- Luc Tangorre
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L'Affaire Luc Tangorre désigne une affaire criminelle française dans laquelle Luc Tangorre (surnommé « le violeur des quartiers sud de Marseille ») fut condamné à deux reprises : une première fois en 1983 à 15 ans de réclusion criminelle pour 9 agressions sexuelles et viols et une deuxième fois en 1992 à 18 ans de réclusion criminelle pour viols sur deux étudiantes américaines. Luc Tangorre a été libéré en conditionnelle en 2000 et mène désormais une nouvelle vie.
Sommaire
Première affaire
Viols à Marseille
En avril 1981, Sylviane, une femme de 31 ans, rentre chez elle à 2 h du matin dans le 8e arrondissement de Marseille ; au moment d'ouvrir la porte de son appartement elle aperçoit un homme étrange s'approcher d'elle qui la menace d'une arme et l'oblige à aller jusqu'à la voiture de la jeune femme. Sous la menace de l'arme Sylviane prend sa voiture et se dirige dans les rues de Marseille avec son ravisseur puis s'arrête dans un chemin à la demande de ce dernier. Là le ravisseur la viole puis au bout de plusieurs minutes tous deux repartent et Sylviane rentre chez elle.
Le lendemain Sylviane vient déposer plainte à la gendarmerie de Marseille pour viol et dresse un portrait robot de son violeur (âgé de 20-25 ans, portant des tennis blanches et un blouson de couleur sombre) et apprend dans le même temps qu'elle n'est pas la seule à avoir déposé plainte : en effet entre fin 1979 et avril 1981 9 autres jeunes femmes sont venues porter plainte pour agressions sexuelles ou pour viols (ces agressions étant commises dans les 8e et 9e arrondissements de Marseille).
Le soir même une autre agression a lieu à Marseille, idem une semaine plus tard.
Arrestation de Luc Tangorre
Les policiers décident d'aller entre 23 h et 2 h dans les 8e et 9e arrondissements de Marseille pour enquêter sur ces agressions et le 12 avril 1981 ils repèrent un homme au comportement suspect correspondant au portrait robot de Sylviane. Ils décident de l'interpeller pour un simple contrôle d'identité : l'individu s'appelle Luc Tangorre, a 22 ans, est étudiant en sport, possède une 2CV et déclare attendre un ami. Les policiers le fouillent et trouvent sur Luc Tangorre un couteau de cuisine. Les policiers l'emmènent de suite au commissariat où il est interrogé. Luc Tangorre passe la nuit au commissariat et le lendemain matin Sylviane vient au poste de police pour identifier Luc Tangorre. Derrière une glace sans tain parmi les principales personnes qu'on lui présente Sylviane reconnait Luc Tangorre comme la personne qui l'a violé : elle en est certaine. Les autres femmes agressées viennent aussi au commissariat et toutes reconnaissent formellement Luc Tangorre comme étant leur agresseur mais Luc Tangorre nie tout en bloc : d'ailleurs il déclare que parmi la liste de suspects il était le seul à être âgé entre 20 et 25 ans, qu'il était le seul à porter des tennis blanches et le seul à mesurer plus d'1 m 70. Pour lui on a fabriqué un coupable.
De plus les policiers se rendent chez Luc Tangorre et y découvrent une arme factice recouverte de terre séchée ainsi qu'un blouson sombre couleur kaki portant de mystérieuses tâches. Les policiers font de suite analyser ces tâches et se rendent sur les lieux de l'agression de Sylviane pour prélever des morceaux de terre afin de les comparer à celle retrouvée sur l'arme de Tangorre.
Quelques semaines plus tard les experts confirment que la terre sur l'arme de Luc Tangorre est la même que celle retrouvée sur les lieux de l'agression de Sylviane (cette terre est recouverte de baryum) ; par ailleurs les tâches sur le blouson de Tangorre s'avèrent être de la vaseline et l'une des victimes déclare que le violeur avait utilisé de la vaseline pour la violer.
Suite aux identifications des femmes agressées et aux preuves découvertes chez Luc Tangorre, celui-ci est déféré devant un juge d'instruction puis écroué. Quand les amis et la famille de Luc Tangorre apprennent ce qui arrive à Luc personne n'y croit : tout le monde le décrit comme quelqu'un de simple, gentil et attentionné, pour eux il ne peut pas être un violeur. Rapidement suite à l'incarcération de Luc Tangorre, un comité de soutien se met en place pour aider à sa libération et crier à l'erreur judiciaire ; l'affaire devient si médiatisée que même des intellectuels se mettent à défendre Luc Tangorre, parmi lesquels l'historien Pierre Vidal-Naquet, les femmes de lettres Marguerite Duras et Françoise Sagan ou les hommes politiques Robert Badinter, Albin Chalandon, Jean-Claude Gaudin ou Dominique Baudis. Malgré l'importance du comité de soutien à Luc Tangorre, ce dernier commence une grève de la faim en mai 1983.
Premier procès
Quelques jours plus tard, le procès de Luc Tangorre s'ouvre devant la Cour d'assises d'Aix en Provence. Ce dernier ainsi que ses amis et sa famille croient dur comme fer à l'acquittement. En outre Luc Tangorre impressionne le juge, les jurés et même l'avocat de la partie civile par sa crédibilité et sa profonde conviction. Certains doutent même de sa culpabilité malgré les preuves accumulées (les traces de vaseline et l'arme factice recouverte de terre).
Puis Sylviane ainsi que les autres jeunes femmes agressées viennent témoigner de leur calvaire et réaffirment que c'est Luc Tangorre qui les a violées. Le témoignage pèse lourd mais Luc Tangorre se défend en déclarant notamment que le soir de l'agression de Sylviane il était hospitalisé ; d'ailleurs le personnel hospitalier se souvient de Tangorre et selon le registre de l'hôpital il ne serait pas sorti de la soirée. De même Luc Tangorre affirme qu'il était chez des amis le soir de plusieurs autres agressions mais les policiers n'ont pas pris la peine d'aller vérifier ces alibis[non neutre]. Le verdict du procès de Luc Tangorre tombe quelques jours plus tard : Luc Tangorre est condamné à 15 ans de réclusion criminelle. Ce dernier ainsi que tout son entourage crient au scandale de l'erreur judiciaire.
Incarcération et grâce présidentielle
Entre 1983 et 1987 Luc Tangorre est incarcéré à la prison des Baumettes de Marseille où il multiplie les tentatives avec l'aide de ses parents pour une révision de son procès. C'est dans cet intervalle que le frère de Luc Tangorre raconte aux policiers et au juge que la vaseline sur le blouson de Luc provient de lui car il est cuisinier et qu'il lui arrive de nettoyer le four avec de la vaseline et qu'il s'est essuyé les mains sur le blouson kaki de Luc. De même la famille de Luc Tangorre a payé deux experts pour faire une contre-expertise et pour analyser les traces de terre retrouvées sur l'arme factice de Luc Tangorre. Ces derniers affirment que la terre sur l'arme n'est pas identique à celle retrouvée sur les lieux de l'agression de Sylviane. Mais ce n'est qu'en juillet 1987 (après le rejet en cassation) que Luc Tangorre et sa famille demandent la grâce présidentielle à François Mitterrand. Ce dernier accorde finalement la grâce présidentielle à Luc Tangorre
Le 15 février 1988, Luc Tangorre est libéré après avoir passé 5 ans en détention. Il accorde une interview aux journalistes et ces derniers déclarent n'avoir posé aucune question, Luc Tangorre faisant tout le travail. Ensuite Luc Tangorre déménage pour habiter à Lyon et ouvre un bar-tabac.
Seconde affaire
Viol de deux étudiantes américaines
Son passé le rattrape une fois encore lorsqu'en octobre 1988 (8 mois après sa libération) les policiers de Lyon l'arrêtent pour viol : en effet deux étudiantes américaines accusent Luc Tangorre de les avoir violées en mai 1988, 5 mois auparavant.
En mai 1988 Carol et Jennifer 20 ans étudiantes à Paris sont allées pendant les vacances à Nîmes assister à la Féria et ont fait de l'auto-stop à Marseille pour rentrer sur Paris. L'individu qui les a prises, selon les dires des deux étudiantes, était au début très gentil mais les jeunes filles se sont aperçues que leur chauffeur prenait la direction de Nîmes au lieu d'Avignon. Elles commencèrent à avoir peur et l'individu s'est arrêté dans une ancienne pommeraie à 3 kilomètres de Nîmes. Là il les aurait violées et les aurait laissées sur l'autoroute. C'est là que les deux filles ont appelé la police pour signaler qu'elles avaient été victimes de viols.
Enquête
Lorsque les policiers de Nîmes interrogent les étudiantes américaines ils se rendent compte qu'elles ont une excellente mémoire : elles décrivent avec précision la 4L verte dans laquelle elles ont été violées, le physique de l'individu (la trentaine qui portait un polo jaune Lacoste, un jean blanc et des baskets blanches). De plus elles racontent qu'il y avait une pile de livres dans le coffre de la 4L et se souviennent du mot « coupabilité » ou « culpabilité » inscrit sur les livres ainsi que le visage d'un homme moustachu sur la page de couverture; d'ailleurs lorsque l'individu a vu que les filles regardaient le livre il s'est empressé de recouvrir la pile de cellophane. Enfin les deux filles racontent avoir été violées vers 21 h 20.
Les jeunes filles dressent un portrait robot de l'individu et se rendent à l'hôpital pour subir des tests gynécologiques. Là les médecins confirment les viols qu'ont subi les deux filles, relèvent du sperme et découvrent que l'individu a enduit le vagin de l'une des filles d'huile de moteur. Par ailleurs les policiers jouent aux rats de bibliothèque pour rechercher un livre dont le titre contient le mot "culpabilité". Ils recensent également tous les propriétaires de 4L verte et en août 1988 un libraire de Marseille appelle les policiers de Nîmes pour leur annoncer qu'il a trouvé un livre pouvant correspondre au livre qu'ils recherchent : ce livre s'intitule « Affaire Luc Tangorre : coupable à tout prix », d'ailleurs le visage d'un homme moustachu se trouve en bas de la page de couverture.
Les policiers décident de s'intéresser à Luc Tangorre, apprennent qu'il réside à Lyon et font appel aux policiers de Lyon pour les aider dans cette enquête. Ils apprennent également que Tangorre possède une 4L verte et l'interpellent en octobre 1988 un lundi matin. Il est emmené au commissariat de Lyon où il crie son innocence lorsque la police lui raconte qu'il est accusé de viols. Il raconte que le jour des viols c'était le lundi de Pentecôte et qu'il était chez ses parents pour un dîner de famille : d'ailleurs il s'en souvient très bien car c'était la première fête de famille depuis sa libération. Il dit ensuite qu'il a dormi chez ses parents et qu'il a noté sur son carnet ce qu'il a fait cette journée-là. Mais il n'a pas d'alibi et raconte qu'il a bien dormi chez ses parents. Les policiers décident de faire le trajet Marseille-Nîmes pour savoir si Luc Tangorre a pu avoir le temps nécessaire de violer les deux étudiantes (sachant que ces dernières ont déclaré que les viols se sont produits vers 21 h 20). Finalement en prenant le trajet le plus court les policiers se rendent compte que Luc Tangorre a pu avoir le temps de violer les deux Américaines.
Néanmoins le sperme prélevé sur les deux jeunes filles, qui aurait pu confondre ou disculper Luc Tangorre, est inexploitable.
Luc Tangorre est déféré devant le Juge d'Instruction et les deux Américaines doivent faire le voyage exprès des États-Unis pour l'identifier. Une fois sur place, Tangorre les insulte et ces dernières l'identifient formellement comme étant leur violeur. Cependant, il affirme que les sièges arrières de la 4L verte sur lesquels les filles ont été violées sont inutilisables et par conséquent il nie les accusations.
Pourtant il est incarcéré et écroué à la prison de Nîmes et lorsque ses partisans (qui l'avaient clairement supporté lors de la première affaire à Marseille) apprennent son éventuelle implication dans les viols de Nîmes, ils se demandent s'il n'a pas pu aussi violer les 9 jeunes femmes à Marseille. En outre Pierre Vidal-Naquet qui avait cru en son innocence lors de la première affaire a déclaré que s'il s'avérait que Luc Tangorre était déclaré coupable, il présenterait ses excuses.
Second procès
Le deuxième procès de Luc Tangorre s'ouvre en février 1992 devant la cour d'assises du Gard à Nîmes sous la présidence de Maurice Malleval. Comme lors du premier procès d'Aix-en-Provence, il crie au scandale et est sûr comme ses parents d'être acquitté. A la demande des deux victimes, le procès bénéficie d'un huis clos partiel alors même que l'avocat général Pierre Cazenave et l'inculpé Luc Tangorre s'y opposaient. Hormis ses parents, plus personne ne croit en son innocence. A l'instar de son premier procès, Luc Tangorre se défend corps et âme, mais les témoignages de Carol et Jennifer pèsent lourd dans la balance quand elles affirment et confirment que c'est Luc Tangorre qui les a violées. Ce dernier rappelle qu'il n'a pas pu violer les deux étudiantes. Les experts psychiatres déclarent qu'il pourrait souffrir d'un dédoublement de la personnalité et que le Luc Tangorre "normal" ne peut pas admettre qu'on lui dise qu'il a pu violer.
Le verdict du deuxième procès tombe quelques jours plus tard et Tangorre est condamné à 18 ans de réclusion criminelle. Ses parents hurlent une fois encore au scandale et à l'erreur judiciaire.
Suite au verdict, Pierre Vidal-Naquet présente ses excuses dans une tribune publiée dans Le Monde et reconnaît que sans l'intervention du comité de soutien, Tangorre n'aurait pas été grâcié et les viols des deux Américaines n'auraient jamais eu lieu.
Luc Tangorre bénéficie d'une libération conditionnelle en 2000. Il mène désormais une nouvelle vie en région lyonnaise.
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