Mazuc

Mazuc

Buron

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Buron construit au début du XXe siècle en maçonnerie de pierre sous ardoises vers Anglard (commune de Besse-et-Saint-Anastaise) à côté du Puy de Sancy

Le buron est un bâtiment en pierre, couvert de lauze, que l'on trouve sur les " montagnes", pâturages en altitude que les éleveurs de vallée possédaient et exploitaient de façon saisonnière en Auvergne et en particulier sur les plateaux de l'Aubrac, les monts du Cantal et les Monts Dore. Ils servaient à abriter la fabrication du fromage : le cantal, le laguiole ou fourme d'Aubrac, le saint-nectaire lors de l’estive (de mi-mai à mi-octobre), et à loger les buronniers.

Sommaire

Une variété d'appellations

Les premiers burons apparaissent sur le plateau d'Aubrac avant 1700[1]. Les mentions de « burons emmotés », précise Laurent Fau, apparaissent fréquemment à partir de cette époque. Ainsi le bail des Fontanilles stipule en 1717 « que le fermier aura liberté d'aller dans le bois d'Aubrac, après avoir averti les gardes, pour ramasser le bois nécessaire pour faire des burons, parcs, clayes et cabanes pour le service de la montagne ». Il s'agit donc d'édifices en bois et mottes de terre, non maçonnés.

Le terme buron est également attesté au début du XVIIIe siècle dans une lettre de Trudaine, alors intendant d'Auvergne, pour désigner « des cabanes sous terre, en partie recouvertes de gazon où l'on fait le fromage de pays [ici le Cantal] et qui sont construites à peu de frais. Les propriétaires des pâturages de montagne trouvent un avantage à changer de place de temps en temps leurs burons, c'est ainsi qu'on les nomme, dans l'intérêt des fermiers »[2].

Par la suite, le terme buron désigne des édifices maçonnés, avec cheminée et toiture de lauzes, construits par des équipes de maçons et de charpentiers[3] au XIXe siècle pour le compte de gros fermiers ou de propriétaires urbains. Son application à tous les bâtiments d'estive des massifs d'Auvergne est une commodité de géographes, il y avait d'autres noms, vernaculaires, employés par les paysans[4].

Selon Marcel Lachiver[5] :

  • fogal ou fougal : nom parfois donné aux cabanes qui servaient de burons dans les montagnes du Massif central parce qu'elles comportaient un foyer;
  • mazuc/masuc ou masut/mazut[6] : dans l'Aubrac, nom de huttes construites avec de fortes perches de hêtres recouvertes de mottes de terre ou de gazon, huttes où l'on préparait le beurre et le fromage.

L'auteur ajoute que buron ne serait courant que depuis les années 1650.

Selon Maurice Robert[7], les termes tra, chabano, mazuc désignent la même chose que buron.

Dans le Forez, le terme employé était jas; un groupement de jas formait une jasserie.

La racine bur a donné en vieux français (XIIe ‑ XVe siècles) le mot buiron (m) signifiant « cabane » [8].

Evolution architecturale

Tras dans le Cézallier à proximité du village de Brion.

Bien que l'existence de bâtiments en dur ne soit attestée qu'à partir de la 2e moitié du XVIIIe siècle, les burons sont aussi anciens que l'activité pastorale de montagne: elle apparaît dans les textes au XIIIe siècle. Ainsi, en 1265, on trouve la mention d'une redevance qui sera levé sur chaque cabane à fromages nouvellement construites dans la région de Saint-Martin-sous-Vigouroux. [9]. Sous leur forme enterrée antérieure au XXe siècle, ils appartiennent à la catégorie plus générale de bâtiments que les archéologues du Haut Moyen Âge et de la Préhistoire appellent des fonds de cabane et qui correspondent, en complément de maisons principales fixes et plus soigneusement bâties, en des constructions sommaires implantées par un décaissement du sol afin d'abriter une activité ou un habitat, saisonnier ou complémentaire (tissage, stockage, élevage, fromage, etc.)[10].

Ancêtre du buron, le tra (c'est-à-dire « creux ») était des plus sommaires : il consistait en une ou deux pièces creusées dans le sol sous une couverture en mottes de gazon. Ce genre de bâtiment était de courte durée et on en changeait souvent comme en témoignent les nombreux entonnoirs visibles dans les pâturages.

Par la suite, ce simple retranchement fut remplacé par un bâtiment rectangulaire à demi enterré, aux murs en pierres sèches coiffés soit d'un plafond de dalles de pierre sur encorbellements, soit de mottes de gazon sur une charpente sommaire.

Les burons ont commencé à être construits en pierres maçonnées au mortier dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

Une unique porte, ménagée dans le mur pignon lorsqu'il fait face à la vallée, permet d'entrer dans la première pièce où le fromage est fabriqué, ensuite dans le « caveau » qui sert à conserver et à faire mûrir les nouvelles pièces de fromages (les « fourmes »). Pas de cheminée pour le feu qui se fait dehors, ni de chambre pour les bergers, mais toujours une bonne source à proximité.

Au XIXe siècle le buron est une solide construction en pierre, parfois en partie enterrée, au toit en chaume pour les plus anciens, et plus généralement en lauze. Il est désormais constitué de trois pièces :

  • à l'étage, la pièce où dorment les buronniers et où le foin est engrangé,
  • au rez-de-chaussée, la pièce où est fabriquée la tomme, fromage encore frais qui permet de préparer l'aligot,
  • la cave, dans laquelle s'affinent les fromages (appelés cantal dans le Cantal et laguiole en Aveyron et en Lozère).

Fonctionnement

Buron avec son enclos en pierre sèche au Puy Mary (Cantal), au début du XXe siècle.

L'estive au buron était assurée par quatre buronniers ou plus selon la taille des burons :

  • Le roul, en général un adolescent servant d'homme à tout faire,
  • le bédelier, chargé de s'occuper des veaux,
  • Le pastre, chargé de fabriquer la tomme fraîche qui donnera le fromage (cantal ou laguiole),
  • Le cantalès, patron du buron.

Ajoutons, pour ne rien oublier :

  • Le chien, pour ramener les vaches.

Sur l'Aubrac le chien était formellement proscrit. Les vaches ne supportaient pas sa présence. Deux fois par jour, le matin très tôt et en fin d'après-midi, la traite des vaches fournissait le lait, transporté au buron dans la gerle.

Le lait était ensuite mis à cailler pendant 1 heure avec de la présure. Le caillé ainsi obtenu était découpé à l'aide ou atrassadou (terme de la Lozère et de l'Aveyron)ou d'un « frénial » (terme du Cantal) ou encore tranche-caillé, puis séparé du petit-lait. Le caillé était ensuite pressé sous la « catseuse » (grande presse en bois) et devenait la tomme. Cette tomme était ensuite salée, émiettée à l'aide de la « fraiseuse » puis transvasée dans un moule en bois ou en aluminium dans lequel elle était pressée à nouveau.

Enfin, la fourme ainsi obtenue était entreposée dans la cave du buron (à une température d'environ 10 °C) pour l'affinage qui dure de 45 jours à plusieurs mois (10 mois en général et 18 mois au maximum).

Les raisons d'un déclin

Dans les années 1945-1950, un millier de burons était encore en activité (264 burons sur l'Aubrac) dans ce qui était encore des montagnes à fromage. Dans les années 1960, leur nombre chuta à environ 60 (51 sur l'Aubrac en 1964) à la suite de la modernisation de l'agriculture. Les deux derniers burons de l'Aubrac (Camejane en Aveyron et Le Théron en Lozère) furent fermés le 13 octobre 2002, la mise aux normes européennes exigeant des investissements trop lourds.

Les burons ont été abandonnés en raison de plusieurs facteurs : politique de réduction démographique de la population agricole et rurale, baisse de rentabilité de l'agriculture extensive, normalisation des modes de vie, remplacement des solidarités communautaires et familiales par le droit social des salariés. La pénibilité des conditions de travail (la traite des vaches sous la pluie, le vent, la neige parfois, l'absence de confort et de logement décent) rebutaient les jeunes, qui préféraient se lancer vers la capitale à l'assaut d'un emploi administratif.

Vers un renouveau ?

Remises en activité

Quelques burons sont à nouveau en activité en 2007 :

  • Le buron de Caméjane, en Aveyron, sous l'impulsion de M. Ramon, a repris son activité. Chaque jour vers 5 h 30,le Cantalès Baptiste Raynal, qui compte 53 ans de buron, assure la traite quotidienne d'une quarantaine de vaches, assisté par son pastre Denis Vidal. La traite s'effectue toujours à la main avec des seaux en bois (farrats). Le lait est ensuite recueilli dans une gerle en bois dont la remontée vers le buron est assurée par un attelage de deux vaches de race Aubrac. Le fromage produit par ce buron (du 25 mai au 13 octobre) est d'excellente qualité.
  • Le buron du Col de Légal dans le Cantal entre Aurillac et Salers.
  • Le buron d'Algour près de Salers.

La production fromagère des burons (elle était de 700 tonnes par an en 1946) est assurée aujourd'hui par la coopérative Jeune Montagne de Laguiole en Aveyron, ainsi que par des agriculteurs du Cantal. Cette production ne cesse de croître, démontrant ainsi que la fonction économique initiale des burons n'est pas près de disparaître.

Nouvelles affectations

On peut considérer que seuls 30 burons aujourd'hui ont pu garder ou retrouver une activité économique. Certains ont été transformés en restaurant, en gîte d'étape ou en musée.

L’Association de sauvegarde des burons du Cantal a entrepris plusieurs restaurations mais la plupart des burons tombent en ruine et ne pourront être restaurés, notamment parce que ces opérations sont très coûteuses. De plus, le marché immobilier des burons est quasi-inexistant. En effet, le buron est souvent situé au milieu de la montagne, sans terrain associé, sans accès commode ni confort moderne (électricité, eau courante), ce qui décourage la quasi-totalité des acquéreurs potentiels.

Certains burons connaissent néanmoins une seconde vie sous l'impulsion de passionnés, encouragés par divers organismes comme le Conservatoire régional de l'habitat d'estive[11], Chamina, l'association pour le développement de la randonnée dans le Massif-Central[12], la Chambre d'agriculture du Cantal[13] et aussi le Parc naturel régional des volcans d'Auvergne et l'association des Gîtes de France de Haute-Auvergne :

  • la Maison du buronnier, ancien buron situé dans la Forêt des Belles Aigues, à Laveissière (Cantal). Il a été aménagé par le Parc des volcans d'Auvergne en musée ethnographique.
  • le buron de Niercombe sur la commune de Saint-Jacques des Blats (Cantal). Érigé au XVIe siècle sur un piton rocher surplombant la vallée de la Cère, il a accueilli les bergers jusque dans les années 1940 avant d'être laissé à l'abandon pendant plus de soixante ans. En 2004, un particulier s'est attaché à sa restauration complète. Le buron est à nouveau « habitable » (sans électricité mais l'eau courante est assurée par les sources alentour) et accueille ponctuellement le public.
  • Le buron du Chaussedier, situé sur la commune du Vaulmier (Cantal). Il est devenu auberge à la ferme.
  • Le Buron de la Combe de la Saure, situé entre la vallée de Brezons et Prat de Bouc à 1 500 m d'altitude sous le Puy de Gerbel. Il a été aménagé en restaurant et gîte.

Bibliographie

  • Léonce Bouyssou, Enquête sur les montagnes d'estive cantalienne (1964-1965) in Revue de la Haute-Auvergne, Aurillac, 1966 
  • Alfred Durand, La vie rurale dans les massifs volcaniques des Dores, du Cézallier, du Cantal et de l'Aubrac, Imprimerie Moderne, Aurillac, 1946 (réimpr. 1980) 
  • André Desvallées, Alian Rudelle, L'Aubrac, Langage et technique. Les burons, CNRS, Paris, 1979 (ISBN 2-222-02144-8) 
  • Jean-Claude Roc, Burons de Haute-Auvergne, Watel, Brioude, 1991 (ISBN 2913035116)  in -folio, 179 p. 10 cartes, 50 dessins, 40 plans, 303 photos.
  • Jean-Paul Pourade, Chemins de transhumance, AEDIS, Lempdes, 1996 (ISBN 2842590015) 
  • Jean-Paul Pourade, Renaud Dengreville, La mémoire des burons, AEDIS, Lempdes, mai 2008 
  • Association de Sauvegarde des Burons du Cantal, Opération sauvegarde, ASBC, Aurillac, 1984 
  • Alain Galan, Burons que vent emporte, René Dessagne, Limoges, 1979 (ISBN 2-85521-040-2) 
  • Alain Galan, « Au pays des burons », dans Auvergne Magazine, no 133, décembre 1979 
  • Yves Garric, Paroles de burons, Fil d'Ariane, Rodez, 2001 (ISBN 2-912470-23-4) 

Notes et références

  1. Cf. Genèse d'un monde pastoral - Les monts d'Aubrac au Moyen Age - Archéologie française - Etude conduite par Laurent Fau - 2006)
  2. « [...] Mais pour les [fromages] suisses, il faut une maison solidement construite, et à grands frais, ce qui la rend stationnaire. Ensuite, il faut du bois pour la façon du Gruyère, tandis que celui du pays se fait sans feu. » in Lettre du 23 Janvier 1734 au Contrôleur Fagon, à propos d'un projet de fabriquer du fromage suisse dans les Montagnes d'Auvergne. Cité en 1853 par Paul de Chazelles.
  3. Cf. Abel Poitrineau, Corpus de l'architecture rurale française, Auvergne, A. Dié, 1999 (ISBN 2-908730-38-3), p. 75 (photos) 
  4. « L'exploitation de la montagne se déroule autour des bâtiments du buron appelé par les paysans cabane, mazuc, tra. » (Philippe Arbos, L'Auvergne, Armand Colin, Paris, 1932 (réimpr. 1940, 1945, 1952) ).
  5. Cf. Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural : les mots du passé, Fayard, 1997 (réimpr. 2006) (ISBN 2-213-59587-9 et ISBN 2-213-63121-2) 
  6. Dérivatif de mas, qui désigne une manse (du latin manere = rester), c'est-à-dire un domaine agricole concédé à une famille, et par extension la maison.
  7. Cf. Maurice Robert, Maisons paysannes d'Auvergne : tradition, technique, société, Centre d'anthropologie du Massif Central, 1992 
  8. Cf Robert Grandsaignes d'Hauterive, Dictionnaire d'ancien français : Moyen Âge et Renaissance, Larousse, 1947 (réimpr. 1961, 1966) 
  9. Léonce Bouyssou, in notice sur les burons du guide "Ballades à pied en Auvergne, Volcans cantaliens, Chamina, 2e édition 1987, p. 138.
  10. Cf. Jean Chapelot, Robert Fossier, Le village et la maison au Moyen Âge, Hachette, Paris, 1980 (réimpr. 1985) (ISBN 2-01-002910-0), p. 116-135 . Selon les auteurs, ces sortes de constructions, dans lesquelles on ne retrouve pas de traces de foyer domestique, se diffusent en Europe de l'Ouest avec les peuples germains, dont on sait qu'ils étaient des éleveurs de bovins. Si cette hypothèse était valable pour les burons, elle expliquerait une origine germanique du mot buron qui aurait été introduit avec de nouvelles formes d'exploitation pastorale des hautes terres.
  11. Organisme mentionné dans le guide Volcans cantaliens de Chamina, 1987, pp. 156, ouvrage réalisé avec la collaboration de Léonce Bouyssou.
  12. Elle a édité un guide intitulé Sauvegarde de l'habitat d'estive : les gîtes de pleine nature.
  13. Elle a édité en 1984 Les Burons du Cantal, opérations de sauvegarde.

Liens externes

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