Mohammed Ben Sala

Mohammed Ben Sala

Mohammed Ben Sala

Mohammed Ben Sala est un artiste et un essayiste français né en 1953 et mort en 2008, originaire de Saint-Etienne.

Sommaire

Biographie

Enfance et adolescence

Mohammed Ben Sala est à né à Saint-Étienne en 1953, de parents tunisiens. Aîné d'une fratrie comptant deux frères (dont Rachid Ben Sala, qui fera une carrière de chansonnier) et une sœur, il passe une enfance relativement heureuse, quoi qu’un peu marginale, ses parents le délaissant quelque peu ainsi que ses frères, dans les rues de Saint-Etienne ; son adolescence sera marquée par l'appartenance à des bandes de jeunes délinquants se partageant le territoire urbain (il affirmera avoir fait partie d'une bande qui s'était battue contre celle à laquelle appartenait le jeune Bernard Lavilliers). A l’âge de 15 ans il fait partie d’un éphémère groupe de rock intitulé Les Clamsés, qui tournera activement dans les squats qui bordent la ville ainsi que dans le cabaret désaffecté occupé par l'artiste électronique avant-gardiste Jésus "Clochard" Calderon. La fin de son adolescence est marquée par un déménagement inattendu à Portland (Oregon)) aux États-Unis, avec son père, chercheur en poste pour cinq ans.

Les débuts en musique

Il émigre définitivement aux USA à partir de 1975, après des études de sociologie (bien qu'il n'exercera jamais dans ce domaine). Les débuts musicaux de Ben Sala en Amérique se font au sein de groupes rock tout à fait classiques, mais il se fait connaître ensuite essentiellement dans le milieu dit "industriel" de Portland puis Augusta (Maine), où il s'installera en 1983 avec sa femme Elisabeth. Il présente notamment une série de concerts / performances prenant généralement place dans des squats et des lofts d'artistes. Il joue seul, avec un clavier et des pédales d'effets, et chante. Parfois également il lit des textes de la Beat Generation, ou d'auteurs comme Jean Baudrillard, Italo Calvino, Michel Foucault. Plusieurs de ces concerts sont enregistrés sur cassette et diffusés dans le milieu industriel local, mais aussi parfois envoyés à des journaux, des administrations, des particuliers (choisis au hasard dans l'annuaire) ou laissés dans des endroits publics, pour qui veut les prendre, Ben Sala considérant que sa musique et les discours qu'il met en son, doivent s'adresser à la société tout entière et non pas seulement à un petit cercle d'amateurs.

L'évolution vers le terrorisme culturel

En dehors de ces cassettes, Mohammed Ben Sala se refuse à composer et commercialiser des albums à part entière ; la performance scénique lui paraît être le seul moyen réel de faire passer ce que doit dégager selon la musique industrielle. Pourtant les groupes majeurs de ce milieu, comme Whitehouse, lui paraissent fondamentalement faux et surcotés (il qualifiera ce groupe de "blagueurs" dans une interview, ce qui déclenchera une petite polémique, la première mais pas la dernière de son existence), exploitant une violence caricaturale et inefficace puisque paradoxalement attendue, souhaitée par le public. Il travaillera donc à développer une violence scénique qui ne puisse pas devenir une esthétique ni emporter la moindre adhésion. Ces tentatives culminent et prennent fin avec le happening "Snipers", en novembre 1984, où avec des amis il investit par surprise une salle de concert à New York en pleine représentation, arrivant sur scène cagoulé avec des fusil-mitrailleurs chargés à blanc, en tirant dans le public - le mouvement de panique, plus puissant que prévu, fera deux blessés graves et Ben Sala passera deux semaines en prison, échappant de justesse à l'expulsion du territoire américain grâce à la mobilisation des milieux artistiques de la Cote Est - l'artiste s'étant crée un réseau de relations dans les milieux industriels et punk, mais aussi et surtout grâce à ses lectures hebdomadaires de poésie et d'auteurs contemporains, parmi les galeristes et programmateurs d'évènements artistiques, au rang desquels on comptait l'un des fils du maire d'Augusta à l'époque. Un compte-rendu complet de l'affaire est paru l'année même dans le fanzine The Tower et quinze ans plus tard Mohammed Ben Sala acceptait de revenir sur les faits dans une interview donnée à Industrial Nation. Des personnes comme John Zewitt ou Jim Goad sont également intervenues pour reconnaître le caractère fondateur de cette performance.

Cet évènement marquera une étape décisive dans le rapport de Mohammed Ben Sala à l'acte artistique ; décidant de délaisser à présent la musique, les milieux de l'art et les représentations en public, pour leur préférer les concepts purs et les nouvelles manières de se confronter au public - comme celle qui lui a valu un séjour derrière les barreaux - il va traverser une longue période de silence, sur lesquelles on sait peu de choses. Il déménage en 1983 dans le Maine avec une ancienne galeriste new-yorkaise qui l'avait fait exposer, et qui deviendra sa femme, et cesse tout rapport avec ses collaborateurs et contacts d'alors. Il rumine un projet de livre et de film documentaire sur la contre-culture contemporaine, censé être projeté au MOMA, mais les entretiens qu'il mène au sein de la scène qu'il fréquente le laisseront extrêmement insatisfait. Il finit par écrire dans plusieurs fanzines de véritables diatribes reprenant ses arguments d'autrefois contre la scène industrielle, coupable selon lui de s'être coupée de la société, de vivre en vase clos et d'être profondément hypocrite, prétendant être provocatrice et avant-gardiste alors qu'elle se repliait selon lui sur un public d'amateurs, demandeurs de provocations qui par la force des choses, n'en étaient plus. Une partie de son public se mettra à le boycotter, mais Ben Sala trouvera des soutiens " inattendus et même espérés " selon ses propres mots ; cela l'encouragera à chercher de nouvelles manière d'envisager le " terrorisme culturel ".

La Nihil Pop Organization

Dans les mois qui suivent, Ben Sala voyage énormément pour rencontrer, ville après ville (on peut citer New York, Minneapolis, Boston, L.A, Dallas) les principaux "leaders" et activistes de l'underground, aussi bien que des militants politiques, de gauche comme de droite, ou religieux, voire sectaires. Ben Sala fut d'ailleurs suspecté un temps de fréquenter L'Eglise de Scientologie, et c'est un fait qu'il a toujours refusé de clarifier son opinion sur cette secte, tout comme il n'a jamais caché avoir écrit et publié un poème à quatre mains avec David Miscavige en 1985. Ni sa fascination pour la capacité de cette secte à mobiliser des adeptes nombreux et fanatiques, et à se constituer comme une société parallèle, un Etat dans les Etats. Néanmoins ses prospectives dans l'Amérique souterraine le mèneront aussi bien dans les milices quasi-fascisantes du Montana, où il avouera avoir passé plusieurs semaines avec un groupe d’activistes de la scène « power electronics » (et qui inspireront plus tard les sections "militarisées" de la Nihil Pop Organization, et plus encore de la Nihil Pop Family), que dans les milieux anarchistes et straight-edge new-yorkais, ou parmi les membres des Born Again Christian. On trouve sa signature dans un certain nombre de revues de 1983 à 1985 et il semblerait qu'à chaque fois Ben Sala ait adapté son discours à celui des magazines qui l'accueillaient, tout en conservant une certaine liberté de ton et d'opinion, ainsi qu'une volonté de plus en plus affichée de fédérer des mouvements que tout séparait. Il commence vers 1986 à se réclamer d'une certaine "Nihilist Society" qu'il aurait découverte à N.Y, qui au fil des mois revient de plus en plus fréquemment sous sa plume sous le nom de "Nihil Pop Society" puis "Nihil Pop Organization". Il est indéniable que Mohammed Ben Sala ait été en contact avec un certain nombre d'organisations américaines et européennes dont il aurait débauché des membres ou tout au moins obtenu leur sympathie et un soutien logistique, humain et parfois financier non négligeable. Et qu'il ait commencé à revenir sur le devant de la scène en se revendiquant de la Nihil Pop Organization - la question de savoir s'il l'avait lui-même crée ou contribué à la créer, ou s'il l'avait simplement rejointe sur la base d'une communauté de vues, n'a jamais été résolue. Il n'est même pas impossible que la NPO ait été strictement imaginaire à l'époque, et que la circulation des déclarations et textes théoriques de Ben Sala ait attiré suffisamment de membres potentiels pour donner une existence réelle à l'organisation.

La NPO se fit tout de même essentiellement connaître du "grand public" comme un label et maison d'édition, publiant quelques albums (sur format K7 pour la plupart) de groupes industriels américains. Mais l'activité souterraine, ésotérique en quelque sorte, de la NPO, était d'un autre ordre. Dans un manifeste circulant à l'époque sous la forme d'un flyer A5 recto-verso, Mohammed Ben Sala, accompagné d'autres signatures, déclare vouloir "explorer les manifestations du nihilisme dans la culture contemporaine, sa paradoxale mise en valeur et récupération comme stratégie de contrôle et stratégie marchande, afin d'élaborer des techniques de contre-récupération". La Nihil Pop, malgré ce programme, se contentera souvent de provocations faciles - dans le même registre par exemple que le groupe d'artistes Unpop Art proche de Boyd Rice - de détournements de symboles et de discours typiques du milieu "industriel" et post-situationniste. Ben Sala regrettera toujours cet état de fait, plus ou moins publiquement, jusqu'à prendre ses distances avec les premiers membres de l'Organisation et s'investir dans d'autres structures comme la Cacophony Society ou L'Eglise de Satan.

Ben Sala gagne alors sa vie, depuis quelques temps déjà, comme critique de films dans diverses petites revues américaines - essentiellement centrées sur les films fantastiques et d'horreur. Il profite de cet emploi pour se faire un maximum de contacts dans le monde du cinéma et des médias, dans des buts utilitaires, encore qu'il ait toujours été un authentique amateur de cinéma d'horreur. Il participera d'ailleurs officieusement à l'écriture de plusieurs scénarios de films, professionnels ou amateurs ; le plus "grand" long-métrage auquel il ait participé étant "Society" de Brian Yuzna, qu'il rencontra en 1987 et dont le personnage de David Blanchard est très inspiré du jeune fils David d'un ami stéphanois de Ben Sala, avec qui il faisait le coup de poing dans sa jeunesse. En remerciant et par sympathie, Yuzna glissera un clin d'oeil à la Nihil Pop Organization dans son film ; en effet, vers la fin du film, lorsque le jeune héros se trouve à l'hôpital, il y a un plan fixe très court, de quelques secondes, qui montre une porte d'immeuble avec des étiquettes à côté des sonnettes - et l'une des étiquettes porte la mention NPO.

Mais à partir de 1991 il se retirera de quasiment tous les milieux auxquels il appartenait. Il continuera à explorer la culture contemporaine, écrivant sans relâche des critiques de films et de romans, où il croit voir à l'œuvre un nihilisme conscient ou non, et à commenter, dans le sillage des "cultural studies" américaines, les mécanismes des sous-cultures actuelles. Sa principale théorie étant que le système politico-idéologique contemporain se maintient non pas au moyen d'un discours intégrateur, séducteur ou autoritaire, ni réactionnaire, mais en permettant aux personnes et essentiellement aux adolescents d'exprimer leurs pulsions nihilistes à travers l'industrie du divertissement - et que les différentes formes du nihilisme sont elles-mêmes devenues des objets de consommation, des identités qu'un adolescent peut s'acheter et dont il peut changer à sa guise (ainsi pourra-t-il au fil de ses découvertes musicales, par exemple, se revendiquer du satanisme, du fascisme, de l'écologie profonde, du libertarisme, etc). Ainsi, des adultes parfaitement intégrés peuvent adhérer aux messages nihilistes - et parfaitement hypocrites - de films tels "Fight Club". Ben Sala y voit à la fois la victoire de ce qu'il nomme "les forces anti-nihilistes, les forces de l'Ordre, du Tout, les forces totalitaires", et un espoir, considérant cette tactique du pouvoir comme à double tranchant : il suffirait selon lui d'agitateurs culturels suffisamment conscients et compétents en matière de manipulation, pour convertir le nihilisme "ludique" en révolte réelle et opérative.

Le Parti du Nihilisme Conscient

C'est dans cet esprit qu'il fonde en 1999 le très éphémère Parti du Nihilisme Conscient, qui en plus d'activités similaires dans la lignée de la NPO et à ses études "culturelles" des années 90, se propose de faire prendre conscience à tous les ennemis du système (notamment l'extrême-droite, l'extrême-gauche, les islamistes et les écologistes radicaux) de leurs tendances et désirs profonds, et celui, avant tout, de destruction matérielle, concrète, de la civilisation actuelle, dans une pulsion de mort et de suicide plus ou moins consciente. Le PNC se refuse à voir plus loin que la mise à mort de la société contemporaine, que ce soit par le terrorisme, les guerres ou les révolutions. Ce Parti constituera le seul acte "militant" réel de Ben Sala, qui par là sortira de la distanciation ironique qui le caractérisait jusqu'ici, pour se présenter comme un allié de tous les extrémismes. Une dérive que lui-même regrettera assez vite.

Mais devant l'incompréhension, une fois de plus, que suscite sa démarche (le PNC n'enregistrera qu'une trentaine d'adhésion, en un an et demie d'existence), Ben Sala se retire définitivement et retourne à ses premières amours : la musique. Il tourne dans le comté où il s'est établi, avec un groupe de rock tout à fait classique, et mène une vie calme. Il participe au projet KKK vs. Martians, avec les membres du groupe électronique français Mondo Bizarro Anal, et produit les albums de plusieurs de ses amis, dont Bob & Bill Play Drones, Cabane (groupe français dont le leader Mike Hate est le responsable français de la Nihil Pop Family, basée en Rhône-Alpes) et Pieyre Wittmann.

Une mort sujette à controverse

Selon des déclarations de sa famille, Mohammed Ben Sala décède dans un accident de chasse dans le Wisconsin, en Mai 2002. A la demande de sa famille, son corps est rapatrié à Saint-Etienne. Ceci dit, personne n'a jamais pu localiser exactement sa tombe ni avoir confirmation de vive voix que Ben Sala est bien mort. Certaines rumeurs prétendent qu'il aurait été arrêté suite aux attentats du 11 Septembre 2001 et fait prisonnier au Camp de Guantanamo. De fait, on peut trouver son nom dans des listes de prisonniers :

Discographie

à compléter

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