- Jan Sanders van Hemessen
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Jan Sanders van Hemessen, peintre de sujets religieux, de scènes de genre et de portraits, est né à Hemiksem vers 1500 et décédé vers 1566, est un peintre flamand maniériste de la Renaissance du Nord.
Sommaire
Biographie
Jan Sanders van Hemessen, qui naquit probablement vers 1500, est issu d'une famille aisée de Hemiksem. Son nom apparaît pour la première fois en 1519, dans les registres de la gilde de Saint-Luc d'Anvers, comme élève de Hendricks van Cleve. La maîtrise lui fut sans doute conférée peu avant 1524, car c'est dans le courant de cette année qu'il procède, pour la première fois, à l'inscription d'un de ses propres élèves auprès de la gilde. Le voyage en Italie de l'artiste n'est confirmé par aucun document connu, mais les influences dont son œuvre témoigne, laissent entendre qu'il a pu séjourner à Florence, à Rome et dans le Nord de l'Italie à Brescia. Le premier tableau signé et daté de Jan Sanders van Hemessen remonte à 1525 Le Christ et la femme adultère[1]; l'habitude de l'artiste de signer les œuvres et de leur donner un millésime permet de suivre son évolution jusqu'en 1556, date de sa dernière œuvre connue, Les marchands chassés du temple [2]. Il épousa Barbara de Fevere, la fille d'un riche marchand de draps d'Anvers, et obtint rapidement une position de premier plan dans le milieu artistique de la ville. Plusieurs indices l'attestent : on conserve de nombreuses copies inspirées par ses œuvres des années 1535/1540 [3]; on sait, par ailleurs, qu'il reçut la commande d'un retable d'Adriaen Rockockx, un notable très en vue à Anvers, dont le petit-fils fut, plus tard, le protecteur de Pierre Paul Rubens.
En juillet 1541, il acheta la maison De Faisant dans l'élégante Hochstetterstraat, avant d'exercer les fonctions de doyen de la gilde de Saint-Luc en 1548. Un document de 1552[4], dans lequel l'artiste demande pour ses fils Gillis et Hanse l'autorisation de quitter la ville pour un voyage de trois ans en Italie, mentionne qu'il était aussi marchand de tableaux. Un document de 1579 nous apprend qu'il avait un fils illégitime, Peter, âgé à ce moment de vingt-quatre ans, et prouve que l'artiste devait se trouver encore à Anvers en 1555 et qu'il n'avait pas fui à Haarlem en raison de ses convictions religieuses, comme on l'a longtemps pensé, se fondant sur une idée fausse de Carel van Mander en 1604.
Sa mort doit sans doute être située entre 1556, la date de sa dernière œuvre, et 1567, l'année où Francesco Guicciardini le cite comme étant mort. De tous ses enfants, c'est sa fille Catarina van Hemessen qui fut l'artiste la plus renommée.
L'Œuvre peint
Jan Sanders van Hemessen laisse une œuvre importante, dont le style puissant et hybride conjugue, de façon déconcertante, le réalisme scrupuleux de la peinture flamande avec la plasticité et la monumentalité des maîtres italiens. Aucune scène mythologique n'est connue de sa main : il mit sa connaissance de l'art italien de l'époque au service exclusif de scènes religieuses d'une grande intensité et de scènes de genre dans la tradition de Quentin Metsys, où s'exprime la critique amère des péchés, comme la cupidité, la luxure et la paresse. Les deux thématiques reflètent l'évolution des troubles religieux de l'époque (la Réforme, le début de la Contre-Réforme) et traduisent l'exaltation du sentiment religieux associé aux événements. Il est frappant, par ailleurs, de noter que les vêtements et la physionomie des personnages paraissent souvent empruntés aux peintures des Primitifs flamands, comme si l'artiste souhaitait rendre hommage à la tradition picturale des Pays-Bas et en même temps aux réalisations de la Renaissance italienne. Ce qui fit écrire à Van Mander que l'artiste n'était pas vraiment un peintre moderne. Trois de ses premières œuvres, des portraits d'une jeune fille appartenant à l'aristocratie, peut-être Marguerite de Parme, née en 1522, fille naturelle de Charles Quint, attestent d'éventuelles relations du peintre avec la cour impériale, ce qui pourrait aussi expliquer la grande influence exercée sur son œuvre par des peintres comme Jan Gossaert et Bernard van Orley (La peseuse d'or[5], Jeune fille jouant du clavicorde[6]; Jeune fille écrivant[7]. L'œuvre la plus connue de sa première période, Saint Jérôme pénitent peint en 1531[8], représente un des saints les plus appréciés du monde humaniste, qui, par son érudition et sa recherche de la pénitence et de l'ascèse, devait constituer un modèle pour d'authentiques catholiques. La figure du saint, robuste et tourmentée, est manifestement inspirée par la sculpture du Laocoon découverte à Rome un quart de siècle auparavant; il n'est pas improbable que De Hemessen ait vu la sculpture pendant son voyage en Italie, mais il a pu se familiariser avec elle grâce aux diverses estampes qu'en réalisa M. Dente. Le thème de saint Jérôme - sous ses deux manifestations, le saint en pénitence au désert et le saint méditant dans son cabinet de travail - allait occuper De Hemessen durant toute sa carrière: outre diverses copies, on en connaît cinq autres représentations, de la main de l'artiste. Un autre sujet en vogue à l'époque était la parabole de l'enfant prodigue, image de l'homme harcelé par ses péchés. L'enfant prodigue de 1536[9] est un exemple type de la combinaison des styles italien et flamand. Les personnages beaucoup plus élégants qui reviennent souvent dans les arrière-plans des tableaux trahissent la main d'un autre artiste, identifié comme le Maître de Paul et Barnabé, et non, comme on l'a longtemps pensé, avec le Monogrammiste de Brunswick. Dans le prolongement des représentations de l'enfant prodigue parmi les prostituées, on trouve les scènes de bordel, qui constituaient un moyen privilégié d'évoquer les trois péchés de la chair : la paresse, la gourmandise et la luxure, symboliquement présents aussi bien dans La joyeuse compagnie vers 1537/1538[10], que dans Le voyageur au bordel peint 1543 [11]. On est frappé par la monumentalité des personnages, chose nouvelle dans les scènes de genre. La vocation de l'apôtre Matthieu de 1536[12] se concentre par contre sur le moment du repentir, quand le riche publicain Matthieu est appelé par le Christ à abandonner ses préoccupations matérielles. Le bord supérieur de cette peinture et la figure du Christ lui-même sont des ajouts postérieurs : une copie de cette œuvre, conservée en Écosse[13], en montre la composition originelle: le Christ n'est pas représenté et l'attention se concentre donc sur le moment, brillamment rendu par l'expression du visage, où Matthieu s'éveille à la spiritualité. A Anvers, une des plus grandes cités commerciales de l'époque au nord des Alpes, où se déroulaient de nombreuses transactions monétaires, parfois suspectes et dangereuses, ce thème était devenu très populaire dès les années 1530. De Hemessen l'illustra encore à deux reprises, chaque fois avec la même charge d'émotion, en se servant d'une foule de personnages secondaires et d'objets qui évoquaient leur profession vers 1540[14]; vers 1548[15]. Le triptyque du Jugement dernier exécuté pour Adriaen Rockockx vers 1536/1537[16], où le raffinement de la composition n'empêche pas l'intensité de l'émotion, concentre dans la même scène les images du doute et de la décision et montre l'artiste au point d'accomplissement de son art. La présence presque tangible des ressuscités qui attendent le jugement, ainsi que leur caractère monumental par rapport à l'ensemble de l'image sont des aspects novateurs de cette œuvre. Plus tard dans sa carrière, De Hemessen remplacera parfois, dans ses œuvres religieuses, cet éventail d'attitudes et d'expressions par l'image simple et immédiate d'une douleur profonde, comme dans Le Christ de pitié en 1540[17]) ou Le Christ portant la croix peint en 1549 [18] : une représentation très archaïque. Une composition virtuose et typiquement maniériste comme "Judith" (1549/1550, Chicago, Art Inst.), qui constitue, à l'opposé, une parfaite figura serpentinata, prouve que l'artiste échappe à un modèle d'interprétation univoque, qu'il ne suit pas d'évolution linéaire, mais qu'il montre à différents moments, les multiples facettes de ses propres possibilités artistiques. Parmi ses dernières œuvres, il faut mentionner : Musicien et sa muse exécuté vers 1544[19], sans doute un portrait allégorique de sa fille Catarina van Hemessen et de Chrétien de Morien, exécuté à l'occasion de leur mariage; L'extraction de la pierre de folie de 1556[20], un thème satirique qui fut aussi traité par Jérôme Bosch et Pieter Brueghel l'Ancien, mais qui est abordé ici avec un réalisme minutieux et cruel, et Les marchands chassés du Temple en 1556[21], une composition une fois de plus étonnante, enchevêtrement de corps brutal et vigoureux, où s'exprime de façon violente le désir de réformes à l'intérieur de l'église et qui, dans sa plasticité presque hallucinante, représente le dernier accomplissement stylistique de l'artiste.
De Hemessen ne fut découvert qu'à la fin du XIXe siècle, grâce aux patientes recherches entreprises dans les archives[22]. Très vite, son nom fut rapporté au Monogrammiste de Brunswick, ce qui permit tour à tour d'établir et de rejeter l'identification de ce peintre anonyme avec De Hemessen.
Sa fille Catarina van Hemessen fut peintre également.
Le Corpus
La société perdue ou La joyeuse compagnie
- (1545-1550)
- Staatliche Kunsthalle, Karlsruhe
Le voyageur au bordel
- 1543
- Hartford, Wardsworth Atheneum
Le Coupeur de pierre
- (1550-1554)
Vanité
- (ca 1535)
- huile sur bois, 90×73 cm
- Palais des beaux-arts, Lille
Parabole du retour du fils prodigue
- huile sur bois, 140 x 198 cm
- Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
Christ aux outrages
- (ca 1560)
- Douai, Musée de la Chartreuse
La peseuse d'or
- Staatliche Museen Berlin, Gemäldegalerie
Jeune fille jouant du clavicorde
- Worcester, Massachusset Art Museum
Jeune fille écrivant
- Londres, National Gallery
- (copie)
Saint Jérôme pénitent
- Lisbonne, Museo Nacional de Arte Antiga
- 1531
L'enfant prodigue de 1536
La vocation de l'apôtre Matthieu'
- 1536
- Munich, Alte Pinakotheke
- copie de cette œuvre en Ecosse
- Dalkeith, Newbattle abbey
- Copie de cette œuvre à Vienne
- circa 1540
- Kunsthistorishe Museum, Vienne
Jugement dernier
- exécuté pour Adriaen Rockockx
- circa 1536/1537
L'extraction de la pierre de folie
- 1556
- Musée du Prado, Madrid
Les marchands chassés du Temple
- 1556
Tarquin et Lucrèce
- Palais des beaux-arts, Lille
- depuis 1878
- 72.8 x 92 cm
Bibliographie
- O. Eisenmann, Rezension W. von Bode. Studien zur Geschichte der holländischen Malerei, in Repertorium für Kunstwissenschaft, VII, 1884, p. 207.
- G. Marlier, Erasme et la peinture flamande de son temps, Damme, 1954, passim.
- D. Schubert, Die Gemälde des Braunschweiger Monogrammisten, Cologne, 1970, pp. 47-52 et passim.
- M.J. Friedländer, E.N.P., XII, 1975, pp. 44-52.
- B.E. Wallen, J.S. Van Hemessen. An Antwerp Painter between Reform and Counter Reform, Ann Arbor, 1983.
- J. Bruyn, De Meester van Paulus en Barnabas, in Rubens and his world, Anvers, 1985, pp. 17-29.
Notes et références
- loc. inc.
- Nancy, M.B.A.
- ce qui, au XVIe siècle, est toujours l'indice du succès d'un artiste)
- découvert par M. Braman Buchan
- Berlin, Staatl. Mus.
- Worcester, Mass., Art Mus.
- Londres, Nat. Gall. (copie)
- Lisbonne, Museo Nacional de Arte Antiga
- Bruxelles, M.R.B.A.B.
- Karlsruhe, Staatl. Kunsthalle
- Hartford, Wardsworth Atheneum
- Munich, Alte Pinakotheke)
- Dalkeith, Newbattle abbey
- Vienne, Kunsthist. Mus
- ibidem
- Anvers, St-Jacobskerk
- Linz, Landesmuseum
- Tolède, Museo de la Santa Cruz
- collection privée
- Madrid, Prado)
- Nancy, Musée Beaux-Arts
- par F. J. van den Branden notamment
Liens internes
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