Jeu de la vie

Jeu de la vie
Un canon à planeurs de période 30.

Le jeu de la vie, automate cellulaire imaginé par John Horton Conway en 1970, est probablement, à l’heure actuelle, le plus connu de tous les automates cellulaires.

Malgré des règles très simples, le jeu de la vie permet le développement de motifs extrêmement complexes.

Sommaire

Règles

En préambule, il faut préciser que le jeu de la vie n’est pas vraiment un jeu au sens ludique, puisqu’il ne nécessite aucun joueur ; il s’agit d’un automate cellulaire, un modèle où chaque état conduit mécaniquement à l’état suivant à partir de règles pré-établies.

Le jeu se déroule sur une grille à deux dimensions, théoriquement infinie (mais de longueur et de largeur finies et plus ou moins grandes dans la pratique), dont les cases — qu’on appelle des « cellules », par analogie avec les cellules vivantes — peuvent prendre deux états distincts : « vivantes » ou « mortes ».

À chaque étape, l’évolution d’une cellule est entièrement déterminée par l’état de ses huit voisines de la façon suivante :

  • Une cellule morte possédant exactement trois voisines vivantes devient vivante (elle naît).
  • Une cellule vivante possédant deux ou trois voisines vivantes le reste, sinon elle meurt.

Ainsi, la configuration Gol-blinker1.png donne au tour suivant la configuration Gol-blinker2.png qui redonne ensuite la première.

On peut également formuler cette évolution ainsi :

  • Gol-born.png
    Si une cellule a exactement trois voisines vivantes, elle est vivante à l’étape suivante. C’est le cas de la cellule verte dans la configuration de gauche.
  • Gol-nochange.png
    Si une cellule a exactement deux voisines vivantes, elle reste dans son état actuel à l’étape suivante. Dans le cas de la configuration de gauche, la cellule située entre les deux cellules vivantes reste morte à l’étape suivante.
  • Gol-dead.png
    Si une cellule a strictement moins de deux ou strictement plus de trois voisines vivantes, elle est morte à l’étape suivante. C’est le cas de la cellule rouge dans la configuration de gauche.

Légende des schémas

Afin de représenter le processus, les cellules vivantes sont généralement représentées colorées sur la grille, sur un fond de cellules mortes incolores.

Les schémas de cet article suivent les conventions de couleur suivantes :

  • bleu : cellules en cours de vie
  • vert : cellules naissantes
  • rouge : cellules mourantes
  • jaune : cellules ne vivant qu’une seule génération

Histoire

Le Jeu de la vie fut inventé par John Horton Conway en 1970, alors qu’il était professeur de mathématiques à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni.

J. H. Conway s’intéressait à un problème proposé par le mathématicien John Leech dans le domaine de la théorie des groupes et qui avait trait à l’empilement dense de sphères à 24 dimensions (connu comme le réseau de Leech). Il découvrit quelques propriétés remarquables et publia les résultats de son étude en 1968. Conway était également intéressé par un problème présenté vers les années 1940 par un mathématicien renommé : John von Neumann.

Ce dernier essayait de trouver une hypothétique machine qui pourrait s’auto-reproduire. Il y parvint en construisant un modèle mathématique aux règles complexes sur un repère cartésien. Conway essaya de simplifier les idées de von Neumann et finit par réussir. Couplant ses succès précédents avec les réseaux de Leech avec ses travaux sur les machines auto-réplicantes, il donna naissance au Jeu de la Vie.

Le premier contact que le grand public eut avec ces travaux se fit en 1970 à travers une publication dans Scientific American (et sa traduction française Pour la Science) dans la rubrique de Martin Gardner : « Mathematical Games » ou « Récréations Mathematiques »[1].

Gardner écrivait dans ses colonnes que « le Jeu de la Vie rendit Conway rapidement célèbre mais il ouvrit aussi un nouveau champ de recherche mathématique, celui des automates cellulaires. En effet, les analogies du Jeu de la Vie avec le développement, le déclin et les altérations d’une colonie de micro-organismes, le rapprochent des jeux de simulation qui miment les processus de la vie réelle. »

D’après Gardner, Conway expérimenta plusieurs jeux de règles concernant la naissance, la mort et la survie d’une cellule avant d’en choisir un où la population des cellules n’explose pas (ce qui arrive souvent lorsque les conditions de naissances sont moins strictes) mais où des structures intéressantes apparaissent cependant facilement. À l’origine, John Conway y jouait à la main, en utilisant un plateau de go pour grille et des pierres de go pour matérialiser les cellules vivantes.

Plusieurs structures intéressantes furent découvertes, comme le « planeur », un motif qui se décale en diagonale toutes les 4 générations, ou divers « canons » qui génèrent un flux sans fin de planeurs. Ces possibilités augmentèrent l’intérêt pour le jeu de la vie. De plus, arrivant à une époque où une nouvelle génération de mini-ordinateurs meilleur marché fut commercialisée, ce qui permettait de tester des structures pendant la nuit, lorsque personne d’autre ne les utilisait, sa popularité augmenta d’autant.

Vers la fin des années 1980, la puissance des ordinateurs fut suffisante pour permettre la création de programmes de recherche de structures automatiques efficaces ; couplés au développement massif d’Internet, ils conduisirent à un renouveau dans la production de structures intéressantes.

Au bout du compte, le jeu de la vie attira plus l’intérêt du grand public sur les automates cellulaires (entre autres grâce à divers économiseurs d’écran) que, par exemple, tous les travaux de Edgar Frank Codd, spécialiste reconnu du domaine et auteur de l’ouvrage de référence Cellular automata (1968)[2].

Structures

Des structures, constituées de plusieurs cellules, peuvent apparaître dans l’univers ; les plus classiques sont :

Il existe également d’autres structures, qui n’apparaissent pas spontanément dans l’univers de jeu :

Structures stables

bloc de 4 cellules.

Les structures stables (en anglais still life) sont des ensembles de cellules ayant stoppé toute évolution : elles sont dans un état stationnaire et n’évoluent plus tant qu’aucun élément perturbateur n’apparaît dans leur voisinage. Un bloc de quatre cellules est la plus petite structure stable possible.

Oscillateurs

Grenouille

Les oscillateurs se transforment de manière cyclique, en revêtant plusieurs formes différentes avant de retrouver leur état initial. Des figures de ce type sont très nombreuses : on en connaît actuellement des centaines.[réf. souhaitée] La « grenouille » est une structure qui se répète toutes les deux générations.

Elles peuvent apparaître relativement facilement dans l’univers de jeu par l’évolution spontanée de « graines » beaucoup plus simples.

Vaisseaux

Les vaisseaux — ou navires — (en anglais spaceships, « vaisseaux spatiaux ») sont des structures capables, après un certain nombre de générations, de produire une copie d’elles-mêmes, mais décalée dans l’univers du jeu.

Le déplacement d’un vaisseau qui, après n étapes, retrouve sa configuration initiale déplacée de A cases horizontalement et de B cases verticalement est noté A - B. L’existence de vaisseaux de type A - B pour A et B quelconques a été démontrée[réf. souhaitée], mais on ne connaît actuellement que deux grands types de vaisseaux :

  • Des vaisseaux de type transversal, c’est-à-dire A = 0 ou B = 0.
  • Des vaisseaux de type diagonal, avec A = ± B.

On prouve également qu’un vaisseau de type A - B a nécessairement une période N ≥ 2(A+B).[réf. souhaitée]

On sait construire des vaisseaux de taille et de période aussi grandes que souhaitées, en utilisant des séries de composants.[réf. souhaitée] Le planeur est le plus petit vaisseau du Jeu de la vie.

Mathusalems

Les mathusalem sont des structures actives qui mettent un certain temps avant de se stabiliser. Certains, comme les "lapins" mettent plus de 15000 générations avant de se stabiliser en un nombre plus ou moins important de débris variés

Puffeurs

Les puffeurs (de l’anglais puffer, « générateur de fumée ») sont des configurations qui se déplacent en laissant derrière elles une traînée constituée de débris.[Lesquelles ?]

Canons

Premier canon découvert.

Les canons, ou lanceurs, ou encore lances-navires (en anglais guns) sont capables de produire des vaisseaux, à un rythme variable (toutes les 15, 23, 30 ou 360 générations par exemple, ou bien de manière apparemment[Pourquoi ?] imprévisible pour les lance-navires pseudo-aléatoires[précision nécessaire]).

De telles structures peuvent être créées à partir de puffeurs que l’on modifie afin que les débris s’agencent sous forme de navires. Le premier canon à avoir été découvert émet un planeur toutes les 30 générations.

Jardins d’Éden

Le premier jardin d’Éden trouvé en 1971, par Banks, Beeler et Schroeppel.

Un jardin d’Éden est une configuration sans passé possible : aucune configuration ne donne à l’étape suivante un jardin d’Éden.

La démonstration mathématique se fonde sur la combinatoire et se trouve notamment dans Winning Ways for your Mathematical Plays, un livre publié en 1982 par Berlekamp, Conway, et Guy.

Dimension et complexité

Le clown émerge à l’itération 110 d’une dynamique d’un réseau amorcé à partir d’un U initial de 7 cellules.

Actuellement, la puissance des ordinateurs permet l’exploration de très grands espaces cellulaires du jeu de la vie. On peut alors en espérer l’émergence de structures complexes d’un haut niveau d’auto-organisation, voire d’esthétique. Stephen Wolfram et d’autres[3] ,[4] ont exploré cette voie. Dès les années 1980, le clown émerge à l’itération 110 d’une dynamique d’un réseau amorcé à partir d’un U initial de 7 cellules formant une image de la lettre U.

NB : Le clown est formé à l’envers… Pour voir un clown comme sur l’illustration, c’est un U inversé qu’il faut dessiner.

Détails sur la dynamique du réseau : ce « U » de 7 cellules (également appelé heptomino pi) évolue vers une structure complexe et « organique » en passant par des formes très esthétiques. De plus, la structure est auto-reproductible avec un déphasage : la nouvelle structure fille (itération 45) interférant avec une version de la structure mère (itération 15) en cours d’évolution. À l’itération 110 on obtient cette belle image de « clown ». Puis le réseau se stabilise sur une forme stable oscillante complexe[5].

Questions mathématiques

Certaines propriétés du jeu de la vie ont pu être démontrées, en particulier :

  • La croissance d’une configuration est au maximum en t². Cette propriété est triviale pour tout automate cellulaire bi-dimensionnel : dans le cas du jeu de la vie, comme la vitesse de transmission de l'information est de une case par pas de temps dans chacune des 8 directions, le nombre de cellules vivantes est trivialement limité par une borne en 8t². La question serait plutôt de savoir quelle est la configuration dont le taux de croissance est maximal.
  • L’existence de portes logiques ET, OU, NON[6]. Ces portes logiques permettent de coder une machine de Turing universelle au sein du jeu de la vie. Par conséquent, le problème qui consiste à prédire le comportement asymptotique de toute structure du jeu de la vie est indécidable.

Calculabilité

Malgré sa simplicité, ce jeu est une machine de Turing universelle : il est possible de calculer tout algorithme pourvu que la grille soit suffisamment grande et les conditions initiales correctes.

Simulation

Il existe un très grand nombre de programmes informatiques qui simulent le Jeu de la Vie.[Lesquels ?] Certains sont écrits en Java ou JavaScript, ce qui permet de les inclure dans une page web. La plupart de ces simulateurs sont cependant assez inefficaces car ils représentent le « terrain de jeu » par un tableau bi-dimensionnel et se contentent de faire évoluer les cellules en suivant les règles de Conway.

En 1980, Bill Gosper a créé Hashlife, un algorithme de simulation beaucoup plus efficace, permettant de manipuler des millions de cellules sur des millions de générations en des temps très courts. Cet algorithme reposait sur une idée différente : en effet si l’on considère une portion de l’espace du jeu relativement isolée de ses voisines, il est possible de la faire « tourner » pendant un certain nombre n de générations, puis de simplement mémoriser le résultat. Si la configuration de départ se reproduit ailleurs, on pourra alors « sauter » directement n générations pour cette partie du jeu. Ce nouvel algorithme faisait donc « tourner » différentes portions de l’espace à des vitesses différentes, et se débrouillait pour préserver la cohérence aux bordures de chaque région ainsi simulée. Il faisait appel à une table de hachage pour mémoriser et retrouver rapidement des configurations locales.

Depuis 2008, de nombreux programmes (dont le plus connu est Golly[7]) intègrent cet algorithme dans une interface graphique. Ils ont permis de créer des configurations énormes et très ingénieuses et de suivre leur évolution, insufflant une nouvelle dynamique dans l’étude déjà très riche de cet automate cellulaire.

Variantes

Il existe des variantes du jeu de la vie, basées sur des règles de voisinage légèrement différentes (par exemple HighLife).

Bibliographie

  • Martin Gardner, Mathematical Games. The fantastic combinations of John Conway’s new solitaire game « life », Scientific American no 223 (Octobre 1970), p. 120-123
  • E. F. Codd, Cellular Automata, New York Academic Press (1968)

Notes et références

  1. Martin Gardner, Mathematical Games. The fantastic combinations of John Conway’s new solitaire game « life », Scientific American no 223 (Octobre 1970), p. 120-123.
  2. E. F. Codd, Cellular Automata, New York Academic Press (1968).
  3. Bernard Feltz et al, Emergence and Reductionism: from the Game of Life to Science of Life, in SELF-ORGANIZATION AND EMERGENCE IN LIFE SCIENCES, Springer Netherlands Editor, 2006, ISBN 978-1-4020-3916-4 (Print) 978-1-4020-3917-1 (Online)[1]
  4. N. M. Gotts, Emergent phenomena in large sparse random arrays of Conway’s Game of Life, in INTERNATIONAL JOURNAL ON SYSTEM SCIENCES, Volume 31, Issue 7 July 2000, pages 873 - 894[2]
  5. Jean-Claude Perez, « DE NOUVELLES VOIES VERS L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : pluri-disciplinarité, auto-organisation et réseaux neuronaux », 1988, Éd. Masson Paris(ré-édition en 1989), pages 261-262, ISBN 2-225-81815-0.
  6. E. R. Berlekamp, J. H. Conway, R. K. Guy, Winning Ways for Your Mathematical Plays, A K Peters/CRC Press; 2nd edition (March 30, 2004)
  7. Golly sur SourceForge.net

Voir aussi

Articles connexes

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