Gaston Crémieux

Gaston Crémieux
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Gaston Crémieux, né le 22 juin 1836 à Nîmes et mort le 30 novembre 1871 à Marseille, était un avocat français et un jeune blanquiste à la parole ardente et colorée, qui s'illustra, en prenant la tête de la Commune de Marseille, mouvement révolutionnaire inspiré de la Commune de Paris.

Sommaire

Biographie

Un avocat pour les déshérités

Issu d'une famille juive du Comtat Venaissin, paraissant être apparenté au garde des sceaux Adolphe Crémieux (1796-1880), Gaston Crémieux, après avoir trouvé deux emplois de clerc, dont l'un à Paris, s’inscrit à la Faculté d’Aix en Provence, le 14 janvier 1856. Exempté du service militaire comme soutien de famille, il obtient sa licence en droit le 25 novembre 1856 et devient avocat à Nîmes (le 24 mars 1857).

Les difficultés sociales de la classe ouvrière l'émeuvent au point qu'il devient rapidement l'un de ses plus farouches défenseurs. Remarqué par son éloquence et sa générosité, ses collègues le surnomment avec une pointe de mépris, l'avocat des pauvres. S'essayant au journalisme littéraire, il y gagne de beaux succès. En 1857, il fonde avec quatre de ses amis, un journal nommé l’Avenir, surveillé par la police pour lequel il est "dangereux au point de vue politique".

Un éducateur et un franc-maçon

En 1862, il quitte le barreau de Nimes pour celui de Marseille (transfert officialisé le 10 décembre). En 1864, il rentre au Grand Orient de France, dans la loge «La Réunion des Amis choisis.» La même année, il épouse Noémie Molina, dont il aura trois enfants (le dernier prénommé Robespierre en hommage au dirigeant du comité de salut public).

Ardent franc-maçon et partisan de la liberté absolue de conscience, le jeune avocat marseillais s'implique alors, dès 1865, dans la création d'écoles publiques réservées aux adultes. En 1868, naît l’association phocéenne de l’Enseignement, de l’Instruction et de l’Education des deux sexes. C'est l'époque où des francs-maçons blanquistes et républicains (alors jugés d’extrême-gauche) tentent d’entraîner leurs Frères dans la voie de la lutte révolutionnaire, au service des valeurs de la République, démocratique et sociale.

En 1869, il soutient Léon Gambetta, alors marqué comme un radical. Ce dernier est élu député de la cité phocéenne. En dépit de quelques discours et de quelques articles violents, Crémieux n'est pas réellement un homme d'action. Néanmoins, il se veut de tous les combats et devient rapidement un personnage incontournable de la vie politique locale.

La défaite Napoléonienne

Après l'effondrement du second Empire devant la puissante Allemagne de Bismarck, les insurgés marseillais prennent une première fois la préfecture d'assaut. Le 8  août  1870, Crémieux se retrouve à la tête de cette première insurrection populaire. Arrêté, il est emprisonné dans un cachot du fort Saint-Jean. Le 27 août, un conseil de guerre statue sur le sort des quatorze meneurs et le condamne à 6 mois de prison, à Saint-Pierre. Mais la proclamation de la République le tire de sa geôle et une foule de plus 20 000 personnes le libère dans la nuit du 4 au 5 septembre. Le même jour, Alphonse Esquiros est nommé administrateur supérieur des Bouches-du-Rhône

Dans le cadre de l'épuration (destitution des magistrats compromis sous l'Empire), Crémieux est ensuite nommé au poste de procureur de la République, où il ne restera en fonction que quelques semaines. Après la création de la Ligue du Midi (15 départements), il parcourt la province comme envoyé en mission.

« Nous sommes résolus à tous les sacrifices, et, si nous restons seuls, nous ferons appel à la révolution, à la révolution implacable et inexorable, à la révolution avec toutes ses haines, ses colères et ses fureurs patriotiques. Nous partirons de Marseille en armes, nous prêcherons sur nos pas la guerre sainte...  »

Pendant ce temps, Esquiros est désavoué par Gambetta. Plusieurs de ses arrêtés le situent très à gauche (suspension de la Gazette du Midi, journal légitimiste, dissolution de la congrégation des jésuites de Marseille) ; la garde civique qu'il a formée est licenciée. Pour le soutenir, le 1er novembre, les membres de la Commission départementale insurrectionnelle ratifient les pouvoirs de la Commune révolutionnaire et appellent les Marseillais à prendre les armes ; le lendemain, Gustave Cluseret est nommé Commandant de la Garde Nationale, Clovis Hugues prend la tête de la Légion urbaine et Esquiros prend la tête de la Commission municipale. Crémieux, absent est en meeting dans l'Isère.

Le temps des Communes

La paix signée avec l'Allemagne les élections législatives ont lieu le 8  février  1871. A Marseille, Esquiros est réélu. Le parlement se réunit à Bordeaux. La chambre est une émanation des communes rurales ; elle est particulièrement réactionnaire. Une majorité de notables légitimistes et orléanistes est sortie des urnes. Crémieux, présent à Bordeaux, intervient des tribunes pour saluer Garibaldi, invité à la chambre et qu'empêchent de parler les députés royalistes. Le jeune homme conspue ces notables ruraux en des termes qui sont restés mémorables.

«  Majorité rurale, honte de la France!.  »

La foule des tribunes l'applaudit fortement, jusqu'à couvrir le chahut des députés monarchistes ; plus tard elle se presse vers Garibaldi pour lui rendre hommage, au grand dam du chef de la majorité, Adolphe Thiers, ulcéré par ces débordements. Lors de son ultime procès, cet élément sera déterminant et entraînera la cour martiale à juger Gaston Crémieux avec la plus extrême sévérité[1].

Le 18 mars, commence l'insurrection de la la Commune parisienne ; le 22  mars 1871, Crémieux prend la tête du mouvement insurrectionnel marseillais. Une manifestation composée de francs-tireurs, de garibaldiens, de gardes nationaux de banlieue et des restes de la garde civique prend sans effusion de sang la préfecture d'assaut. Crémieux marche avec, à ses côtés le jeune Clovis Hugues, qui brandit le drapeau rouge de la république sociale (mais finira boulangiste !).

Le lendemain, la préfecture est envahie et les autorités destituées. Le Préfet Cosnier est fait prisonnier. Présidée par Crémieux, la commission départementale prend sa place et comprend 12 membres : des Radicaux (Job et Étienne), des membres de l'Internationale (Alérini), de la Garde nationale (Bouchet, Cartoux), et trois délégués du Conseil municipal. L'insurrection victorieuse, Crémieux déclare du haut du balcon de l'Hôtel départemental la solidarité de Marseille avec Paris, appelle la population à maintenir l'ordre et prône la réconciliation. La Commune marseillaise durera quinze jours.

Les dissensions entre la commune et le département occupent les trois jours suivants. Le 27 mars, arrivent quatre délégués parisiens : Landeck, Amouroux , Albert May dit Séligman, et Méguy. Landeck se met à la tête de la Commission, et traite tous les modérés, dont Crémieux, en suspects. Le lendemain, le général Espivent de la Villeboisnet, chef des troupes militaires du département, proclame les Bouches-du-Rhône en état de guerre et se déclare partisan du Gouvernement versaillais d'Adolphe Thiers.

Le 28 mars, l’ordre est rétabli dans les autres villes qui se sont érigées en Communes : Lyon, Toulouse, Saint-Étienne, Limoges, Narbonne...

A Marseille, où les luttes internes atteignent leur comble, la commission du département dissout le conseil municipal. Crémieux refuse que le drapeau rouge soit l'emblème de la commune. C'est avant tout un républicain, comme le rappelle[2] le député Léonce Rousset[3]

«  dans celle-ci, la discorde régnait déjà. Ses membres, divisés contre eux-mêmes, ne s'entendaient même pas avec leur chef, Crémieux, lequel blâmait l'érection du drapeau rouge et le maintien des autorités comme otages. Ils ne s'entendaient pas davantage avec le conseil municipal, qui essayait de reprendre le dessus et avait fait appel à la Garde nationale pour soutenir son autorité. Et, tandis qu'ils se débattaient dans l'impuissance, les villes voisines demeuraient sourdes à leur appel. Arles avait refusé d'arborer le drapeau rouge et, dans la région, personne ne semblait s'émouvoir. »

Le 3 avril, le général Espivent fait marcher ses troupes (de 6000 à 7000 hommes) contre Marseille aux cris de «Vive Jésus ! Vive le Sacré-Cœur !». La lutte s'engage le 4 avril ; elle va durer toute la journée. Prises en étau entre les marins et les troupes de chasseurs, pilonnées par les canons postés sur la colline de la Garde, le port sous la domination de deux navires de guerre, la ville et la préfecture ne peuvent pas résister longtemps. On compte plus de 150 morts.

Crémieux tente de parlementer, mais Espivent bombarde la cité ; après avoir reçu 300 obus, la préfecture tombe le 5 avril à 7 heures du matin. Principal acteur de la Commune de Marseille, Crémieux refuse de s'enfuir. Il est arrêté le 8 avril dans le cimetière juif ; son procès commence le 12 juin devant le premier conseil de guerre.

Condamnation et soutiens

Pour défense, Crémieux rappelle qu'il n'a prononcé que des paroles de paix.

« Montrez moi ceux que Crémieux a fait fusiller , s'insurge son avocat[2]. »

Mais l'accusation veut un exemple. Le 28 juin les débats sont clos. Le jour même, Crémieux - à qui l'on reconnaît le statut de prisonnier politique - est condamné à mort comme factieux incorrigible et conduit au fort Saint Nicolas puis, le 7 juillet, à la prison Saint Pierre.

Alors que sa femme, ses parents et ses amis tentent de le sauver, la Cour de cassation confirme le jugement. Dans sa prison, Crémieux écrit une pièce de théâtre en cinq actes en vers intitulée Le Neuf Thermidor ou la mort de Robespierre (Victor Hugo dira de lui[4] à sa veuve le public aimera ce talent fier et fin, ajoutant que le public saura mesurer la grandeur du succès de ses œuvres à la grandeur du malheur (dont il fut victime)[5]) ; le contempteur de Napoléon III demande sa grâce[6],[7]... en vain.

Adolphe Thiers, lui même d'origine marseillaise, plaide pour la grâce d'Etienne et de Pelissier. Il écrit à la femme de Crémieux : « J’aime beaucoup votre diable de mari. Il est un peu trop poète, mais il a du bon sens et nous ferons quelque chose de lui, aussitôt que ses cheveux auront blanchi » Noémie annonce à Gaston qu'il est sauvé.

Mais Thiers, comme Scarpia, refusa-t-il la grâce[8]. ou la demande-t-il [9] ? Toujours est-il que le 24 novembre, les deux premiers sont sauvés, Crémieux est condamné.

« La Commission des grâces s'était montrée impitoyable envers cet homme dont les erreurs avaient été partagées par beaucoup d'autres moins durement châtiés, et qui n'était coupable, au demeurant, d'aucun crime de droit commun , dira Léonce Rousset[2]. »

Le 29 novembre, Crémieux est transféré au fort Saint Nicolas, remet son manuscrit au rabin Vidal et le lendemain, à cinq heures du matin, il écrit une dernière lettre à sa femme. Le 30 novembre 1871, il est fusillé à 7 heures du matin, au champ de tir du Pharo. Il refuse qu'on lui bande les yeux. Au dernier moment, il commande aux soldats sa propre fusillade et les prie (par respect pour ses parents) de ne pas le viser au visage. Ses derniers mots sont :

«  Visez à la poitrine. Ne frappez pas la tête. Feu ! Vive la Répu(blique)... [7] »

Le 13 décembre les loges des amis choisis et de la parfaite union font part de leur douleur devant l'exécution de leur ancien vénérable. Le 17 décembre, un défilé organisé par les frères May et Levraut réfugiés aux États Unis, rendra un premier hommage à New-York aux fusillés de Paris et de Marseille, dont Ferré et Crémieux.

L’anniversaire de sa mort a été longtemps célébré à Marseille par les partis de gauche et d’extrême-gauche. On trouve ICI l'adresse de sa tombe.

Après Crémieux

Sa mort provoque une profonde émotion dans toute la ville. Avocat et proche du peuple, animé d'un grand idéal d'éducation, Crémieux aura cru jusqu'au péril de sa vie à l'instauration d'une République sociale et universelle. Jamais, Crémieux ne cessa de se battre en faveur de tous les opprimés. Martyr de la Commune marseillaise, apprécié de tous, il resta durant de longues années la figure emblématique du mouvement ouvrier de la cité phocéenne. Gaston Crémieux est à rapprocher d’un autre nîmois communard, Louis-Nathaniel Rossel.

Le 10 mars 1888, son camarade Clovis Hugues présente au Théâtre du Gymnase à Marseille, sa pièce «Le 9 Thermidor ou la vengeance de Robespierre». Un premier hommage 'officiel', et tardif, lui sera rendu en 1923 par le parti communiste français. Un boulevard de Marseille porte son nom. En 1967, Pierre Vidal-Naquet fonde le Cercle Gaston Crémieux[10].

On ré-évalue aujourd'hui le rôle historique joué par la franc-maçonnerie dans cet épisode ainsi que la responsabilité personnelle de Thiers dans l'exécution de ce jeune avocat. Gaston Crémieux est franc-maçon, affirme Adel Joshua[11],... il pense que Marseille, avec sa forte population ouvrière, peut être un laboratoire social. Il a été vénérable de sa loge, mais il n'a aucune responsabilité maçonnique pendant les événements. Là aussi, la récupération s'effectue a posteriori. Au moment des Communes de Marseille et de Paris, le président du conseil de l'ordre du Grand Orient juge qu'il s'agit d'une "criminelle sédition qui ensanglante la France et déshonore la franc-maçonnerie. Crémieux n'est pas soutenu par ses frères au niveau national. Les dignitaires considèrent que les communards maçons sont des éléments isolés dont la franc-maçonnerie ne peut se réclamer. Certaines loges s'impliquent, mais les plus révolutionnaires feront l'objet de sanctions. La franc-maçonnerie revendique, en revanche, la Commune à partir de 1880, quand les communards sont amnistiés. et de conclure : Quant à Crémieux, il est la seule victime de l'insurrection marseillaise, fusillé sur l'ordre d'Adolphe Thiers[12]...

On trouve le même propos sous la plume de Maître Lombard[13] qui, selon les mots de Jean Contrucci, « se mue en procureur, pour chasser la houppette sanglante d'Adolphe Thiers de son dictionnaire et mieux célébrer celui qu'il fit assassiner : le chef de la Commune marseillaise et «avocat des pauvres», Gaston Crémieux»[14].

Voir aussi

Références

Liens externes

  • La Commune de Marseille, un rêve inachevé : voir ICI
  • R.Vignaud Massalire - VIGNAUD : ICI
  • La Commune révolutionnaire de Marseille par Bianco, René : article de BIANCO et vie de L’auteur. voir ICI
  • Cercle G. Crémieux : un site anticommunautaire voir ICI
  • Gaston Crémieux : dirigeant de la Commune de Marseille : voir ICI

Bibliographie

  • Gaston Crémieux - œuvres posthumes, précédées d’une lettre de Victor Hugo et d’une notice par A Naquet, député de Paris. E. Dentu - éditeur - ibrairie de la Société des Gens de Lettres – 1884 ;
  • Roger Vignaud : Gaston Crémieux – la Commune de Marseille – un rêve inachevé… Edisud - 2003.

Liens internes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Gaston Crémieux de Wikipédia en français (auteurs)

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