- Hitler = SS
-
Hitler = SS est une série de bande dessinée humoristique de Jean-Marie Gourio (scénario), de Philippe Vuillemin (dessin) et de Gondot (dessin) publiée dans le mensuel Hara-Kiri dans les années 1980, et éditée pour la première fois sous forme d'album aux éditions Epco, à tirage limité. Le recueil fera par la suite l'objet de plusieurs rééditions. Il s'agit d'une évocation de la Seconde Guerre mondiale (et plus particulièrement de la vie dans les camps de concentration et d'extermination nazis) traitée sur le ton de l'absurde, et utilisant volontiers l'humour noir.
Le traitement décalé de ce sujet a suscité en France de vives polémiques (notamment des plaintes d'associations d'anciens déportés), et conduit à l'interdiction de cette bande dessinée, comme dans de nombreux pays européens, posant aux juridictions de ces pays la question des limites à la liberté d'expression.
Sommaire
La situation juridique dans différents pays européens
En France
L'ouvrage fera l'objet de plusieurs procédures judiciaires : trois jugements, dont deux que les auteurs perdront (le premier et le troisième), et un où ils l'emporteront. Vuillemin sera défendu par Thierry Lévy, avocat pénaliste qui plus tard défendra également Jean-Louis Costes au cours de son procès pour racisme et qui deviendra président de l'Observatoire international des prisons de 2000 à 2005. Le 27 février 1989, Gourio et Vuillemin sont condamnés pour cette bande dessinée par un jugement civil à verser un franc symbolique. La bande dessinée est interdite dans sa version journal. La version intégrale (en album) est interdite de vente aux mineurs, et interdite en exposition.
En juin 1989, lors d'un débat entre Vuillemin, Gourio et le dessinateur Gotlib, publié dans le numéro 85 des Cahiers de la BD et traitant de cette bande dessinée, Gotlib apporte son soutien moral et professionnel aux deux auteurs au nom de la liberté de la presse. Il déclare cependant comprendre que le lecteur puisse être choqué par cette bande dessinée (la famille de Gotlib ayant été victime d'une rafle par la gendarmerie en 1942, dont seul lui et sa sœur réchappèrent), et émet des réserves sur la forme trop extrême selon lui de l'ouvrage.
En Espagne
En Espagne, plusieurs procès et recours en justice s'étalèrent du début des années 1990 jusqu'à décembre 1995, et opposèrent Damián Carullá (directeur de la maison d'édition espagnole Makoki qui publiait la bande dessinée) aux associations B'nai B'rith de España et Amical de Mathausen. Les associations considéraient cette bande dessinée comme une atteinte à la dignité des anciens déportés mais également comme une atteinte envers une croyance religieuse (atteinte alors considérée comme un délit en Espagne), le judaïsme, tandis que Damián Carullá considérait qu'il s'agissait d'un ouvrage parodique dont le seul but était de ridiculiser les positions révisionnistes sur l'Holocauste.
La seconde chambre de la Cour constitutionnelle espagnole donna finalement tort à Damián Carullá, le 11 décembre 1995, en refusant sa demande de recours[1]. La Cour basa sa décision sur la jurisprudence (le cas Violeta Friedman-Léon Degrelle, en novembre 1991), tout en considérant que la bande dessinée avait pour "but global [...] [d']humilier ceux qui furent prisonniers des camps d'extermination, pas uniquement mais en grande partie les Juifs". Elle basa également sa décision sur la supposition que le public de ce type d'édition (les bandes dessinées) est un lectorat jeune, peu mature, et donc influençable. La Cour considéra également l'ouvrage comme incitant à la haine et à la violence.
Le contenu
Le titre de l'album est une plaisanterie, reposant sur le fait qu'Hitler était de façon évidente a minima SS, l'expression "SS" pouvant être également une insulte ou un slogan destiné à vilipender quelqu'un en le comparant aux nazis. Ce type d'humour se retrouve tout au long de l'album, les nazis se faisant traiter à répétition de fascistes.
Sur l'édition française en album, un mini roman-photo ouvre la bande dessinée. Il met en scène Vuillemin et Gourio face à des officiers nazis (dont l'un est joué par le Professeur Choron) auxquels la bande dessinée ne plait pas, considérant que «Cette belle armée allemande, vous l'avez trainée dans la boue».
La première bande dessinée, Le train du bonheur, met quant à elle en scène un groupe de personnes que les nazis s'apprêtent à déporter dans un train, mais qui ne se rendent compte de rien («Il n'arrivera jamais ce putain de train» «Si tu veux mon avis, ça commence mal toute cette histoire»). Seul un homosexuel prend conscience de la situation, mais les autres déportés préfèrent ne pas l'écouter, se moquer de son homosexualité, pour finir par le battre à mort. Vuillemin déclarera en 1996[2] que l'idée de cette bande dessinée était venue à lui et à Gourio, lorsqu'à l'occasion d'une commémoration organisée par d'anciens déportés aux alentours de 1983 à Lyon, d'anciens homosexuels déportés s'en étaient vus exclus.
Les différentes éditions
Après sa publication sous forme de série dans le magazine Hara-Kiri entre 1984 et 1987, puis son édition sous forme d'album aux éditions EPCO en 1987, en 1.000 exemplaires, la bande dessinée sera rééditée plusieurs fois :
En France
- aux éditions Himalaya, en 1987 (ISBN 2-8035-0221-6)
- aux éditions Albin Michel dans la collection les beaux albums du Pr Choron, en 1988
- Enfin, la dernière édition en français, parue en 1990 aux éditions Magic Strip (rachetées par les éditions Loempia en 1987) .
L'absence de réédition depuis 1990 a fait de la version française de cet ouvrage une bande dessinée de collection.
En Italie
- aux éditions Topolin
Notes
Catégories :- Série de bande dessinée française
- Bande dessinée humoristique
- Littérature de la Shoah
- Œuvre ayant pour thème le nazisme
- Album de bande dessinée sorti en 1988
Wikimedia Foundation. 2010.