Gué

Gué
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Un gué carrossable à Mézilles, France.
Soldats japonais traversant à gué le fleuve Yalou lors de la guerre russo-japonaise. Les gués ont été et sont toujours des points militaires stratégiques.
Le concept de gué, utilisé dans un aménagement de cours d'eau (Shukugawa, à Nishinomiya, Préfecture d'Hyogo, Japon).
Même des véhicules relativement amphibies doivent traverser à gué les rivières à fort courant.

Un gué est un endroit où l'on peut traverser un cours d'eau à pied, à dos d'animal ou en véhicule sans s'embourber ni être emporté par le courant.

Sommaire

Archéologie

Dans la mythologie celtique, le gué avait une grande importance comme lieu de passage ou de limite, une déesse particulière Ritona lui était consacré, la coutume voulait que les duels entre héros ou guerriers s'y déroulassent. Ainsi l'on a trouvé de nombreuses armes dans les anciens gués en pays Celtes. D'ailleurs de nombreux objets de bronze tels que haches, pointes de lance, étaient jetées intactes en offrande aux divinités des eaux vives, principalement en des endroits privilégiés comme les passages à gués.

Joseph Vendryes signale que dans l'Europe centrale, la construction des ponts était inconnue. On traversait les rivières à gué, ou bien, quand elles étaient trop profondes ou trop larges au moyen de bateaux[1] [2].

Les gués situés dans des lieux à rives basses impropres à la construction des ponts, ont été abandonnés, et les points de communications ont été déplacés vers les ponts sur des rives hautes. C'est ainsi que les gués ont lentement été abandonnés. Cette révolution peut être comparée au phénomène de l'abandon des voies nationales au profit des autoroutes.

Seule la toponymie conserve encore le souvenir de ces lieux importants de passage préhistorique. Aussi la connaissance des anciens gués est-elle extrêmement intéressante pour établir la carte des routes et des centres de communications préhistoriques et protohistoriques.

Histoire récente

Dans les temps passés (Ancien Régime, Moyen Âge, Antiquité...), alors que les ponts étaient rares, les gués ont joué un rôle économique et militaire important. Selon l’Académie française, le verbe « guéer » parfois prononcé « Guayer » signifie passer à gué. On dit d'une rivière qu'elle est « guéable ». Guéer un cheval est « le faire entrer dans la rivière jusqu'au ventre, & l'y promener, pour le laver & le rafraischir » ; Guéer du linge signifie « Le laver, & le remuer quelque temps dans l'eau avant que de le tordre »[3].

Écologie

Les gués jouent également un rôle important pour la migration saisonnière et les déplacements de certains des animaux, bien que certains mammifères tels que les orignaux ou les gnous puissent traverser des fleuves larges ou à courant relativement violent.

C'est pourquoi dans le domaine de l'écologie du paysage, on parle aussi métaphoriquement de « gué » pour décrire les éléments de corridor biologique qui sont déconnectés les uns des autres, mais qui permettent à des espèces de traverser un paysage ou une matrice paysagère, en passant d'une tâche de paysage à l'autre. Un réseau de mares, de clairières forestières ou de bosquets peuvent ainsi être qualifié d'une structure-gué respectivement pour une population de rainettes, de lièvres ou d'écureuils.

Gués célèbres

  • En 1812, l'armée napoléonienne devait traverser la rivière Bérézina pour retourner en France, l'emplacement d'un gué fut choisi pour construire un pont temporaire. Les pontonniers du général Jean-Baptiste Eblé permettent de faire passer une grande partie de ce qui reste de l'armée de Napoléon, mais l'ouvrage est incendié à l'approche des Russes et c'est un désastre pour des milliers de soldats qui s'étaient trop attardés.
Article détaillé : Bataille de la Bérézina.

Le mot « gué » dans l'étymologie de villes

L'étymologie de certaines villes révèle qu'elles ont été fondées initialement sur l'emplacement d'un gué. Le mot celtique ritu- a pour équivalent en germanique westique, les formes ford, Furt, voorde, tous issus du germanique commun *furdúz (fjord de la même racine en scandinave a pris un sens différent). De même, le latin portus, passage, port, vient du même thème indo-européen *prtus dérivé en -tu d'une racine *per, traverser, passer[4].

L'ancien nom de Limoges était Augustoritum. Ce nom est basé sur ritu- en gaulois avec la finale latinisée et Augusto- (en hommage de l'empereur Auguste, grâce à qui la ville a vu le jour), c'est-à-dire « le gué d'Auguste ». De même, le nom de la ville de Niort est le celtique Novioritum qui signifie « nouveau gué » (sur la Sèvre). Les nombreux Chambord, Chambors remontent pour la plupart à *Cambo-ritum « le gué du méandre », Gisors remonte a *Giso ou *Geso-ritum, de même Jort remonte à *Divo-ritum « le gué sur la Dives ». Plus au sud, les formes sont phonétiquement plus proches de l'étymon comme dans Bedarrides ou Madrid de *Matu-ritum « gué des ours » ou *Mageto-ritum « gué de la plaine ».

Le mot ritu- a une survie tardive dans le nord de la France (Seine-Maritime, Oise et Nord) sous la forme -r(e / a)y / -roy ou -roi[5]. Ex.: Longroy, Mauray, Miauroy, etc..On trouve quelques autres exemples ailleurs : le Gué-de-Longroi qui constitue une traduction en français du terme gallo-roman.

Le terme est aussi attesté en celtique insulaire. En gallois, on trouve rhyd, Cf. la ville galloise de Rhydaman appelée également en anglais Ammanford « le gué sur l'Aman ». Le vieux cornique rid et le vieux breton rit ou ret sont mentionnés. Un lieu d'Irlande s'appelle Humar-rith, cependant la langue gaëlique possède une autre racine áth que l'on note dans l'autre nom de Dublin : Baile Átha Cliath « La ville du gué des haies de roseaux ».

Le mot anglais ford a donné Oxford, Stratford, Bedford, etc. De même, l'allemand Furt a donné Klagenfurt, Ditfurt, Frankfurt francisé en Francfort (Francfort-sur-le-Main, Francfort-sur-l'Oder) et le néerlandais voorde se retrouve avec des variantes dans le nom de certaines villes, par exemple en France : Steenvoorde ou Houllefort (forme francisée), en Belgique : Vilvoorde (en français : Vilvorde) ou aux Pays-Bas : Dievoort, Amersfoort, Coevorden. L'anglais sudafricain utilise également le terme afrikaans de Drift, que l'on retrouve dans certains noms de localités en Afrique du sud (ex : bataille de Rorke's Drift).

Le latin pour gué est vadum d'où est peut-être issu le français, mais qui s'est confondu en gallo-roman avec un autre terme d'origine germanique *wad de sens proche (Cf. suédois vad "gué"). Certains spécialistes le font venir directement du vieux bas-francique[6]. En Normandie, on trouve couramment le mot gué en toponymie sous la forme dialectale vey (anciennement , vei < vieux normand *weiz cf. picard, wallon wez). Ex.: Hémévez (Manche) « le gué du Ham », commune voisine, la Baie des Veys (Manche)[7], le Vey (Calvados) ou encore Le gué du Vey (Seine-Maritime) qui présente une traduction en français du terme.

En bas-latin, l'on usait également du terme trajectu(m) (traversée, passage d'eau) attesté dans la toponymie française, exemple : le Trait sur la Seine et qui évolua en néerlandais vers tricht, trecht ou drecht. Cet élément se retrouve dans plusieurs noms de villes: Maastricht « gué sur la Meuse », Utrecht ou Dordrecht.

La hauteur en mètre du gué d'un char d'assaut

Parmi les paramètres caractérisant un char d'assaut, il y a la profondeur du gué qu'un char est capable de franchir :

Expression

« Sonder le gué » était une expression métaphorique, signifiant, que l'on cherche discrètement à savoir quels sont les sentiments ou objectifs de tiers impliqués dans une affaire que l'on traite[3].

Notes et références

  1. J. Vendryes, Revue Celtique, no 34, 1913, p. 229
  2. Cependant, depuis lors les connaissances ont progressé et Venceslas Kruta in Les Celtes, histoire et dictionnaire, éditions Bouquins-Robert Laffont 2000, article Cornaux, p.559, mentionne la découverte d'un pont celtique en Suisse, mis au jour dès les années 60, où les fouilles se sont poursuivies depuis. Les parties les plus anciennes remonteraient à l'an 300 av. J.-C. environ. Cela expliquerait l'existence du mot briva en celtique, qui désigne bien une technologie autochtone.
  3. a et b Dictionnaire de L'Académie française, 1re édition (1694)
  4. Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, éditions errance 2003.
  5. François de Beaurepaire (préf. Marianne Mulon), Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Seine-Maritime, Paris, A. et J. Picard, 1979, 180 p. (ISBN 2-7084-0040-1) (OCLC 6403150) 
  6. [1]
  7. François de Beaurepaire, Les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, éditions Picard 1986. p. 137 et 233.

Voir aussi

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Articles connexes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Gué de Wikipédia en français (auteurs)

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