- Huángdì
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L'Empereur Jaune (黄帝 Huáng Dì) est selon la tradition chinoise un souverain civilisateur de la haute antiquité qui aurait règné de -2697 à -2598 av. J.-C.. Il n’est pas mentionné dans les cinq classiques, mais apparait à une place proéminente chez les historiographes de la dynastie Han. Il est le premier des cinq Empereurs dans le Shiji et le troisième des trois Augustes dans la préface du Shujing par Kong Anguo. Il représentait le souverain idéal pour le courant philosophico-politique huanglao qui eut les faveurs de la cour jusque Han Wudi. A cet égard, de nombreux textes politiques ou techniques furent attribués à lui ou ses assistants, dont les Quatre Livres de Huangdi et le Huangdi Neijing. Divinisé, il est resté un dieu et un immortel taoïste.
Il est considéré comme le père de la civilisation chinoise, particulièrement à partir du XIXe siècle où la définition de la nation chinoise fait l’objet de nombreux débats[1].
Sommaire
Biographie
Textes historiques
Sa biographie est basée surtout sur le Shiji et le Livre des Han. Il serait fils de Shaodian (少典) et de Fubao (附宝 / 附寶) du clan Youjiao (有峤) ; il aurait pour nom de famille Gongsun (公孫), Ji (姬) ou Youxiong (有熊) et pour prénom Xuanyuan (轩辕 / 軒轅), également nom de la colline où il habitait. Il serait né dans un lieu nommé Tianshui (天水) après vingt-cinq mois de gestation. Il aurait eu quatre épouses, dix concubines et vingt-cinq fils. Son épouse principale, issue du clan Xiling (西陵), est connue sous le nom de Luozu (螺祖) ou Leizu (累祖 / 纍祖), deux caractères comprenant l'élément soie (mi 糸) dont elle aurait enseigné la fabrication aux femmes. Sa deuxième épouse, Momu (嫫母), aurait été laide mais vertueuse. Huangdi aurait décerné à ses fils douze noms de famille[2]. Il est considéré comme l’ancêtre de ceux qui les portent, ainsi que des souverains mythiques Shaohao, Zhuanxu, Ku, Yao, Shun et des fondateurs des dynasties Xia, Shang et Zhou. Après sa victoire sur Chiyou, il aurait choisi Fenghou (风后 / 風后), Limu (力牧), Changxian (常先) et Dahong (大鸿 / 大鴻) comme ministres. Sa sépulture se trouve au mont Qiao (橋山), qui a été situé au Shaanxi à Huangdiling (tumulus de Huangdi)(黃帝陵) ou au Hebei dans le district de Zhuolu.
Selon le Shiji, lorsqu’il accomplit le sacrifice impérial au mont Tai, deux dragons jaunes apparurent, signifiant son lien avec la terre. Dans la version du groupe des Cinq empereurs où chacun est associé à un orient, Huangdi représente le centre, comme la terre et la couleur jaune.
Tradition religieuse
Selon la tradition religieuse, il serait né le deuxième jour du deuxième mois lunaire ou le troisième jour du troisième mois dans la Gorge de la descente du dragon (降龙峡 / 降龍峽) à la Passe de Juyuan (沮源关 / 沮源關) sur le Plateau de terre jaune (黃土高原) où vivait sa mère, qui l’aurait conçu en apercevant la lumière de l’étoile polaire. Il vivait sur le mont Kunlun d’où quatre fleuves descendaient. Sous le nom de Fenglong, créature à corps de serpent maître du tonnerre et de la pluie, il avait également sa résidence dans le Marais du tonnerre[réf. nécessaire]. Sur la fin de sa vie il fit fondre un tripode, enfourcha un dragon et s’envola vers l’ouest. L’un de ses ministres, voulant le retenir, décocha une flèche au dragon. Blessé, celui-ci dut se poser sur le mont Qiao et c’est pour cela que son tumulus funéraire s’y trouve.
Ancêtre de l’ethnie Han
Dans le Shiji et d’autres sources comme le Livre des monts et des mers (山海经 / 山海經 / Shānhǎijīng), Huangdi est engagé dans des batailles qui représentent les guerres entre différentes ethnies qui occupèrent le Nord de la Chine. Il bat Chiyou, que les Hmongs ou Miaos du Guizhou, Hunan et Hubei revendiquent comme ancêtre, à Zhuolu (涿鹿) (entre Hebei et Liaoning selon les sources anciennes, au Shanxi selon Qian Mu (钱穆 / 錢穆)), où il fixe sa capitale. Chiyou (蚩尤) ayant créé un épais brouillard pour égarer l’armée de l’Empereur Jaune, celle-ci aurait retrouvé son chemin grâce au char-boussole (指南车 / 指南車 / zhǐnánchē), invention de Huangdi.
Il prend la succession d’un autre héros civilisateur présenté aussi comme l'ancêtre des Qiangs, l’Empereur Rouge Chidi (赤帝) ou Yandi (炎帝) (ou le bat à Panquan (阪泉), selon les sources). Yandi et lui sont chefs des Huaxia (华夏 / 華夏) que les Hans d’aujourd’hui considèrent comme leurs ancêtres. Un des termes littéraires désignant les Hans est "descendants de Yandi et Huangdi" (炎黃子孙 / 炎黃子孫 / Yánhuángzǐsūn) ; un autre, "descendants du dragon", fait aussi référence à Huangdi dont l’emblème, fusion des différents animaux totems des tribus vaincues, était un dragon. Certains archéologues associent son époque à la culture de Qijia (齐家 / 齊家) (Gansu et Shaanxi). Plusieurs clans ou ethnies se rattacheront à Huangdi, comme les Ji (姬), fondateurs de la dynastie Zhou. On lui prête encore une victoire contre les Hunzhou (荤粥 / 葷粥), nom d’un des peuples “barbares du Nord” des Han occidentaux.
Chiyou, l'adversaire de Huangdi, semble être devenu un dieu guerrier révéré jusqu’au tout début des Han. Sima Qian mentionne que Liu Bang lui rendit un culte avant une bataille contre Xiang Yu. Outre sa place dans les mythes de certaines ethnies du Sud-Ouest chinois, il est occasionnellement revendiqué comme ancêtre par des Coréens, avec une connotation patriotique d’opposition au nationalisme chinois.
Civilisateur
Huangdi fait partie des héros civilisateurs de l’antiquité, comme Yandi, Fu Xi, Shennong, Yu le Grand etc. Les Chinois attribuent à lui ou à ses ministres l'invention du Feng Shui, de la monnaie, de la métallurgie, du cycle sexagésimal et du calendrier. Il aurait enseigné aux hommes la culture des cinq aliments de base, la fabrication des arcs et des flêches, des bateaux et chars (y compris le char indiquant le sud). Le premier traité connu de médecine, le Neijing suwen, qui date probablement des Han Occidentaux, est présenté comme un dialogue entre Huangdi et son médecin Qibo. Son ministre Linglun (1) aurait inventé les instruments et les notes de musique et Cang Jie, autre ministre, l’écriture. Son épouse Leizu aurait enseigné aux femmes l’élevage des vers à soie.
(1) 伶倫
L'inventeur des Arts Martiaux
Comme Chiyou possédait de meilleurs armes que Huangdi, il décida de développer un ensemble de mouvements offensifs et défensifs qu'il enseigna à son armée. L'art martial de ce temps n'a sûrement plus rien à voir avec les techniques évoluées d'aujourd'hui. Beaucoup considèrent cependant qu'il en est le concepteur, pour avoir pu prendre l'avantage définitif contre Chiyou, puisque ses armées n'avaient pas l'avantage contre lui.
Place dans la philosophie et la religion
Quelle que soit l’origine géographique de Huangdi, il est devenu un personnage important à Qi qui abritait depuis la fin du IVe siècle av. J.-C. un centre intellectuel important (Académie Jixia) ; les souverains Tian de Qi prétendait descendre de lui. Les fangshi le considéraient comme le patron de l’alchimie, de la médecine et des techniques d’immortalité. Il était avec Lao Tseu une des deux figures centrales du courant Huanglao dao, la "Voie (ou Doctrine) de Huangdi et Lao Tseu", théorie politique d’inspiration principalement légiste et taoïste née sous les Royaumes combattants et particulièrement influente au début de la dynastie Han[3]. La bibliographie du Livre des Han mentionne de nombreux ouvrages attribués à Huangdi, traitant de sujets aussi divers que l’art militaire, la philosophie, les techniques de débat, la loi, la divination, dont seul nous est parvenu, le Neijing Suwen sur la médecine ; une partie des textes sur soie découverts en 1973 à Mawangdui pourraient constituer les Quatre Livres de Huangdi .
L’Empereur Jaune a dû être assez tôt divinisé. Dans le Zhuangzi il est dit qu’il devint immortel, dans le chapitre des rites et sacrifices du Shiji on confirme qu’il pratiquait l’ascèse en vue de l’immortalité tout en assumant ses fonctions de souverain. Dans les courants taoïstes il est un maître des pratiques ésotériques et magiques. Les mentions historiques concernent essentiellement le culte officiel à son tumulus funéraire Huangdiling situé dans le Shaanxi. Dès la période des Printemps et des Automnes les ducs Wen et Ling de Qin offrent des cérémonies à l’emplacement de son tumulus. Sous les Han occidentaux, Xuandi lui rendit en personne un culte solennel en -73 ; ce culte était alors réservé à l’empereur ou à ses délégués. L’usurpateur Wang Mang supprima cette restriction, et l’on considère que c’est à partir de son règne que le culte de l'Empereur Jaune se popularisa. En 59, Mingdi ordonna la fondation de temples dans les différentes régions de l’empire. En 770, l’empereur Taizong (599-649) des Tang fit inscrire les cérémonies au temple de Huangdiling dans le registre des cultes impériaux. Zhu Yuanzhang, fondateur des Ming, fit restaurer le temple en 1371. Correlativement à sa mise en avant par les intellectuels Qing comme père de la nation chinoise[1], c’est sous cette dynastie qu’il y eut le plus de cérémonies, 36 sur un total de 70 depuis les Tang. En 1912, à l’avènement de la république, Sun Yat-sen envoya lui aussi une délégation à Huangdiling. Le jour de la fête de Qinming 1939, Mao Zedong envoya Lin Boqu y accomplir les rites. Depuis 2004 une cérémonie publique y a lieu tous les ans[4] ; elle est inscrite depuis 2006 sur la liste du patrimoine immatériel de l'UNESCO[5].
Influence tokharienne
Certains spécialistes comme Serge Papillon pensent que des éléments du mythe de Huangdi rappellent celui du dieu du Tonnerre des Tokhariens, Ylaiñäkte, qui évoque lui-même celui d'autres divinités indo-européennes, telles que le dieu germanique Wotan, le dieu grec Apollon ou le dieu celtique Lug. Ainsi, Huangdi a combattu Chiyou, créature parfois représentée avec un corps de serpent, à un endroit appelé la "Source du talus", comme Apollon a tué le serpent Python qui gardait une source sur le site de Delphes. On a suggéré que Luozu, nom de sa femme, pourrait être une transcription erronée de Leizu (雷祖), Tonnerre-Ancêtre. Le mont Kunlun, situé au sud-ouest de l’actuelle province du Xinjiang, région occupée par les Tokhariens, pouvait être leur montagne sacrée. D’ailleurs, selon certains textes, après son combat avec Chiyou, Huangdi serait parti vers l'Ouest.
Notes et références
- 沈松僑 Shen Sung-chiao 我 以 我 血 薦 軒 轅 --黃 帝 神 話 與 晚 清 的 國 族 建 構 "The Myth of Huang-Ti (Yellow Emperor) and the Construction of Chinese Nationhood in Late Qing" in Taiwan: A Radical Quarterly in Social Studies, 1997/12 p1-77
- Ji 姬, You 酉, Qi 祁, Ji 己, Teng 滕, Zhen 葴, Ren 任, Xun 荀, Xi 僖, Ji 姞, Xuan 宣, Yi 衣
- Isabelle Robinet Taoism Growth of a Religion, Stanford Unversity Press, 1997, p 46-48
- site officiel des cérémonies à Huangdiling
- article (28-6-2006) sur Xinhuanet
Voir aussi
Articles connexes
- Mythologie chinoise
- Sanhuangwudi : les Trois augustes souverains et les Cinq empereurs
- Taoïsme
- Huanglao
- Dragon chinois
Bibliographie
- Ivan P. Kamenarović, La Chine classique, Belles Lettres, coll. « Guide des civilisations », 2002 ;
- Serge Papillon, « Influences tokhariennes sur la mythologie chinoise », Sino-Platonic Papers, May 2004, 136.
Liens externes
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