- Jeu de rôle grandeur nature
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Le jeu de rôle grandeur nature ou simplement grandeur nature (GN) est une forme de jeu de rôle dans laquelle les joueurs réalisent physiquement les actions de leur personnage. Le participant incarne un personnage au sein d'un univers fictif, et interagit avec d'autres personnages joués. Le succès des actions des joueurs est évalué par des règles de jeu, ou bien déterminé par le consensus entre joueurs. Les éléments de l'univers de jeu et les règles sont déterminés par des organisateurs.
Les premiers jeux de rôle grandeur nature ont été organisé à la fin des années 1970. Cette activité s'est propagée à travers le monde durant les années 1980, et s'est diversifiée par une grande variété de styles de jeu. De tels jeux sont souvent conçus comme une activité de divertissement, mais peuvent parfois être orientés vers la performance théâtrale ou artistique. Certains évènements peuvent aussi être conçus dans des buts pédagogiques ou politiques. Les univers fictifs de jeu incluent des univers réalistes modernes ou historiques, et des univers futuristes ou fantastiques.
Sommaire
Terminologie
Cette activité de loisir est généralement désignée globalement par « jeu de rôle grandeur nature » ou « grandeur nature » ou simplement « GN ». D'autres termes sont également utilisés pour désigner plus spécifiquement certains styles de jeu. Joué dans un lieu clos avec un scénario d'enquête, le jeu sera fréquemment désigné comme « murder party », « soirée enquête » ou « huis clos ». D'autres désignations, tels que « semi-réel », « jeu de rôle en live » font directement référence aux désignations en langue anglaise : live action role-playing game (LARP) ou live role-playing game (LRP).
Description
Chaque participant incarne un personnage fictif. Il pourra jouer un rôle dans le scénario (ou synopsis) préparé par le ou les organisateurs. Le scénario peut-être plus ou moins directif afin de tenir compte des contraintes de temps, de lieu et de moyens; mais aussi et surtout en fonction du style de jeu voulu par les organisateurs. À la différence du théâtre, les joueurs ne connaissent pas la fin de l'histoire ni le rôle des autres joueurs.
L'objectif du jeu de rôle grandeur nature est de recréer l'ambiance de l'univers dans lequel est censé se dérouler l'action. Pour cela les joueurs et les organisateurs peuvent recourir à des costumes ou déguisements, du maquillage, des décors, des accessoires et des effets spéciaux (pyrotechnie, son et lumière…)[1].
Le comportement des joueurs et leurs interactions peuvent découler du comportement supposé de leur personnage ou de l'application de règles qui permettent de simuler des situations réelles conflictuelles, aléatoires ou surnaturelles. Certains joueurs, proches des organisateurs, peuvent se voir confier la tâche de ré-orienter le scénario en cours de jeu via des rôles de Personnages Non Joueurs (PNJ) ou des agonistes ou antagonistes.
Ce type de jeu peut durer entre une soirée et plusieurs jours et rassembler de quelques dizaines à plusieurs centaines de participants pour les manifestations les plus importantes. Sous certaines formes, le grandeur nature peut être permanent, les joueurs intercalant des épisodes de jeu dans leurs activités quotidiennes au gré des rencontres et du déroulement du jeu. Ce dernier type de jeu reste cependant rare, mais a parfois été montré du doigt par des détracteurs du jeu de rôle et même par certains rôlistes qui affirment qu'une pratique trop poussée de cette activité pourrait conduire à se détacher dangereusement de la réalité. Aucune étude n'a cependant jamais permis d'étayer ces théories, et les critiques envers le jeu de rôles, virulentes dans les années 1990, tendent à se faire plus rares pour se reporter sur les jeux vidéo.
L'interprétation du personnage (le « roleplay » en anglais) tient un rôle très important dans un GN, mais l'aspect matériel est nécessaire pour créer l'ambiance requise : la plupart des joueurs se procurent ou se fabriquent du matériel d'époque (armures, bijoux, costumes). Lorsque les GNs comportent une part de combat, pour des raisons de sécurité les joueurs utilisent souvent des répliques d'armes en mousse et latex.
Histoire du grandeur nature
Le grandeur nature n'a pas un unique point d'origine ; il a été inventé indépendamment par des groupes nord-américains, européens, russes ou australiens. Ces groupes partageaient souvent une expérience du jeu de rôle sur table ou d'univers littéraires de fiction, avec le désir d'expérimenter physiquement de tels contextes. En plus des jeux de rôle sur table, le grandeur nature a été précédé et peut-être influencé par la Society for Creative Anachronism, les premières murder parties, les divers jeux d'enfants liés au combat ou à l'interprétation de rôle, les fêtes costumées, les simulations d'interprétation de rôle, la Commedia dell'arte, l'improvisation théâtrale, le psychodrame, les simulations militaires, et les anciennes pratiques de reconstitution historique.
Le premier groupe de grandeur nature attesté serait Dagorhir, fondé en 1977 aux États-Unis et se concentrant sur des batailles fantastiques[2]. Peu de temps après la sortie du film Logan's Run (1976), des parties rudimentaires de jeu de rôle grandeur nature étaient organisées aux États-Unis durant des conventions de science-fiction, autour de l'univers du film[3]. En 1981, la International Gaming Fantasy Society (IFGS) est fondée, avec des règles de jeu influencées du jeu sur table Donjons et Dragons. l'IFGS a pris ce nom d'après un groupe fictif de rolistes cités dans le roman Dream Park (1981)[4]. En 1982, la Society for Literature Interactive, prédécesseur du Live Action Roleplayers Association (LARPA), forma le premier groupe attesté de grandeur nature de style théâtral aux États-Unis.
Le premier grandeur nature au Royaume-Uni est attesté en 1982, avec Treasure Trap joué à Peckforton Castle, qui influença les autres grandeur nature du genre fantasy qui furent joués à cet endroit[5]. Ces premières pratiques anglo-saxonnes servirent de modèle pour l'émergence du grandeur nature de nombreux pays. En 1993, l'éditeur américain White Wolf publia The Masquerade qui initie la gamme du Mind's Eye Theatre, certainement le système ayant eu le plus de succès commercial à travers le monde.
Aujourd'hui, le GN est une activité relativement populaire en Amérique du Nord, en Europe, en Russie et en Australie. De grands évènements avec des milliers de participants sont gérés par des sociétés commerciales, divers livres sont publiés et un nombre croissant de professionnels participent à l'industrie du GN par la vente de costumes, armures ou armes en mousses destinées initialement au GN.
Genres
Le GN peut avoir pour cadre de jeu n'importe quel univers, bien que l'univers fictif de nombreux GN dérive de genres littéraires. Certains GN empruntent leur cadre de jeu à celui d'un autre médium (par exemple le roman Le Seigneur des Anneaux), tandis que d'autres reprennent le cadre du monde réel ou bien un cadre inventé spécialement pour le GN. La description du cadre de jeu et le système de règles sont souvent les principaux éléments créatifs des groupes de GN ou des éditeurs de GN.
Les GNs ayant pour cadre l'époque moderne peuvent explorer des préoccupations de vie quotidienne ou bien des éléments spécifiques tels que les activités militaires ou l'espionnage. Les GN de ce genre ressemblent parfois aux jeux en réalité alternée, au jeu de l'assassin (killer) ou aux simulations militaires (avec l'usage de répliques d'armes airsoft, laser tag ou paintball). Le GN peut aussi avoir pour un cadre une époque historique, ou mélanger un cadre historique avec des éléments mythologiques ou fantastiques.
La fantasy est l'un des genres les plus commun du GN à l'échelle mondiale, et le médiéval-fantastique est le type d'univers des plus grands évènements[6]. Les GN de fantasy ont pour cadre de jeu des mondes pseudo-historiques inspirés par la littérature fantastique et les jeux de rôle sur table tels que Donjons & Dragons. Dans ces cadres existent la magie, des créatures de fantasy, et une technologie limitée. De nombreux GN de fantasy se basent sur l'aventure ou sur la rivalité entre les factions des personnages.
En revanche, les GN de science-fiction se déroulent dans un cadre futuriste, avec une haute technologie et parfois des créatures extraterrestres. Ce cadre est commun à un large éventail de GN, incluant des thèmes politiques tels que des sociétés utopiques ou bien des univers inspirés par la fiction cyberpunk, le space opera et le post-apocalyptique.Les GN d'horreur sont inspirés par le genre de l'horreur. Les sous-genres populaires du GN comprennent les apocalypse de zombies et la mythologie lovecraftienne, en utilisant parfois les règles publiée Cthulhu Live (1997). Le Monde des Ténèbres, publié à partir de 1991 par White Wolf, est un cadre d'horreur « gothique-punk » largement utilisé dans lequel les joueurs incarnent habituellement des créatures surnaturelles comme les vampires et loups-garous. Ce cadre utilise généralement les règles de grandeur nature Mind's Eye Theatre publiées à partir de 1994. Les GN du Monde des Ténèbres sont habituellement joués sous forme de « chronique », une série d'événements de courte durée organisés à intervalles réguliers, et sont également très populaires lors des conventions. Une chronique internationale est dirigée par le club officiel The Camarilla.
Styles
Les évènements grandeur nature se distinguent par une grande variété de styles ou formats. Des distinctions simples peuvent être faites d'après le genre d'univers fictif (voir chapitre précédent), la résolution des combats par l'usage d'armes factices ou de règles abstraites, la création des personnages par les organisateurs ou par les joueurs eux-mêmes. Il existe aussi une distinction entre les scénarios qui ne sont joués qu'une seule fois, et ceux destinés à être publiés ou reproduits. Un certain nombre d'autres distinctions existent :
Les GN de style théâtral sont caractérisés par un accent sur l'interaction entre les personnages (généralement écrits par les organisateurs), ne pas utiliser des armes pour le combat simulé, et une approche éclectique du cadre et du genre. Les parties dans ce style ne durent typiquement que quelques heures et nécessitent relativement peu de préparation par les joueurs, et sont parfois joué lors de conventions de jeu. Certaines soirées d'enquête criminelle où des personnages sont attribués à chaque joueur et où l'interprétation de rôle est encouragée ressemblent à des GN de style théâtral.
Certains très grands événements rassemblent des milliers de participants, qui sont habituellement divisés en factions rivales installées séparément autour d'un large terrain. Il y a relativement peu d'évènement de très grande envergure dans le monde, et tous sont basés en Europe ou au Canada ; néanmoins par leur taille, ils ont une influence significative sur la culture et la conception de GN locaux. Parmi les évènements les plus influents figurent notamment Drachenfest et ConQuest Mythodea (Allemagne) avec plus de 5000 participants, The Gathering (Royaume-Uni) avec plus de 4000 participants, Bicolline (Québec) avec plus de 2000 participants, Avatar (Belgique) avec plus de 1500 participants, puis des évènements tels que Maelstrom et Renewal (Royaume-Uni), et La Faille (France).
La soirée enquête ou la murder party
Articles détaillés : soirée enquête et murder party.Les joueurs se réunissent le temps d'une soirée, chacun a une fiche décrivant son rôle, ses buts. La mise en scène est en général plus simple et ne comporte en général pas de combat. C'est du "Cluedo grandeur nature" en quelque sorte.
Le jeu des assassins (ou killer)
Article détaillé : jeu des assassins.Lors de ces parties, pouvant se dérouler sur plusieurs jours, chaque joueur doit simuler l'assassinat d'un autre joueur désigné de manière bien entendue inoffensive. Chaque fois qu'un joueur « assassine » un autre joueur, il récupère sa « mission » et doit trouver et « tuer » cette victime. La particularité de cette forme de jeu est de se mélanger avec les activités de la vie courante puisque les joueurs peuvent être éliminés en sortant d'un supermarché ou à un arrêt de bus. Les règles du jeu du killer fixent les limites de ces zones de jeu. Il existe des killers plus élaborés, avec un scénario.
Importance culturelle
Les jeux de rôle ludiques peuvent être considérés comme faisant partie d'un mouvement culturel occidental vers les arts participatifs, par oppositions aux arts traditionnels de spectateurs[7]. Les participants à un grandeur nature n'ont pas les rôles d'observateurs passifs, et interprètent souvent des rôles différents de ceux de leur vie quotidienne et de leur propre culture. Les organisateurs d'un GN ainsi que tous les autres participants participent en tant que co-créateur de la partie. Ce processus de collaboration pour la création de mondes de fiction partagés peut être associé à à l'essor de la culture geek dans les sociétés développées, qui est à son tour est associée à une éducation prolongée, une utilisation élevée des technologie de l'information et un temps de loisirs augmenté[8]. En comparaison avec les productions grand-public de l'industrie du jeu vidéo, qui sont très commerciales et dédiées principalement au marché des joueurs hardcore attachés à « une sensibilité adolescente mâle », le profil des joueurs de GN est moins restreint et les femmes contribuent activement comme organisatrices ou participantes[9].
Le GN est méconnu dans la plupart des pays et il est parfois confondu avec d'autres activités de jeu de rôle, de reconstitution, de théâtre ou de costume. Bien que la culture de fan ou de gamer soit devenue en général de plus en plus grand-public dans les pays développés, le grandeur nature a rarement atteint le même degré d'acceptabilité culturelle. Cela peut être dû à l'intolérance pour une activité ressemblant aux jeux d'enfants, un risque perçu d'une sur-identification avec les personnages et l'absence de marketing de masse[10]. Dans des films américains récents, tels que les documentaires Darkon (2006), Monster Camp (2007) ou la comédie Les Grands Frères (2008), le grandeur nature médiéval-fantastique est dépeint comme une sorte d'exutoire ridicule. Dans les pays nordiques, le GN a atteint un haut niveau de reconnaissance publique et de popularité. Il y est souvent présenté sous un jour positif dans les médias traditionnels, avec une emphase sur ses aspects créatifs et théâtraux[11]. Toutefois, même en Norvège, où le GN a une plus grande reconnaissance que dans la plupart des autres pays, il n'a pas encore atteint la pleine reconnaissance comme une activité culturelle par des organismes gouvernementaux.
Des communautés se sont formées autour de la création, du jeu et du débat sur le GN[12]. Ces groupes ont développé une sous-culture qui croise les sous-cultures des jeux de rôle sur table, des fans, des reconstitutions, du théâtre. La sous-culture originelle du GN était centrée sur la fantasy et l'univers littéraire de Tolkien, mais plus tard elle s'est élargie pour inclure l'appréciation d'autres genres, en particulier le genre de l'horreur avec l'adoption rapide de l'univers du Monde des Ténèbres au début des années 1990[13]. Comme de nombreuses sous-cultures, les groupes de GN ont souvent un cadre commun d'expérience partagée, de langage, d'humour, ou de style vestimentaire qui peut être considéré par certains comme un mode de vie.
Le GN a fait l'objet de recherche universitaire et de théories. Une grande partie de cette recherche provient de pratiquants, en particulier dans les publications des conventions Knutepunkt des pays nordiques. De même, la communauté universitaire a récemment commencé à étudier le GN, à la fois pour le comparer à d'autres médias ou types de jeux interactifs, et aussi pour l'évaluer dans ses propres mécanismes[13]. Parce que le GN implique un environnement contrôlé et artificiels au sein duquel les personnes interagissent, il a parfois été utilisé comme un outil de recherche pour tester des théories dans les domaines sociaux tels que l'économie ou le droit.
Activité par pays
L'activité de loisir du grandeur nature s'est répandu depuis les années 1980 à une multitude de pays, en prenant généralement modèle sur la pratique anglo-saxonne. Des pratiques se sont néanmoins distinguées nettement du modèle anglo-saxon : notamment les pratiques d'avant-garde et revendications artistiques des pays nordiques, ainsi que les multiples variétés de jeu dans les anciens pays soviétiques.
Pays anglo-saxons
Les États-Unis et le Royaume-Uni sont les initiateurs des premières pratiques historiques du grandeur nature (au sens moderne) : les murder party et les grands rassemblements médiéval-fantastiques. A la suite des premiers évènements, le grandeur nature anglo-saxon a toujours été fortement influencé par les univers et règles des jeux de l'industrie de jeu de rôle (sur table). Ces productions étant elles-mêmes inspirées par les œuvres littéraires ou cinématographiques de la culture anglo-saxonne (fantasy, science-fiction).
Dès les années 1980, le grandeur nature américain s'inscrit dans la continuité (univers et règles) du jeu Donjons et Dragons de la société TSR. Néanmoins le grandeur nature n'est pas représenté à la grande convention Gen Con avant 1993 ; les organisateurs de cette convention souhaitant éviter auprès du grand public la confusion entre le jeu sur table et l'activité en grandeur nature. Avant Internet, il n'existait ainsi aucune structure fédérative majeure ou un quelconque lieu de débat ou de rencontre dédié au grandeur nature. La situation change en 1993, quand l'éditeur américain White Wolf publia The Masquerade qui fut certainement le système de grandeur nature (Mind's Eye Theatre) ayant eu le plus de succès commercial et qui développera de manière importante le jeu en lieu clos et en chroniques à travers le monde[14].
Les organisations américaines de GN se sont toujours multipliées de manière indépendante les unes par rapport aux autres, et sans lien avec les institutions. Depuis les années 1980, les grandes organisations échoueront toujours à fédérer la majorité des joueurs et ne cesseront de se scinder et disputer. Pour exemples, les groupes Amtgard et Belegarth se séparent de Dagorhir, de même que des groupes indépendants se séparent de NERO International ou du groupe officiel du jeu The Masquerade[14].
Inspiré et soutenu par l'industrie américaine du jeu de rôle, la pratique anglo-saxonne a longtemps été le modèle unique et dominant du grandeur nature des autres pays, notamment en Amérique et en Europe.
A l'identique des autres pays européens, le grandeur nature a pris son essor durant les années 1980 dans les pays scandinaves (Danemark, Suède, Norvège, Finlande) en reprenant les pratiques ludiques anglo-saxonnes et les thèmes et règles des productions commerciales de jeux de rôle sur table. La majorité des grandeur nature était axés autour d'univers médiéval-fantastique (Tolkien) ; le reste étant composé de genre historiques ou de huit-clos (Monde des Ténèbres).
Une communauté et un style de jeu spécifiquement scandinave se sont distingués à partir des années 1990. Contrairement au jeu anglo-saxon (ou allemand), la distinction entre jeu théâtral et jeu de combat n'existe pas ; ces deux éléments étant habituellement présents ensemble. En comparaison d'autres pays, les joueurs scandinaves utilisent très peu le mécanismes de règles (système d'honneur et confiance), de plus les combats et la magie sont limités et ne sont généralement pas l'élément central du jeu. Ce style scandinave se distingue encore par un aspect immersif très important : le soin apporté à la cohérence diégétique (saklighet) des costumes, accessoires et décors (c'est à dire le « réalisme » vis à vis de l'univers, le rejet des éléments anachroniques ou « hors-jeu ») ; une interprétation continue du rôle (durant toute la durée de l'évènement)[16]. Les femmes représentent une proportion importante des joueurs (40% en Suède et Norvège, majoritaires en Finlande).
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- « 8. Aucun object ne doit être utilisé pour représenter un autre objet. »
- « 9. Les mécanismes de jeu sont interdits. »
- — Extrait de Dogma 99, 1999[17]
À la fin des années 1990 apparait le mouvement d'avant-garde dit « larp nordique », centré sur des pratiques expérimentales ou radicales (en opposition aux pratiques anglo-saxonnes et leurs dérivés commerciaux) et le soucis d'une reconnaissance du grandeur nature comme une forme d'art. Ces grandeur nature se focalisent par exemple sur les thèmes politiques et sociaux (utopies, actions humanitaires, manifestations publiques), des expériences physiques ou psychologiques brutales pour les joueurs (enfermement, torture, violences, vie communautaire), des aspects immersifs poussés (jeu permanent, interaction non-joueurs, jeu urbain), des technologies de pointe, la qualité de l'interprétation théâtrale (ateliers préparatoires), des systèmes narratifs originaux... etc. Cette approche est notamment développée dans les conférences annuelles Knutepunkt à partir de 1997 et dans diverses publications (universitaires ou non), et elle a une forte influence sur la reconnaissance institutionnelle dans les pays scandinaves et sur les pratiques du jeu dans les pays nordiques : Scandinavie, Islande, Estonie, Russie et d'autres pays d'Europe de l'Est[18].
Parmi les réalisations du larp nordique les plus notables : le Dogme 99[17], le Manifeste de Turku[19] (2000), le style Jeep[20], Kapo[21] jeu de survie en camp de concentration, Prosopopeia et Momentum[22] (2006) pour un jeu immersif (pervasif) et les technologies avancées.
Russie et anciens pays soviétiques
La rencontre Hobbit Games de 1990, centrée sur l'œuvre de Tolkien, est souvent considérée comme le premier véritable jeu de rôle grandeur nature en Union soviétique (Russie). Les productions commerciales anglo-saxonnes de jeu de rôle sur table n'étaient pas connues à cette époque en Russie et furent rares dans ce pays jusqu'aux années 2000 (par exemple, AD&D est traduit en russe seulement en 2000). Le grandeur nature russe était donc essentiellement inspiré par des œuvres littéraires (clubs de fans de science-fiction) et par des pratiques pédagogiques soviétiques (mouvement communard). De même les productions commerciales de jeu de rôle eurent peu de succès les années suivantes (la gamme Vampire n'eut jamais un grand succès en Russie)[23][24].
Les grandeurs nature russes des années 1990 étaient focalisés sur les combats et ressemblaient essentiellement à des guerres médiévales : les scénarios étaient simplifiés et peu de place était donnée à l'interprétation du rôle. Les armes sont dures (bois, aluminium, plastique dur) et non en latex ou mousse comme dans la majorité des grandeurs nature européens ou américains. La dureté des combats a pour conséquence la rareté des joueuses[23].
Dans les années 1990, la Russie connaissait le genre littéraire de la science-fiction mais très peu le genre de la fantasy. Les thèmes des grandeurs nature étaient donc souvent historiques (ancienne Égypte ou Chine, Europe du XVIIIe siècle) et le thème du Japon médiéval apparu à la fin des années 1990 a gardé la faveur des joueurs jusqu'à aujourd'hui. À la fin des années 1990, la reconstitution historique apparait dans le milieu du grandeur nature et devient ultérieurement une pratique distincte. En partir de 2000, les répliques d'armes à feu airsoft gun et autres équipements peu coûteux ouvrent le grandeur nature à des thèmes guerriers contemporains ou futuristes, tels que le cyberpunk, le post-apocalyptique ou les guerres modernes, avec une mode plus récente pour le thème futuriste avec le support d'objets technologiques (téléphones portables, ordinateurs)[23].
La majorité des grandeurs nature sont organisés en plein air, la Russie offrant des grandes forêts libres d'accès (propriété de l'État) et de nombreuses étendues inhabitées (mais très peu de châteaux). À l'opposé d'autres pays, le jeu urbain n'était pas très populaire (très rares dans les grandes villes) et le jeu en lieu clos n'est pas massif et souvent considéré comme une alternative de fortune au jeu en plein air[23].
À l'ancienne prévalence du jeu guerrier succéda à partir de 2004 l'exploration culturelle, avec une forte proportion de grandeurs nature axés sur l'interprétation rôlistique (théâtrale) dans différents contextes historiques et notamment la mode pour les thèmes du XIXe et début XXe siècle[23], ainsi que des pratiques plus expérimentales ou artistiques inspirées par le larp nordique (notamment le thème du totalitarisme, avec par exemple Projekt Systém[25] en République tchèque).
Régions francophones
France
Article détaillé : Jeu de rôle grandeur nature en France.Les premiers jeux de rôle grandeur nature en France auraient fait leur apparition vers 1984[26]. La pratique pris ultérieurement son essor, en s'inspirant notamment des pratiques anglo-saxonnes. De même la pratique en lieu clos est relativement commune (murder, Monde des Ténèbres). En plus d'univers communs au grandeur nature anglo-saxon (jeux, films), certains grandeur nature français s'inspirent de jeux de rôle commerciaux français ou d'œuvres littéraires françaises ; quelques scénarios de huit-clos destinés au grand public ont également été publiés (Soirée enquête, 1996). Depuis quelques années, certaines municipalités intègrent également des grandeur nature parmi les activités de leur fête médiévale.
A la suite de campagnes médiatiques opposées au grandeur nature, la Fédération française des jeux de rôles grandeur nature[27] est créée en 1996, afin de servir d'interlocuteur auprès des institutions et du grand public, et de fédérer les groupes locaux (information, juridique, assurances). Organisé essentiellement à travers des associations 1901, l'activité se professionnalise lentement depuis quelques années (organisation d'évènements, prestation aux entreprises, production de costumes et accessoires).
La Fédération estimait à 40 000 le nombre de joueurs en 2007. La plus grosse manifestation en France était La Faille organisée par Anachrone[28], avec près de 800 participants sur plusieurs jours. En 2011, l'évènement Kandorya aurait réuni environ 1300 personnes.
Québec
Article détaillé : Jeu de rôle grandeur nature au Québec.Les grandeurs natures québécois en plein air mettent souvent en scène des aventures en continu, où les personnages sont persistants d'un évènement à l'autre, évoluant constamment tant au niveau de leurs compétences/statistiques qu'au niveau sociopolitique de l'univers, le tout dans des scénarios plus ou moins ouverts permettant une grande liberté d'actions et de choix aux joueurs.
L'évènement le plus connu au Québec est actuellement la Foire de Bicolline avec ses décors et constructions permanents, et la grande bataille comprenant près de deux mille participants. D'autres évènements sont plus axées sur l'interprétation du rôle, comme par exemple Les Terres de Bélénos, organisé dans la région de Drummondville, regroupant entre 500 et 700 joueurs par activité.
Belgique
Article détaillé : Jeu de rôle grandeur nature en Belgique.Les activités grandeur nature en Belgique se distinguent en fonction des groupes néerlandophones et francophones. Au Nord du pays (Flandre), où l'on parle le néerlandais, il y a peu d'associations, généralement de grande taille, en ceci qu'elles organisent de nombreuses activités sur l'année, qu'elles proposent plusieurs jeux différents et qu'elles rassemblent quelques centaines de participants. En Belgique francophone, les associations sont plus nombreuses (plusieurs dizaines) et de moindre taille : elles n'organisent habituellement que quelques activités (voire une seule) par an. La plupart des associations sont regroupées au sein de la Fédération belge du jeu de rôles grandeur nature[29] (créée en 2000 sous le nom Asbl Avatar) qui propose des services (promotion, assurance) et organise l'évènement Avatar.
Les scénarios des grandeur nature en plein air sont généralement organisés en chroniques se prolongeant sur plusieurs années, bien que la pratique du huit clos sur un seul évènement (murder) soit également commune en Belgique. Un même club peut organiser des évènements aux styles et univers différents.
L'évènement le plus connu est certainement Avatar[29], créé en 2001, un grandeur nature en plein air sur plusieurs jour, dans un univers médiéval-fantastique, qui compte parmi les plus gros évènements GN d'Europe, et rassemble environ 1500 participants (principalement de France et Belgique).
Bibliographie
- L'ensemble des ouvrages publiés (en anglais) à la suite des Knutepunkt (voir l'article)
- (en) Jaakko Stenros, Markus Montola, et al., Nordic LARP, 2010 (ISBN 978-91-633-7856-0)
- (en) Lizzie Stark, Leaving mundania : inside the transformative world of live action role-playing games, Chicago Review Press, 2012. (ISBN 781569766057)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Répertoire DMOZ
- Larp.eu Portail de théorie du GN
Notes et références
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- lire en ligne, Knutpunkt 2005 Eirik Fatland, « Knutepunkt and Nordic Live Role-playing: a crash course »
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- Knutepunkt Voir notamment les publications annuelles
- http://ptgptb.free.fr/knudepkt/turku.htm Traduction française du Manifeste Turku
- http://jeepen.org Site du style Jeep
- http://kapo.nu/
- http://momentum.sics.se/ Site de Momentum
- lire en ligne Référence du chapitre : Kann Taisia et Rozhkov Viacheslav, « Larp Instead of Communism. History and Evolution of Live Action Role-Playing in Russia », in Larp Graffiti. Preistoria e presente dei giochi di ruolo dal vivo, édité par Andrea Castellani, Larp Symposium, Trieste 2010.
- Alexey Semenov, « Russian Larp History : The view from Saint Petersburg », dans Playing Reality, Knutpunkt (Interacting Art), 2010
- (cs) (en) http://www.projekt-system.cz/en/ et articles dans Knutpunkt 2010 et 2011
- http://www.fedegn.org/tiki-index.php?page=Dates Selon la Fédération française
- http://www.fedegn.org
- http://www.anachrone.com
- http://www.larp.be
-
Wikimedia Foundation. 2010.