Ligne ferroviaire Qing-Zang

Ligne ferroviaire Qing-Zang
Parcours de la nouvelle ligne de chemin de fer de Xining jusque Lhassa.

La ligne ferroviaire Qing-Zang (Qing pour la province du Qinghai, Zang pour la Région autonome du Tibet, appelée Xizang Zizhiqu en mandarin ; 青藏铁路/青藏鐵路 en mandarin) est une ligne de chemin de fer en Chine inaugurée le 1er juillet 2006 par le président Hu Jintao.

Longue de 1 142 km, elle relie la ville de Golmud (à 2 800 m d'altitude), placée sous la juridiction de la préfecture autonome mongole et tibétaine de Haixi de la province du Qinghai et la ville de Lhassa (à 3 500 m d'altitude), capitale de la région autonome du Tibet.

C'est la première ligne reliant la région autonome du Tibet au reste de la Chine. En effet, son relief et de son altitude en faisait la dernière région de Chine dépourvue de tout chemin de fer. Le coût de la construction est estimé officiellement à environ 3,5 milliards d'euros, 900 000 voyageurs par an sont attendus. Cette ligne pose cependant des problèmes d'ordre politique.

QingZang Railway.png

Golmud
Nanshankou
Ganlong
Nachitai
Xiaonanchuan
Yuzhufeng
Wangkun
Budongquan
Chumaerhe
Wudaoliang
Xiushuihe
Jiangkedong
Riaquchi
Tuotuohe
Tongtianhe
Yanshiping
Buqiangge
Tanggula
Zhajiazangbu
Tuoju
Anduo
Cuonahu
Diwuma
Gangxiu
Naqu
Tuoru
Gulu
Wumatang
Dangxiong
Daqiongguo
Yangbajing
Maxiang
Lasaxi
Lasa
 Gares ordinaires
 Gares avec point de vue
Note : les gares en gris ne sont pas gardées
Note : cette image n'est pas à l'échelle

Sommaire

Origine du projet

Sun Yat-sen, l'un des fondateurs du Kuomintang et le premier président de la République de Chine en 1912, émit l'idée de réaliser une ligne de chemin de fer entre le Tibet et la Chine intérieure. Ce projet sera repris par le parti communiste chinois dans les années 1950. La partie comprise entre Golmud et Xining a été commencée en 1958 puis poursuivie en 1979 et achevée en 1984. Une fois les obstacles techniques surmontés, la construction de la ligne Golmud-Lhassa a débuté en juin 2001[1].

La construction de cette ligne entre dans une stratégie globale de développement des provinces de la Chine occidentale, qui sont beaucoup moins développées que la Chine orientale[2]. Après la mise en service complète de la ligne, il sera possible de rejoindre Pékin au départ de Lhassa en 50 heures.

La ligne est prévue pour être prolongée jusqu'à Zhangmu via Shigatse (Xigaze) vers l'ouest, et jusqu'à Dali de la province du Yunnan via Nyingchi (Linzhi) vers l'est.

Caractéristiques principales

La ligne emprunte le col des Tangula Shankou à 5068 mètres d'altitude, ce qui en fait la ligne la plus haute du monde. Ce titre était détenu précédemment par une antenne minière du Ferrocarril Central Andeo (Chemin de fer central des Andes, situé dans les Andes près de Ticlio au Pérou, avec 4830 m). Cette ligne comporte également un tunnel situé à 80 km au nord-ouest de la capitale régionale, Lhassa, le tunnel de Yangbajain No.1, long de 3345 mètres qui se trouve à 4264 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Plus de 960 km (80 % de la longueur de la ligne) se trouvent à une altitude supérieure ou égale à 4000 mètres, et plus de 50 % de la ligne est construit en terrain gelé en permanence (pergelisol).

À la sortie de la ville de Golmud, un portail porte l'inscription : « Un dragon de fer danse sur le Toit du monde »

Construction

Viaduc sur la ligne Qing-Zang

Les infrastructures

L'écartement des rails correspond à l'écartement standard, soit 1,435 mètre, d'ailleurs utilisé sur le reste du réseau ferroviaire chinois. La pose des rails au Tibet a commencé le 22 juin 2004 à partir de la gare d'Anduo, dans les deux directions, simultanément vers les monts Tangula et vers Lhassa. Le 24 août 2005, les rails ont été posés au col des monts Tangula, point culminant de la ligne à 5068 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le journaliste Gilles Van Grasdorff indique que le gouvernement chinois aurait rétribué les ouvriers de l'ordre de 200 à 300 euros par mois, toutefois cette allégation est invérifiable comme l'affirmation qu'aucune victime n'a été constatée parmi ces ouvriers[3]. Le journaliste Pierre Haski indique que les journalistes étrangers ou des observateurs indépendants n'ont pas été admis sur les chantiers lors des travaux effectués en hiver, par des températures de - 25 °C ou - 35 °C et ce sur près de la moitié du trajet[4]. Par ailleurs Gilles Van Grasdorff indique que « ces travailleurs, hommes, femmes et enfants provenaient tous des laogais, nombreux dans la région » [5].

La section Xining - Golmud, soit 815 km, située dans le Qinghai, a été ouverte au trafic en 1984. La construction du tronçon Golmud - Lhassa a commencé le 29 juin 2001. Son achèvement est intervenu à la fin de l'année 2005, les travaux de signalisation et les essais nécessitant toutefois entre six et douze mois supplémentaires.

La gare de Golmud

Trente gares ont été construites, parmi lesquelles celle des monts Tanggula qui est, à 5068 m d'altitude, la gare la plus haute du monde (suivie par les gares de Cóndor, à 4786 m, sur la ligne Rio Mulatos-Potosí en Bolivie, et La Galera à 4781 m au Pérou).

Sur un tronçon d'environ 550 km, la voie ferrée est implantée sur un sol gelé la plus grande partie de l'année mais qui devient instable pendant les mois les plus chauds de l'année. Il a été mis en place sous le ballast des tuyaux en acier remplis d'un fluide frigorigène qui doit conserver le pergélisol gelé.

Le matériel roulant

C'est Bombardier Transport qui a obtenu le marché du matériel roulant pour voyageurs. Le groupe Bombardier a été critiqué par les médias occidentaux et par ses propres actionnaires pour son engagement dans ce projet.

Il a été aménagé dans les wagons un dispositif permettant de pressuriser les compartiments.

Le constructeur canadien doit livrer, entre décembre 2005 et mai 2006, 361 voitures équipées pour la haute altitude (système de pressurisation enrichi en oxygène et protection contre les rayons ultra-violets). 53 de ces voitures seront des voitures-lits luxueuses à l'intention de la clientèle touristique. Quand les travaux de signalisation et la réception des voies seront terminés, les trains circuleront à une vitesse maximale de 120 km/h, sauf dans les zones gelées où la vitesse sera limitée à 100 km/h.

Développement économique

Parcours au Tibet

Échanges commerciaux

Article détaillé : Économie du Tibet.

Première ligne reliant le Tibet au reste de la Chine, elle doit permettre de désenclaver la région pour accélérer son développement économique. La ligne ferroviaire a eu comme effet la diminution des coûts de transports, ce qui a permis de faciliter les échanges. Entre le 1er juillet 2006 et le 30 mai 2007, 591 000 tonnes de marchandises ont été transportées, dont 94,4% au Tibet[6]. En effet, le fret ferroviaire est facturé 0,12 yuan par tonne-km, alors que le fret routier est facturé 0,27 yuan[6]. Ceci a permis au Tibet d’économiser plus 170 millions de yuans en près d'une année depuis l'ouverture de la voie ferrée[6]. Grâce à cette baisse des coûts, le commerce extérieur du Tibet a progressé de 75%, atteignant 322 millions de dollars en 10 mois depuis la mise en opération de la voie ferrée (statistiques des Douanes de Lhassa)[6]. Parmi ces 322 millions, 100 millions de dollars d'importations et 222 millions de dollars d'exportations entre le 1er juillet 2006 et le 30 avril 2007, en hausse de respectivement 170% et 51%[6].

Tourisme

Article détaillé : Tourisme au Tibet.

Il y a également eu une hausse de l’activité touristique. Depuis le 1er juillet 2006, le nombre de touristes visitant le Tibet augmente de 3 000 à 4 000 personnes par jour sur la voie ferrée Qinghai-Tibet. D'après une étude, 1 000 personnes prennent chaque jour des avions et des bus pour se rendre au Tibet[7]. En 2010, le nombre de touristes dépasserait 5 millions de personnes avec des recettes de 5,8 milliards de yuans[7].

Controverses politiques

Gare de Lhassa

Impact sur la composition de la population

Article connexe : Sinisation du Tibet.

Certains craignent que cette ligne ne favorise une immigration en provenance du reste de la Chine (notamment de Chinois de l'ethnie Han) et qu'elle n'amène les Tibétains à devenir minoritaires. On craint également que le gouvernement n'utilise la ligne pour renforcer sa présence militaire dans la région, et qu'il n'augmente l'exploitation des ressources naturelles avec tous les risques que cela représente pour l'environnement fragile du Tibet[4].

Selon Pierre-Yves Néron, chercheur en éthique de l'université de Montréal, la ligne ferroviaire est perçue comme un outil de la colonisation du Tibet par la Chine, une démarche contraire au droit à l’autodétermination [8].

Pour Gregory Clark, ancien responsable au Ministère australien des affaires étrangères et vice-président de l'université internationale Akita, si l'établissement de cette ligne ferroviaire de 1 142 km de long à 5 000 m d'altitude est un péché, faut-il pour autant laisser les Tibétains à jamais confinés dans un isolement rétrograde[9] ?

Dans une tribune publiée par L'Humanité le 12 avril 2008, le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon affirmait que la « campagne contre le chemin de fer entre Pékin et Lhassa » usait d'« arguments qui rappellent le XIXe siècle et la condamnation du chemin de fer par le pape Grégoire XVI, qui y voyait un moyen diabolique de diffuser des idées nouvelles et de bouleverser la tradition religieuse » [10].

Au Canada, en avril 2005, il était question de lancer une campagne de protestation contre l'entreprise Bombardier, chargée de construire les voitures des trains[11].

Impact militaire

Selon Friends of Tibet (India), l’Inde considère cette ligne de chemin de fer avec inquiétude en raison des implications militaires et du renforcement potentiel de l'armée chinoise déjà importante au Tibet, y compris dans sa capacité à déployer des armes nucléaires tactiques[12].

L'environnement

Respect de l'environnement

Selon l'Administration d'État pour la protection de l'environnement (SEPA)[13], la ligne n'a pas eu d'effets nocifs sur la nature et la faune grâce aux importants moyens qui ont été mis en œuvre. Ainsi, un système de contrôle et d'alerte d'urgence permettant d’évaluer la qualité de l'eau, de l'air, le bruit et l'écosystème a été mis en place. 1,5 milliard de yuans ont été investis dans ce projet pour la protection de l'environnement, soit 4,6% du total ; c’est la somme la plus élevée dans l’histoire des constructions de chemin de fer chinoises[13]. Le projet a également prévu 33 passages pour permettre aux animaux (antilopes tibétaines notamment) de franchir la voie ferrée lors des migrations saisonnières, de plus le trajet a été conçu de façon à contourner des cimetières et lieux de culte tibétains[14].

Impact présumé du réchauffement climatique

Selon le journaliste Brice Pedroletti, l'impact du réchauffement climatique sur le pergélisol soutenant l'ouvrage sur le plateau tibétain aurait été sous-évalué[15]. Un chercheur de l'Académie des sciences chinoises à Lanzhou (Gansu), Wu Ziwang, aurait dit en 2006, selon Lobsang Yeshi, que le dégel du pergélisol « pourrait, dans dix ans, poser des problèmes de sécurité pour le chemin de fer Qinghai-Tibet, dont les travaux viennent d'être achevés » [16].

Notes et références

  1. Susette Cooke, La culture tibétaine menacée par la croissance économique, in Perspectives chinoises, n° 79, 2003, mis en ligne le 2 août 2006. Consulté le 10 avril 2010.
  2. Suzette Cooke, op. cit. : « Avec l’adoption en 2000 d’une nouvelle stratégie nationale pour développer ses régions ouest, la Chine projette un remodelage complet de cette partie du territoire 3. Dans la Région autonome du Tibet (RAT), la campagne de développement du Grand Ouest (Xibu da kaifa) aura probablement un impact plus important que dans les autres entités provinciales ».
  3. Gilles Van Grasdorff, La nouvelle histoire du Tibet, Perrin, octobre 2006, p. 453, (ISBN 2-262-02139-2) : « La propagande chinoise insiste sur le fait que les travailleurs tibétains et chinois ont été grassement payés par le pouvoir central, de l'ordre de 200 à 300 euros par mois. Le fait est invérifiable, comme l'assertion selon laquelle il n'y aurait eu aucune victime ».
  4. a et b Pierre Haski, La colonisation chinoise sur les rails au Tibet, site Liberation.fr, 25 octobre 2005.
  5. Gilles Van Grasdorff, La nouvelle histoire du Tibet, op. cit., p. 453, (ISBN 2-262-02139-2).
  6. a, b, c, d et e http://www.french.xinhuanet.com/french/2007-06/30/content_449866.htm
  7. a et b http://www.french.xinhuanet.com/french/2006-07/08/content_280464.htm
  8. Pierre-Yves Néron, Libre-échange ou... Tibet libre?, « C’est qu’un tel développement ferroviaire est perçu par plusieurs observateurs comme un outil de la colonisation du Tibet par la Chine, une démarche totalement contraire au « droit à l’autodétermination ». »
  9. Gregory Clark, The Fusillade Against China, site Journey East.
  10. Jean-Luc Mélenchon, L’étrange modèle tibétain de théocratie, sur le blog de Jean-Luc Mélenchon, 12 avril 2008.
  11. Bombardier: un contrat contesté au Tibet, sur le site Désautels Reportage : « Une campagne internationale de protestation pourrait être entreprise contre Bombardier par des défenseurs des droits de la personne qui s'opposent à la construction de voitures de trains destinées au Tibet ».
  12. (en) Shibayan Raha (Coordinator of the Calcutta chapter of Friends of Tibet (India), China's Tibet Railway is permanent threat to India, site Phayul.com, 1er juillet 2006.
  13. a et b http://www.french.xinhuanet.com/french/2007-06/06/content_438205.htm
  14. http://www.french.xinhuanet.com/french/2006-07/01/content_276524.htm
  15. Brice Pedroletti, Menace climatique sur la ligne ferroviaire Lhassa-Golmud, Le Monde, 2 Août 2009.
  16. Lobsang Yeshi, Le train Gormo-Lhassa : l'envers du décor, août 2006, article reproduit dans la revue indépendantiste Alternative tibétaine (« Alternative tibétaine est une publication annuelle, éditée en langue française et tirée à 5000 exemplaires. Son but est de restituer la pensée politique tibétaine dans sa pluralité, en revalorisant la légitimité et la pertinence de son expression indépendantiste » Cf la page d'accueil du site Alternative tibétaine).


Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ligne ferroviaire Qing-Zang de Wikipédia en français (auteurs)

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