Grand moyen-orient

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Grand Moyen-Orient

Le "Grand Moyen-Orient" vu par Washington, incluant le Moyen-Orient proprement dit, ainsi que le Maghreb, le Machrek, la Turquie, Israël, l'Iran et l'Afghanistan.

Le « Grand Moyen-Orient » est un terme utilisé par le président George Bush et son administration pour désigner un espace s'étendant du Maghreb et de la Mauritanie au Pakistan et à l'Afghanistan, en passant par la Turquie, le Machrek et l'ensemble de la péninsule arabique.

Sommaire

La doctrine de remodelage du Grand Moyen-Orient

Le président Bush a d'abord évoqué la doctrine de remodelage du Grand Moyen-Orient le 26 février 2003 devant une réunion de néoconservateurs de l'American Enterprise Institute (AEI), avant de la développer le 9 mai 2003 dans un discours à l'Université de Caroline du Sud[1].

L'initiative vise un vaste ensemble d'États, d'histoire et de culture différentes (les 22 pays de la Ligue arabe - c'est-à-dire les sept membres fondateurs suivants : l'Égypte, l’Irak, le Liban, l’Arabie saoudite, la Syrie, la Jordanie, le Yémen nord, ainsi que la Libye, le Soudan, le Maroc, la Tunisie, le Koweït, l’Algérie, le Yémen du Sud (unifié depuis 1991 avec le Yémen du Nord), le Bahreïn, le Qatar, les Émirats arabes unis, Oman, la Mauritanie, la Somalie, Djibouti, les Comores et l'Organisation de libération de la Palestine ; et 5 États non arabes - la Turquie, Israël, l'Iran, le Pakistan et l'Afghanistan. L'Initiative de partenariat au Moyen-Orient (Middle East Partnership Initiative [2], a ainsi été approfondie en Initiative de Grand Moyen-Orient (Greater Middle East Initiative, GMEI), et vise à transformer le paysage politique et économique de cet ensemble. Lors de son discours sur l'état de l'Union du 24 janvier 2004, George Bush déclara ainsi : « Tant que le Moyen-Orient restera un lieu de tyrannie, de désespoir et de colère, il continuera de produire des hommes et des mouvements qui menacent la sécurité des États-Unis et de nos amis. Aussi, l’Amérique poursuit-elle une stratégie avancée de liberté dans le Grand Moyen-Orient », jetant ainsi les bases de ce qu'on appelle désormais la doctrine Bush.

Celle-ci a été l'objet de critiques, venant en particulier des pays concernés et d'Europe. On lui reproche d'ignorer l'hétérogénéité des États en question et de vouloir exporter la démocratie sans tenir suffisamment compte des facteurs locaux. Le plan fut alors remanié par Washington et, après avoir été promu par le vice-président Dick Cheney au forum de Davos du 26 janvier 2004, il fut adopté sous le nom de Partenariat pour le progrès et un avenir commun avec le Moyen-Orient élargi et l'Afrique du Nord lors du sommet du G8 à Sea Island en juin 2004 par les dirigeants du G8, l'Algérie, l'Afghanistan, Bahreïn, le Yémen, la Jordanie et la Turquie [3]. Le projet fut à nouveau discuté lors du sommet de l'OTAN des 28 et 29 juin 2004 à Istanbul.

Selon Catherine Croisier, chercheuse associée à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), « si cette initiative recueille sur le fond l’adhésion des membres de l’Union européenne, soucieux de voir s’inscrire la démocratie au Moyen-Orient, elle vient néanmoins perturber un partenariat Euro-Méditerranéen déjà à l’œuvre depuis une décennie ». Les Européens, et la France en particulier, se sont inquiétés de l’influence que les États-Unis pourraient chercher à étendre dans ce qu’ils considèrent souvent comme leur pré carré (notamment en ce qui concerne les pays du Maghreb), d’autant qu’à l’heure actuelle, ce sont les partenariats économiques et non politiques qui sont étudiés en priorité. C’est sous la pression européenne que fut modifiée l’appellation Grand Moyen-Orient qui ne prenait pas suffisamment en compte la diversité des pays concernés et que fut clairement reconnue l'action et le rôle de « conciliateur » de l'Europe en Méditerranée et dans le monde arabe [4].

Critiques du concept de « Grand Moyen-Orient »

Le Grand Moyen-Orient coïncide en grande partie avec des pays peuplés de Musulmans.

L'énumération des différentes régions comprises dans la formule de « Grand Moyen-Orient » montre la difficulté de les réduire à une seule expression et de les amalgamer en un bloc de civilisation, attisant ainsi l'hypothèse d'un choc des civilisations. En effet, ces différentes régions ne sont unies ni par la religion, ni par l'origine ethnique des populations, ni même par une histoire commune. Si l'islam est majoritaire, il y a dans ces pays d'autres religions présentes, notamment dans l'État d'Israël.

L'expression ne recouvre donc pas le monde musulman, celui-ci s'étend en Asie, en particulier avec l'Indonésie. Le « Grand Moyen-Orient » ne recouvre pas non plus le monde arabo-musulman, puisqu'il inclut l'Iran perse, la Turquie, Israël, l'Afghanistan et les populations caucasiennes et d'Asie centrale qui n'ont rien d'arabe. Aussi, la légitimité de cette formule est mise en cause par de nombreux observateurs de ces différentes parties du monde, et semble être davantage le fruit d'une vision géostratégique et idéologique de l'équipe en place à Washington, dénoncée par ses détracteurs comme une nouvelle forme de l'impérialisme, de l'hyperpuissance américaine, davantage qu'un outil possédant une quelconque valeur heuristique ou scientifique. On l'accuse ainsi de présenter une large part de messianisme, dans le fil de la doctrine Monroe[5].

L'invasion de l'Afghanistan en 2001 puis celle de l’Irak en 2003 ont été les deux premières opérations du projet de remodelage du Grand Moyen-Orient des néoconservateurs américains, réunis derrière le président Bush, le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, qui visent à étendre l'influence des États-Unis dans ces régions stratégiques du globe. Washington prétend ainsi favoriser le développement démocratique dans l'ensemble de ces pays, aider ces pays à s'insérer dans l'économie mondiale, et soutenir l'émancipation des femmes.

Néanmoins, la lutte fratricide dans laquelle s'enlise le conflit irakien, les élections en automne 2005 en Égypte, ou la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de janvier 2006, compromettent ces ambitions.

En outre, de nombreuses critiques s'élèvent contre la guerre en Irak, certaines[réf. souhaitée] affirmant que la guerre a eu pour objectif de satisfaire les intérêts particuliers de l'équipe Bush. Washington était persuadé que Saddam Hussein cherchait à se doter d'armes de destruction massives (ADM) et prôna une guerre préventive sans attendre les résultats de l'enquête de l'AIEA [6]. Interrogé par L'Humanité, Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, déclarait que « les Américains ont prôné le modèle du coup de pied dans la fourmilière, y compris par la guerre. Le bilan de celle d’Irak apparaît largement et globalement négatif. Les adversaires de cette politique estiment que l’on peut appuyer de l’extérieur un mouvement démocratique mais que celui-ci doit avant tout être le fruit d’un processus interne », tandis que Diaa Rachwane, chercheur égyptien, rappelait que partout où des élections s'étaient tenues dans les pays du « Grand Moyen-Orient », les mouvements islamistes avaient progressé de façon phénoménale, du Maroc au Pakistan en passant par l’Égypte, l’Irak mais aussi la Palestine [7].

Notes

  1. President Discusses the Future of Iraq, Office of the Press Secretary, White House, 26 February 2003 et Remarks by the President in Commencement Address at the University of South Carolina, Office of the Press Secretary, White House, 9 mai 2003
  2. Middle East Partnership Initiative (MEPI) annoncée par le département d'État le 12 décembre 2002
  3. Sommet du G8 - Washington défend son Grand Moyen-Orient in L'Humanité du 9 juin 2004
  4. La doctrine Bush de remodelage du Grand Moyen-Orient : entre idéalisme et pragmatisme, par Catherine Croisier, chercheur associé à l'IRIS
  5. Cf. Catherine Croisier, op.cit.
  6. Bush Was Set on Path to War, British Memo Says, article du New York Times du 27 mars 2006 à propos d'un mémo de janvier 2003 où Bush, en réunion avec Tony Blair, prévoyait l'invasion de l'Irak avant même les résultats des enquêtes de l'AIEA. Article repris dans la presse française.
  7. De Jérusalem à Kaboul, la recrudescence des crises, in L'Humanité du 4 janvier 2006

Voir aussi

Liens externes

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