Grandeur extensive - grandeur intensive

Grandeur extensive - grandeur intensive

Extensivité - intensivité

Extensive et intensive sont des catégories de variables physiques.

Prenons un exemple : si deux chevaux courent côte à côte et chacun à 60 km/h, à eux deux ils ne font pas un ensemble allant à 120 km/h, l'ensemble va aussi à 60 km/h (la vitesse est intensive), par contre à eux deux ils font un passage deux fois plus imposant qu'un cheval seul : le débit est doublé, la puissance aussi (ces deux variables sont extensives).

Le produit d'une variable intensive par une extensive donne une variable extensive, le quotient de deux extensives donne une intensive.

Bien sûr, cette catégorisation est imparfaite : certaines variables ne sont pas parfaitement extensives. Par exemple la masse d'un corps n'est pas la somme des masses de ses particules car une partie de leur masse est utilisée sous forme d'énergie de liaison. Il en est de même de variables intensives définies comme quotient de deux variables imparfaitement extensives.

Sommaire

Extensivité

Définition

En thermodynamique d'équilibre, un paramètre extensif (ou une grandeur extensive) est un paramètre caractérisant un système physique qui est proportionnel à la taille de ce système, ce dernier étant supposé à l'équilibre et homogène.

De manière générale, on dit d'une grandeur G qu'elle est extensive lorsque la somme des valeurs de cette grandeur pour deux systèmes disjoints est égale à la valeur de la grandeur pour la réunion des systèmes.

G(S_1) + G(S_2) = G(S_1 \cup S_2)

Pour cette raison on qualifie aussi souvent les grandeurs extensives d'additives bien que les deux termes ne soient synonymes qu'à la limite thermodynamique.

De la même manière on peut écrire que G est une variable extensive dépendant par exemple de n la quantité de matière et V le volume si : \forall \alpha, \quad G(\alpha n, \alpha V) = \alpha\, G(n,V) .

Exemples

On compte parmi les grandeurs extensives courantes :

En général une grandeur extensive est associée à au moins une grandeur intensive. L'association est d'ailleurs simple puisque le rapport de deux variables extensives est toujours une variable intensive.

La phrase : « une variable qui n'est pas extensive est une variable intensive », est fausse, car il existe des grandeurs ni extensives, ni intensives comme le carré du volume, par exemple, qui ne respectent pas la condition de linéarité. Même en faisant abstraction du cas académique où l'on prend une puissance arbitraire d'une quantité extensive, on trouve des systèmes thermodynamiques où des quantités fondamentales ne sont ni intensives ni extensives. Par exemple, en thermodynamique des trous noirs, la surface d'un trou noir est proportionnelle au carré de sa masse et non à sa masse. Sa variable conjuguée, la gravité de surface, proportionnelle à la température de Hawking n'est elle aussi ni extensive ni intensive.

Limite thermodynamique et approche mathématique

Soit un système Σ et une grandeur G définie par exemple par le nombre de particule n. G est dite extensive si et seulement si le rapport de G sur n a une limite finie quand n tend vers l'infini :

 \lim_{n \to + \ \infty} \frac{G_{\Sigma}}{n} \ = \  g(\rho) \ < \ + \ \infty

On appelle cela le passage à la limite thermodynamique. ρ = n / V est la densité du système, supposée indépendant de n. La grandeur g est alors une grandeur intensive associée à G et n.

On retrouve bien le fait qu'une grandeur extensive est, à la limite thermodynamique, proportionnelle à la taille du système :

 G_{\Sigma} \ \sim \  n \, g(\rho)

Exemple : l'énergie interne

Y a-t-il deux fois plus d'énergie dans deux litres d'essence que dans un litre ?

La réponse à cette question, qui peut sembler anodine, n'est pas triviale du tout. Elle n'a de chance d'être positive qu'à la limite thermodynamique seulement ; en effet, l'énergie interne U d'un liquide ordinaire est une grandeur extensive bien qu'elle ne soit pas additive !

« Preuve » élémentaire

Considérons une partition du liquide (Σ) en deux sous-systèmes macroscopiques 1) et 2) ayant en commun la surface-frontière S. On peut écrire pour l'énergie interne du liquide (Σ) la relation exacte :

 U_{\Sigma} \ = \  U_1 \ + \ U_2  \ + \ U_{\mathrm{int}}

où :

  • Ui est l'énergie interne du sous-système i).
  • Uint est l'énergie interne d'interaction, qui provient de la somme des énergies potentielles d'interactions entre certaines molécules du sous-système 1) et d'autres du sous-système 2) proches de la frontière, car dans un liquide ordinaire, les forces d'interaction entre molécules semblent à courte portée. La présence de cette énergie d'interaction non-nulle montre clairement que l'énergie interne n'est pas additive en général.

Montrons cependant que cette énergie d'interaction tend vers zéro à la limite thermodynamique des grands systèmes. Soit l la longueur caractéristique de la portée de l'interaction. Les molécules qui contribuent à l'énergie d'interaction Uint sont situées dans un volume v de l'ordre du produit de la surface de séparation S multiplié par la longueur 2 l :

 v \ \sim \ 2 \, l \ S

Soit L une longueur caractéristique du liquide (Σ), de telle sorte que son volume total V soit de l'ordre de :

 V \ \sim \ \ L^3

Alors, la surface de séparation S est de l'ordre de :

 S \ \sim \ \ L^2

de telle sorte que le volume de la zone d'interaction est de l'ordre

 v \ \sim \ 2 \, lL^2

Les forces d'interaction étant supposées à courte portée,  l \ll L et on obtient :

 v \ \ll \ V

Plus précisément, il vient à la limite thermodynamique :

 \lim_{N \to + \ \infty} \frac{v}{V} \ = \ \lim_{L \to + \ \infty} \frac{2 \, l}{L} \ = \ 0

On aura donc une énergie d'interaction nulle à la limite thermodynamique :

 \lim_{N \to + \ \infty} \frac{U_{\mathrm{int}}}{N} \ = \ 0

Preuve rigoureuse ?

Dans la réalité, les molécules du liquide sont constituées à l'échelle fondamentale de protons, de neutrons et d'électrons, et ces particules interagissent essentiellement via des forces coulombiennes et gravitationnelles qui sont de portée infinie. Il n'est a priori pas du tout évident que les interactions intermoléculaires « résiduelles » soient bien à courtes portées, ce qui rend la « preuve » élémentaire précédente caduque. Plus grave, nous savons que la matière doit être décrite par la mécanique quantique à l'échelle microscopique.

  • La première tentative sérieuse de preuve de l'extensivité de l'énergie interne a été proposée en 1950[1]. Mais, dans le cadre de la mécanique statistique classique, cet auteur utilisait un potentiel d'interaction intermoléculaire de type « cœur-dur », donc peu réaliste.
  • En 1969, a été démontré [2] dans le cadre de la mécanique quantique qu'un système de N particules en interaction gravitationnelle possèdait un état fondamental d'énergie :
    • E_0 \sim N^3 pour des bosons.
    • E_0 \sim N^{7/3} pour des fermions.
Autrement dit, l'énergie interne n'est jamais extensive dans le cas d'interactions purement gravitationnelles, qui sont toujours attractives.
  • En 1967, il a été montré [3] que, dans le cadre de la mécanique quantique d'un système de N particules en interaction électrostatique, ce système possédait un état fondamental d'énergie : E_0 \sim N si toutes les particules d'un des signes de la charge électrique étaient des fermions. L'énergie interne a alors dans ce cas une chance d'être extensive. Mais, dans le cas contraire où il existerait des bosons possédant les deux signes de charge, ces deux auteurs réussissaient seulement à estimer : N^{5/3} \le E_0 \le N^{7/5}, ce qui suffit à montrer que l'énergie interne n'est encore pas extensive.

Intensivité

Définition

En physique et en chimie, une variable intensive est une quantité qui ne dépend pas de la quantité de matière. C'est le contraire d'une variable extensive.

\textrm{si :} \ G(S_1) = G(S_2) \quad \textrm{alors} \quad G(S_1 \cup S_2) = G(S_1) = G(S_2)

Une grandeur physique G est dite intensive si et seulement si pour toute partie d'un système homogène sa valeur reste identique :

\textrm{Soit :} \quad \Sigma =\bigcup_k \Sigma_k
\textrm{Alors :} \quad \forall \ k, \qquad G_{{\Sigma}_k} \ = \ G_{\Sigma}

La réciproque est également vraie: on qualifie un système d'homogène si toutes les variables intensives y prennent une valeur identique dans toutes ses sous-parties.

Exemples

On compte parmi les grandeurs intensives courantes :

En général une grandeur intensive est associée à une grandeur extensive.

Remarque

Le rapport de deux grandeurs extensives étant intensif (par exemple : les densités comme la masse volumique, la densité surfacique de charge, etc.), il est toujours possible de caractériser un système par un jeu de grandeurs ne dépendant pas de la taille ou du nombre de particules du système. En toute rigueur d'ailleurs, une fonction thermodynamique ne doit s'exprimer qu'en fonction de grandeurs intensives afin de rendre la description du système la plus générale possible. On retrouve ce principe dans la théorie des maquettes où la description s'appuie sur des nombres sans dimension (donc naturellement intensifs) afin d'étudier des propriétés transposables aux objets à taille réelle.

Partition macroscopique

Soit (Σ) un système macroscopique. On appelle partition macroscopique de (Σ) un ensemble \left\{ \Sigma_k \right\}_{k=1, \dots, n} constitué de n sous-systèmes macroscopiques k) tels que :

  • ces sous-systèmes sont deux-à-deux disjoints :
 \forall \ l \ \ne \ k, \quad \Sigma_k \ \cap \ \Sigma_l \ = \ \emptyset
Plus précisément, dans l'espace physique usuel à trois dimensions, deux sous-systèmes macroscopiques k) et l) de volumes finis peuvent avoir au plus une surface-frontière en commun.
  • la réunion de ces sous-systèmes donne le système (Σ) tout entier :
 \cup_{k=1}^n \ \Sigma_k \ = \ \Sigma

Additivité

Une grandeur physique G est dite additive si et seulement si pour toute partition macroscopique de (Σ), on a la relation d'additivité :

 G_{\Sigma} \ = \ \sum_{k=1}^n G_{{\Sigma}_k}

Par exemple, le volume V et le nombre de particules N sont des grandeurs additives.

Notes et références

  1. par L. Van Hove ; Physica 15 (1950), 137.
  2. par Jean-Marc Lévy-Leblond ; Journal of Mathematical Physics 10 (1969), 806.
  3. par Freeman Dyson & A. Lennard ; Journal of Mathematical Physics 7 (1967), 423.

Articles connexes

Bibliographie

  • Roger Balian ; Du microscopique au macroscopique - Cours de physique statistique de l'Ecole Polytechnique, vol 1, Ellipse (1982), ISBN 2-7298-9000-9.
  • Elliott Lieb ; The Stability of Matter: from Atoms to Stars, Springer-Verlag (1991), ISBN 3-540-53039-8.
  • Thierry Dauxois, Stefano Ruffo, Ennio Arimondo, Martin Wilkens ; Dynamics and Thermodynamics of Systems with Long Range Interactions: an Introduction, Lecture Notes in Physics 602, Springer-Verlag (2002), 1-19. ArXiv : cond-mat/0208455
  • A. Campa, T. Dauxois, S. Ruffo ; Statistical mechanics and dynamics of solvable models with long-range interactions, Physics Reports 480 (2009), 57-159. ArXiv : cond-mat/0907.0323
  • Jacques Villain ; Interactions à longue portée et systèmes non extensifs, Reflets de la Physique 7 (2008), 10, pdf
  • Roger Balian ; Pourquoi le Soleil n'explose pas, ou les bienfaits d'une chaleur spécifique négative, Reflets de la Physique 10 (2008), 14-15, pdf
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