- Haute loure
-
Loure (instrument)
Pour les articles homonymes, voir Loure.Sommaire
La loure était un instrument à vent normand de la famille des cornemuses.
On trouve également le vocable de haute loure (ou Halttlurr, « haute/grande loure » en ancien normand, du norrois Lúðr : « trompe/corne »), qui était une grande cornemuse à long bourdon et chalumeau, qui la différenciait de la simple Loure (tout comme en Bretagne il y a une différence entre le Binioù kozh (litt. : « vieux biniou ») et le Binioù bras (« grand biniou »).
La loure fut un des instruments populaires de Normandie, du XVIIe au XVIIIe siècle [1], mais elle est disparue de nos jours.
Étymologie
Le mot normand Lurr, franco-patoisé loure viendrait du norrois luðr, lura. Cet instrument ayant notamment été fabriqué et joué en Normandie, d'aucuns tablent sur l'influence scandinave dans cette province pour lui accorder cette origine. Au Moyen Âge (XIIIe siècle), l'appellation loure était cependant générale en France[2]. Toutefois, À partir du XVIIIe siècle et jusqu'au début du XXe siècle, loure ne désigna plus qu'une variété de cornemuse populaire en Normandie et aux confins de l'Ille-et-Vilaine, les sonneurs de Normandie employant aussi une haute loure.
Selon le spécialiste en dialectologie romane Albert Dauzat, faire venir le nom de la loure du latin Lûra ("sac de cuir/sacoche") est une absurdité, le terme ne signifiant pas "sac à vent" et n'en ayant aucunement l'idée ni le sens, c'est seulement un rapprochement idiomatique, « qui ne convient ni par la forme ni par le sens », et il lui préfère le norrois Lúðr: "trompe/corne" (parente du Carnix celte), trompe dont se servaient les anciens scandinaves, auquel on peut comparer la forme du bourdon du sonneur de la tourelle de l'Hôtel de Bourtherould de Rouen, sculpté vers 1502 (détruit en 1944 par les bombardements américains). Le rapprochement et l'évolution sémantique de "trompe" à "cornemuse", du vieux-français corn: "corne" et muse: "musette" est semblable en breton, où le vieux-celtique benna: "corne", a donné le moyen-breton benny' et le breton moderne biniou, et même le nom Bousine (petite cornemuse sans bourdon, du Sud de la Normandie, d'implantation saxonne), que les linguistes latinophiles font venir du latin Bûcina: "trompette", pourrait tout autant et même bien mieux provenir de l'urnordisk (ancien nordique) Bųss: "conduit/tuyau" (avec l'article postposé -in/inn, devenu Het en néerlandais), hollandais Buis et flamand Buyse.
Histoire
Jusqu'au XVe siècle, la loure est considérée comme un instrument noble au plus, et bourgeois au moins, jusqu'au retour définitif de la Normandie continentale à la couronne de France en 1450. Au XVIe siècle, la loure est l’apanage des paysans et des bergers.
Son recul semble être fonction de l'acculturation due à la francisation, qui imposa des instruments considérés comme plus « modernes », plus « franco-parisiens », tel le violon.
En Normandie, où la loure disparut au milieu du XIXe siècle, époque qui vit la parution les premiers dictionnaires du patois normand (de Jean-Eugène Décorde, A. G. de Fresnay, C. Maze, Louis-François Vasnier, Eugène Robin, Edelestand et A. Duméril, Édouard Le Héricher), le mot loure et certains de ses nombreux diminutifs, ne prirent nulle part le sens de récipient d’air, vessie ou sac…, mais désigne un tuyau sonore et/ou d’instrument de musique genre "flûte" et/ou "flageolet". Ce qui confirme l'affirmation d'Albert Dauzat.
La particularité de cet instrument est qu'il n'est pas parvenu jusqu'à nous. Ce sont des textes, quelques rares descriptions qui nous en parlent. Les passionnés de cornemuse n'ont rien trouvé de tangible. On l'a rapprochée de la zampogna italienne, ou encore de la sackpipa suédoise.
Le mystère reste entier, à l'exception éventuellement de l'apport iconographique qui la représente, notamment dans les lettrines enluminées des manuscrits médiévaux, mais surtout de la sculpture : parmi ces derniers exemples, on peut signaler le joueur de loure sur un pilier de l'abbatiale de Cerisy-la-Forêt (XIIIe siècle), l'ange joueur sur l'église Notre-Dame de Carentan (XVe siècle), ou encore dans la chapelle du manoir d'Hermerel à Gefosse-Fontenay pour cette même (XVe siècle), avec bourdon d'épaule à raccord médian. De même sur l'ancien autel polychrome de la cathédrale de Coutances (début XVIe siècle) aujourd'hui conservé dans l'abbatiale de Saint-Sauveur-le-Vicomte, dans le Cotentin. Des représentations semblables se retrouvent à plusieurs endroits de l'église Notre-Dame de Caudebec (début XVIe siècle), dans le pays de Caux.
Facture
Composée comme toutes les cornemuses d'un réservoir aussi appelé la « pouque » (littéralement « sac » en normand septentrional comme le cotentinais ou le cauchois et signifiant "pochon/sac" ou "sac de toile" [3].), la loure était alimentée en air par un tuyau d'insufflation assez court aussi appelé la « porte-vent ». Le joueur jouait des deux mains sur un chalumeau avec ou sans pavillon, c'est-à-dire sans extrémité conique, tel les lures scandinaves. Dans les réprésentations normandes, on peut la trouver avec un hautbois à la place du chalumeau, et parfois avec un bourdon d'épaule.
Jeu
Sa musique rythmée, qu'on disait « lourée », a donné son nom à une danse[4], la loure, danse traditionnelle normande, devenue une danse française de cour au XVIIIème siècle, proche de la bourrée auvergnate.
Voir aussi
Liens externes
Notes et références
- ↑ Le journal d'un bourgeois de Caen, 1652/1733, édité en 1848.
- ↑ M. Marie du Mesnil, dans ses Chroniques Neustriennes, s'exprime ainsi: "L'idiome des Trouvères à prédominé sur celui des Troubadours du Midi, dans la formation de la langue française. Celle-ci n'est autre chose que la langue des Trouvères normands, corrigée par Marot, adoucie épurée par Malherbe, ennoblie par Corneille et perfectionnée par le génie de Racine..."
- ↑ Pouque serait lui même issu du norrois poki : "sac"
- ↑ En dialecte, lourer signifie également « pleurer en une longue plainte », terme réservé surtout aux longs pleurs des enfants. Le normand Loure est aussi à l'origine de nombreux mots dialectaux de cette région.
- Portail des musiques du monde
- Portail de la Normandie
Catégories : Cornemuse | Instrument à vent | Instrument de la musique française
Wikimedia Foundation. 2010.