en juin 2007

Genre musique minimaliste
Musique Steve Reich
Durée approximative environ 55 min
Dates de composition 1974-1976
Partition autographe Boosey & Hawkes (1997)
Création 24 avril 1976
Town Hall, New York
Représentations notables
Steve Reich and Musicians à The Kitchen en 1977

Music for 18 Musicians, appelée également 18, est une œuvre musicale de Steve Reich composée entre mai 1974 et avril 1976 pour un ensemble concertant de 18 musiciens. Cette œuvre est à la fois considérée comme l'une des pièces maîtresses du compositeur[1] notamment de sa période dite de « minimalisme mature »[2] mais également une œuvre essentielle de la musique contemporaine en particulier de la musique minimaliste[3],[4].

Sommaire

Historique

Cette œuvre qui devait au départ s'intituler Music for 21 Musicians a été composée par Reich après deux étés successifs passés à étudier la musique balinaise, et plus particulièrement le gamelan auprès de Bob Brown à Seattle[5]. Elle marque, dans la carrière jusque-là relativement confidentielle du compositeur, la transition de ses premières recherches minimalistes vers une écriture harmonique modale s'articulant autour de « centres tonals » clairement énoncés[6],[7]. Steve Reich nota lui-même, en 1976, que pour cette œuvre il écrivit « davantage de mouvements harmoniques dans les cinq premières minutes de Music for 18 Musicians que dans toutes les autres œuvres terminées à ce jour »[8],[2].

Une première représentation de travail intitulée Work in Progress for 21 Musicians and Singers est donnée à The Kitchen, un lieu de création contemporaine de Chelsea à Manhattan, en mai 1975[2]. La première mondiale de l'œuvre a lieu près d'un an plus tard, le 24 avril 1976 au Town Hall à New York. L'œuvre est ensuite donnée en Europe au Metamusik Festival de Berlin en octobre de la même année. Elle est enregistrée par Deutsche Grammophon, par l'ensemble Steve Reich and Musicians à The Kitchen en 1977. Toutefois, Deutsche Grammophon doute de pouvoir commercialiser un disque avec succès et décide de transférer l'enregistrement au label ECM, un label de jazz contemporain et de musiques expérimentales, qui publie un disque en 1978[9].

Durant près de deux ans, Steve Reich ne compose plus rien, à la fois car il a le sentiment de ne pas pouvoir dépasser les avancées formelles mises en place avec 18 et qu'il ne souhaite pas se répéter, mais également parce qu'en tant que manager et directeur artistique de son ensemble il est excessivement pris par l'organisation des tournées internationales de représentation de ces œuvres[4]. Il considère surtout que la « source d'inspiration est tarie »[10] et qu'il se doit d'orienter ses recherches dans une autre direction. C'est à cette période qu'il commencera ses études sur la cantillation hébraïque (qui aboutiront en 1981 à la création de Tehillim) en séjournant notamment à Jérusalem durant l'année 1977 juste après la première de Music for 18 Musicians à Londres en janvier 1977[4]. Cette période marque également le début de son retour au judaïsme et la tentation qu'il a eu alors de devenir rabbin[4]. Devant honorer une commission d'un festival hollandais, il emprunte toutefois les techniques de 18 et de Music for Mallet Instruments, Voices, and Organ pour composer Music for a Large Ensemble (1978) avant de s'en écarter par la suite.

Pendant de nombreuses années et à de très rares exceptions, l'œuvre ne fut jouée en concert que par l'ensemble de Reich en raison de l'absence de partition réellement complète et annotée[5]. Son exécution reposait en grande partie sur la transmission orale de certains passages, motifs, et techniques que seuls Reich et les membres de son groupe pouvaient comprendre. Ce n'est qu'en 1997 que Music for 18 Musicians fut finalement transcrit et annoté précisément par Reich pour être publié chez Boosey & Hawkes Music Publishers.

Structure

Disposition fortement recommandée par Steve Reich pour l'exécution de Music for 18 Musicians.
...et adoptée pour la plupart des représentations
Le vibraphone, instrument central dans Music for 18 Musicians.

L'œuvre a été écrite pour un violon, un violoncelle, deux clarinettes et deux clarinettes basses, quatre pianos, trois marimbas, deux xylophones, un vibraphone (ou métallophone), des maracas, et quatre voix féminines amplifiées. Le nombre de musiciens n'est pas fixé comme l'écrit Steve Reich sur l'entête de la partition et peut légèrement varier du fait de la nécessité du doublement de certaines parties. Il varie de 18 musiciens au minimum à 22 au maximum. Steve Reich, au sein du Steve Reich Ensemble, joue généralement une des partitions pour piano et marimba. Du fait du rôle central du vibraphone (qui selon les vœux du compositeur remplace le chef d'orchestre[2]) et du premier clarinettiste dans les attaques des morceaux, Steve Reich suggère également fortement une disposition des instruments sur scène pour l'exécution publique.

L'œuvre se décompose en 14 parties (deux mouvements pulsatifs et 12 sections les modulant) :

  1. Pulses ~5'30" écouter Pulses et section I
  2. Section I ~4'
  3. Section II ~5'15" écouter
  4. Section IIIA ~4' écouter
  5. Section IIIB ~3'45" écouter
  6. Section IV ~6'30" écouter
  7. Section V ~7' écouter
  8. Section VI ~5' écouter
  9. Section VII ~4'30" écouter
  10. Section VIII ~3'30" écouter
  11. Section IX ~5'30" écouter
  12. Section X ~2' écouter section X et XI
  13. Section XI ~5'45"
  14. Pulses ~6'15" écouter

Music for 18 Musicians démarre sur une pulsation fondamentale qui sera tenue par les xylophones tout au long de l'œuvre qui dure environ une heure. En réalité cette pulsation est multiple, composée de différents motifs joués aux xylophones, aux violons, aux clarinettes et chantés par les voix[11]. Pulse expose également l'ensemble des onze accords composants l'œuvre et qui seront déclinés individuellement dans chacune des onze sections. Les différentes sections qui suivent font apparaître les phrases mélodiques des différents instruments et des voix. Les transitions sont assurées par un « appel » composé d'une note et de son octave jouées au vibraphone, technique empruntée par Reich au gamelan, et qui ordonne ainsi l'ensemble de la pièce[5],[12]. Le vibraphone, remplaçant le chef d'orchestre, permet non seulement aux musiciens d'assurer leurs transitions de manière coordonnée mais possède également une vocation pédagogique vis-à-vis de l'auditeur pour lequel cette longue pièce est ainsi plus facile à suivre[2]. Certaines sections de la pièce ainsi que son architecture générale ont une structure classique ABCDCBA, commune chez le compositeur.

Le motif rythmique à 12/8 de Clapping Music qui forme le motif de base de Music for 18 Musicians

Dans la section I, Reich expose un motif rythmique qui est en fait celui de Clapping Music, cellule en 12/8 qui constitue la matière rythmique principale de Music for 18 Musicians, et est utilisée sous divers formes dans l'ensemble des sections de la pièce[13].

Réception et influence

Concert de Music for 18 Musicians, par le London Sinfonietta, Royal Festival Hall, London, 28 avril 2008

Music for 18 Musicians a connu un succès très important, qui a fait connaître Steve Reich internationalement, et qui a largement débordé du monde de la musique classique[9],[14]. Le disque du label ECM sorti en 1978 s'est vendu à plus de 10 000 exemplaires[14], et certains concerts, par exemple en automne 1978 au club « The Bottom Line » à New York, affichaient complets.

L'œuvre a touché un auditoire différent du public traditionnel de la musique contemporaine, notamment grâce à la sortie sur le label ECM, un label de jazz et de musiques expérimentales, preuve qu'il existe un public plus large pour ce type de musique[9]. La sortie du disque a aussi donné lieu à des critiques dans les magazines Rolling Stone et Billboard, plutôt dédiés à la musique populaire.

En 1999, le nouvel enregistrement de 18 datant de l'année précédente par le Steve Reich Ensemble reçoit un Grammy Award.

Utilisation dans l'art contemporain

La pièce Rain de la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker créée en 2001 est entièrement écrite sur Music for 18 Musicians qui fut jouée de nombreuses fois en direct sur scène par l'Ensemble Ictus lors des premières représentations.

Discographie

Bibliographie

  • (en) Keith Potter, Four Musical Minimalists: La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, Cambridge University Press, 2000 (ISBN 0-521-01501-4) 
  • (fr) Jérôme Bodon-Clair, Le Langage de Steve Reich, l'exemple de « Music for 18 Musicians (1976) », L'Harmattan, Paris, 2008 (ISBN 978-2-296-05754-8) 

Notes et références

  1. « C'est vraiment l'une des meilleures pièces que j'ai jamais créées. Il y a des moments, parfois, où chaque élément vient se mettre en place, et où on se retrouve tout d'un coup face à un fabuleux organisme autonome : c'est arrivé pour ce morceau. Cela explique sa permanence. Mais il a aussi une architecture solide, et c'est pour cela qu'il me plaît toujours, à moi, vingt ans plus tard.» Steve Reich dans le livret de Music for 18 Musicians chez Nonesuch Records (1998).
  2. a , b , c , d  et e Potter (2000), p.231-233
  3. Bodon-Clair (2008), p.9-13.
  4. a , b , c  et d Potter (2000), p.245-246
  5. a , b  et c Bodon-Clair (2008), p.39-41.
  6. Bodon-Clair (2008), p.75-77.
  7. A Daunting Composition, Approached With Daring dans The New York Times du 18 octobre 2007.
  8. Remarques du compositeur sur « Music for 18 Musicians » en préambule de la partition éditée en 1998 chez Bosey & Hawkes Music Publishers.
  9. a , b  et c Potter (2000), p.209-210
  10. L'expression qu'il utilise est « the faucet was dry », signifiant le robinet était sec. Potter (2000), p.246
  11. Pour les voix et les clarinettes, Steve Reich demande que le motif soit joué autant que possible dans un souffle unique, de manière à créer un crescendo/decrescendo.
  12. (en)A Composer May Age, but the Compositions Are Ever Young dans The New York Times du 26 septembre 2000.
  13. Potter (2000), p.231-246
  14. a  et b Potter (2000), p.249

Liens externes

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