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Inconscient collectif
L’inconscient collectif est un concept de la psychologie analytique qui s'attache à désigner les éléments de la pensée qui sont communs ou partagés, sans pour autant être explicités ou exprimés consciemment.
C'est Carl Gustav Jung qui introduit ce concept en associant les termes inconscient et collectif, qui a priori paraissent incompatibles si on part de la définition freudienne (où l'inconscient a un caractère strictement individuel puisqu'il procède du vécu infantile de chacun). C'est pourtant sans contradiction que Jung pose les bases de cette notion dans la continuité de la définition de l'inconscient en psychologie analytique.
Sommaire
Genèse du concept
Le concept d'inconscient collectif est né chez Carl Gustav Jung vers 1910. [1] Un de ses patients, Emile Schwyzer, schizophrène, dans son délire, "voit au Soleil un membrum erectum [un pénis en érection]", or Jung lit une vision semblable, celle "d'un tuyau pendant du Soleil", dans un texte (Eine Mithrasliturgie, rééd. 1910). Le Soleil avec un membre est donc "un trait généralement humain", pas un délire personnel. Il y a archétype, et l'archétype est la structure principale de l'inconscient collectif. Jung va théoriser ce cas dès Métamorphoses et symboles de la libido (1911-1912, sous le titre, dès 1944, de Métamorphoses de l'âme et ses symboles. Analyse des prodromes d'une schizophrénie[2]. Dès 1916, dans Psychologie de l'inconscient, Jung parle des "archétypes de l'inconscient collectif"[3].
Origines
Plusieurs notions préexistantes ont été établies a posteriori comme des bases de la notion utilisée par Jung, notamment les structures innées et la participation mystique.
Les structures innées
Selon une formule de Jung, l'inconscient collectif est
« le dépôt constitué par toute l'expérience ancestrale depuis des millions d'années, l'écho des événements de la préhistoire, et chaque siècle y ajoute une quantité infinitésimale de variation et de différenciation[4] »On voit qu'ici le support de l'inconscient collectif semble être la structure innée et quasi inerte de ce qui fait l'humain (qu'il nommera plus tard archétype), tout juste ouverte à l'évolution humaine au sens de la Biologie de l'évolution. Et encore, selon certain « Jung a la prudence de mettre sa conception de l'inconscient collectif en dehors des vicissitudes des théories évolutionnistes[5] ».
Pourtant, d'un autre côté on aurait tendance à supposer que Jung s'autorise une conception bien plus vivante de la notion d'inconscient collectif qu'il propose, par exemple quant il écrit :
« En tant qu'artiste, par contre, il est « homme » dans un sens plus élevé : il est homme collectif, qui porte et exprime l'âme inconsciente et active de l'humanité.[6] »Cela pose la question de savoir comment un dépôt constitué par toute l'expérience ancestrale peut être en même temps une âme inconsciente et active de l'humanité, et la réponse semble se trouver dans la notion de participation mystique.
La participation mystique
Jung a en effet étudié précédemment le concept de participation mystique établie par Lucien Lévy-Bruhl dans le prolongement du principe de « représentation collectives » d'Émile Durkheim et dans le contexte d'études de populations alors désignées comme des "primitifs". Jung a replacé cette notion dans un entendement plus général antérieur à la notion : « Ce que Rousseau décrit n'est autre que la mentalité collective du primitif, que Lévy-Bruhl a excellemment désigné du nom de "participation mystique"[7] » et l'a traduite comme : « le fait surprenant que ceux-ci éprouvent des relations qui échappent à la compréhension logique[8] ». Quant il présente cette source, Charles Baudouin rapporte qu'ensuite Jung
« se défend a l'extrême contre l'attitude de suffisance et de supériorité que prend si aisément le civilisé envers le primitif, le raisonnable envers le malade (qu'est-ce que la civilisation? qu'est-ce que la raison?). Et voici dirait-on qu'il n'écarte pas l'idée qu'il y a peut-être quelque chose de vrai dans la participation mystique.[9] »Si une relation est effectivement éprouvée généralement par l'humain en général tout en échappant bel et bien à la compréhension, alors cette relation peut être taxée d'être à la fois inconsciente et collective. À l'échelle de l'humanité ce mécanisme peut être considéré comme une âme inconsciente et active, et rien ne s'oppose à ce que tout cela repose sur la structure innée au niveau de l'individu. Jung et Lévy-Bruhl ont d'ailleurs utilisés parallèlement les termes de vers 1910.
Concept d'inconscient collectif
Au niveau individuel
A l'échelle de l'individu, Jung place le fondement collectif au cœur de la psyché. L’inconscient collectif n'est alors qu'une part de l'inconscient, concept lié à toute la psychanalyse mais qui se partage chez Jung en « inconscient personnel » et « inconscient collectif ». La part collective étant la plus profonde, elle serait ainsi plus ancrée dans ce qui fait la nature humaine. Elysabeth Leblanc le présente ainsi :
« L'inconscient collectif est un concept empirique et opérationnel créé par Jung au contact des grands malades mentaux : l'histoire personnelle ne suffit pas à expliquer et comprendre l'ensemble des fonctionnements et contenus psychiques en jeu dans la pathologie mentale. Il existerait donc des instances psychiques relevant de l'humanité plutôt que de l'individu.[11] »Mais l'inconscient collectif ne se limite pas à une "portion d'inconscient" dans la mesure où la notion est également abordée selon diverses approches et selon des imbrications souvent plus complexes et dynamiques que dans cette représentation schématique.
« La complexité de la psychanalyse jungienne tient au fait que toutes les instances psychiques sont en étroites relations les unes avec les autres. Décrire isolément un concept donne de lui une vision forcément partielle car ne tenant compte ni des rapports dynamiques avec les autres instances ni de l'ensemble du système psychique. Tout est lié, tout est en mouvement.[12] »Comme maillon de la psychologie analytique
Si pour Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse, l'inconscient se caractérise avant tout par le fait qu'il naît du refoulement originel, au contraire, pour Jung, l'inconscient est constitué de tout ce qui n'est pas conscient. Il devient alors compatible en psychologie analytique avec des mécanismes innés sans tenir d'un refoulement collectif qu'induirait l'association de la définition première aux termes « d'inconscient collectif ».
Carl Gustav Jung, parle aussi d'« inconscient impersonnel », utilise cette notion sous différentes acceptions, allant d'un modèle structural des fondements instinctifs de l'inconscient, à l'idée d'une transmission héritée de certains contenus inconscients. Cette notion est pour lui toujours étroitement liée à sa définition des archétypes, préformes vides qui structurent et dynamisent l'ensemble des processus psychiques, perceptifs, affectifs, cognitifs, comportementaux etc.
Jung l'explique ainsi :
« on croit souvent que le terme "archétype" désigne des images ou des motifs mythologiques définis; mais ceux-ci ne sont rien autre que des représentations conscientes : il serait absurde de supposer que des représentations aussi variables puissent être transmises en héritage. L'archétype réside dans la tendance à nous représenter de tels motifs, représentation qui peut varier considérablement dans les détails, sans perdre son schème fondamental. [13] »On le retrouve lorsque Jung précise sa notion d'archétypes. « Pour moi ce concept ne relève que de la théorie de la connaissance. […] En un sens je pourrais dire de l’inconscient collectif exactement la même chose que Kant disait de la chose en soi.[14] »
Limites posées
Jung donne lui-même la limite de sa conception en affirmant qu'il ne s'agit que de modèles théoriques, autrement dit d'outils dédiés à l'observation qu'il ne faut donc pas assimiler à ce qui est ainsi décrit. Il affirme par exemple : « En fait le concept d'inconscient n'est qu'une simple et commode hypothèse de travail[15] » ou encore « nos conclusions ne signifient jamais que « tout ce passe comme si ... »[16] ».
Réutilisation de la notion
Occultisme
Comme c'est le cas vis a vis de la personnalité de Jung en général qui entre autres sujets a beaucoup étudié l'alchimie, il existe une tendance à interpréter le sujet de l'inconscient collectif au travers du filtre de l'occultisme, et les polémiques et débats sur la part supposée de mysticisme dans le concept sont récurrents.
On peut trouver dans les propos de Jung sortis de leurs contextes autant d'affirmations pour valider une vision très cartésienne qu'une conception beaucoup plus ésotérique. Par exemple il affirme « Il n'y a de vie que la vie individuelle; en elle seule réside le sens dernier[17] » tout en ouvrant la possibilité de concevoir « le moi comme étant subordonné ou inhérent à un soi supérieur, qui serait le centre d'une personnalité psychique totale, illimitée et indéfinissable.[18] » suivi un peu plus loin par des propos qui semblent préciser sa position :
« En quoi consiste les facteurs inconscients? Nous n'en savons rien, car nous ne les percevons que par leurs effets. Nous supposons qu'ils sont d'une nature psychique comparable à celle des contenus conscients, mais nous n'avons aucune certitude à ce sujet.[19] »Ce qui transparait et qui est relevé en d'autres termes par Charles Baudouin c'est que Jung ne tranche pas lui-même le sujet, et que comme dans le cadre thérapeutique il s'autorise à prendre au sérieux ce qui pour d'autre apparaitrait comme fou. Il s'autorise ainsi, en acceptant ce qui semble inacceptable, à explorer les mécanismes sous-tendus et à tenter de les comprendre, mais en gardant toujours à l'esprit que cette compréhension ne reste qu'interprétative.
En science fiction
- Dans le film de science-fiction "The Island" (2005), des clones créés adultes et maintenus en isolation hors du monde dans une base souterraine se découvrent des compétences et souvenirs appartenant à leurs modèles originaux.
- Dans la série de science-fiction "Les Futurs Mystères de Paris", non seulement l'inconscient collectif existe, mais il possède une réalité physique. Les archétypes peuvent notamment s'incarner à l'intérieur de cette "psychosphère".
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Les archétypes de l’inconscient collectif sur le site cgjungfrance.com
- Article « Inconscient collectif » sur le Dictionnaire Sceptique
- « Sociologie et inconscient collectif » sur le site Caverne des 1001 nuits
- « Inconscient collectif : nous sommes tous reliés » par Erik Pigani sur le site de psychologie.com
Notes et références
- ↑ Deirdre Bair, Jung. Une biographie, Flammarion, 2007, p. 291, 271-271. Lapsus calami p. 291 : le texte dit "Jung a commencé ses recherches en 1901". Lire 1910.
- ↑ Le livre de poche, p. 191-192
- ↑ Psychologie de l'inconscient, Le livre de poche, p. 161-200
- ↑ Gerhard Adler,Étude de la psychologie jungienne p.11, Genève, Georg, 1957 (source originale: Jung, Symbolik des Geistes p. 326, Zurich, Rasher, 1948)
- ↑ Charles Baudouin, L'Oeuvre de Jung, p.79 (ISBN 978-2-228-89570-5)
- ↑ Carl Gustav Jung, Problèmes de l'âme moderne, p.346 ,trad. de Yves Lelay et Dr Cahen, Paris, Buchet-Chastel, 1961
- ↑ Carl Gustav Jung, types psychologique, p85-86, trad. Genève, Georg, 1950
- ↑ Il donne ensuite l'exemple de tribus d'Amérique du sud où les hommes prétendent qu'ils sont des aras rouges. Source : Carl Gustav Jung, L'homme à la découverte de son âme, p.162 collection action et pensée, Genève, Mont-Blanc, 1950 (4eme édition)
- ↑ Charles Baudouin, l'oeuvre de Jung, (ISBN 9782228895705)
- ↑ Représentation inspiré des propos de Jung dans L'âme et la vie
- ↑ Elysabeth Leblanc, La psychanalyse jungienne, Collection Essentialis, ED. Bernet-Danilot, Avril 2002
- ↑ La psychanalyse jungienne, Collection Essentialis, ED. Bernet-Danilot, Avril 2002
- ↑ Carl Gustav Jung, L'homme et ses symboles, Robert Laffont, 1964 p 67.
- ↑ Carl Gustav Jung, Correspondance 1906-1940, Paris, Albin Michel, 1992, pp.133-135)
- ↑ Jung dans psychologie et religion, P.81 de la traduction de Bernson et Cahen, Paris, Buchet-Chastel, 1958
- ↑ Carl Gustav Jung, Problème de l'âme moderne, p.40-41, trad. Yves Le Lay et Dr Cahen, Paris, Buchet-Castel, 1961
- ↑ Carl Gustav Jung, aspect du drame contemporain p.130, trad, Genève, Géorg, 1948
- ↑ Carl Gustav Jung, psychologie et religion, p.83, trad, de la traduction de Bernson et Cahen, Paris, Buchet-Chastel, 1958
- ↑ Carl Gustav Jung, traduit dans psychologie et religion, p.83, trad. Bernson et Cahen, Paris, Buchet-Chastel, 1958
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