Hierarchie des normes en droit francais

Hierarchie des normes en droit francais

Hiérarchie des normes en droit français

La hiérarchie des normes est une vision synthétique du droit mise au point par Hans Kelsen. Il s'agit d'une vision hiérarchique des normes juridiques. Cette hiérarchie ne prend tout son sens que si son respect est contrôlé par un juge. Il existe deux types de contrôle : par voie d'exception ou par voie d'action.

  • Le « contrôle par voie d'exception » se fait par les juges ordinaires. La question de l'inconstitutionnalité d'une norme sera soulevée lors d'un litige précis, et étudiée à cette occasion, et à cette occasion uniquement. Dans ce cas de figure, si le juge estime que la norme contrôlée est inconstitutionnelle, il ne l'appliquera pas. Cependant elle ne sera pas annulée et la jurisprudence ainsi créée pourrait ne pas être suivie par d'autres Cours, à moins qu'elle n'émane de la juridiction suprême. Ce type de contrôle est utilisé par exemple aux États-Unis.
  • Le « contrôle par voie d'action » fait intervenir un organe spécifique qui, en déclarant anticonstitutionnelle la norme en question, empêche son entrée en vigueur. C'est le type de contrôle utilisé en France, avec la création en 1958 du Conseil constitutionnel qui peut censurer la loi soumise soit totalement, soit partiellement, soit encore sous des réserves d'interprétations qu'il aura émises. Cette censure n'est possible qu'à la condition que la loi n'ait pas encore été promulguée. Avant la création du Conseil constitutionnel, la constitution n'était la norme suprême que de façon théorique, puisque le juge administratif ne pouvait se permettre de juger de la constitutionnalité d'une loi (arrêt Arrighi de 1936 du Conseil d'État qui fonde la théorie de la « loi-écran »).

La révision constitutionnelle intervenue en juillet 2008 permet désormais un contrôle par voie de question préjudicielle, filtré par les Cours supérieures des ordres administratif et judiciaire, respectivement Conseil d'État et Cour de Cassation. Il n'est pas question ici, d'un contrôle par voie d'exception mais bien par voie préjudicielle.

Outre le fait que le Conseil constitutionnel ne peut écarter une loi qu'avant sa promulgation, le juge constitutionnel se refuse aujourd'hui, de fait, à contrôler la constitutionnalité d'une loi adoptée par référendum (loi référendaire), invoquant le respect de la souveraineté populaire.

Enfin, le contrôle par voie d'action est le seul possible de la constitutionnalité d'une loi, la jurisprudence Arrighi n'ayant jamais fait l'objet d'un revirement. Enfin, il a fallu attendre jusqu'en 1989 (CE, 1989, Arrêt Nicolo) pour que le Conseil d'État (CE) accepte la suprématie absolue des normes européennes sur les lois postérieures (tandis que la Cour de Cassation l'acceptait depuis l'arrêt Jacques Vabre du 24 mai 1975).

Sommaire

Description

La notion de hiérarchie des normes a d'abord été formulée par le théoricien du droit Hans Kelsen (1881-1973), auteur de la Théorie pure du droit, fondateur du positivisme juridique, qui tentait de fonder le droit sans faire appel à la morale et au jusnaturalisme, ceci afin d'élaborer une science véritable du droit (donc axiologiquement neutre, c'est-à-dire indépendante des présupposés subjectifs et des préjugés moraux de chacun). Selon Kelsen, toute norme juridique reçoit sa validité de sa conformité à une norme supérieure, formant ainsi un ordre hiérarchisé. Plus elles sont importantes, moins les normes sont nombreuses: la superposition des normes (circulaires, règlements, lois, Constitution) acquiert ainsi une forme pyramidale, ce qui explique pourquoi cette théorie est appelée pyramide des normes.

Cet ordre est dit « statique » car les normes inférieures doivent respecter les normes supérieures, mais il est également « dynamique » car une norme peut être modifiée en suivant les règles édictées par la norme qui lui est supérieure. La norme placée au sommet de la pyramide étant, dans de nombreux systèmes juridiques, la Constitution. Puisque la Constitution elle-même ne pouvait recevoir son caractère obligatoire que d'une norme supérieure, et qu'une telle norme n'existait pas, Kelsen faisait intervenir le concept de « norme fondamentale », qui consiste principalement en un présupposé méthodologique nécessaire afin de donner un caractère cohérent à la théorie du droit.

Cette théorie de la hiérarchie des normes ne peut s'appliquer que pour les Constitutions dites "rigides". Dans un État à Constitution "souple", la Constitution est généralement élaborée, votée, et révisable par l'organe législatif habituel, de la même façon qu'une loi ordinaire. De ce fait, ces deux normes ont une valeur juridique identique et la loi n'est donc pas inférieure à la Constitution. A l'inverse, dans un État à constitution "rigide", la Constitution est élaborée et/ou votée par un organe spécialisé (gouvernement, groupe de travail), voire adoptée par référendum. Sa procédure de révision fait également intervenir un organe spécial et/ou le peuple, qui dispose du pouvoir constituant originaire. C'est pourquoi elle a une force juridique particulière, supérieure aux autres normes, qui devront dès lors la respecter.

Historique

Avant la constitution de 1958, malgré la supériorité théorique de la constitution et des traités internationaux sur la loi, le législateur demeurait souverain. Jusque là, aucune juridiction n'était en mesure de rendre tangible la valeur supra-législative de ces deux types de normes. Mais depuis 1958, la supériorité effective de la constitution sur la loi est assurée par le Conseil constitutionnel qui est chargé de vérifier le respect, par le législateur, des règles posées dans la norme fondamentale.

Schéma en droit français

  • Le bloc de conventionnalité est constitué du droit international c'est-à-dire des traités et conventions internationales à l'exclusion de la coutume (CE, 6 juin 1997, Aquarone), mais aussi (pour la France comme pour tous les États membres de l'Union Européenne) du droit communautaire, c'est-à-dire les traités et le droit dérivé, directives et règlements.

Il existe en France un projet de dématérialisation de la production normative, mais son périmètre défini en 2005 ne concerne que les lois et décrets, sans inclure le circuit des directives européennes, ce qui en limite la portée.

Voir : Projet Solon

Hiérarchie des normes et droit européen

Un important débat doctrinal a lieu actuellement quant à la place dans la hiérarchie des normes du droit communautaire en droit français.

En effet, une décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004 Loi pour la confiance dans l'économie numérique a estimé que « la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ».

Toute la question est de savoir ce qu'on appelle une disposition expresse. Le conseil ne vise pas le bloc de constitutionnalité, et ainsi, il se pourrait que le droit européen ait une valeur supérieure à la constitution. Quoi qu'il en soit, cette place dans la hiérarchie des normes soulève d'importants débats, qui ne pourront être tranchés qu'au regard de la jurisprudence ultérieure ainsi que de l'évolution future du droit européen.

Actuellement, la jurisprudence accorde une valeur supérieure de la constitution sur le droit international dans l'ordre interne français : l'arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 30 octobre 1998 Sarran, Levacher et autres[1] a par ailleurs rappelé ce principe : « la suprématie conférée par l'article 55 aux engagements internationaux ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle ».

Remarques

  • Les normes constitutionnelles sont au sommet de la pyramide des normes, mais paradoxalement en constituent la base. En effet une règle de droit doit être soumise à la règle hiérarchiquement supérieure lors de son entrée en vigueur. De cette façon chaque organe de pouvoir est soumis à la norme supérieure aux normes qu'il peut créer. Ainsi l'organe détenant le pouvoir législatif dans son œuvre de création de lois est soumis à la constitution, le pouvoir administratif à la loi, puisque les circulaires sont en dessous de la loi dans la hiérarchie des normes. Cette situation est appelée État de droit, qui signifie que toute personne physique ou morale, publique ou privée, est soumise à la loi, à commencer par l'État lui-même.
  • La primauté des normes constitutionnelles, même lorsqu'elle est reconnue et affirmée, est souvent mise en œuvre de manière limitée. Certains systèmes juridiques organisent un contrôle de constitutionnalité pouvant être appliqué par voie d'action avant la fin de la procédure législative, mais ne prévoient aucun moyen (ni par voie d'action, ni par voie d'exception) de s'opposer à l'application d'une loi inconstitutionnelle dès lors que cette loi a été promulguée. C'est notamment le cas en France, où le contrôle de constitutionnalité peut être exercé par le Conseil Constitutionnel avant promulgation d'une loi, mais où il n'est pas possible, pour le justiciable, de se fonder sur la Constitution (ou sur un élément quelconque du "bloc constitutionnel") pour s'opposer à l'application d'une loi. Cette possibilité est considérée par certains comme le seul moyen de garantir effectivement le respect des principes fondamentaux, et par d'autres comme un renforcement excessif du pouvoir du juge au détriment de celui du législateur, et comme un risque de contestation permanente de la loi.
  • La jurisprudence ayant une très grande valeur aux États-Unis, les juges (sauf ceux de la Cour suprême) y sont en conséquence logiquement élus par le peuple, suivant les États ou les juridictions.
  • Dès lors que la Constitution est jugée supérieure au droit international, des tensions internationales sont à prévoir. Ce fut le cas pour Cuba, qui déclara ne plus accepter de payer des droits d'auteur au motif que les fruits de l'esprit devaient être la propriété de tous sans restriction.
  • La suprématie des traités ou accords internationaux sur la loi, même postérieure, a été affirmée dans l'arrèt Nicolo (CE, Ass., 20 oct 1989), abandonnant ainsi la théorie de la "loi-écran", selon laquelle les dispositions d'une loi postérieure au traité l'emportaient sur les stipulations de ce dernier (CE, 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France). Le Conseil d'État a ensuite étendu la jurisprudence Nicolo au droit communautaire dérivé: supériorité sur les lois des réglements communautaires (CE, 24 septembre 1990, Boisdet), puis des directives communautaires (CE, Ass. 28 février 1992, S.A. Rothmans International France et S.A. Philip Morris France). Toutefois, la supériorité, en droit interne, de la Constitution sur les traités ou accords internationaux (et donc sa place suprême dans la hiérarchie des normes) a été réaffirmée (CE, Ass., 30 octobre 1998, Sarran et Levacher). La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes (CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal) posait cependant le principe de la primauté des normes communautaires, originelles ou dérivées, sur toutes les normes de droit interne, donc même les constitutions nationales: pour l'heure, ce n'est pas le cas de la Constitution française.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Le droit international, le droit européen, et la hiérarchie des normes. Terry Olson, Paul Cassia. Droit et justice. PUF. (ISBN 2-13055-494-6).
  • Une possible histoire de la norme: les normativités émergentes de la mondialisation, Karim Benyekhlef, Mathieu Amouroux, Antonia Pereira de Sousa, Karim Seffar; Les Éditions Themis. (ISBN 978-2-89400-249-0)

Notes et références

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