- Fraction égyptienne
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Une fraction égyptienne est une somme de fractions unitaires, c'est-à-dire de fractions qui ont des numérateurs égaux à un et des dénominateurs entiers positifs, avec ces dénominateurs tous différents les uns des autres.
Il peut être montré que tous les nombres rationnels positifs peuvent être écrits sous cette forme et ce, d'une infinité de façons différentes.
En effet, il est trivial d'exprimer toutes fractions par une somme de fractions unitaires en se permettant de répéter les termes comme dans l'exemple :
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Mais si l'on exige que tous les dénominateurs soient distincts, à l'instar des Égyptiens durant l'Antiquité, cette représentation est toujours possible grâce à l'identité :
- que connaissait dès 1202 le grand mathématicien européen du Moyen Âge Leonardo Fibonacci.
Ainsi, en reprenant l'exemple ci-dessus : 2/5 = 1/5 + 1/6 + 1/30. En appliquant le même procédé à chacune des fractions unitaires, 2/5 peut donc s'exprimer comme une multitude de fractions égyptiennes.
On peut démontrer le même résultat en utilisant les séries harmoniques.
Il peut être montré que chaque nombre rationnel positif, a/b, peut être écrit sous la forme d'une fraction égyptienne. Ce type de sommes, utilisé pour exprimer les fractions par les anciens Égyptiens, a continué à faire l'objet d'études lors de la période médiévale. En notation mathématique moderne, les fractions égyptiennes ont été remplacées par les fractions vulgaires et la notation décimale. Néanmoins, les fractions égyptiennes continuent d'être un objet d'étude en théorie des nombres moderne et en mathématiques récréatives, aussi bien que dans les études historiques modernes des mathématiques anciennes.
Dans cet article, nous résumons ce qui est connu à propos des fractions égyptiennes à la fois anciennes et modernes. Pour les détails des sujets traités ici, voir les articles liés.
Sommaire
Les fractions dans l'Égypte antique
Articles détaillés : Numération égyptienne et Mathématiques en Égypte antique.Cette propriété a permis aux anciens Égyptiens d'exprimer simplement tous les nombres rationnels.
N'importe quelle fraction que nous écrivons avec un numérateur non unitaire était écrite par les anciens Égyptiens comme une somme de fractions unitaires sans que deux de ces dénominateurs soient les mêmes.
Le hiéroglyphe en forme de bouche ouverte qui signifie partie était utilisé pour représenter le numérateur 1 :
Les fractions étaient écrites avec ce hiéroglyphe dessus et le dénominateur en dessous. Ainsi 1/3 était écrit :
Il y avait des symboles spéciaux pour les fractions les plus courantes comme 1/2 et pour deux fractions non unitaire 2/3 et 3/4 :
Si le dénominateur devenait trop large, la "bouche" était placée juste au début du dénominateur :
Bien que d'usage peu commode, la représentation d'un nombre rationnel en fractions égyptiennes comme se l'imposaient les Égyptiens permet de déterminer immédiatement qu'une fraction est plus grande que l'autre.
Exemple :
- 55/84 = 1/2 + 1/7 + 1/84
- 7/11 = 1/2 + 1/8 + 1/88
Donc, le nombre rationnel 55/84 est clairement plus grand que 7/11 alors que ces deux nombres ne diffèrent entre eux que de 2% environ.
La "table de deux" du Papyrus Rhind
Le papyrus Rhind (environ -1650) qui est conservé au British Museum de Londres, est le plus important document nous informant des connaissances mathématiques des temps anciens. Il comporte 87 problèmes résolus d'arithmétique, d'algèbre, de géométrie et d'arpentage. Mais, avant de prendre connaissance de ces problèmes, l'égyptien devait avoir à sa disposition différentes tables lui permettant de décomposer directement les fractions non unitaires en fractions unitaires. Une de ces tables, la table dite "de deux", se trouve en première position sur le Papyrus de Rhind. Elle répertorie les fractions dont le numérateur est 2 et dont le dénominateur varie de 3 à 101, et donne leur équivalent en somme de fractions unitaires.
Quelques exemples de décomposition en fractions unitaires de la table de deux :
2/5 -> 1/3 + 1/15 2/7 -> 1/4 + 1/28 2/9 -> 1/6 + 1/18 2/11 -> 1/6 + 1/66 2/101 -> 1/101 + 1/202 + 1/303 + 1/606 Ces différents résultats furent obtenus par les anciens égyptiens en appliquant la technique de la division :
exemple de 2/5 :
1 5 2/3 3 + 1/3 ✔ 1/3 1 + 2/3 ✔ 1/15 1/3 1/3 + 1/15 2 (1 + 2/3) + 1/3 = 2 par conséquent le résultat est 1/3 + 1/15.
Exemple du papyrus Rhind
Le problème numéro 24 du papyrus est le suivant : Un nombre ajouté à son septième donne 19, quel est ce nombre ?
Sous forme symbolique moderne, la réponse est triviale: x + x/7 = 8x/7 = 19, soit x = 133/8.
Mais il y a 4 000 ans, le calcul fractionnaire et le symbolisme algébrique n'étaient pas vraiment au point. En fait, le problème n'est alors pas dans la résolution même de l'équation, mais dans la mise en équation et la difficulté d'aboutir, à défaut d'une démarche algébrique pratique, à la forme simple ax = b.
Pour cela les Égyptiens utilisaient la méthode dite de la fausse position. On appelle ainsi une méthode de résolution algébrique consistant à fournir une solution approchée (fausse) conduisant, par un algorithme approprié tirant parti de l'écart constaté, à la solution du problème considéré.
Dans notre exemple l'idée première est de se débarrasser du dénominateur gênant en choisissant 7 comme solution "approchée" (fausse position) : le scribe obtient 8 dans le calcul du nombre augmenté de son septième. Il utilise ensuite implicitement l'algorithme suivant (où x' = 7 et c = 8) :
Si ax = b et ax'= c alors ax/ax' = b/c soit x = x'(b/c)
C'est exactement ce qui est proposé dans le papyrus : on divise 19 par 8, ce qui fournit 2 + 1/4 + 1/8 et multiplie le tout par 7 = 1 + 2 + 4, ce qui fournit (2 + 1/4 + 1/8) + (4 + 1/2 + 1/4) + (9 + 1/2), soit 16 + 1/2 + 1/8.
Mathématiques médiévales
Articles détaillés : Algorithme pour les fractions égyptiennes et Développement d'Engel.La notation sous forme de fractions égyptiennes a été utilisée pendant la période grecque et même au Moyen Âge (Struik 1967) en dépit des plaintes dès l'Almageste de Ptolémée à propos de la maladresse de cette notation comparée aux notations alternatives telles que la notation babylonienne en base soixante.
Le Liber Abaci (1202) de Fibonacci contient plusieurs sections sur les mathématiques liées aux fractions égyptiennes. La plus connue de ces dernières est l'algorithme glouton pour le calcul des fractions égyptiennes, par le choix répété de la fraction unitaire avec le plus petit dénominateur qui n'est pas plus grand que la fraction restante à développer : c’est-à-dire, dans une notation plus moderne, nous remplaçons une fraction x//y par le développement :
Comme chacun de ces développements réduit le numérateur de la fraction restante à développer, cette méthode termine toujours avec un développement fini ; néanmoins, comparée aux développements égyptiens anciens ou aux méthodes plus modernes, cette méthode peut produire des développements qui sont longs, avec de grands dénominateurs. Par exemple, cette méthode développe :
tandis que d'autres méthodes conduisent au meilleur développement :
La suite de Sylvester 2, 3, 7, 43, 1807, ... peut être vue comme engendrée par un développement glouton infini de ce type pour le nombre un, où à chaque étape, nous choisissons le dénominateur : à la place de
Construire une représentation par fraction égyptienne d'un nombre rationnel donné r=a/b, avec r compris entre 0 et 1 :
- Trouver la plus grande fraction unitaire juste inférieure à r. Le dénominateur peut être trouvé en divisant b par a, en écartant le reste, et en additionnant un. S'il n'y a pas de reste, nous réussissons quand même, car r est elle-même une fraction unitaire.
- Soustraire la fraction unitaire trouvée de r, puis recommencer l'étape précédente en utilisant cette valeur plus petite que r.
Exemple : convertir 19/20 en une fraction égyptienne.
- 20/19 = 1 avec un certain reste, donc notre première fraction unitaire est 1/2.
- 19/20 - 1/2 = 9/20.
- 20/9 = 2 avec un certain reste, donc notre deuxième fraction unitaire est 1/3.
- 9/20 - 1/3 = 7/60
- 60/7 = 8 avec un certain reste, donc notre troisième fraction unitaire est 1/9.
- 7/60 - 1/9 = 1/180 qui est elle-même une fraction unitaire.
Donc, notre résultat est :
Notez que cette représentation d'un nombre rationnel donné sous forme de fraction égyptienne n'est pas unique, et que l'algorithme donné plus haut ne produit pas la plus petite de ces représentations :
Quelquefois, l'algorithme glouton de Fibonacci est attribué à Sylvester.
Dans le Liber Abaci, Fibonacci a écrit aussi à propos de la forme ascendante d'une fraction continue,
qui peut être réécrite comme une sorte de fraction égyptienne, quelquefois appelée un produit égyptien :
Un développement de cette forme dans lequel les entiers ai sont croissants est appelé un développement d'Engel. Chaque nombre rationnel possède un développement d'Engel fini, tandis que les nombres irrationnels ont un développement d'Engel infini.
Théorie des nombres moderne
Articles détaillés : Conjecture d'Erdős–Graham et Problème de Znám.Les théoriciens des nombres modernes ont étudié beaucoup de problèmes différents reliés aux fractions égyptiennes, incluant les problèmes de borne pour la longueur ou de dénominateur maximum dans les représentations en fractions égyptiennes, la recherche de développements de certaines formes spéciales ou dans lesquels les dénominateurs sont tous d'un certain type spécial, l'arrêt de diverses méthodes pour les développements de fractions égyptiennes et ont montré que les développements existent pour un ensemble suffisamment dense quelconque de nombres suffisamment lisses.
- La conjecture d'Erdős–Graham dans la théorie combinatoire des nombres établit que, si les fractions unitaires sont partitionnées en beaucoup de sous-ensembles de manière finie, alors, un des sous-ensembles peut être utilisé pour former une représentation en fraction égyptienne de un. C’est-à-dire, pour chaque r > 0, et chaque r-coloration d'entiers plus grands que un, il existe un sous-ensemble monochromatique fini S de ces entiers tel que :
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- La conjecture a été démontrée en 2003 par Ernest S. Croot, III.
- Le problème de Znám est intimement relié à l'existence des fractions égyptiennes de la forme :
- Les fractions égyptiennes sont normalement définies comme requérant tous les dénominateurs distincts, mais ceci peut être assoupli pour permettre les dénominateurs répétés. Néanmoins, cette forme assouplie des fractions égyptiennes ne permet pas une représentation d'un nombre quelconque utilisant peu de fractions, comme tout développement avec des fractions répétées peut être converti en une fraction égyptienne de longueur égale ou plus petite par l'application du remplacement :
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- si k est impair, ou simplement en remplaçant 1/k+1/k par 2/k si k est pair. Ce résultat fut démontré en premier par Takenouchi (1921).
- Graham et Jewett (Wagon 1991) et Beeckmans (1993) ont démontré qu'il est possible, de manière similaire, de convertir les développements avec des dénominateurs répétés en fractions égyptiennes (plus longues), via le remplacement :
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- Cette méthode peut conduire à de longs développements avec de grands dénominateurs, tels que :
- Botts (1967) a utilisé originellement cette technique de remplacement pour montrer qu'un nombre rationnel quelconque possède des représentations en fractions égyptiennes avec des dénominateurs minimums arbitrairement grands.
- Une fraction x/y quelconque possède une représentation en fraction égyptienne dans laquelle le dénominateur maximum est borné par
- Graham (1964) a caractérisé les nombres qui peuvent être représentés par les fractions égyptiennes dans lesquelles tous les dénominateurs sont des puissances n-èmes. En particulier, un nombre rationnel q peut être représenté comme une fraction égyptienne avec des dénominateurs carrés si et seulement si q est situé dans un des deux intervalles demi-ouverts :
- Martin (1999) a montré qu'un nombre rationnel quelconque possède des développements très denses, en utilisant une fraction constante de dénominateurs allant jusqu'à N pour un N suffisamment grand.
Conjecture de Sierpiński
Pour tout entier n > 1, il existe trois naturels a, b et c tels que :
Remarque : contrairement aux fractions égyptiennes, on n'impose pas à a, b et c d'être tous différents.
Il semble que l'on ne sache pas encore démontrer la conjecture de Wacław Sierpiński.
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