- Le Cauchemar de Darwin
-
Pour les articles homonymes, voir Darwin (homonymie).
Le Cauchemar de Darwin (Darwin's Nightmare) est un film documentaire de Hubert Sauper de 2004, sorti en salles en France, le 2 mars 2005. Il eut un succès dans nombre de festivals de films en Europe et fut sélectionné pour un Oscar du meilleur documentaire long-format. Le propos général du documentaire, et en particulier ses suggestions que Mwanza en Tanzanie servait de plaque tournante au trafic d'armes et que des carcasses de poissons pêchés dans le lac Victoria étaient mangées par la population locale, ont généré une polémique après la sortie du film dont il ressortit que le film présentait certains éléments hors contexte.
Sommaire
Thématique du documentaire
Le documentaire prend pour argument de départ les trafics autour de l'aéroport de Mwanza, en Tanzanie, sur les bords du lac Victoria, mais, selon Hubert Sauper, ce n'est pas un film sur le lac Victoria, et encore moins sur un poisson, mais un film contre la mondialisation et ses conséquences.
Un poisson introduit dans les années 1960, la perche du Nil (Lates niloticus) a remplacé une grande partie des 200 espèces différentes de poissons autochtones (entraînant une modification du biotope et l'extinction de nombreuses espèces) et son commerce, devenu florissant, alimente depuis près de vingt ans les tables et les restaurants des pays du Nord, avec des exportations qui peuvent dépasser 500 tonnes de filets de poissons par jour. La perche est préparée sur place dans des usines financées aussi par des organisations internationales et 40 % de la production reste pour nourrir la population locale, en lieu et place des petits poissons locaux plus faciles à conserver. Autour de cette exportation massive se développent tous les trafics liés à une urbanisation intense et brutale (usines de traitement) : prostitution, sida, violences diverses. L'auteur suggère que les avions cargo (russes ou ukrainiens) ne reviennent pas à vide et alimentent le trafic d'armes à destination de la région des Grands Lacs. L'affiche du film souligne cette hypothèse en figurant la silhouette d'une kalachnikov avec une arête de poisson.
Production
Le Cauchemar de Darwin est un documentaire de Hubert Sauper (France – Autriche – Belgique, 2004, 1h50) dont la production a été soutenue par Arte et WDR. Tourné dès 2001, pendant six mois, répartis sur 4 ans, il a été produit notamment par trois sociétés.
- Collaborateur artistique, Assistant réalisateur : Sandor Rieder, Nick Flynn
- Chef opérateur : Hubert Sauper
- Ingénieur du son : Cosmas Antoniadis
- Monteur : Denise Vindevogel
- Monteur son : Veronika Hlavatsch
- Producteurs :
- Edouard Mauriat
- Antonin Svoboda
- Martin Gschlacht
- Hubert Toint
- Hubert Sauper
- Produit par les sociétés :
- Mille et une productions, Paris
- Coop99 Film Produktion, Vienne (Autriche)
- Saga Film, Bruxelles
- En collaboration avec :
- Avec le soutien de : Centre national de la cinématographie (CNC) - France -- Vienna Film Fund (FFW) - Autriche -- Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel de la Communauté Française de Belgique et les télédistributeurs wallons - Belgique ainsi que le soutien du Comité pour l'annulation de la dette du tiers monde (CADTM) qui anime des débats autour du film.
- Distribution : Ad Vitam, avec le soutien de l’Association française des cinémas d'art et d'essai.
Prix et Festivals
- Prix du Meilleur film documentaire européen – Prix du cinéma européen 2004
- Prix Europa Cinémas - Mostra de Venise 2004
- Grand Prix Documentaire – Festival du film de l’Environnement de Paris 2004
- Prix du Public - Entre vues, festival de Belfort 2004
- Grand Prix du Meilleur Film – Festival de Copenhague 2004
- Prix du Meilleur Documentaire – Festival de Montréal 2004
- Sélection Officielle - Festival international du film de Toronto 2004
- Sélection Officielle - Festival international du film de Saint-Sébastien 2004
- Grand prix du jury - Festival Premiers plans d'Angers 2005
- César du meilleur premier film 2006
Polémique
Le Cauchemar de Darwin a fait l'objet d'un vif débat quant à sa véracité, d'abord dans un article de Libération du 27 février 2006, puis dans une contre-enquête publiée par Le Monde quelques jours plus tard. Dans cette dernière, Jean-Philippe Rémy écrit :
« Les évidences visuelles sont parfois trompeuses. Des tonnes de "pankis", comme on nomme ces carcasses de perche, sont bien fabriquées sur les tréteaux du site de Nyamhongolo, à une dizaine de kilomètres de Mwanza, par des malheureux qui se souviennent du passage du "Blanc avec sa caméra" et le miment en train de les filmer. Seulement ces "pankis", contrairement à ce que suggère le film, ne sont pas destinés à la consommation humaine, mais à celle des poulets et des porcs. D'autres restes de poisson, un peu plus loin, sont bien destinés aux hommes. Ces morceaux plus que modestes, qui trouvent preneur dans toute la Tanzanie, sont quant à eux soigneusement lavés, puis fumés ou frits. Ce qui sépare la réalité du film relève-t-il d'une erreur, d'une inexactitude ou d'une supercherie ? La question a de l'importance, alors que le film d'Hubert Sauper, après avoir rencontré un succès considérable auprès du public, remporté de nombreuses récompenses, est à présent en compétition pour les Oscars, dimanche 5 mars et, surtout, fait l'objet d'une polémique, après la publication d'un article de la revue Les Temps modernes (nos 635-636) signé François Garçon, contestant le sérieux des faits présentés. »
— Jean-Philippe Rémy, « Le cauchemar de Darwin », une supercherie, Le Monde, 3 mars 2006[1].
Dans une réponse au Monde, Hubert Sauper déclara qu'il n'avait pas à se justifier et que « le scandale dont parle mon film n'[était] pas celui du lac Victoria ».
Lors de l'émission Arrêt sur images du 30 avril 2006, la question de la véracité du trafic d'armes, qui n'est pas avéré, est posée. Les armes qui ont été saisies sur l'aéroport de Mwanza l'ont été à la suite d'un problème technique sur un Antonov An-12 qui aurait dû atterrir en Tanzanie. Les 35 tonnes d'armes provenaient de Tel Aviv et allaient en Ouganda[2]. L'historien François Garçon s'est intéressé au film car celui-ci ne montre pas les images des armes du supposé trafic. Il reproche aussi le biais altermondialiste du film (interview radio sur France Inter le 24 avril 2006) et publie un livre sur le documentaire[3]. Le 21 janvier 2007, lors d'une émission de RFI animée par Benoît Ruelle, François Garçon réitère ses déclarations contre le film. Hubert Sauper décide d’entamer une procédure judiciaire pour diffamation en janvier 2008[4]. L'historien est condamné en première instance, le 22 février, à 500 euros d'amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation envers Hubert Sauper, pour avoir affirmé que le réalisateur aurait payé des enfants pour « jouer et rejouer des scènes ». Le tribunal estime toutefois que les autres propos de l'historien n'ont pas « dépassé les limites admissibles du droit de critique », notamment quand il qualifiait de « procédé d'une incroyable malhonnêteté » l'affirmation d'un lien entre l'abandon des enfants autour du lac et le commerce de la perche, quand il nie la réalité du commerce des armes et la destination des carcasses de poisson à l'alimentation humaine[5],[6]. François Garçon fait appel de la décision et perd. La cour d'appel dit dans son verdict rendu le 11 mars 2009 que l'accusation de manipulation des enfants était diffamatoire sans que les exceptions d'établissement de la vérité des faits allégués et de bonne foi puissent jouer. Elle confirme que François Garçon ne disposait « manifestement pas d'une base factuelle suffisante pour formuler à l'encontre du réalisateur une telle accusation de manipulation des enfants et de tromperie sur la réalité des situations qu'il a filmées ». Sur la bonne foi, François Garçon, qui est professeur, aurait dû disposer d'une base factuelle suffisante et tenir compte de la nature de l'œuvre de Hubert Sauper, qui n'est pas un documentaire didactique mais un documentaire de création[6],[7].
Notes et références
- http://ledaoen.over-blog.com/article-2039673.html
- People's Daily du 5 octobre 2001.
- ISBN 978-2-08-210579-8. François Garçon, Enquête sur le cauchemar de Darwin, Flammarion, 2006,
- « Le cauchemar de Sauper », 20 Minutes du 18 janvier 2008.
- « L'historien à l'origine de la polémique condamné », 22 février 2008.
- Cour d'appel de Paris, 11e chambre, 11 mars 2009.
- Jean-Luc Porquet, « Le justicier n'était pas juste », Le Canard enchaîné, 18 mars 2009, p. 5. Voir aussi
Voir aussi
Bibliographie
- François Garçon, « Le cauchemar de Darwin : allégorie ou mystification ? », Les Temps modernes, n°635-636, 2006, pp. 353-379.
- François Garçon, Enquête sur le cauchemar de Darwin, Paris : Flammarion, 2006. 265 p. ISBN 978-2-08-210579-8
- Frédéric Giraut, « Révélations et impasses d’une approche radicale de la mondialisation », EspacesTemps.net, Actuel, 18 juillet 2007. [lire en ligne]
- Christian Lévêque, Didier Paugy, « Le paradoxe de Darwin », La Recherche, 2006, n° 402, p. 48-51.
Films sur des thèmes similaires
- Genèse d'un repas (1978), de Luc Moullet, Sur la production des bananes et du thon en boite, en Équateur, au Sénégal et en Bretagne,
- Ananas (1984) d'Amos Gitaï, dénonçant un problème similaire pour la production de l'ananas aux Philippines,
- L'Eldorado de plastique (2001) d'Arlette Girardot, dénonçant l'exploitation de main d'œuvre immigrée dans les serres du Sud de l'Espagne pour la production sous serres de fruits et légumes alimentant l'Europe,
- Black Gold (2006), sur la production du café en Éthiopie, le marché international et le rôle des multinationales [lire en ligne]
Liens externes
- (fr) Entretien avec François Garçon par Le Tigre, n°11-12, juillet-août 2010
- (fr) Article élogieux sur le film sur le site d'Africultures
- (fr) « Cauchemar de Darwin : le Garçon paie l’addition », Bakchich, 10 avril 2009
- (fr) Fiche IMDb
Catégories :- Afrique post-coloniale au cinéma
- Film documentaire sur l'altermondialisme
- Film documentaire français
- Film documentaire autrichien
- Film documentaire belge
- Film documentaire canadien
- Film finlandais
- Film documentaire suédois
- Film sorti en 2004
- Film documentaire sur l'environnement
- César du meilleur premier film
- Film traitant de la mondialisation
- Film documentaire sur le monde du travail
- Cuisine et cinéma
Wikimedia Foundation. 2010.