La Sagesse des foules

La Sagesse des foules est un livre écrit par James Surowiecki, publié en 2004, traduit en français en 2008, à propos de l'agrégation de l'information dans les groupes, résultant en décisions qui, selon l'auteur, sont souvent meilleures que celles d'individus isolés du groupe. Le livre présente de nombreux cas d'études et anecdotes pour illustrer sa thèse, et touche à plusieurs domaines dont l'économie et la psychologie. Surowiecki se penche également sur l'émergence des marchés prédictifs en tant qu'outil d'exploitation de la sagesse des foules.

Le titre est une allusion à la Folie des foules de Charles Mackay, publié en 1841.

Thèse

Il est communément admis que les gens adoptent certains comportement particuliers lorsqu'ils se réunissent en foule. Ainsi, selon la Psychologie des Foules de Gustave Le Bon. « L’individu se trouve altéré par la foule, devient surtout soumis à l’inconscient, et régresse vers un stade primaire de l’humanité »^[1]. Cette constatation peut entraîner une perception négative du comportement de l'humain en foule. Pierre Desproges exprime par exemple^[2] que lorsque des hommes sont réunis, leur intelligence ne s'additionne pas, elle se divise. Brassens chante également que le pluriel ne vaut rien à l'homme, et sitôt qu'on est plus de quatre on devient une bande de...^[3].

La Sagesse des foules traite d'un certain nombre de situations conduisant au constat inverse : perception et résolution d'un problème plus efficaces par une foule que par n'importe quel individu en faisant partie ou non.

Comme premier exemple, Surowiecki cite une anecdote de 1906 issue du scientifique britannique Francis Galton. Galton - qui croyait fermement à la supériorité des experts sur la foule stupide - se rend à un marché de bétail où un concours a lieu. Il s'agit de deviner le poids d'un bœuf après qu'il a été abattu et « débité ». Galton note plusieurs centaines de paris (787), et découvre que leur moyenne est 1197 livres alors que le poids réel du bœuf est 1198 livres.

Au-delà de la théorie de "la rationalité limitée" de l'économiste Herbert Simon, Surowiecki donne dans ce livre de nombreux exemples de problèmes pour lesquels la foule possède une grande "sagesse". Il propose ainsi une classification en trois catégories :

• les problèmes de connaissance, tels que deviner le poids du bœuf ;
• les problèmes de coordination, tels que sélectionner la meilleure heure pour aller travailler afin d'éviter les embouteillages, sachant que chaque conducteur se pose la même question ;
• les problèmes de coopération, tels qu'obtenir que plusieurs équipes indépendantes et ayant des intérêts personnels travaillent ensemble pour améliorer les résultats globaux d'une compagnie alors que ce travail va à l'encontre de leurs intérêts personnels.

Surowiecki discute alors ce qu'il considère comme la recette pour le succès dans l'intelligence de foule :

• la diversité : avoir des personnes de divers milieux avec des idées originales ;
• l'indépendance : permettre à ces avis divers de s'exprimer sans aucune influence ;
• la décentralisation : laisser ces différents jugements s'additionner plutôt que de laisser une autorité supérieure choisir les idées qu'elle préfère.

Problèmes de connaissance

Une expérience bien connue et moult fois reproduite est celle du nombre de billes dans une bouteille. Remplissez une bouteille de billes et demandez aux étudiants de deviner combien de billes sont dans la bouteille. La moyenne des réponses est habituellement très proche du nombre réel et est meilleure que celle de la plupart des étudiants de la classe.

Dans la réalité, un tel exemple de problème de connaissance est observable dans les jeux de pronostics. Par exemple, dans les jeux hippiques, si la cote d'un cheval est de trois contre un, cela signifie que le cheval devrait gagner 25% du temps selon l'opinion du marché des parieurs. Cette conjecture s'avère être tout à fait précise lorsque le marché du jeu est suffisamment grand et liquide. Autrement dit, lorsqu'aucune manipulation n'est possible et que cet équilibre reflète l'exacte moyenne des perceptions des joueurs.

Autre exemple : le système PageRank, sur lequel repose Google, classe notamment les pages Web selon le nombre d'autres pages qui se dirigent vers elles, en tenant compte du poids individuel de chaque page. Google reflète donc l'"opinion" collective du web sur une page donnée, et ce processus est censé trouver les pages jugées les plus pertinentes.

De même, l'université de l'Iowa a fondé en 1988 le projet IEM - le marché électronique de l'Iowa. Ce système électronique a été conçu pour prévoir les résultats des prochaines élections. Les gens peuvent acheter et vendre les "contrats" en fonction de leur opinion sur le résultat des candidats. Par exemple si le prix de Bush est de 48 cents, cela signifie que le marché pense que Bush va glaner 48% des suffrages de l'élection.

Entre 1988 et 2000, 596 scrutins ont été comparés au prix de la prévision de l'IEM le jour du scrutin.

Il s'avère que l'IEM était plus précis que les sondages trois fois sur quatre.

Ce résultat suggère également qu'un groupe d'humains prend de meilleures décisions lorsqu'il y a une récompense liée à celles-ci. Habituellement, l'incitation financière fonctionne correctement mais le crédit et la considération sont d'autres formes d'incitations efficaces.

Ces méthodes sont également bien adaptés au monde de l'entreprise car elles représent un formidable outil d'agrégation d'information, non-biaisé.

Problèmes de coordination

Afin de résoudre un problème de coordination, on doit non seulement penser au choix qu'on considère comme étant le meilleur, mais aussi au choix que les autres vont faire. Une coordination qui ne fonctionne pas mène à des situations paradoxales comme des boîtes de nuit où « personne ne va désormais, car il y a beaucoup trop de monde ».

Les études sociales montrent que nous comptons sur « des points de focalisation » sur lesquels les attentes de plusieurs personnes sont susceptibles de converger. Ainsi, si un groupe d'individus doit choisir un lieu de réunion pour rencontrer une personne avec qui personne ne peut communiquer, une majorité choisira la principale gare centrale à midi.

Beaucoup de problèmes de coordination sont résolus par des conventions. Par exemple, l'attribution de siège dans le métro est résolue par «  le premier arrivé est le premier servi ». Quand on demande à un passager assis de donner son siège sans fournir de justification, une réponse positive est obtenue dans la majorité des cas. Cependant, il existe des réticences à poser cette question parce qu'on sait que nous brisons là une convention.

Un marché libre peut résoudre un des problèmes de coordination les plus compliqués qu'il soit : obtenir que la bonne ressource soit investie au bon endroit au bon coût. Arrow et Debreu ont montré que cet objectif peut être atteint à condition que chaque acheteur et chaque vendeur possède l'ensemble des informations. Cependant, des centaines d'expériences^{[réf. souhaitée]} ont montré que, si chaque acteur possède une information qu'il ne dévoile pas et qu'il utilise pour acheter ou vendre ses actions, le résultat est invariablement identique : le marché atteint un équilibre proche de l'optimal malgré l'information imparfaitement partagée.

La volatilité des marchés et parfois les "bulles" suivies de leur éclatement rappellent cependant que dans la pratique cette approche possède elle aussi ses limites, auxquelles Benoît Mandelbrot a consacré un ouvrage coécrit avec Richard Hudson^[4]

Notes et références

Voir aussi

Article connexe

• Marché de prédiction

Bibliographie

• La Sagesse des foules, James Surowiecki, 2008, Éditions Jean-Claude Lattès, (ISBN 978-2709628914)

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