Maître de Justice

Maître de Justice

Le Maître de Justice (en hébreu מורה צדק‎) ou le Prêtre maître de Justice est un personnage qui apparaît dans certains des manuscrits de la mer Morte. Il serait le fondateur du mouvement sectaire installé sur les rives de la mer Morte à Qumrân.

Sommaire

Les textes

Les textes de Qumrân qui décrivent la vie de la secte (notamment les pesharim et le livre de l'Alliance de Damas) ne mentionnent que rarement des noms propres. Ils leur préfèrent des épithètes tels que le Maître de Justice, le Prêtre Impie (en hébreu, Grand Prêtre se dit Kohen haRosh. Kohen haRasha, qui signifie "Prêtre Impie", est ici un jeu de mot), l'Homme de la Raillerie, l'Homme du Mensonge, les Traîtres, Ephraïm et Manassé, les Chercheurs de flatterie, Le Lion de la Colère, le Chef des Rois de Yavan. Parmi ces qualificatifs, le Maître de Justice a fait l'objet de nombreuses suppositions quant à son identification à un personnage historique. On sait d'après les textes que le Maître de Justice était un personnage vénéré par la secte et qu'il aurait été victime du Prêtre Impie.

Activité du Maître de Justice

Le Maître de Justice est probablement le fondateur, ou plutôt le re-fondateur du mouvement, car il semble que le mouvement existait déjà avant son arrivée. Le Document de Damas dit en effet :

Mais ils [les membres de la secte] furent comme des aveugles, comme des gens qui cherchent leur chemin en tâtonnant pendant 20 ans. Et Dieu considéra leurs œuvres […] et il leur suscita un Maître de Justice

La durée de 20 années écoulées avant l’arrivée du Maître ne doit cependant pas être prise trop littéralement. Elle peut avoir une signification symbolique. Si on accepte littéralement les indications du livre de l'Alliance de Damas, la formation du groupe aurait eu lieu vers -196 (390 ans après la destruction du Temple, or celui-ci a été détruit en -586). Cependant cette durée de 390 ans vient du livre d'Ezechiel (4:5)[1] et indique surtout que le groupe se considère comme portant l'iniquité de la maison d'Israël.

Les éléments biographiques qu'on peut déduire des manuscrits sont les suivants :

  • Le Maître de Justice est entré en conflit avec un chef religieux, l'Homme du Mensonge. L'Homme du Mensonge est le chef d'un groupe qui ne suit pas la halakha du Maître de Justice. Selon David Flusser, il pourrait s'agit d'un chef des pharisiens, notamment Yossé ben Yoezer.
  • Un chef politique, le Prêtre Impie, tenta de s'en prendre à lui. Le Maître dut alors s'enfuir.
  • Il est également persécuté par deux groupes, Ephraïm et Manassé. A la suite de Flusser, on identifie Ephraïm aux pharisiens et Manassé aux sadducéens.
  • Une crise survint entre ses disciples après sa mort. Une partie quitta le groupe.

Murphy O'Connor[2] met en relation la formation du groupe avec un élan religieux suscité par les victoires de Judas Maccabée. Selon Hanan Eshel, la formation du groupe sera pourtant intervenue avant la révolte des Maccabées. Flavius Josèphe mentionne l'existence de trois formations (pharisien, sadducéens, esséniens) lorsqu'il décrit le règne de Jonathan. Si Ephraïm et Manassé désignent effectivement les pharisiens et les sadducéens, la formation du groupe dirigé par le Maître de Justice pourra alors avoir accompagné l'établissement de l'état hasmonéen.

Identification

Il n’y a pas de consensus sur l’identité du Maître ni sur les dates de son existence. Son vrai nom n’est peut-être pas mentionné dans les sources anciennes, ce qui rendrait impossible son identification. La mention dans les manuscrits de personnages historiquement attestés (de Jonathan au romain Scaurus) fixent un cadre chronologique pour l'activité du Maître de Justice qui s'étend du IIe siècle au milieu du Ier siècle.

Les différentes propositions sur son identification à un personnage connu dépendent de l'époque à laquelle on fait remonter la fondation de la secte. L'hypothèse qui date la vie du Maître de Justice du début du IIe siècle l'identifie au Grand Prêtre Onias III, déposé en -175 par Antiochus IV Epiphane, puis assassiné en -170 dans son exil de Syrie à l'instigation de son successeur Ménélas, auquel il ne ménageait pas ses reproches. Onias III serait donc le Maître de Justice et Ménélas le Prêtre Impie. On sait qu'Onias III fut le dernier grand prêtre légitime de la descendance de Sadoq (grand prêtre de Salomon, le fondateur du Temple de Jérusalem). Les esséniens, qui se déclaraient « fils de Sadoq », seraient donc les partisans légitimistes d'Onias III, avant tout des gens de race sacerdotale, ou les alliés de ces derniers. Cela expliquerait leur fidélité fondamentale à la religion de leurs ancêtres juifs, et leur vénération extrême à l'égard du Temple de Jérusalem, dans lequel pourtant ils ne célébraient pas, parce qu'ils l'estimaient occupé par des usurpateurs. Pour la même période, une autre hypothèse identifie le Maître de Justice à Yosé ben Yoezer. Le Prêtre Impie serait alors le Grand Prêtre Alcime[3].

L'hypothèse qui place la création de la secte à la fin du IIe siècle lors de la révolte des Maccabées propose que le Maître de Justice serait un prêtre opposé à la confiscation de la fonction de Grand Prêtre par les premiers souverains hasmonéens, Jonathan ou Simon, l'un des deux occupant alors le rôle de Prêtre Impie[4] .

Une troisième hypothèse place la fondation de la secte plus tardivement, au Ier siècle, sous Alexandre Jannée ou lors de la guerre civile entre ses fils Hyrcan II et Aristobule II. Le Maître de Justice serait dans ce cas un sadducéen victime des persécutions des pharisiens et Alexandre Jannée[5] ou Hyrcan II[6] occuperaient le rôle de Prêtre Impie.

Des noms plus fantaisistes, mettant en avant un lien supposé avec les premiers chrétiens, ont également été avancés, tel que Jacques le Juste, le Prêtre Impie étant alors Paul de Tarse, ou Jean le Baptiste, Jésus ayant alors le rôle de Prêtre Impie.

Notes et références

  1. Et moi, je te compte en jours les années de leur iniquité, trois cent quatre-vingt-dix jours, et ainsi tu porteras l'iniquité de la maison d'Israël. [1]
  2. ...
  3. Jacqueline Genot-Bismuth, Le scénario de Damas. Jérusalem hellénisée et les origines de l’essénisme, Paris, éditions François-Xavier De Guibert, 1992
  4. Franck Moore Cross, « Le contexte historique des manuscrits », dans L'aventure des manuscrits de la mer Morte sous la direction d'Hershel Shanks, Editions du Seuil, 1996 (ISBN 2-02-054952-2)
  5. Flusser, Le secte de la mer Morte, Desclée de Brouwer (ISBN 2-220-05143-9)
  6. André Dupont-Sommer, Les écrits esseniens découvertes près de la mer Morte Payot, Paris, 1960 (ISBN 2-228-89043-X)

Voir aussi

Bibliographie



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