Général Grossin

Général Grossin

Paul Grossin

Paul Grossin, le 1er janvier 1901 à Oran, décédé le 24 janvier 1990 à Paris, était un officier de l'armée française, général d'armée. Il dirigea le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) de 1957 à 1962.

Le général d'armée Paul Grossin

Sommaire

Enfance et débuts dans lArmée

Paul Grossin naît à Oran le 1er janvier 1901. Au gré des affectations de son père, officier d'infanterie, il passe sa jeunesse à Oran dabord, puisaprès un bref séjour de 2 ans en métropole à Auxerreà Casablanca ensuite. Après la guerre, il monte à Paris poursuivre sa scolarité au lycée Chaptal, il passe un bac ès sciences. Il fait alors son service militaire pendant 2 ans au Maroc dans le Génie, puis se rengage pour 2 années supplémentaires avant de réussir en 1925 le concours d'entrée de l'Ecole militaire du Génie, à Versailles.

Il en sort comme officier dactive en 1927 et est affecté quelques années dans les troupes doccupation en Allemagne, avant de retrouver le Maroc en 1930 pour une affectation dans les confins algéro-marocains. Capitaine en 1932, il est ensuite de retour en métropole, à Versailles puis à Paris. Il est nommé chef de bataillon en 1939, juste avant le début de la guerre.

Seconde guerre mondiale

Pendant la drôle de guerre, de septembre 1939 à mai 1940, le commandant Grossin est affecté à l'état-major de la Ve Armée qui siège en Alsace, à Wangenbourg. Le chef détat major est le général de Lattre, que Grossin apprécie, et le commandant des chars un certain colonel de GaulleLes deux hommes font connaissance, car Grossin fournit à de Gaulle le carburant dont ce dernier a besoin pour les entraînements de ses chars. En mai 1940, la déferlante allemande est fulgurante, mais la Ve Armée sillustre par quelques faits darmes, notamment dans les combats menés par la 4e division cuirassée de réserve, commandée par de Gaulle, comme celui de Montcornet pendant quelques jours les panzers de Guderian seront tenus en échec par les chars français.

Grossin est fait prisonnier fin juin 1940 dans les Vosges. En août de la même année, il parvient à sévader dAllemagne, et rejoint Alger il intègre en novembre le 19e régiment de Génie, de lArmée dAfrique, à Hussein-Dey. Le 14 janvier 1941, il épouse Hélène Rieffel, fonctionnaire au ministère de lagriculture. Dès son retour, il participe avec sa femme à la création en Algérie du mouvement de résistance Combat, avec le professeur René Capitant, futur garde des sceaux de De Gaulle. Cet activisme lui vaut dêtre rayé des cadres de larmée par le gouvernement de Vichy en décembre 1941. Au sein de la résistance, il prépare alors le débarquement allié en Algérie. Le 8 novembre 1942, les alliés sont à Alger et neutralisentavec lappui des résistants français, dont les membres du réseau Combatles forces armées vichystes commandées par lamiral Darlan et le général Juin, qui finissent dailleurs par se rallier. Grossin intègre alors les Forces françaises libres (1e DFL) en Afrique du Nord, et y est nommé lieutenant-colonel. Avec de Lattre, qui a rejoint Alger en 1943, les ex-FFL vont préparer le débarquement de Provence en août 1944, et la campagne de France jusquà la victoire.

Cercles du pouvoir

Entre-temps, Grossinqui a été nommé colonelest rentré en métropole en septembre 1944. Il y est successivement en 1945-1946 chef adjoint du cabinet militaire du ministre de la Guerre, chef du cabinet militaire du général de Gaulle, alors président du Gouvernement provisoire de la République française (cest lépoque à laquelle il est nommé général de brigade), commandant militaire du palais de lAssemblée nationale puis chef du cabinet militaire du sous-secrétaire dEtat à la Guerre. Cest aussi à ce moment quil sinscrit au parti socialiste (SFIO), ce dont il ne fait pas mystère, pas plus que de son appartenance à la franc-maçonnerie (il est adhérent au Grand Orient de France). Ces réseaux nont sans doute pas peu joué quand en janvier 1947, le président Vincent Auriol, fraîchement élu, lappelle comme secrétaire général militaire de lElysée, il va rester pendant toute la durée du septennat.

A ce poste de confiance, Grossin est aux premières loges pour tout ce qui touche aux questions militaires : il aura notamment à gérer la question du réarmement français après la guerre, et surtout la guerre dIndochine (1946-1954).

Après le départ dAuriol, il passe quelque temps en 1954 comme inspecteur général adjoint du Génie, avant dêtre nommé en 1955 commandant de la IXe région militaire à Marseille. Il représente la France au mariage du prince Rainier de Monaco et de Grace Kelly, le 19 avril 1956en compagnie de François Mitterrand, ministre dEtat et garde des sceaux. Mais il sennuie à ce poste, aussi est-il parallèlement chargé de mission auprès du gouvernement de Guy Mollet, alors président du Conseil, pour des sujets relatifs à lactualité militaire, comme la guerre dAlgérie, commencée depuis novembre 1954, ou encore la crise du canal de Suez en octobre 1956, qui déconsidère durablement la France et le Royaume-Uni obligés de céder à la pression américaine.

Patron des services secrets

Alors qu'il a atteint le sommet de la hiérarchie militaire avec sa nomination comme général d'armée en décembre 1956, cest en septembre 1957 que le président du Conseil, Maurice Bourgès-Maunoury, le nomme directeur général du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), autrement dit les services secrets français.

A ce poste, le général Grossin va être unanimement reconnu comme un grand patron, et respecté par tous, ses collaborateurs et ses pairs (Allen Dulles, directeur de la CIA, lappréciait notamment beaucoup). Serviteur de lEtat avant tout, son habileté politique est grande, servie par son expérience à lElysée et sa connaissance des réseaux dinfluence, socialistes et francs-maçons. Energique et dune humeur toujours égale, cest un personnage volontiers truculent et rabelaisien, qui marque tout ceux qui lapprochent. Son premier travail va consister à réorganiser les services pour les recentrer sous la dépendance de la seule présidence du Conseiltâche difficile en cette période trouble de la fin de la IVe République.

En mai 1958, linsurrection à Alger provoque le retour au pouvoir du général de Gaulle, dabord comme président du Conseil, puis comme premier président de la Ve République. Le SDECE garde sa neutralité et sadapte à lalternance, peut être facilitée par le fait que de Gaulle et Grossin se connaissent depuis 1939. De Gaulle va dailleurs très vite sintéresser aux services secrets et va souhaiter les voir plus puissants pour mieux les utiliser dans sa politique extérieure, mais aussi intérieure. Michel Debré, premier ministre à partir de janvier 1959, va utiliser son conseiller en charge des questions de sécurité, Constantin Melnik, pour assurer linterface avec Grossin et ses services. Pendant 3 ans, les sujets de travail vont être nombreux. On peut particulièrement retenir les suivants.

La réorganisation du SDECE se poursuit, que ce soit par lattention particulière portée sur le recrutement et la formation (Grossin échouera néanmoins dans son souhait de création dune école de renseignement), dans la remilitarisation des services qui comportent trop de civils (sur environ 1700 agents, la proportion de civils sinversera, passant de 60% à 40%), ou encore dans la coopération avec des cadres civils ou des hauts fonctionnaires, ou enfin avec la clarification des différentes entités des services, et de leurs rôles : service de renseignement (SR), contre-espionnage (CE) et service action (SA) avec le 11e Bataillon de parachutistes de choc (le fameux 11ème Choc !).

La guerre froide bat son plein et laffrontement entre les deux blocs se durcit. La lutte anti-communiste passe aussi par le soutien de lEglise du silence dans les pays de lEst (Pologne notamment) auquel le SDECE va se trouver mêlé. A cette occasion et en contrepartie, la France va utiliser les réseaux dinfluence du Vatican, particulièrement à lONU, pour laider dans sa politique de décolonisation progressive ou encore dans son rapprochement avec lAllemagne, qui va triompher dans la solennelle réconciliation entre de Gaulle et Adenauer. Le SDECE utilise les services de Jean Violet, avocat d'affaires, ainsi que ceux du père Dubois, dominicain, tous deux très introduits au Vatican et proches du cardinal Eugène Tisserant. Le général Grossin est membre dune association confidentielle, Sint unum, à laquelle adhère son homologue allemand, le général Reinhard Gehlen. Tous ces services rendus vaudront dailleurs à Grossin dêtre décoré par le pape Jean-Paul II en personne au début de son pontificat.

La décolonisation occupe aussi beaucoup les services secrets. Que ce soit en Guinée Ahmed Sékou Touré se positionne comme le leader de lindépendance africaine et le général Grossin simplique personnellement dans une opération de déstabilisation financière du jeune pays en linondant de fausse monnaie, ou au Cameroun le SDECE fait assassiner le chef des rebelles hostiles à linfluence de lancien colonisateur, Félix-Roland Moumié. Dans une quinzaine de pays africains, des postes de liaison et de renseignement sont créés, qui contribueront puissamment au maintien des liens privilégiés avec la France. Le SDECE y joue un rôle de premier plan et chaque semaine, le général Grossin fait le point avec Jacques Foccart, éminence grise de lElysée, en charge des affaires africaines.

Guerre dAlgérie

Mais le principal sujet de préoccupation va être la guerre dAlgérie. Porté au pouvoir par la crise algérienne, de Gaulle va peu à peu mettre en œuvre sa politique dindépendance, non sans mal et sans drame. Il faut dabord poursuivre la lutte contre le FLN algérien, en Algérie comme en métropole. Le trafic darmes qui alimente le FLN est particulièrement visé, et les porteurs de valise sont traquéset parfois éliminés physiquement ! Pour couvrir ces opérations « homos » (cest-à-dire homicides), une organisation terroriste fictive est créée par le SDECE, la « Main rouge », qui revendique les attentats perpétrés, y compris à létranger (Allemagne, Suisse et Belgique notamment). Le général Grossin sopposera cependant toujours à tuer des citoyens français : cest ainsi quil aurait refusé déliminer lavocat Jacques Vergèsactiviste pro FLN que le pouvoir aurait voulu voir disparaître.

Les intentions de De Gaulle se précisant, lOAS fait son apparition à partir de 1961. Cest aussi lannée du putsch des généraux en Algérie : Grossin et le SDECE fournissent au gouvernement les informations montrant que la rébellion est insuffisamment préparée et qui mettent en exergue la faiblesse des moyens dont disposent les putschistes (dont les communications sont interceptées et retranscrites). La lutte contre lOAS va en revanche être beaucoup plus mollement soutenue par Grossin, qui compte beaucoup de connaissances parmi les officiers ayant basculé dans lillégalité. Bien que les faits soient controversés et difficiles à cerner, il semble quune aide officieuse et discrète ait été apportée à certains soldats perdus de lOAS, comme par exemple le colonel Antoine Argoud que le SDECE aurait aidé à quitter lAlgérie après le putsch davril. A linverse, le SDECE aurait lutté contre les barbouzes de De Gaulle, de Pierre Lemarchand et de Roger Frey (ministre de lIntérieur: alors quune perquisition était menée par la PJ au siège des services secretsune première dans leur histoire ! – pour rechercher certains documents qui auraient pu compromettre le SDECE dans son rôle, le général Grossin y assista en grand uniforme pour montrer sa réprobation face à cet acte contraire à toute tradition.

Retraite

En janvier 1962, le général Grossin, atteint par la limite dâge de son grade, est débarqué de son poste, contre lavis de Debré et de Melnik, qui se retrouvent un peu plus isolés face au problème algérien (le gouvernement Debré ne se prolongera dailleurs que de quelques mois, jusquen avril). De Gaulle avait besoin dhommes surs pour terminer ce quil avait commencé (les accords dÉvian seront signés en mars, et lindépendance algérienne proclamée en juillet: la direction du SDECE est confiée au général Paul Jacquier, un proche de Foccart.

Grand commis de lEtat, le général Grossin se voit confier des mandats de président ou dadministrateur de diverses sociétés publiques, principalement dans le secteur des travaux publics, sans doute en raison de sa formation initiale dofficier du Génie. Parmi ces mandats, il faut relever la présidence de lautoroute EsterelCôte dAzur (1963-1974), et les postes dadministrateur de Scétauroute (bureau détudes de génie civil) et du fonds dinvestissement Sequana. Un de ses derniers rôles est sans doute celui dadministrateur de la société IOMIC, liée au scandale des « avions renifleurs » sous le septennat de Giscard dEstaing en 1976-1977 et auquel était lié Me Violet

Retiré à Neuilly/Seine, le général Grossin décède le 24 janvier 1990, âgé de 89 ans, alors quil était hospitalisé à lHôtel-Dieu de Paris. Ses obsèques seront célébrées en grande pompe aux Invalides, au cours dune cérémonie religieuse à laquelle participeront le ministre, le grand chancelier de la Légion dhonneur, le gouverneur militaire de Paris et de nombreux autres officiers généraux.

Le général Grossin était grand-croix de la Légion dhonneur et médaillé de la Résistance. Il était également officier de nombreux ordres étrangers.


Sources

  • Roger FALIGOT, Pascal KROP. La piscine. Les services secrets français, 1944-1984. Seuil, Paris, 1985.
  • Constantin MELNIK. Un espion dans le siècle. La diagonale du double. Plon, Paris, 1994.
  • Roger FALIGOT, Jean GUISNEL. Histoire secrète de la Ve République. La Découverte, Paris, 2006.
  • Etat des services du général darmée Paul Grossin. Service historique de la Défense (Vincennes).
  • Rubrique nécrologique du 27 janvier 1990. Le Monde.
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