J’accuse

J’accuse

J'accuse...!

Cet article fait partie d'une série sur
l’affaire Dreyfus
Degradation alfred dreyfus.jpg

Articles de base
Chronologie · L’Armée ·
Aspects sociaux · Le droit ·
Hypothèses ·
Politique et diplomatie ·
La presse et l’édition

Documents
L’acte d'accusation·
Le bordereau · J'accuse...!

Personnalités
Alfred Dreyfus · Mathieu Dreyfus ·
Ferdinand Esterházy ·
Hubert-Joseph Henry ·
Bernard Lazare ·
Auguste Mercier ·
Octave Mirbeau ·
Georges Picquart ·
Joseph Reinach ·
Auguste Scheurer-Kestner ·
Émile Zola

Articles connexes
Antisémitisme (en France) ·
Crises de la Troisième République

Catégorie
Affaire Dreyfus

Page d'aide sur l'homonymie Pour l’article homonyme, voir J'accuse (chanson)

J'accuse…! est un article rédigé par Émile Zola lors de l'affaire Dreyfus et publié dans le journal L'Aurore du 13 janvier 1898 sous forme d'une lettre ouverte au Président de la République Félix Faure. Zola s'est appuyé en partie sur un dossier écrit en 1896 par l'écrivain Bernard Lazare.

L'article dans L'Aurore
Première des 32 pages autographes du manuscrit

J'accuse…! paraît deux jours après l'acquittement de Ferdinand Walsin Esterhazy par le conseil de guerre (11 janvier), qui semble ruiner tous les espoirs nourris par les partisans d'une révision du procès condamnant Alfred Dreyfus. Zola y attaque nommément les généraux, les officiers responsables de l'erreur judiciaire ayant entraîné le procès et la condamnation, les experts en écritures coupables de « rapports mensongers et frauduleux. » Il met aussi en cause les bureaux de l'armée coupables d'une campagne de presse mensongère, ainsi que les deux conseils de guerre dont l'un a condamné Dreyfus sur la foi d'une pièce restée secrète, tandis que le second acquittait sciemment un coupable. Surtout, il proclame dès le début l'innocence de Dreyfus :

« Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis. »

L'article de Zola offre un résumé consolidé des différents éléments constituant les quatre premières années de l'affaire Dreyfus. Même si Zola, et ceux qui l'ont alimenté en informations, ont commis d'importantes erreurs dans la relation, par exemple, en limitant la responsabilité du ministre de la Guerre de l'époque, le général Auguste Mercier, l'article marque un tournant décisif de l'affaire Dreyfus.

L'article fait toute la une et une partie de la seconde page du quotidien, dont les 300 000 exemplaires tirés s'arrachent en quelques heures. L'émotion est forte, entraînant un sursaut de l'opinion. De nombreux intellectuels signent une pétition en faveur de la révision du procès, publiée elle aussi par L'Aurore. Parmi eux, Anatole France, Georges Courteline, Octave Mirbeau ou Claude Monet, les signatures ayant été recueillies par des étudiants ou de jeunes écrivains comme Marcel Proust. Zola reçoit de nombreux messages de soutien, mais aussi des lettres d'injures et de menaces à coloration antisémite ou xénophobe (le père de Zola était un grand ingénieur de travaux publics italien). La seconde affaire Dreyfus, qui passionne les foules pendant plusieurs années, vient de commencer.

En conclusion de son article, Zola espère un procès devant les Assises afin de faire éclater la vérité. Il est en effet jugé à plusieurs reprises, le résultat final étant d'une part une condamnation à un an de prison et 3 000 francs d'amende pour ses attaques contre l'état-major (soit, avec les frais, 7 555 francs, qu'Octave Mirbeau paie de sa poche le 8 août 1898[1]), de l'autre une condamnation à un mois de prison et 1 000 francs d'amende pour sa dénonciation des trois pseudo-experts, dont chacun doit recevoir 10 000 francs de dommages-intérêts (c'est encore Octave Mirbeau qui obtiendra de Joseph Reinach les 40 000 francs permettant d'éviter la saisie des meubles de Zola). Pour échapper à la prison, Zola s'exile en Angleterre, où il passe onze mois dans l'attente d'une révision du procès Dreyfus. L'arrêt de révision renvoyant Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes est rendu le 3 juin 1899. Zola peut alors rentrer en France ; il publie alors dans L'Aurore l'article Justice dans lequel il se félicite de cette décision. Mais le procès de Rennes est éprouvant pour les dreyfusards, proches du désespoir, et Zola continue à lutter jusqu'à sa mort pour demander la réhabilitation d'Alfred Dreyfus.

L'article du 13 janvier doit son titre, donné par Georges Clemenceau et Ernest Vaughan (directeur de L'Aurore), au fait que dans sa conclusion, toutes les phrases commencent par l'expression J'accuse, répétition suggérée par Bernard Lazare :

  • « J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d'avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables. »
  • « J'accuse le général Mercier de s'être rendu complice, tout au moins par faiblesse d'esprit, d'une des plus grandes iniquités du siècle. »
  • « J'accuse le général Billot d'avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s'être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l'état-major compromis. »
  • « J'accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s'être rendus complices du même crime, l'un sans doute par passion cléricale, l'autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l'arche sainte, inattaquable. »
  • « J'accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d'avoir fait une enquête scélérate, j'entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace. »
  • « J'accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d'avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu'un examen médical ne les déclare atteints d'une maladie de la vue et du jugement. »
  • « J'accuse les bureaux de la guerre d'avoir mené dans la presse, particulièrement dans L'Éclair et dans L'Écho de Paris, une campagne abominable, pour égarer l'opinion et couvrir leur faute. »
  • « J'accuse enfin le premier conseil de guerre d'avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j'accuse le second conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable. »

Notes

  1. Le 8 août, Mirbeau écrit à Ernest Vaughan : « Spontanément, de mes deniers personnels, sans mandat d'aucune sorte, et simplement parce que Zola est mon ami, et que j'ai voulu lui éviter tous les dommages et tracas qui peuvent résulter d'actes d'exécution, j'ai acquitté, entre les mains du percepteur de Versailles, les frais et amendes du procès du 18 juillet, et ce, sous la réserve au contraire de tous les droits de Zola et de Perreux. Frais et amendes se montent à la somme de 7 555 F, 25. » (collection Jean Étienne Huret).

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Portail de l’histoire Portail de l’histoire
  • Portail de la France au XIXe siècle Portail de la France au XIXe siècle
  • Portail du droit français Portail du droit français
Ce document provient de « J%27accuse...! ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article J’accuse de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • accusé — accusé, ée [ akyze ] n. • XIIIe; de accuser 1 ♦ Personne à qui on impute une faute, un délit (⇒aussi inculpé, prévenu). L accusé bénéficie jusqu au jugement de la présomption d innocence. Dr. Inculpé qu un arrêt de la Chambre d accusation a… …   Encyclopédie Universelle

  • accusé — accusé, ée (a ku zé, zée) 1°   Part. passé. Accusé d un crime. Accusé d aspirer au trône. •   Les vents, les mêmes vents si longtemps accusés Ne te couvriront pas de ses vaisseaux brisés ?, RAC. Iph. V, 4. •   Un homme, justement accusé d… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • Accuse — Ac*cuse , v. t. [imp. & p. p. {Accused}; p. pr. & vb. n. {Accusing}.] [OF. acuser, F. accuser, L. accusare, to call to account, accuse; ad + causa cause, lawsuit. Cf. {Cause}.] 1. To charge with, or declare to have committed, a crime or offense;… …   The Collaborative International Dictionary of English

  • Accuse de reception — Accusé de réception Un avis ou accusé de réception est un message ou un signal émis de manière standardisée, et parfois automatique, afin d informer un expéditeur que ce qu il a envoyé a bien été reçu. Les accusés de réception ont d abord existé… …   Wikipédia en Français

  • Accusé De Réception — Un avis ou accusé de réception est un message ou un signal émis de manière standardisée, et parfois automatique, afin d informer un expéditeur que ce qu il a envoyé a bien été reçu. Les accusés de réception ont d abord existé dans les systèmes… …   Wikipédia en Français

  • accuse — ac·cuse vb ac·cused, ac·cus·ing [Latin accusare to find fault with, charge with a crime, from ad to, at + causa legal case, trial] vt: to charge with an offense judicially or by a public process compare indict vi: to make or bring an accusation… …   Law dictionary

  • accusé — Accusé, [accus]ée. part. Il a les significations de son verbe. Accusé de meurtre, de vol, &c. Il est quelquefois substantif. L Accusateur & l accusé. tout accusé n est pas coupable …   Dictionnaire de l'Académie française

  • accuse - charge — ◊ accuse If you accuse someone of doing something wrong, you say that they did it. He accused them of drinking beer while driving. He is accused of killing ten young women. Note that you do not say that you accuse someone for doing something… …   Useful english dictionary

  • Accusé, levez-vous — (Life for Ruth) est un drame anglais réalisé per Basil Dearden en 1962. Fiche technique Titre : Accusé, levez vous Titre original : Life for Ruth Réalisation : Basil Dearden Scénario : James McCormick et Janet Green, d après… …   Wikipédia en Français

  • accuse — accuse, charge, incriminate, indict, impeach, arraign denote in common to declare a person guilty of a fault or offense. Accuse is typically immediate and personal and often suggests directness or sharpness of imputation or censure; charge… …   New Dictionary of Synonyms

  • accuse — [ə kyo͞oz′] vt. accused, accusing [ME acusen < OFr acuser < L accusare, to call to account < ad , to + causa, CAUSE] 1. to find at fault; blame 2. to bring formal charges against (of doing wrong, breaking the law, etc.) the accused Law… …   English World dictionary

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”