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Essence synthétique
L'essence synthétique a été produite à grande échelle pour la première fois pendant la Seconde Guerre mondiale par l'industrie chimique allemande afin d'approvisionner la Wehrmacht qui manquait de pétrole. Les territoires conquis par le Troisième Reich n'étaient en effet pas gros producteurs de pétrole et la guerre empêchait l'Allemagne d'acheter du pétrole aux pays producteurs de l'époque. Par ailleurs, les véhicules essentiels pour le Blitzkrieg en étaient gros consommateurs.
Sommaire
Histoire
Avant 1939
Divers procédés avaient été élaborés avant la Seconde Guerre mondiale : Eugène Houdry, en France, fabrique de l'essence à partir de lignite (années 1920), mais le procédé est trop coûteux, et abandonné en 1930. En 1920, deux chimistes allemands, Fischer et Tropsch parviennent à liquéfier un gaz synthétique produit à partir du charbon.
Il existait également un procédé mis au point par Friedrich Bergius. Il consistait à faire réagir de l'hydrogène avec du charbon et des goudrons à une température de 450 degrés, sous une pression de 200 atmosphères, en présence d'un catalyseur.
L'essor dû à la Seconde Guerre mondiale
Ce sont les impératifs militaires allemands qui forcent à l'usage d'essence synthétique. De nombreuses usines en fabriquent, avec des rendements variables. Certaines sont situées dans les camps de concentration (On notera par exemple que la Pologne conservera quelque temps une unité d'essai à Auschwitz). La principale usine de production d'essence synthétique était située sur le site industriel de Blechhammer. Suite à la défaite nazie, les données et rapports techniques relatifs ont été récupérés par la Technical Oil Mission (TOM) anglo-américaine[1]. L'abandon du procédé Fischer-Tropsch pour la fabrication de carburant s'imposa par la suite après la découverte des champs pétrolifères d'Arabie Saoudite : la voie synthétique ne représentait plus une alternative rentable vis-à-vis du pétrole.
Cependant, dans les années 1950, l'Afrique du Sud développa une importante industrie de produits pétroliers synthétiques. Elle y fut contrainte par deux facteurs : l'apartheid, qui causa un blocus des produits pétroliers, puis bien, plus tard, par l'arrêt des livraisons en provenance de l'Iran. L'Iran était en effet le seul fournisseur de l'Afrique du Sud, et ce jusqu'à la révolution qui renversa le régime du Shah.
Fabrication
Un carburant de synthèse peut en théorie être produit à partir de toute matière première contenant du carbone et de l’hydrogène : charbon, biomasse (déchets agricoles, ménagers, industriels...), ou gaz naturel. Les étapes sont les suivantes :
- Production d’un gaz de synthèse (mélange de CO et d’H2) par vaporeformage, gazéification ou oxydation partielle ;
- Transformation de ce gaz en brut de synthèse composé de molécules linéaires comprenant typiquement de 1 à 80 atomes de carbone (Procédé Fischer-Tropsch) ;
- Hydrocraquage du brut de synthèse en produits finaux (naphta, kérosène, essence ou diesel, huiles de base pour lubrifiants, cires, produits de spécialité).
On parle des filières CTL (coal to liquids, du charbon vers les liquides), BTL (biomass to liquids, de la biomasse vers les liquides), GTL (gas to liquids, du gaz vers les liquides) en fonction de la matière première. Aujourd’hui, seuls gaz naturel et charbon sont à l’origine de productions industrielles de carburant.
La principale coupe pétrolière issue de ce procédé est en général le carburant car c'est le marché le plus vaste. Ce carburant est soit de l'essence, soit du diesel, en fonction de la variante technologique utilisée pour la conversion Fischer-Tropsch. Ce diesel d’excellente qualité bénéficie d’un indice de cétane (combustion) très élevé : il ne contient ni soufre, ni molécules aromatiques (benzène, toluène) et sa combustion produit moins de particules fines qu’un diesel traditionnel. Compte tenu de la réglementation et de sa densité plus faible, ce carburant est pour l’instant utilisé comme en mélange avec le diesel. Liquide, il ne nécessite aucune transformation des moteurs ni réseau de distribution dédié… Ces qualités pourraient selon ses promoteurs en faire le diesel propre des villes de demain. L'U.S. Air Force procède également à des tests de grande ampleur sur un B52, son ambition étant d'atteindre une proportion de 50% de carburants synthétiques pour son approvisionnement à l'horizon 2015.
Bilan environnemental
En l’état actuel des technologies, la production de synfuel est aussi émettrice de CO2 que le raffinage, voire bien davantage, lorsqu’il est issu du charbon. Et l’état des technologies en fait un mode de production d’énergie très consommateur d’énergie, et donc coûteux. Seul le développement de la filière BTL (gazéification de la biomasse) présenterait une réelle alternative. Les biocarburants 2e génération ainsi produits utilisent l’ensemble des plantes, pailles, tiges, déchets, bois et non pas les seules graines ou fruits comme les biocarburants actuels. Mais la filière BTL n’en est qu’à ses balbutiements. Si de nombreux projets de recherche sont en cours, aucune unité industrielle n’est encore active. Cependant, des unités pilotes BTL doivent également entrer en production prochainement en Allemagne. La filière BTL est confrontée à un problème majeur car les quantités de biomasse nécessaires sont énormes : il faut donc trouver un "gisement" suffisant et résoudre également les difficultés logistiques pour acheminer toute cette biomasse vers l'usine BTL.
Le renouveau de la filière GTL
Shell et PetroSA ont chacune mis en marche une unité GTL (Gas to liquids) de taille intermédiaire en 1993 : 12500 barils/jour pour l'usine de Shell à Bintulu (Malaisie), 24000 barils/jour pour l'usine de PetroSA à Mossel Bay (Afrique du Sud). La renaissance du GTL (encore à confirmer) date des années 2000. Sasol, Chevron, Shell, ExxonMobil, Syntroleum (en), ont notamment signé des accords avec Qatar Petroleum au Qatar, dont les réserves gazières sont considérables, mais depuis, la plupart de ces projets ont été annulés. La première unité de production est entrée en production début 2007, Oryx GTL (34 000 barils/jour), qui appartient à Sasol et Qatar Petroleum. Shell a également débuté fin 2006 la construction de Pearl GTL, usine géante de 140 000 barils/jour. Combinés, l'ensemble des unités GTL opérationnelles devraient produire à l’horizon 2011 quelque 250 000 barils/jour (la production totale de pétrole étant de l’ordre de 84 millions de barils/jour). Un autre projet important est également en cours de construction au Nigeria (Escravos GTL, 34 000 barils/jour). Tous les autres projets GTL envisagés jusqu'ici sont suspendus, que ce soit en Égypte, Indonésie, Bolivie, Afrique du Sud... Ce dernier reste le premier producteur de carburants synthétiques au monde (200 000 barils/jour), avec sa production issue du charbon. La Chine se lance également dans de grands projets de carburants extraits du charbon.
L’Agence internationale de l'énergie (AIE) estime à 2,4 millions de barils/jour la capacité de GTL installée à l’horizon 2030… chiffre à mettre en perspective avec la prévision concernant l’évolution de la demande à la même échéance : 120 millions de barils/jour.
En mars 2006 en Europe, 3 constructeurs automobiles (DaimlerChrysler, Renault, VW) et 2 pétroliers (Chevron, Shell) ont fondé l’AFSE (Alliance for synthetic fuels in Europe) dont l’objectif est de promouvoir ces carburants en Europe.
Le 1er février 2008 Airbus teste en condition réelle à bord d'un Airbus A380 l'utilisation du GTL en tant que carburant (mélangé avec 60% de kérosène) pour l'un des quatre réacteurs de l'avion[2].
Perspectives
Une unité de production GTL exigeant un investissement deux à trois fois plus important qu’une raffinerie et l’accès à une matière première bon marché, seuls des projets d’envergure ont pour l’instant vu le jour chez les gros producteurs de gaz naturel (Moyen-Orient, Asie, Afrique), dans des pays qui y voient une manière supplémentaire de le valoriser.
Issu d’une ressource hydrocarbure, le bilan environnemental des carburants synthétiques issus de la filière GTL reste modérément intéressant, même si des innovations technologiques peuvent l’améliorer. L’utilisation de la biomasse (BTL) pourrait en revanche présenter un potentiel intéressant, environnemental et en termes de dépendance énergétique des pays non-exportateurs d’hydrocarbures, même si ce potentiel est forcément limité compte tenu des grandes quantités de biomasse requises.
Le maintien du brut à des prix élevés devrait toutefois favoriser le développement des filières GTL, voire CTL, et amener les carburants synthétiques à occuper une place significative dans le bouquet énergétique du futur.
Notes et références
Bibliographie
Voir aussi
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