Jean Jardin

Jean Jardin
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Jean Jardin est un haut fonctionnaire et homme d'affaires français né à Bernay (Eure) en 1904 et mort à Paris en 1976[1].

Il fait partie du groupe de l'Ordre nouveau dans les années 1930. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est directeur de cabinet de Pierre Laval.

Sommaire

Avant-guerre

Issu d’un milieu bourgeois, provincial et catholique, de tendance monarchiste[1], ce jeune et brillant Rastignac « monte » à Paris pour y intégrer Sciences Po[1].

Il participe au bouillonnement intellectuel des non-conformistes des années 30 au sein du mouvement Ordre nouveau[1] (sans lien avec celui des années 1970) avec, entre autres, l’historien Robert Aron, le journaliste Alexandre Marc, le philosophe Denis de Rougemont, l’écrivain Daniel-Rops[1]. Jean Jardin commence ainsi à se constituer un réseau de puissantes relations qui lui servira toute sa vie et dont l’activation compartimentée sera sa raison d’être.

En 1933, il rejoint, comme « nègre », le cabinet de Raoul Dautry[1], directeur de l'Administration des chemins de fer de l'État (qui est incorporée, le 1er janvier 1938, à la SNCF), qui en fait son secrétaire particulier[1]. Il se fait des relations auprès des technocrates, pour la plupart polytechniciens et anticommunistes[1], occupant des postes importants dans les grandes entreprises et les administrations, tels que Alfred Sauvy, Jules Moch, Gabriel Le Roy Ladurie (directeur de la banque Worms), Auguste Detœuf et Henri Davezac, proches du groupe X-CRISE et favorables au gouvernement des élites[1].

Jean Jardin, à cette époque, est pacifiste et favorable aux accords de Munich de 1938[1].

Sous l'Occupation

En janvier 1941, il est chargé de mission au cabinet d’Yves Bouthillier, ministre des Finances de Vichy[1]. Il y travaille sur de grands dossiers, comme l'indemnisation à verser au Troisième Reich, l'aryanisation des entreprises juives et la réforme des sociétés anonymes[1]. Il est l'auteur de nombreux slogans diffusés à la radio relatifs aux mesures économiques initiées par le ministre[1].

Au printemps 1942, il est nommé directeur de cabinet de Pierre Laval[1],[2] qui est revenu au pouvoir le 17 avril. À ce titre, il n'est pourtant pas chargé de l'application administrative des décisions gouvernementales, fonction qui revient à Jacques Guérard secrétaire général du Conseil. Jean Jardin dirige un cabinet aux attributions plus floues. Il est ainsi responsable des fonds secrets[3].

Maître des fonds secrets, il en fait aussi profiter des opposants, multiplie son réseau, aide discrètement des résistants, rend des services à des Juifs, à d'anciens hommes politiques de la Troisième République et à des intellectuels poursuivis par le régime[1]. Il cache notamment Robert Aron, qu'il a connu dans le mouvement l'Ordre nouveau[3].

En tant que haut fonctionnaire de Vichy, il reçoit des officiers allemands chez lui, mais aussi des dissidents qu'il aide à quitter le pays[1]. Il fait passer Maurice Couve de Murville en Afrique du Nord[1] ; celui-ci deviendra commissaire aux finances du Comité français de la libération nationale à Alger, puis plus tard Premier ministre de la Cinquième République. Pour l'historien Robert Paxton, « interpréter un personnage comme Jean Jardin selon une seule dimension - collaborateur convaincu ou résistant discret - me semble une déformation. C'était un lavaliste convaincu qui aimait aider des amis. »[3].

Sa responsabilité directe dans la rafle du Vélodrome d'Hiver de juillet 1942 reste incertaine[4],[5],[3]. Il n'y a pas de documents d'archive connus démontrant que Jean Jardin était informé des rafles des 16 et 17 juillet 1942 ou qu'il y ait participé[5],[3],[6],[7]. Mais, selon plusieurs historiens spécialisés dans cette période, il était, en tant que directeur du cabinet de Laval, probablement au courant des préparatifs de cette opération[5],[3],[7],[8]. En revanche, il est difficile d'établir dans quelle mesure il était conscient des conséquences de ces rafles et des déportations[7],[8],[6].

Les ultras de la collaboration, comme Joseph Darnand et Marcel Déat, commencent à se méfier de lui et il fait l’objet d’un attentat manqué, lorsque sa voiture est sabotée[1]. Pierre Laval le décharge de sa responsabilité de chef de cabinet le 30 octobre 1943[2] et le nomme premier conseiller à l’ambassade à Berne, pour l'éloigner de ces menaces et pour qu'il tente d'entrer en relation avec les Américains, en la personne d'Allen Dulles[1], chef de station de l'OSS en Suisse. Il y reçoit beaucoup de monde venu de France, dont des agents gaullistes auxquels il fournit de l'aide et des faux papiers[1] ; il en profite également pour favoriser la sortie de son ami Paul Morand de Roumanie où il était ambassadeur du gouvernement de Vichy[9].

Après-guerre

Jean Jardin reste comme exilé en Suisse jusqu'en 1947. L’anticommunisme de la Guerre froide fait rentrer à Paris beaucoup d'anciens vichystes et le remet en selle. L'avènement de la Quatrième République, régime parlementaire, est favorable à ce type d’éminence grise ayant de l'entregent. Ainsi, en 1952, il devient un des proches conseillers d'Antoine Pinay, devenu Président du Conseil. En 1955, il participe à la création d'un quotidien concurrent du Monde, jugé trop à gauche par les milieux d'affaires, Le Temps de Paris, opération qui reste sans suite : ce quotidien ne paraîtra que pendant quelques semaines. En 1958, il favorise une entrevue entre général de Gaulle et Antoine Pinay, ce qui permet à ce dernier de rentrer dans le gouvernement[1].

Jean Jardin connait admirablement le Tout-Paris de la politique et des affaires ; il met en relation, propose ses services, suggère conseils et avis discrets à tous ceux qui comptent. Cependant, son rôle politique sous la Cinquième République n'a pas la même importance que sous le régime précédent. Il conserve néanmoins une activité de conseiller auprès de nombreuses sociétés françaises et joue un un rôle important dans la promotion de l'industrie ferroviaire française à l'étranger[1].

A sa mort, en novembre 1976, une discrète notice biographique fut publiée dans Le Monde ; elle précisait que Jean Jardin recevait dans sa maison, près de Vichy, « des écrivains israélites (dont Robert Aron, historien du régime de Vichy) et des hommes qui étaient loin d'être tous favorables à » Pierre Laval.[réf. souhaitée]

Postérité

Pierre Assouline lui a consacré une biographie sous le titre Une éminence grise – Jean Jardin (1904-1976) (Balland, 1986)[1].

Il est le père de Pascal Jardin, essayiste, romancier et dialoguiste qui rapportera ses souvenirs d'enfants et sur son père dans ses romans La Guerre à neuf ans, Guerre après guerre et Le Nain jaune. Il est le grand-père du romancier Alexandre Jardin.

Ce dernier, dans un ouvrage paru le 12 janvier 2011 (Des gens très bien, Grasset) exprime ses doutes sur le passé vichyssois de son grand-père. Il s'interroge notamment sur son rôle lors de la rafle du Vélodrome d'Hiver en juillet 1942. Le livre d'Alexandre Jardin n'ayant pas un caractère scientifique appelle peut-être un travail historique plus approfondi, mené par des spécialistes, sur cette partie de la vie de Jean Jardin[4],[2],[5],[3].

Pour Jean-Pierre Azéma, historien et auteur d'ouvrages sur cette période, il n'y a pas de documents d'archive attestant que Jean Jardin connaissait le déroulement des rafles des 16 et 17 juillet 1942. En revanche, il lui semble improbable que Jean Jardin, en tant que directeur du cabinet de Laval, n'ait pas connu les préparatifs de cette opération[5]. De même pour Robert Paxton, historien américain, il est probable « que Jean Jardin soit au courant de tout ce qui se passe dans le bureau de Laval. Mais son nom figure moins dans les archives. »[3]

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v et w Tristan Gaston-Breton, « Jean Jardin, de Vichy à la Quatrième République », 6 juin 2008, sur le site lesechos.fr, consulté le 5 octobre 2009.
  2. a, b et c Marianne Payot, Une Pierre dans les Jardin, l'Express, n°3105, 5 janvier 2011, p.86-87 Article en ligne sur l'Express.fr, sous le titre Alexandre Jardin face au fantôme de Vichy
  3. a, b, c, d, e, f, g et h " Jean Jardin, un lavaliste convaincu qui aidait ses amis ", interview de Robert O. Paxton par Émilie Lanez, Le Point, 06/01/2011
  4. a et b Alexandre Jardin : «Famille je te hais !», Eric Roussel, Le Figaro.fr, 06/01/2011
  5. a, b, c, d et e Jean-Pierre Azéma interviewé par Emmanuel Hecht : À Vichy, les cabinets ministériels avaient un rôle majeur, l'Express, n°3105, 5 janvier 2011, p.86-87 Interview sur express.fr
  6. a et b «Jean Jardin n’a pas réfléchi…», Laurent Joly interviewé par Laurent Lemire, Nouvel Observateur, 6 janvier 2011
  7. a, b et c «Jean Jardin n’était pas si influent…», Serge Klarsfeld interviewé par Laurent Lemire, Le Nouvel Observateur, 6 janvier 2011
  8. a et b «Jean Jardin était une marionnette», Yves Pourcher interviewé par Laurent Lemire, Le Nouvel Observateur du 6 janvier 2011
  9. Pierre Assouline, Une éminence grise, – Jean Jardin (1904-1976), Balland, Paris, 1986.

Bibliographie

Biographie

Témoignages familiaux


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Jean Jardin de Wikipédia en français (auteurs)

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