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Godefroy de Bouillon
Godefroy de Bouillon (° vers 1058 ? - + 18 juillet 1100 à Jérusalem) est un chevalier franc et le premier souverain chrétien de Jérusalem, mais qui refusa le titre du roi pour celui, plus humble, d'avoué du Saint-Sépulcre.
Sommaire
Premières années
Fils de sainte Ide d'Ardenne, héritière des ducs de Basse-Lotharingie et d'Eustache II, comte de Boulogne, du royaume de France, Godefroy de Bouillon est un descendant de Charlemagne et, comme son illustre ancêtre, un personnage de légende.
On ignore de manière assurée le lieu de naissance de Godefroy de Bouillon et les thèses hésitent entre Boulogne-sur-Mer en France et Baisy en Belgique[1]. Son éducation de chevalier est faite par son oncle Godefroy III le Bossu à Bouillon. À la mort de ce dernier, il hérite de ses titres. Toutefois, si l'empereur d'Allemagne lui concède l'office de marquis d'Anvers (1076), il lui interdit, en tant que roi de Germanie, le titre de duc de Basse-Lotharingie comme le souhaitait son oncle dans son testament. Godefroy se range néanmoins fidèlement au côté d'Henri IV dans la Lutte d'Investiture qui oppose l'empereur germanique et le pape Grégoire VII, et entre dans Rome les armes à la main. Pour le récompenser de ses fidèles et loyaux services, l'empereur germanique le reconnaît finalement duc de Basse-Lotharingie en 1087.
Il règne donc désormais sur un duché s'étendant entre la France et le Rhin, qui couvrait le Brabant, le Hainaut, le Limbourg, le Namurois, le Luxembourg et une partie de la Flandre. Mais, ayant été gravement malade peu après cette expédition sur Rome, il fit vœu, pour réparer ses torts, d'aller défendre les Chrétiens en Orient.
La Première Croisade
L'un des premiers à répondre à l'appel d'Urbain II, en 1095, Godefroy de Bouillon devient aussi l'un des principaux chefs de la première croisade. En 1096, pour financer son départ, il vend le château de Bouillon à Otbert, prince-évêque de Liège et Stenay au prince-évêque de Verdun. Parti de Bouillon le 15 août 1096 avec une suite nombreuse, il passe par Ratisbonne, Vienne, Belgrade et Sofia, arrive à Constantinople, et se heurte aussitôt à Alexis Comnène. Après avoir longuement négocié avec l'empereur de Constantinople sa traversée du Bosphore et s'étant engagé à lui restituer les territoires qu'il reprendrait aux Turcs, il pénétra en Asie. Il s'empara d'abord de Nicée, vainquit ensuite les Turcs à Dorylée puis prit d'assaut Antioche.
Il est au premier rang lors de la prise de Jérusalem en 1099 (les deux premiers sont Letold et Gilbert de Tournai, puis vient Godefroy suivi de son frère Eustache). La couronne de roi de Jérusalem lui est proposée après la prise de la ville, mais il la refuse, arguant qu'il ne pouvait pas porter une couronne d'or où Jésus Christ devait porter une couronne d'épines. Il acceptait le titre d'Avoué du Saint-Sépulcre et se contenta du titre de baron. Ce choix signifiait qu'il considérait la Terre sainte, Jérusalem avant tout, comme la propriété du Christ et donc, par extension, du Saint siège. Il se positionnait ainsi en serviteur, en défenseur de l'Église. Il était nominalement seigneur du Saint-Sépulcre tout en se maintenant sous l'autorité ecclésiastique. Son titre lui conférait les responsabilités suivantes : il devait d'abord avec ses vassaux garder Jérusalem et le tombeau du Christ, puis il devait ensuite distribuer des terres aux chevaliers, conquérir et pacifier les villes aux alentours, rendre la justice et pérenniser l'économie locale. Il donna à ses nouveaux États un code de lois sages, connu sous le nom d' Assises de Jérusalem.
Il mourut le 18 juillet 1100 en revenant d'une expédition contre le sultan de Damas, qu'il avait battu devant Ascalon; on soupçonna qu'il avait été empoisonné après avoir mangé une pomme de cèdre que lui avait offert l'émir de Césarée. Son frère Baudouin, qui avait aussi participé à la croisade, devient roi de Jérusalem. Après avoir abandonné Édesse, il se fait couronner le 25 décembre.
Albert d'Aix, chroniqueur allemand, reconstitua vers 1100-1110 l'histoire et les hauts faits du duc. Guillaume de Tyr contribua au XIIIe siècle à la légende de Godefroy de Bouillon dans son ouvrage intitulée l'Histoire d'Eraclès. On raconte de lui des exploits extraordinaires, et généralement fabuleux ; il joignait au courage la prudence, la modération et la piété la plus vive. Le seigneur de Bouillon devint le chevalier au cygne que l'on retrouve dans Lohengrin. Le Tasse l'a choisi pour le héros de son poème. Sa statue équestre orne la place Royale de Bruxelles.
Albert d'Aix écrivait ceci peu après 1100 à propos de Godefroy de Bouillon lors de la prise de Jérusalem en juin 1099 : « tandis que tout le peuple chrétien […] faisait un affreux ravage des Sarrasins, le duc Godefroy, s'abstenant de tout massacre, […] dépouilla sa cuirasse et, s'enveloppant d'un vêtement de laine, sortit pieds nus hors des murailles et, suivant l'enceinte extérieure de la ville en toute humilité, rentrant ensuite par la porte qui fait face à la montagne des Oliviers, il alla se présenter devant le sépulcre de notre seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu vivant, versant des larmes, prononçant des prières, chantant des louanges de Dieu et lui rendant grâces pour avoir été jugé digne de voir ce qu'il avait toujours si ardemment désiré ».
On peut également vanter la simplicité de Godefroy. Durant le siège d'Arsouf, les cheiks arabes vinrent déposer des offrandes auprès de Godefroy, et il trouvèrent celui-ci assis à même le sol dans sa tente, non pas entouré de soieries mais accroupi sur de la paille. Les cheiks s'émerveillèrent alors de la modestie du plus grand des princes francs. Godefroy, mis au courant de leurs commentaires, leur répondit que "l'homme doit se souvenir qu'il n'est que poussière et qu'il retournera en poussière".
Les chroniqueurs de l'époque contribuent également à établir le mythe guerrier du grand seigneur de Brabant. Sa force prodigieuse fut par exemple mise à l'épreuve par les cheiks, ceux-ci le mettant au défi de trancher d'un seul coup la tête d'un chameau au collet. Godefroy s'exécuta et la tête roula à terre. De même, aimant la chasse et les défis, il manquera en Cilicie de se faire tuer par un ours énorme qu'il affronta corps à corps. Enfin, lors du siège d'Antioche, Godefroy est resté célèbre pour avoir tranché en deux, et cela d'un seul coup d'épée, un ennemi par la taille. "Le buste tomba à terre, tandis que le bassin et les jambes restaient accrochés au cheval qui s'éloignait au galop".
Godefroy de Bouillon, mythe national
Belgique
En 1830, la Belgique se cherchait ardemment des racines, c’est ainsi que l’État nouvellement créé fut saisi par la frénésie d’exalter « ses » gloires passées[2]. Ainsi les historiographes du Royaume de Belgique s’accaparèrent les princes, ducs ou empereurs qui régnèrent sur les divers territoires belges (Charlemagne, Charles Quint,...) pour en faire des souverains nationaux ; alors que ces personnages ignoraient la notion même de l’entité Belgique.
De la même manière, les historiens belges du XIXe siècle vont s’approprier Godefroy (né probablement à Boulogne-sur-Mer[3]) en exaltant sa naissance incertaine[4] à Baisy, village qui se situe actuellement dans le Brabant belge.
Les hagiographes belges vont glorifier ce supposé « ancêtre » pour ses qualités martiales et sa foi envers Dieu ; mais aussi parce que, né aux confins des mondes latin et germanique, il préfigurait la « civilisation belge »[5] supposée être un mélange équilibré entre l’âme latine et les qualités germaniques propres au peuple belge[6]. Godefroy devint le modèle idéal du Belge pieux et brave[7].
Il s’agissait alors pour les historiographes du Royaume, de faire accroire aux citoyens belges que leur peuple était à l’œuvre depuis l’aube de l’humanité et qu’une Nation belge existait en germe à l’époque de Godefroy. Cette vision tronquée de l’histoire laissera des séquelles jusqu’au XXe et parfois jusqu’au XXIe siècle[8].
Cette phrase de Jo Gérard, datant de 1988, est un exemple contemporain de cette récupération nationaliste du passé : « D’avoir vécu en commun l’aventure des croisades, d’avoir vu mourir Godefroy de Bouillon et leur comte Philippe au pays des infidèles, les Belges ont puisé dans cet événements grandiose une nouvelle unité de sentiment, d’aspiration et de foi »[9].
Considéré comme un modèle « bilingue » pour la Belgique unitaire, il fut plus tard récupéré par le rexisme qui désirait produire un parallèle entre Godefroy et Léon Degrelle ; car tous deux, poussés par un idéal de « civilisation », partaient en guerre vers l’Orient avec des troupes hétéroclites composées de guerriers venus de tous les pays d’Europe (les croisés dans un cas, les S.S. dans l’autre)[10].
France
En France, un écrivain tel que François-René de Chateaubriand écrivait dans ses Carnets de voyage, après avoir été nommé chevalier du Saint-Sépulcre :
« Cette cérémonie ne pouvait être tout à fait vaine, j'étais Français, Godefroid était Français ; ses vieilles armes en me touchant, m'avaient communiqué un nouvel amour pour la gloire et l'honneur de ma patrie.[11] »Source partielle
- « Godefroy de Bouillon », dans Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang [sous la dir. de], Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878 [détail des éditions] (Wikisource)
- René Grousset, dans L'épopée des croisades
Notes
- ↑ Voir page de discussion.
- ↑ Anne Morelli, Les grands mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Evo-histoire, 1995, Bruxelles, p.50.
- ↑ Anne Morelli, Op. Cit., p.49.
- ↑ Anne Morelli, Op. Cit., p.49.
- ↑ Henri Pirenne, La nation belge, Gand, 1900, pp.8-9.
- ↑ Anne Morelli, Op. Cit., p.35.
- ↑ Anne Morelli, Op. Cit., p.52.
- ↑ Anne Morelli, Op. Cit., p.23 et p.52.
- ↑ Jo Gérard, oui la Belgique existe, je l’ai rencontrée, Bruxelles, 1988, pp.17-18
- ↑ 175 ans de la Belgique vus par Anne Morelli (ULB)
- ↑ Cité dans Marie-Josèphe Daxhelet, Sacré Godefroy de Bouillon, Didier Hatier, Bruxelles, 1992.
Liens externes
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