Lawrence de Cantorbéry

Lawrence de Cantorbéry

Laurent de Cantorbéry

Laurent de Cantorbéry
Archevêque de Cantorbéry (604)
Décès 2 février 619 
Cantorbéry (Kent, Angleterre)
Vénéré par les catholiques, les orthodoxes et les anglicans
Fête le 3 février
Serviteur de Dieu • Vénérable • Bienheureux • Saint

Laurent (parfois Laurence, Lawrence ou Laurentius) (mort le 2 février 619) était membre de la mission grégorienne et deuxième archevêque de Cantorbéry. Il fut envoyé d'Italie vers l'Angleterre pour convertir les Anglo-Saxons au christianisme, bien que sa date d'arrivée ne soit pas connue avec certitude. Il fut consacré archevêque par son prédécesseur, Augustin de Cantorbéry, alors que celui-ci était encore en vie, afin d'assurer la continuité de son office. Il essaya, sans succès, de résoudre les conflits opposant les missionnaires aux évêques anglo-saxons en correspondant avec ces derniers sur les sujets de discorde. Laurent fit face à une crise qui suivit la mort du roi Æthelberht de Kent, lorsque le successeur du roi abandonna temporairement le christianisme. Après sa mort en 619, Laurent fut vénéré comme un saint.

Sommaire

Biographie

Jeunesse

Avant son voyage pour l'Angleterre, Laurent était moine à Rome[1], mais rien d'autre n'est connu sur son histoire personnelle ou son passé[2]. Il participa à la mission grégorienne envoyée de Rome vers l'Angleterre afin de convertir les Anglo-Saxons au christianisme en 595. Il arriva à Thanet, dans le Kent, avec Augustin en 597[1],[3] bien que d'autres sources font de lui un membre du deuxième groupe de missionnaire arrivé en 601[4],[5].

Selon le chroniqueur médiéval Bède le Vénérable, Augustin envoya Laurent en Italie afin d'informer le pape Grégoire Ier de la réussite de la mission, en particulier de la conversion du roi Æthelberht de Kent, et d'apporter une lettre de questions. Il partit, accompagné de Pierre, un autre missionnaire, quelques temps après juillet 598 et revint en juin 601[6] avec Mellitus et le second groupe de missionnaires, mais aucun document ne prouve que Pierre les accompagnait[7].

À son retour, il apporta la réponse de Grégoire aux questions d'Augustin, lettre consignée par Bède et connu sous le nom de Libellus responsionum[8]. Grégoire fit également parvenir une lettre à Berthe, reine de Kent, dans laquelle il rend hommage à son rôle dans la conversion de son mari, dont il dit avoir reçu les détails par Laurent le prêtre[9].

Archevêque

Carte des royaumes anglo-saxons vers 600.

Laurent succéda à Augustin à la tête de l'archevêché de Cantorbéry vers 604 et le dirigea jusqu'à sa mort le 2 février 619[1],[10]. Augustin craignait que si quelqu'un ne prenait pas immédiatement sa place après sa mort, cela handicaperait les efforts missionnaires en Grande-Bretagne[5],[11]. Il consacra ainsi Laurent avant sa mort, bien que ceci fut interdit par le droit canon[8]. Laurent ne reçut, cependant, jamais de pallium de Rome, prouvant qu'il fut considéré comme non-canonique par la papauté[12]. Bède tient à comparer la consécration de Laurent par Augustin à celle de Clément par Saint Pierre à l'évêché de Rome du vivant de Pierre. Le théologien J. Robert Wright estime que Bède, par ce moyen, critique les pratiques de l'Église en son temps[13].

En 610, Laurent reçut des lettres du pape Boniface IV, lui étant adressées en tant qu'archevêque et successeur d'Augustin[14], en réponse à l'envoi de Mellitus à Rome plus tôt en 610 afin de solliciter des conseils de la papauté. Alors qu'il était à Rome, Mellitus assista à un synode, et rapporta les décrets synodaux avec lui en Angleterre[15]. En 613, Laurent consacre l'église du monastère bâti par Augustin à Cantorbéry, et la dédie aux saints Pierre et Paul ; elle fut plus tard reconsacrée à Saint Augustin de Cantorbéry[1].

Laurent écrivit également aux évêques des terres tenues par les Scots et les Bretons insulaires, les exhortant à fêter Pâques le même jour que l'Église romaine, au lieu de le fêter à leur date traditionnelle[1]. La lettre est consignée dans l'Histoire ecclésiastique de Bède[16]. Laurent, en 609, décréta que l'évêque écossais Dagan ne partagerait pas son repas ou le même toit avec lui, et ce à cause des différences entre les deux Églises[17].

Réaction païenne

Une pièce du règne d'Eadbald.

À la mort d'Æthelberht en 616, son fils Eadbald abandonna le christianisme, ce qui favorisa un retour en force du paganisme et força beaucoup de missionnaires grégoriens, dont Mellitus, alors évêque de Londres, et Juste, évêque de Rochester[18], à fuir en Gaule[11]. Laurent cependant resta en Grande-Bretagne et réussit à reconvertir Eadbald au christianisme[11]. D'après Bède, Laurent était prêt à abandonner lorsqu'il reçu dans un rêve la visite de Saint Pierre. Ce dernier le châtia et le fouetta, marquant sa peau même une fois le rêve terminé. Laurent montra alors ses marques au roi Eadbald qui fut alors converti sur le champ[19]. Bède insinue cependant que ce furent les morts de certains dirigeants païens lors de batailles qui réellement persuadèrent Laurent de rester[15]. Selon Benedicta Ward, historienne du christianisme, Bède utilise cette histoire de la flagellation pour rappeler combien le Christ a souffert pour les Hommes, et comment cet exemple pourrait conduire à la conversion[20]. Wright ajoute que Bède insiste également sur le fait que ce fut grâce à l'intercession de Saint Pierre lui-même que la mission continua[21]. David Farmer, dans l'Oxford Dictionary of Saints, suggère que cette histoire de la flagellation peut être en fait un mélange de l'histoire du Quo Vadis avec quelques informations données par Jérôme dans une lettre[22].

Certains historiens modernes ont vu des connotations politiques dans la réaction païenne. L'historien David P. Kirby par exemple, voit dans les actes d'Eadbald un désaveu des politiques pro-francque de son père[18]. Alcuin, un chroniqueur du VIIIe siècle, écrivit que Laurent était « censuré par l'autorité apostolique »[23], probable allusion à une lettre du pape Adéodat Ier commandant à Laurent de rester dans le Kent. Kirby ajoute que c'était Juste, et non pas Laurent, qui convertit Eadbald, et ce sous l'archiépiscopat de Juste autour de 624[18]. Tous les historiens ne sont cependant pas d'accord avec cet argument. Nicholas Brooks pense que le roi fut reconverti sous l'archiépiscopat de Laurent, moins d'un an après avoir succédé à son père[1]. L'historienne Barbara Yorke estime, quant à elle, qu'il y avait deux co-dirigeants du Kent après la mort d'Æthelberht, Eadbald et un certain Æthelwald ; le premier fut converti par Laurent tandis que le deuxième fut converti par Juste après son retour à Rochester[24]. L'objection de Laurent au mariage Eadbald à la veuve de son père, acte illicite pour les chrétiens, peut avoir joué un rôle important dans la réaction païenne[25].

Le roi Rædwald d'Est-Anglie, roi le plus puissant dans le sud de l'Angleterre après le décès d'Æthelberht, posa quelques difficultés à l'extension de la mission hors des frontières du Kent[26]. Rædwald fut converti avant la mort d'Æthelberht, peut être sous la pression de ce dernier, mais son royaume ne l'était pas et il sembla s'être converti uniquement dans le but de placer un autel chrétien dans son temple païen[27]. Il fut ainsi impossible pour Mellitus de regagner Londres, bien que Justus put reprendre ses fonctions à Rochester[18].

Mort et héritage

Laurent mourut le 2 février 619 et fut enterré à l'abbaye Saints-Pierre-et-Paul de Cantorbéry, plus tard renommée abbaye Saint-Augustin, et fut dès lors considéré comme un saint, fêté le 3 février[28]. Ses reliques furent déplacées, ou translatées, dans la nouvelle église de Saint-Augustin en 1091[1]. Jocelyn rédigea une biographie à ce moment, mais elle se base principalement sur les informations fournies par Bède[1]. La date de sa translation, le 13 septembre, fut également célébrée[22].

L'archiépiscopat de Laurent fut principalement marqué par son échec à trouver un accord avec l'Église celtique et pour sa reconversion d'Eadbald après la mort d'Æthelbert[12]. Mellitus, évêque de Londres, lui succéda à la tête de l'archevêché[10].

Annexe

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Laurence of Canterbury ».

Références

  1. a , b , c , d , e , f , g  et h (en) N. P. Brooks, Oxford Dictionary of National Biography, 2004, « Laurence (d. 619) » 
  2. P. H. Blair, The World of Bede p. 59
  3. F. M. Stenton, Anglo-Saxon England p. 106
  4. G. Hindley, A Brief History of the Anglo-Saxons p. 36
  5. a  et b N. Brooks, The Early History of the Church of Canterbury pp. 9-13
  6. P. H. Blair, The World of Bede p. 63
  7. P. H. Blair, The World of Bede p. 66
  8. a  et b M. Lapidge et al., The Blackwell Encyclopaedia of Anglo-Saxon England « Laurentius », p. 279
  9. P. H. Blair, The World of Bede p. 60
  10. a  et b E. B. Fryde et al., Handbook of British Chronology p. 213
  11. a , b  et c G. Hindley, A Brief History of the Anglo-Saxons p. 43
  12. a  et b F. M. Stenton, Anglo-Saxon England pp. 112-113
  13. J. R. Wright, A Companion to Bede p. 47
  14. P. H. Blair, The World of Bede p. 80
  15. a  et b P. H. Blair, The World of Bede pp. 86-87
  16. Bède, A History of the English Church and People p. 105-107
  17. J. Décarreaux, Monks and Civilization p. 261
  18. a , b , c  et d D. P. Kirby, The Earliest English Kings pp. 30-33
  19. N. Brooks, The Early History of the Church of Canterbury pp. 64-66
  20. B. Ward, The Venerable Bede pp. 120-121
  21. J. R. Wright, A Companion to Bede pp. 48-50
  22. a  et b D. H. Farmer, Oxford Dictionary of Saints pp. 313-314
  23. Cité dans D. P. Kirby, The Earliest English Kings p. 31
  24. B. Yorke, Kings and Kingdoms of Early Anglo-Saxon England p. 32
  25. B. Yorke, The Conversion of Britain p. 123
  26. F. M. Stenton, Anglo-Saxon England p. 127
  27. F. M. Stenton, Anglo-Saxon England p. 112
  28. M. J. Walsh, A New Dictionary of Saints: East and West p. 357

Bibliographie

  • (en) Bède (trad. Leo Sherley-Price), A History of the English Church and People, Penguin Classics, 1988 (ISBN 0-14-044042-9) 
  • (en) Peter Hunter Blair, The World of Bede, Cambridge University Press, Cambridge, 1990 (ISBN 0-521-39819-3) 
  • (en) Nicholas Brooks, The Early History of the Church of Canterbury: Christ Church from 597 to 1066, Leicester University Press, Londres, 1984 (ISBN 0-7185-0041-5) 
  • (en) Jean Décarreaux (trad. Charlotte Haldane), Monks and Civilization: From the Barbarian Invasions to the Reign of Charlemagne, George Allen, Londres, 1964 
  • (en) David Hugh Farmer, Oxford Dictionary of Saints, Oxford University Press, Oxford, 2004, 5e éd. (ISBN 978-0-19-860949-0) 
  • (en) E. B. Fryde, D. E. Greenway, S. Porter et I. Roy, Handbook of British Chronology, Cambridge University Press, Cambridge, 1996, 3e éd. (ISBN 0-521-56350-X) 
  • (en) Geoffrey Hindley, A Brief History of the Anglo-Saxons: The Beginnings of the English Nation, Carroll & Graf Publishers, New York, 2006 (ISBN 978-0-78671-738-5) 
  • (en) David Peter Kirby, The Earliest English Kings, Routledge, New York, 2000 (ISBN 0-415-24211-8) 
  • (en) M. Lapidge, J. Blair, S. Keynes et D. Scragg, The Blackwell Encyclopaedia of Anglo-Saxon England, Blackwell Publishing, Malden (Massachusetts), 2001 (ISBN 978-0-631-22492-1) 
  • (en) F. M. Stenton, Anglo-Saxon England, Oxford University Press, Oxford, 1971, 3e éd. (ISBN 978-0-19-280139-5) 
  • (en) Michael J. Walsh, A New Dictionary of Saints: East and West, Burns & Oats, Londres, 2007 (ISBN 0-8601-2438-X) 
  • (en) Benedicta Ward, The Venerable Bede, Morehouse Publishing, Harrisburg, PA, 1990 (ISBN 0-8192-1494-9) 
  • (en) J. Robert Wright, A Companion to Bede: A Reader's Commentary on The Ecclesiastical History of the English People, Eerdmans, Grand Rapids, MI, 2008 (ISBN 978-0-8028-6309-6) 
  • (en) Barbara Yorke, The Conversion of Britain: Religion, Politics and Society in Britain c. 600–800, Pearson/Longman, Londres, 2006 (ISBN 0-582-77292-3) 
  • (en) Barbara Yorke, Kings and Kingdoms of Early Anglo-Saxon England, Routledge, New York, 1997 (ISBN 0-415-16639-X) 

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