Hiéroglyphe maya

Hiéroglyphe maya

Écriture maya

Écriture maya

Glyphes mayas
Glyphes mayas

Caractéristiques
Type Logo-syllabique (combinaison de logogrammes et de symboles syllabiques)
Langue(s) Langues mayas
Historique
Époque IIIe siècle av. J.-C.XVIe siècle
Encodage
ISO 15924 Maya
Civilisation maya
Sciences & Tech.
Astronomie
Numération
Calendrier
Architecture
Lettres & Culture
Religion
Écriture
Art
Voir aussi
Mayas
Langues mayas
Sites mayas

L'écriture maya est un système d'écriture qui servait à retranscrire les langues mayas (cet art appartenait aux scribes, qui faisaient partie de la haute société). Cette écriture ne possédait pas d'alphabet. L'écriture maya utilisait soit un glyphe correspondant au mot que l'on voulait écrire, soit, pour représenter le même mot, des glyphes symbolisant une syllabe (une syllabe avait une multitude de façons d'être dessinée : pour un même son, plusieurs choix de dessins étaient donc possibles, laissant aux scribes une grande liberté de composition) ; enfin, ce même mot pouvait être composé à la fois du glyphe « idéographique » et de glyphes syllabiques, pour plus de précision dans la lecture du mot écrit.

Sommaire

Histoire du déchiffrement de l'écriture maya

Diego de Landa

Considérée comme le véhicule de l'idolâtrie par les Espagnols, la plupart des codex mayas finirent brûlés dans des autodafés au XVIe siècle. Le franciscain Diego de Landa fit preuve en la matière d'un zèle particulier. Quelques manuscrits mayas échappèrent à la destruction et furent envoyés en Europe à titre de curiosités. L'humaniste Pierre Martyr y fait allusion. Cette curiosité fut passagère et les manuscrits oubliés. Si l'on considère par ailleurs les avantages pratiques d'une écriture alphabétique[1], il n'est pas étonnant que les Mayas aient rapidement abandonné l'usage de leur écriture pour rédiger par exemple les livres de Chilam Balam en maya à l'époque coloniale.

La seconde moitié du XVIIe siècle vit la naissance de l'archéologie et les débuts d'un intérêt scientifique pour le passé. En 1787, pour satisfaire la curiosité du roi d'Espagne Charles III, une expédition dirigée par le capitaine Antonio del Rio fut envoyée visiter les ruines de Palenque. Le rapport de del Rio fut seulement publié en 1822 sous le titre Description of the Ruins of an Ancient City, accompagné de planches d'illustrations réalisées par un certain Jean Frédéric Waldeck[2]. Ces illustrations étaient hautement fantaisistes - on y retrouve des têtes d'éléphants ![3] - , mais comprenaient néanmoins la première reproduction jamais réalisée de glyphes provenant de monuments mayas de l'Époque classique.

En 1739, la bibliothèque de Dresde fit l'acquisition d'un manuscrit. Il s'agit sans doute de l'un des manuscrits envoyés en Europe par les conquistadors au XVIe siècle. Connu de nos jours sous le nom de « codex de Dresde », il ne commença à susciter l'intérêt qu'à la fin du XVIIIe siècle. L'explorateur Alexandre von Humboldt inclut la reproduction de quelques pages dans son ouvrage Voyage dans la Cordillère. En 1829, un anglais excentrique, Lord Kingsborough, se lança dans une entreprise où il finit par laisser toute sa fortune: la reproduction de tous les manuscrits mexicains précolombiens connus. Le codex de Dresde en faisait partie.

En 1839, l'américain John Lloyd Stephens entreprit d'explorer un certain nombre de cités mayas, parmi lesquelles Palenque et Copan. Il était accompagné par un dessinateur britannique, Frederick Catherwood. Parmi les nombreux dessins extrêmement fidèles réalisés par Catherwood figurent des glyphes mayas, dont le célèbre panneau du temple de la Croix à Palenque. Dans un ouvrage publié en 1841, Stephens fit figurer côte à côte une reproduction des glyphes de la phase supérieure de l'autel Q de Copán et d'une page du codex de Dresde. Sa conclusion était qu'il s'agissait du même type d'écriture et qu'elle était l'œuvre des Mayas.

En 1859, le français Léon de Rosny découvrit un deuxième manuscrit maya oublié dans un recoin de la bibliothèque nationale de Paris. Entre-temps était entré en scène un auteur acteur de l'histoire du déchiffrement de l'écriture maya, Charles Étienne Brasseur de Bourbourg. Cet abbé français, passionné d'antiquités mexicaines, fit un séjour au Mexique. Malgré les théories fantaisistes qu'il échafauda - les livres mayas auraient raconté la disparition de l'Atlantide[4] - il continue à bénéficier d'une grande notoriété à cause des nombreux manuscrits importants qu'il a exhumé. Deux d'entre eux relèvent de l'écriture maya. En 1866, il trouva chez un de ses amis, Don Juan de Tro y Ortolano, un troisième codex maya, qu'il nomma en son honneur. Il avait cependant déjà découvert en 1862 à la bibliothèque de l'Académie Royale de Madrid un des documents les plus importants relatifs à la civilisation maya en général et à l'écriture maya en particulier: la Relación de las cosas de Yucatan (La relation des choses du Yucatan) de Diego de Landa.

Abécédaire de Diego de Landa

Paradoxalement, Landa, qui avait détruit tant de manuscrits mayas, s'intéressait à la culture indigène. Sa Relación contenait un « abécédaire maya ». Landa avait demandé à des informateurs indigènes de dessiner des glyphes correspondant aux lettres de l'alphabet latin et les avait consignées dans son manuscrit. Plein d'enthousiasme, Brasseur de Bourbourg prit les affirmations de Landa pour monnaie comptante et se lança dans une lecture du codex Troano qui tourna au désastre - même l'ordre de lecture des glyphes était erroné - et contribua à discréditer largement pour près d'un siècle toute tentative de déchiffrement phonétique de l'écriture maya. L' « alphabet » de Diego de Landa se révélera pourtant être la pierre de Rosette de l'écriture maya.

Un des obstacles au progrès du déchiffrement était que, hormis les trois codex désormais célèbres, les chercheurs ne disposaient que d'un corpus d'inscriptions sculptées fort maigre. Quelques explorateurs audacieux, Alfred Maudslay et Teobert Maler, s'aventurèrent dans la jungle pour procéder sur place au relevé du plus grand nombre possible d'inscriptions au moyen de diverses techniques, telles que la photographie et le moulage. Le déchiffrement n'avait pourtant fait que peu de progrès: système de points et de barres pour noter les chiffres, glyphes correspondant au noms des jours, directions, couleurs, système du compte long...

Au cours de la première moitié du XXe siècle, le sentiment prévalait parmi les spécialistes que l'écriture maya était idéographique - actuellement on emploierait le terme « logographique » - et qu'hormis les inscriptions calendaires, on n'arriverait jamais à la déchiffrer. Cette conviction était tellement ancrée qu'un savant aussi réputé que Sylvanus Morley ne prenait même plus la peine de relever les inscriptions non calendaires. Le mayaniste le plus éminent de cette époque, le britannique John Eric Thompson, était acquis à cette conception. A partir des inscriptions calendaires, il avait développé une vision de la civilisation maya, selon laquelle une élite de prêtre-astronomes, préoccupés du passage du temps, dirigeaient depuis leurs centres cérémoniels une population de paisibles agriculteurs[5]. Il n'y avait pas de place dans cette conception pour des textes historiques. Deux découvertes vinrent secouer ces certitudes. En 1958, Heinrich Berlin découvrit que certains blocs glyphiques étaient présents en grand nombre dans un site donné, mais rares dans les autres. Il en conclut que ces blocs glyphiques désignaient une entité politique et les baptisa glyphes-emblèmes. En 1959, Tatiana Proskouriakoff, en procédant à un examen systématique de plusieurs séries de stèles de Piedras Negras, associées à un personnage dans une niche - que Thompson considérait comme un prêtre -, découvrit que certains glyphes associés à des dates se répétaient dans chaque série et démontra qu'ils correspondaient à la naissance, l'accession au trône et à la mort d'un souverain.

Entre-temps, en 1952, un linguiste soviétique, Youri Knorosov, avait publié un article séminal intitulé Drevniaia Pis'mennost' Tsentral'noi Ameriki (L'écriture ancienne de l'Amérique centrale)[6]. Conscient que le nombre de glyphes mayas était trop faible pour constituer une écriture purement logographique et trop élevé pour constituer une écriture purement alphabétique, il reprit l' « abécédaire » de Landa en le considérant d'un œil nouveau. La rédaction de l' « abécédaire » reposait sur un quiproquo culturel: Landa avait demandé à ses informateurs indigènes ce qu'ils ne pouvaient lui donner: des lettres. Embarrassés, ceux-ci lui fournirent ce qui, dans leur système d'écriture s'en rapprochait le plus: des syllabes. Knorosov avait compris que le document de Landa était un syllabaire partiel et jeta ainsi les bases de l'épigraphie maya moderne.

Venant en pleine guerre froide de la part d'un linguiste soviétique, les théories de Knorosov furent mal accueillies, d'autant plus qu'elles contenaient effectivement des erreurs de détail. Elles provoquèrent par ailleurs l'hostilité implacable d'Eric Thompson. Jusqu'au décès de ce dernier en 1975, la situation demeura largement bloquée. Une nouvelle génération de mayanistes acquis aux idées de Knorosov, parmi lesquels David Stuart et Linda Schele, reprit le flambeau. Le déchiffrement s'accéléra et actuellement environ 80 % des glyphes mayas ont été déchiffrés.

Structure

Ordre de lecture d'un texte maya
Deux blocs glyphiques en stuc provenant du Temple XVIII de Palenque

L'élément de base de l'écriture maya est un signe que l'on appelle «glyphe». Ces glyphes sont groupés de façon à former des «blocs» d'aspect plus ou moins carré. À l'intérieur du bloc glyphique, les épigraphistes, distinguent plusieurs types de glyphes: pour désigner le glyphe le plus grand, ils parlent de «signe principal», pour les plus petits d'«affixes». Dans le sens des aiguilles d'une montre, on parle de «préfixes» (à gauche du signe principal), de «superfixes» (au dessus), de «postfixes» (à droite) et de «sousfixes» (en dessous). Tous ces éléments ne sont pas nécessairement présents dans un bloc glyphique, qui peut par exemple ne comporter qu'un signe principal. On a jusqu'à présent identifié plus de 800 glyphes différents. Le mayaniste Eric Thompson a été le premier à en établir un catalogue[7]. Chaque signe est désigné conventionnellement par la lettre T suivie d'un nombre.

Groupe de glyphes en L sur le linteau 15 de Yaxchilan

Il existe une grille de lecture des textes: les blocs glyphiques se présentent par groupes de deux colonnes, qu'on lit de gauche à droite et de haut en bas. Il peut arriver qu'une courte inscription se présente sous forme d'une seule colonne ou encore sous forme de L.

Comme l'avait pressenti Youri Knorosov, l'écriture maya est un système mixte, combinant des éléments sémantiques et phonétiques.. Un glyphe maya peut relever d'une des deux catégories suivantes[8] :

    • les logogrammes - qu'on appelait jadis idéogrammes -, qui expriment des mots entiers ou des morphèmes et que les Mayas complétaient souvent par des affixes phonétiques, de façon à lever toute ambiguïté lors de la lecture. Ils constituent la majorité des glyphes
    • les phonogrammes syllabiques. Youri Knorosov a exposé les règles qui président à leur emploi: les mots ou morphèmes mayas sont généralement du type consonne-voyelle-consonne (CVC). Les syllabogrammes sont des signes de type CV. Pour écrire un mot, le scribe employait donc deux syllabogrammes, la voyelle du deuxième n'étant pas prononcée[9].
Exemple de syllabogramme: «ba»

Knorosov a en outre énoncé la règle de «synharmonie» : la voyelle du deuxième syllabogramme (bien que non prononcée) doit correspondre à celle du premier. Donnons comme exemple un des premiers mots déchiffrés par Knorosov: le mot «chien», «tsul» en maya, se compose des syllabogrammes TSU + L(U). Si l'on considère que la langue des inscriptions classiques était du ch'olan[10], dont proviennent le ch'orti et le ch'ol actuels, comme ce dernier compte 5 voyelles et 22 consonnes, on arriverait à un total de 110 syllabogrammes, plus des signes vocaliques. La réalité est quelque peu différente, car, pour de nombreuses syllabes, il existe plusieurs glyphes. Par ailleurs il existe des syllabes pour lesquelles on n'a pas encore découvert de glyphe.

Les Mayas ont exploré un certain nombre de combinaisons des deux types de glyphes, logogrammes et syllabogrammes. L'exemple le plus généralement cité est celui du mot «jaguar», «balam» en maya, dont existent les variantes suivantes: BALAM, ba-BALAM, BALAM-m(a), ba-BALAM-m(a), ba-la-m(a)

Comme nous venons de le voir, un mot peut s'écrire de façon purement logographique, mais peut être et est souvent écrit de manière purement syllabique. A la question de savoir pourquoi les Mayas n'ont pas abandonné les logogrammes plutôt encombrants, la réponse est sans doute qu'ils les investissaient d'une valeur symbolique importante, de la même manière que l'écriture japonaise a obstinément conservé les kanjis lographiques auréolés du prestige de la civilisation chinoise, alors qu'elle dispose de hiraganas et de katakanas syllabiques d'un usage beaucoup plus simple.

Supports

Les Mayas de l'Époque classique et de l'Époque postclassique ont utilisé des matériaux extrèmement variés comme support pour leur textes ou inscriptions, qui ont plus ou moins bien résisté aux ravages du temps ou à la fureur destructice des hommes:

  • pierre : le calcaire est la pierre la plus féquemment employée. Facile à travailler à l'extraction, il se durçit ensuite. À Calakmul, le calcaire employé était de mauvaise qualité, et les inscriptions, victimes de l'érosion, sont devenues pratiquement illisibles.
  • stuc
  • céramique
Linteau 3 du Temple IV de Tikal en bois de sapotillier
  • bois: ce matériau étant extrèmement périssable, il n'en reste que de rarissimes exemplaires, en bois de sapotillier, dont les plus connus sont des linteaux provenant deTikal
  • parois des grottes : les fouilles ont livrés des spécimens d'inscriptions, peintes ou gravées, dans 25 grottes du Yucatán[11]. La plus connue est celle de Naj Tunich.
  • papier: les glyphes étaient peints sur des feuille de papier «amatl» larges d’une vingtaine de centimètres et longues de plusieurs mètres. Le manuscrit était replié en accordéon, chaque pli déterminant une « page » large d’environ 15 centimètres et écrite des deux côtés. Les codex de l'Époque classique ont tous succombés, victimes du climat chaud et humide. Quatre codex de l'Époque postclassique seulement ont été conservés après l'autodafé ordonné par Diego de Landa le 12 juillet 1562 : le Codex de Dresde, le Codex de Madrid, le Codex de Paris et le Codex Grolier.

Notes

  1. Claude-François Baudez, Les Mayas, Les Belles Lettres p. 176
  2. Michael D. Coe, Breaking the Maya Code, Thames& Hudson, p. 74
  3. François Baudez, Les cités perdues des Mayas, Gallimard, p. 70
  4. Claude-François Baudez, Les cités perdues des Mayas, p. 79
  5. David Drew, The Lost Chronicles of the Maya Kings, Phoenix, p. 101
  6. Michael D. Coe, Breaking the Maya Code, Thames & Hudson, p. 145
  7. Robert J. Sharer, The Ancient Maya, p. 134 (6e édition)
  8. Michael D. Coe, Reading the Maya Glyphs, Thames & Hudson, p. 18
  9. Nikolai Grube, Les Mayas. Art et civilisation, Könemanm, p. 122
  10. Nikolai Grube, Les Mayas: art et civilisation, Könemann, p. 126, Robert J. Sharer, The Ancient Maya, 6e éd., p. 130, une affirmation qu'il convient de nuancer quelque peu: Michael D. Coe, L'art maya et sa calligraphie, Éditions de la Martinière, p. 55
  11. Michael D. Coe, L'art maya et sa calligraphie, p. 135

Voir aussi

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