- Louis De Caix D'Hervelois
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Louis de Caix d'Hervelois
Louis de Caix d'Hervelois Portrait présumé de Louis de Caix d'Hervelois et de Marie-Anne de Caix. École française du XVIIIe siècle. coll. priv.Naissance 1680
Amiens, FranceDécès 18 octobre 1759
Paris, FranceActivité principale Compositeur
Louis de Caix d'Hervelois est un compositeur baroque français né à Amiens vers 1680 et mort à Paris le 18 octobre 1759, ayant presque exclusivement composé pour la viole de gambe.
Sommaire
Biographie
Paris
Parler de Louis de Caix d’Hervelois tient en réalité de la gageure tant les informations sur sa vie et sa carrière restent encore aujourd’hui teintés d’ombre. Si les récentes recherches tendent à le faire naître « vers » 1680 à Amiens, on sait désormais qu’il s’éteignit à Paris le 18 octobre 1759 dans son appartement de la rue du Jour, face au portail de l’église Saint-Eustache où il résidait depuis plus de trente ans. Les scellés qui furent apposés sur sa porte permirent, selon la tradition, d’effectuer son inventaire après décès lequel révéla la présence de peu d’objets de valeur excepté trente violes de gambes de différents facteurs. Comme bon nombre de ses contemporains, ce sont finalement les éditions de ses œuvres qui nous apporteront les maigres éléments chronologiques permettant d’affiner le déroulement de sa vie.
On sait, par l’édition de son second Livre de pièces de viole, que le jeune Louis XV lui accorda en novembre 1719 la permission « de faire imprimer et graver et donner au public divers ouvrages de Musique, tant Vocale qu’instrumentale, et pour la basse de Viole à deux, ou plusieurs parties », et ce pour neuf années consécutives. Visiblement, Caix d’Hervelois ne fit renouveler ce privilège pour six ans qu’en juillet 1731 à l’occasion de sa troisième œuvre. On perd ensuite la trace de nouveaux privilèges malgré la publication du Quatrième Livre en 1740 puis du Cinquième en 1748. Il poursuivit néanmoins sa production en 1751 et 1753 avec deux recueils de pièces pour par-dessus de viole. Toutefois, si l’on pense qu’il fit circuler dès 1712 un manuscrit de pièces de viole (perdu), certains les musicologues datent par tradition le premier livre de Caix d’Hervelois vers 1715. À cette époque, l’auteur résidait déjà rue Saint-Sauveur à Paris (actuelle rue Léopold Bellan), entre la rue Montorgueil et la rue Saint-Denis. Cinq ans plus tard, il se trouve « rue des Prouvelles près St Eustache ». Après un court épisode « rue de l’arbre sec, dans une porte cochère vis-à-vis un Notaire », en 1726, on pouvait désormais le rencontrer, en 1731, rue du Jour, devant le parvis de Saint-Eustache, « à la tour d’or », « chez un Horlogeur » puis « au cigne de la croix ». Ces quelques adresses, loin de dénoter un caractère instable, suivent simplement le prix de l’immobilier, elles prouvent que le compositeur resta toujours fidèle à ce quartier traditionnel d’artistes, compris entre la rue Saint-Honoré et l’église des Halles. Foisonnant, très animé, privilégiant la création, cet ensemble abritait danseurs, musiciens, peintres et surtout commerçants à l’exemple du célèbre marchand de partitions François Boivin (mort en 1733) et plus tard de sa veuve Elisabeth Catherine Ballard (morte en 1776), résidant « à la règle d’or ». Si Caix d’Hervelois s’installe bien vite rue du Jour c’est qu’il y rejoint son ami de toujours, Joseph Bodin de Boismortier, lorrain de naissance, catalan de cœur et parisien bien en place depuis 1723. Ce dernier, l’un des auteurs les plus féconds du XVIIIe siècle, parfaitement au fait des goûts et des tendances du moment, fut sans doute pour beaucoup dans l’évolution du style du gambiste.
L'œuvre
Si l’on ne sait finalement pas de qui Caix d’Hervelois tenait ses talents pour la viole et si certains ont logiquement avancé le nom prestigieux de Marin Marais par simple analogie stylistique avec certaines pièces, nous pensons que le compositeur ne dut à son prédécesseur, musicien du roi, qu’une vague inspiration bien légitime à cette époque. En effet, dans ses deux premiers Livres, et bien qu’il emprunte encore à Marais son goût pour les vastes pièces de caractère héritées du siècle précédent (La Magnifique), Caix d’Hervelois s’émancipe déjà et oriente son inspiration vers ce qu’on s’accordera à appeler « la petite manière » (La Séjournant). La Régence de Philippe d’Orléans au Palais Royal tout proche puis, les espérances de liberté qu’engendre alors l’accession au pouvoir, en 1723, du jeune Louis XV, allaient bientôt voir l’émergence d’un style nouveau, axé sur les plaisirs, la fugacité et la sophistication des décors. Etoffes, meubles, demeures… tout se transforme désormais en intime, en préciosité exempte pourtant d’affects trop appuyés. La musique suit cette tendance en livrant des mouvements plus courts, plus descriptifs encore, proches du sentiment humain et s’inspirant, tels La Tourterelle ou Le Papillon, d’un formidable engouement pour le naturalisme lequel verra son apothéose sous les Lumières avec Georges Buffon.
A l’exemple de Charles Dollé, d’Antoine Morel, de Roland Marais ou d’Antoine Forqueray même, on ressent dans ces années 1720-1730, une vigueur de ton, une prédilection pour les effets spectaculaires qui vient concurrencer bien souvent l’esprit pastoral et populaire avec lequel les auteurs composent sans relâche. N’est-on pas en pleine période de « frous-frous » ? Hyacinthe Rigaud, peintre non officiel de la cour ne représente-t-il pas le marquis de Gueidan en étonnant joueur de musette, paré de tous les pompons et broderies possibles ? Jean-François de Troy, digne fils de son portraitiste de père, ne se plaît-il pas à rendre avec virtuosité les soieries surbrodées et non moins somptueuses des robes des Languissantes, et sous lesquelles on devine la pointe espiègle de prodigieux souliers de satin ? Nicolas de Largillierre ne décore-t-il pas sa demeure de la rue Geoffroy-Langevin d’étonnants trompe-l’œil où se mêlent décor de théâtre, festons et animaux amusés ? L’extraordinaire vigueur des pièces de viole de Dollé ou d’Antoine Forqueray le père, surnommé « le diable » se retrouve certes avec moins d’audace chez Caix d’Hervelois mais tout autant d’intelligence. Ainsi, le Livre V (1748) dont est issue la suite en mi mineur (initialement à deux violes) s’avère être un habile mélange de douceur et de fougue à l’exemple de sa Courante aux motifs déroulants. Mais bien vite Caix d’Hervelois imite les effets de vielle à roue très en vogue à la cour puisque la reine Marie Leszczynska jouait parfaitement de cet instrument. Alors que La Badine figure avec exactitude l’esprit de la conversation, « esprit particulier qui consiste dans des raisonnements et déraisonnements courts » selon Montesquieu ou davantage destiné « à en montrer beaucoup qu’à en faire trouver aux autres » selon La Bruyère, on retrouvera toute la force d’effets descriptifs dans une étonnante Guitare.
Ces effets descriptifs justement, atteignent leur apogée dans La Russienne, pièce sans doute destinée à saluer la venue du czar Pierre le Grand à Paris en 1717, et initiée quelques années auparavant par la fameuse Marche du Czar (Livre II). Dans ce dernier livre est d’ailleurs comprise La Couprin, agréable moment emprunt de douceur en guise d’hommage à François Couperin, sans nul doute. Quant à La Quinson, et selon une tradition héritée de Marais et de Michel de La Barre à peindre les caractères, elle fait sans nul doute référence à Roch Quinson, puissant marchand d’étoffes de soie, bourgeois puis échevin de Lyon entre 1729 et 1730. Ce détail est loin d’être anodin car il ramène ici le chercheur à la capitale des Gaules où est attestée la présence d’une famille de joueur de viole, les de Caix… Son plus illustre représentant, François-Joseph de Caix, vint à Paris avec ses enfants, tous musiciens, dans les années 1730 justement. Son fils aîné, Barthélémy de Caix (né en 1716) enseignera le dessus de viole à l’une des filles de Louis XV, Sophie Philippe Elisabeth Justine de France, dite « Madame Sophie », aux alentours de 1740. Quant à la fille aînée de François-Joseph, Marie-Anne Ursule de Caix (1715-1751), elle prouva également ses talents sur la viole. Et nous retrouvons ici Louis de Caix d’Hervelois puisqu’il inclut à la troisième suite du Livre V une fort jolie pièce intitulée La Marie-Anne de Caix… Serait-ce un simple hommage ou la preuve qu’un lien de parenté existait bien entre le compositeur et la dynastie lyonnaise ? Était-il leur oncle, issu d’une branche fixée très tôt à Amiens, comme tendrait à le prouver l’Amiénoise que l’on trouve au détour des pages du Livre II ? Le mystère demeure…
Versailles ?
A l'instar de ses homonymes lyonnais, Caix d’Hervelois semble avoir été tenté (mais sans y réussir) à établir un contact avec la cour de Versailles, même s’il est probable qu’il vécut simplement de leçons données aux jeunes nobles de la société parisienne. Ses liens avec le marquis de Saché (Pièces pour la flûte, Livre VI, 1736) sont attestés dès 1731 par un gravement intitulé La Sache (Livre III)[1]. De même, le second Livre contient une La Le Mercyer (suite en mi mineur) qui rejoint le dédicataire officiel du Livre III de 1731[2]. Mais, c’est avec son Livre V qu’il franchit un nouveau pas en le dédiant à « Madame », l’une des filles de Louis XV, Anne-Henriette de France, qui se fit magnifiquement portraiturer en 1754 par Jean-Marc Nattier, jouant de la basse de viole, et qui avait déjà inspiré de Caix dans son Premier Livre (L’Henriette) :
« Madame,
Assez heureux pour avoir pû contribuer à l’amusement d’une aussi grande Princesse, permettez-moy de vous offrir les fruits de mes travaux Lyriques. C’est un hommage, Madame, que les Arts doivent rendre à la protection glorieuse que vous leur accordez et à l’honneur que vous leur faites par vos talens, l’accüeil favorable dont vous avez daigné honorer quelques uns de mes foibles ouvrages justifie la liberté que je prens de les faire paroitre sous vôtre auguste nom et de publier le très profond respect avec lequel je suis,
Madame,
Votre très humble et très Obeïssant Serviteur,
De Caix d’Hervelois. »Sans doute la princesse était-elle avide de répertoire et avait-elle déjà goûté aux précédents livres de notre compositeur. Rappelons ici que Madame Henriette n’hésita pas à « protéger » Jean-Baptiste Antoine Forqueray, comme le prouve la dédicace du recueil édité par le fils d’Antoine Forqueray, en 1747 : « L'ouvrage que je prends la liberté de vous offrir a mérité à feu mon père la réputation dont il a joüi pendant sa vie, et la Protection que vous voulés bien lui accorder, Madame, va lui assurer l'immortalité. La Viole, malgré ses avantages, est tombée dans une espèce d'oubli ; vôtre goût, Madame, peut lui rendre la célébrité quelle a eue si longtemps, il peut exciter l'émulation de ceux qui cultivent la Musique. Pour moi, Madame, un motif plus pressant m'engage a redoubler mes veilles. Le bonheur que j'ay eu de vous voir aplaudir a mes foibles talens va renouveler l'ardeur de mon zéle : heureux si par mon travail je puis contribuer à vos amusemens.[…] ».
Alors qu’il n’avait plus qu’une dizaine d’années à vivre, Louis de Caix d’Hervelois espérait peut-être qu’on l’appelât à la cour, à un poste officiel qui pût lui assurer une confortable retraite. Aussi avait-il, en 1726, 1731, et 1736, transcrit certaines de ses pièces pour la flûte traversière, instrument fort en vogue à Paris. Il suivit ainsi la mode courante, probablement à l’imitation de ses contemporains et surtout, sur les conseils avisés de Boismortier. Ce dernier d’ailleurs, avait bien vite quitté son domicile de la rue des fossés Saint-Germain-l’Auxerrois pour rejoindre Caix d’Hervelois, en 1736, « au cigne de la croix », face au portail de Saint-Eustache. Le célèbre plan de Paris par Michel-Etienne Turgot (1739), ainsi qu’une gravure de Mérian (v.1655) montrent très clairement un petit calvaire installé devant la façade inachevée de l’édifice et proche d’une maison d’angle qui abritait sans doute les deux hommes. Très tôt leur amitié s’était nouée, comme l’atteste la belle dédicace que Boismortier fit publier en préambule à sa 31e œuvre contenant diverses pièces de viole avec la basse (1730) :
« A mon amy De Caix,
Oh mon amy qui tant de fois
Que ton sincère Boismortier. »
De mes soupirs fut le vainqueur,
Et dont jadis la belle ardeur
Offrait à mes violents désirs
En réponse un charmant plaisir
Qui m’a bien attaché à toy.
Toy dont l’archet si vigoureux
Pénètre sans peine mon âme,
Daigne accepter de mes dix doits
Cet ouvrage que je te dois.
Que ta viole sans cesse résonne
Des doux accords qui sont gisants,
Que sans peine elle entonne
Ces mélodies que je te rends.
De Caix, tes talens éclatans
Ont caché les plus doux mistères
Qui tant de fois de mes prières
Trahirent un désir innocent.
Qu’ils trouvent désormais leur place
Au sein de cet humble ouvrage
Que je te donne en simple gage
De mes penchans en vers tes graces.
Accepte de moi aujourd’huy
Ce faible mais sincère prix
Qui me fait alors espérer
Qu’une union jadis séparée,
Les liens désormais réparés
Sçauront vaincre la mélopée.
De Caix en tarissant mes larmes
Tu contenteras mes désirs,
Et me rendant tous mes plaisirs,
Tu retrouveras tous tes charmes.
Répons donc à mon impatience,
Hâte toy, féconde mes vœux,
Sois sûr de ma reconnaissance,
Si je reçois tes plus grands feux,
Tu sentiras donc le premier
Que tu n’as ici pour jamais
D’amy plus chaud et plus parfaitDe nombreuses analogies existent entre la troisième œuvre de Caix d’Hervelois et celle de Boismortier, à commencer par la notation des doigtés, des tremblements, des battements, des pincés et enfin par le traitement simple mais efficace de la mélodie. D’ailleurs, on est à même de se demander si Caix d’Hervelois n’a pas aidé Boismortier dans l’élaboration de ce recueil puisque ce dernier n’étant pourtant pas un spécialiste de l’instrument, réussit à livrer cinq suites d’une grande qualité. Alors que le compositeur messin quitte définitivement Paris pour sa propriété de La Gâtinellerie à Roissy-en-Brie en 1753, Caix d’Hervelois ne semble plus avoir vécu qu’en donnant des leçons particulières de pardessus de viole à quelques jeunes filles éprises de nouveautés. Le seul portrait présumé du compositeur que l’on puisse proposer, le montre vieillissant, affublé d’une perruque fidèle au siècle précédent. Ainsi disparaît en 1759 Louis de Caix d’Hervelois, auteur du dernier recueil officiel pour viole de gambe de son époque.
Notes
- ↑ On sait peu de choses sur ce personnage sinon qu’il possédait le château de Giseux en Anjou, vendu vers 1746 à un maître des cérémonies du roi (voir Luynes, Mémoires, tome VIII, p. 131). Premier lieutenant de l'artillerie sur démission de son beau-père, Jean-Angélique, Chevalier, marquis de la Frézelière, de Monts et de Germigny, baron de Lassé, seigneur du Bouchet et de la Chaussée, ce dernier avait épousé en 1706 Félicité-Perpétue, marquise de la Frézelière.
- ↑ Mr Le Mercyer, écuyer, seigneur de la Sal, conseiller et secrétaire du roi, lequel semble avoir été lié d’amitié avec l’auteur.
Catalogue des compositions
Les pièces pour flûte sont principalement des transcriptions choisies par l'auteur de ses pièces de viole.
- 1710 : Premier livre de pièces de viole avec la basse
- 1719 : Second livre de pièces de viole avec la basse
- 1726 : Pièces pour la flûte traversière avec la basse
- 1731 : Quatre suites de pièces pour la viole avec la basse chiffrée en partitions
- 1731 : Deuxième recueil de pièces pour la flûte avec la basse
- 1736 : IV Suites pour la flûte avec la basse qui conviennent aussi au pardessus de viole
- 1740 : 4e Livre de pièces à deux violes contenant deux suites et trois sonates
- 1748 : 5e Livre de pièces à deux violes contenant trois suites et deux sonates
- 1751 : VIe Livre de pièces pour un pardessus de viole à 5 cordes et 6 cordes avec la basse, contenant 3 suites qui peuvent se jouer sur la flûte
Liens externes
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