Guilleragues

Guilleragues

Gabriel de Guilleragues

Page de garde de lédition princeps des Lettres portugaises.

Gabriel Joseph de Lavergne, comte de Guilleragues, le 18 novembre 1628 à Bordeaux et mort le 15 mars 1685 à Constantinople, est un journaliste, diplomate et écrivain français.

Guilleragues était premier président de la cour des aides de Bordeaux, lorsquil sattacha au prince de Conti. Après avoir successivement rempli les fonctions de secrétaire des commandements de ce prince, puis celles de secrétaire de la chambre et du cabinet du roi, il fut nommé, en 1677, ambassadeur à la cour ottomane. Cette charge lui fut donnée, pour refaire sa fortune qui avait décliné, à la prière de Françoise de Maintenon, quil avait connue du vivant de Scarron et dont il fut toujours ladmirateur passionné.

Guilleragues ne se rendit à son poste quen 1679. Dès son arrivée à Constantinople, les relations diplomatiques avec la Porte prirent un tour très aigre. Guilleragues avait reçu des instructions lui prescrivant dexiger, avant de prendre audience, quon lui préparât un sofa pour sasseoir en face du vizir, suivant lancien cérémonial que le nouveau vizir Kara Mustafa avait refusé de suivre pour son prédécesseur, le marquis de Nointel qui avait accepté de sasseoir sur un tabouret au bas de lestrade était le vizir. Le roi en avait été si irrité quil avait ordonné le rappel de Nointel, disant à Guilleragues quil espérait être plus content de lui que de son prédécesseur.

Dès son arrivée, Guilleragues manifesta donc lintention de se soustraire au cérémonial avilissant que les fonctionnaires de la Porte avaient imposé aux représentants des puissances chrétiennes. Très ennemi des chrétiens, Kara Mustafa nétait pas homme à céder et il résista aux prétentions renouvelées par Guilleragues qui resta plusieurs années sans obtenir ses premières audiences. Une autre circonstance donna lieu à de nouvelles complications. En 1681, Duquesne avait poursuivi des pirates tripolitains jusque dans le port de Chios, et lancé contre leurs vaisseaux 4 000 boulets dont une partie atteignit la ville. Cette canonnade et les menaces au capitan pacha irritèrent le vizir autant quelles leffrayèrent. Il accorda à Guilleragues une entrevue particulière, il ne pouvait être question de sofa et de prééminence, ce qui était tourner la difficulté sans la résoudre, et il fut reçu avec colère, menacé des Sept Tours. Mais Guilleragues se contenta de rejeter la responsabilité sur les Tripolitains. Il eut été facile de venger cet affront. Duquesne ne demandait que dix vaisseaux de ligne pour forcer les Dardanelles pou en faire rendre raison à Kara Mustafa. Seignelay, qui entrait pleinement dans les vues du bouillant Normand, préparait une démonstration navale lorsque les Français de Constantinople persuadèrent Guilleragues dapaiser le vizir qui demandait 73 000 écus à titre dindemnité. Ayant refusé de payer cette somme, Guilleragues avait été retenu trois jours dans une chambre du palais du vizir. Comme la valeur nen avait pas été fixée, elle fut lobjet de vives discussions. Après plusieurs débats, il fut convenu que Guilleragues donnerait gour 12 000 écus de pierreries et dobjets dameublement.

La fermeté dont Guilleragues fit preuve dans ces diverses affaires plut fort au sultan, qui voulut avoir son portrait. Dans la suite, il le traita avec beaucoup de faveur, parce quil avait besoin de lappui de la France, et il lui fit enfin accorder les honneurs du sofa dans une grande audience tenue à Andrinople, le 28 octobre 1684. Lorsque Kara Mustafa paya de sa tête la levée du siège de Vienne, son successeur, qui craignait que la France naccède à la ligue presque générale que les puissances chrétiennes firent alors contre la Porte, crut en effet quil était plus prudent daccéder aux demandes de Louis XIV. Guilleragues obtint en outre plusieurs firmans, dont les principaux étaient ceux accordant à la France la protection des lieux saints, et qui défendit aux corsaires barbaresques dattaquer les vaisseaux français sous les canons des ports ottomans. Par sa tenue fière, sans outrecuidance, et sa patience qui ne se lassa pas, Guilleragues parvint à rétablir les bons rapports entre les deux pays et les deux cours. Cependant, à peine avait-il remporté cette victoire damour-propre diplomatique que Guilleragues mourut, à son retour de Constantinople, dapoplexie.

Page de garde de la deuxième partie des Lettres portugaises

On a publié sur cette ambassade : Relation de lambassade donné sur le Sopha, dans Curiosités historiques, Amsterdam, 1759, 2 vol. in-12, 1. 1, p. 55-87 ; Ambassades du comte de Guilleragues et de M. de Girardin auprès du Grand-Seigneur ; Paris, 1687, in-12.

Guilleragues avait lintention détablir à Galata, dans la maison des jésuites, une école les futurs missionnaires étudieraient le grec, le slavon, larabe, le turc, le persan et larménien, et lon enseignerait les sciences naturelles à de jeunes Turcs, mais ces projets sombrèrent avec la mort de celui qui les avait conçus.

Écrivant avec facilité, Guilleragues dirigea pendant quelque temps la Gazette de France. Il y publia léloge de Turenne et on le regarde comme lun des auteurs du sonnet contre le duc de Nevers.

En 1669, Guilleragues publia les célèbres Lettres portugaises en les présentant comme la traduction de cinq lettres dune religieuse portugaise à un officier français entrées en sa possession et dont loriginal « portugais » sétait soi-disant perdu. Leur description sincère et saisissante de la passion amoureuse et le fait quon les supposait authentiques, créérent, dès leur parution en 1669, une sensation dans le monde littéraire. Un nom dofficier circula vite dans les milieux mondains, celui du chevalier de Chamilly, qui sétait rendu au Portugal pour des raisons de service. Le nom de la nonne ne fut connu quau début du XIXe siècle : Mariana Alcoforada (1640-1723) qui vécut dans le sud du Portugal, au monastère de Beja on montrait même la fenêtre elle se serait entretenue avec lofficier français. Mais il fut définitivement établi vers 1950 que les lettres avaient bien été écrites par Guilleragues.

Son esprit, sa politesse exquise et la délicatesse de son goût le faisaient rechercher de la cour et des meilleures sociétés. Boileau lui dédia sa cinquième épître, qui commence par ces vers :

Esprit pour la cour, et maître en lart de plaire,
Guilleragues, qui sais et parler et te taire,
Apprends-moi si je dois ou me taire, ou parler

Saint-Simon le donne également pour un homme desprit, mais le représente comme un Gascon gourmand et dissipateur, qui vivait en parasite. On rapporte de Guilleragues plusieurs bons mots. Ainsi, Marie de Sévigné relate dans sa lettre du 5 janvier 1674 à sa fille, que « Guilleragues disait hier que Pellisson abusait de la permission quont les hommes dêtre laids. Lorsque le roi lui dit quil espérait être plus content de lui que de son prédécesseur à son départ pour Constantinople, « Sire, répliqua Guilleragues, jessaierai de faire en sorte que vous ne fassiez pas le même souhait à mon successeur. » »

Œuvres

Sources

  • Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 22, Paris, Firmin-Didot, 1858, p. 722-3.
  • François-Emmanuel Guignard de Saint-Priest, Charles Henri Auguste Schefer, Mémoires sur lambassade de France en Turquie et sur le commerce des Français dans le Levant, Paris, E. Leroux, 1877, p. 236-7.

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