Histoire des Chartreux

Histoire des Chartreux

L'Ordre des Chartreux fut fondé en 1084 dans le massif montagneux de Chartreuse, au-dessus de Grenoble en Dauphiné, par Bruno, écolâtre de Reims, un Allemand originaire de Cologne et six compagnons (Lanuin, Hugues le Chapelain, Étienne et Etienne, ainsi que deux laïcs : André et Guérin) qui fondèrent ensemble la communauté de la Grande Chartreuse, mère et matrice de l'ordre cartusien.

Article principal : Ordre des Chartreux.
Article détaillé : Grande Chartreuse.

En 1090, Bruno fut appelé par Urbain II à Rome. Rapidement, il partit fonder en Calabre un nouvel ermitage, sans lien institutionnel avec la première fondation de Chartreuse. Après sa mort, le 6 octobre 1101, cette seconde fondation s'agrégea rapidement à l'ordre cistercien. Elle ne fut affilié à l'ordre cartusien qu'au XVIe siècle, lorsque les Chartreux s'y installèrent de manière durable.

Sommaire

Évolution institutionnelle

Bruno n'écrivit pas de règle et n'a laissé comme écrit authentique que deux courtes lettres et une profession de foi. Vers 1127 Guigues I, cinquième prieur de la maison de Chartreuse, mit par écrit les Coutumes pratiquées par les moines de la Grande-Chartreuse, à la demande de différentes communautés voisines qui désiraient vivre sur le même mode.

Le premier Chapitre général de l'Ordre, réunissant toutes les maisons, se tint en 1140 sous le priorat de saint Anthelme. Cette date marque la naissance canonique de l'Ordre des Chartreux qui prend désormais place à côté des grandes institutions monastiques du Moyen Âge. Vers la même époque, les moniales de Prébayon en Provence décidèrent d'embrasser la règle de vie des chartreux. » (Statuts actuels I.1) Le rattachement eut lieu vers 1145 et fut le début de la branche féminine de la famille cartusienne.

Les chapitres généraux se réunirent par la suite annuellement. Leurs décisions ou statuts furent rassemblées dans des recueils. Elles avaient force de loi sur l'ensemble des maisons affiliées. Jointes aux Coutumes de Guigues qu'elles avaient pour fonction d'interpréter et d'adapter, elles furent publiées sous forme de collections qui reçurent, au fil des nouvelles éditions augmentées, les noms de « Statuts de Jancelin » (1222), d'« Antiqua Statuta » (1259), de « Nova Statuta » (1368), de « Tertia Compilatio » (1509).

En 1510, furent imprimés pour la première fois en une nouvelle édition unique les Coutumes de Guigues, les « Antiqua » et les « Nova Statuta », la « Tercia Compilatio ». L'ouvrage reçut le nom de « Statuta ». Mais le principe des codifications cumulatives, adopté jusqu'alors, atteignait ses limites. Après plus de dix ans de travail, l'édition de 1582 consacrait une révolution législative qui n'a pas été remise en cause jusqu'à nos jours. Abandonnant le principe des compilations pratiquées jusqu'alors, l'ordre décida de fondre toutes les éditions antérieures en un seul texte synthétique structuré. À partir de ce moment les Coutumes de Guigues disparaissent de la législation cartusienne proprement dite et n'y ont plus été réintégrées, sinon sous forme de citations ou d'extraits choisis.

A la suite du Concile Vatican II, les "Statuts rénovés de l’Ordre cartusien" furent promulgués et approuvés en 1971 et 1973, puis à nouveau refondus pour être mis en conformité avec le code de Droit canonique de 1983. Ils portent désormais le titre de "Statuts de l’Ordre cartusien", approuvés par le Chapitre Général de 1987.

Démographie

Guigues avait limité le nombre des habitants d'une chartreuse à 12 pères et 16 frères. Mais le succès de l'ordre, en particulier aux XIIIe et XIVe siècles, conduisit à multiplier les maisons, puis à dépasser ce nombre. Malgré cela l'ordre cartusien ne s'est jamais développé de manière comparable aux autres ordres monastiques en raison de la sélection naturelle opérée par les conséquences d'une solitude radicale, en particulier l'absence de projet humain proposé à l'horizon des candidats pour soutenir leur entrée dans le désert et leur permettre de s'y enfoncer.

L'ordre a compté à ce jour environ 210 implantations ou fondations différentes depuis 1084. Certaines furent très éphémères, d'autres furent fermées puis réoccupées. Il y a rarement eu plus de cinq maisons de moniales simultanément en activité. L'ordre atteint sa plus grande extension numérique et géographique au XIVe siècle avec près de 150 maisons en activité.

Pour une liste (encore incomplète) recensant les anciennes chartreuses de l'ordre, voir l'article liste de chartreuses. Seule la situation moderne et contemporaine est étudiée ici.

Recul…

Depuis la fin du XIXe siècle, la chartreux subit de plein fouet les violentes secousses socio-culturelles du monde moderne.

Outre la Grande Chartreuse, l’ordre comptait encore au XIXe siècle 92 établissements dont les plus importants étaient ceux de Florence, de Pise et de Pavie, auxquelles s'ajoutaient 5 communautés de moniales, dont 3 en France.

Au cours du XXe siècle, ce sont près de 75 maisons qui furent fermées les unes après les autres. En France, après les coups de boutoir de l'anticléricalisme et de la première guerre mondiale, beaucoup de communautés ne se relevèrent jamais. L'Italie et l'Espagne virent plusieurs maisons fermées à la suite de la seconde guerre mondiale. En 2001, le chapitre général décida la fermeture des chartreuses de Sélignac (France) et Jerez de la Frontera (Espagne).

La sécularisation, l'élévation du niveau d'instruction et du niveau de vie des sociétés occidentales, la crise des vocations, de plus en plus forte en Europe depuis la fin des années 1950, ont achevé sa réduction à la portion congrue, aidée par une spiritualité et un mode de vie qui ne permettaient aucune autre pastorale des vocations que la publication de plaquettes et fascicules sommaires sur la vie cartusienne.

En une cinquantaine d'années, l'ordre a ainsi perdu plus de 50% de ses effectifs, indépendamment de toute sécularisation ou fermeture politique, baisse encore jamais observée, même après la Révolution française.

…et fondations

Il faut attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour que l'ordre franchisse l'Atlantique et sorte des frontières européennes. Tantôt à la demande de la hiérarchie locale (Brésil), tantôt à leur propre initiative, les chartreux ont entrepris plusieurs fondations. La maison fondée aux États-Unis en 1950, a été érigée en maison régulière en 1971 à Arlington (État du Vermont). Avec l'accord du chapitre général, au milieu des années 1980, puis à nouveau dix ans plus tard, le Révérend Père général Dom André Poisson diligenta plusieurs missions de prospection au Brésil, à la demande du président de la Conférence épiscopale, puis en Asie du Sud-Est (Philippine, Corée) et finalement en Argentine. Elles débouchèrent sur la fondation en cours de stabilisation de trois maisons au Brésil (1984), en Argentine (1998) et en Corée du Sud (moine et moniales).

Depuis 2001, la fermeture de la chartreuse de Sélignac a conduit l’ordre à une tentative originale consistant à l’implantation dans les murs du monastère d’une communauté laïque, à même de recevoir des retraitants et de prolonger la présence des fils de saint Bruno dans les murs de l’ancienne maison.

La fondation des sœurs et moines de Bethléem, implantés notamment dans l'ancienne chartreuse de Currière, soutenue par Dom André Poisson, alors prieur de Chartreuse, a été longtemps regardée avec suspicion par certains, chartreux ou non, qui considéraient que la Chartreuse était seule dépositaire du charisme de saint Bruno.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, la crise des vocations fait lentement évoluer un certain discours élitiste. L'admiration romantique de leurs amis de l'extérieur, entretenue par une certaine littérature apologétique[1], autant que par le secret dont les chartreux protègent leur solitude, a contribué à les assimiler - bien malgré eux, mais non sans qu'ils en soient inconsciemment complices - à une sorte d'aristocratie de la vie monastique. Cette mentalité, assez répandue dans les ordres religieux de la période qui a suivi la Révolution française et la Restauration, dont d'autres ordres plus sensibles aux mouvements sociaux-culturels se sont plus rapidement départis, expliquerait en partie la diminution du recrutement de l'ordre et la manière dont il a pu exposer son charisme, non sans contradiction avec son message religieux de simplicité et de pauvreté dans la recherche de Dieu (voir article Ordre des Chartreux : Vie spirituelle)[2].

Dans ce contexte, la diffusion du film Le Grand Silence (film, 2005) pourrait être considérée comme un tournant dans l'entreprise de correction de son image que l'ordre tente depuis les années 1990. Sollicité en vain en 1984, le tournage a finalement été effectué à la demande du nouveau prieur de la Grande Chartreuse, en 1999. Il montre quelques aspects de la vie des religieux. Sans toujours y parvenir, le film entend susciter un nouveau regard sur une forme de vie monastique parmi les plus originales mais aussi les plus étrangères aux mœurs et aux mentalités modernes, jusques et y compris au sein du catholicisme.

Notes et références de l'article

  1. Par exemple, Pierre van der Meer de Walcheren, Le Paradis blanc,Paris, 1943: « un livre à brûler » disent aujourd'hui certains Chartreux (communication orale).
  2. M. Morard, « Les chartreux ‘maîtres d’histoire’ : une page de l’historiographie cartusienne du XXe siècle (Dom Maurice Laporte, et alii) », Revue Mabillon, n. s., t. 17 (= t. 78), 2006, p. 209-247.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Histoire des Chartreux de Wikipédia en français (auteurs)

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