Fardier

Fardier

Joseph Cugnot

Nicolas-Joseph Cugnot est un ingénieur militaire français, né à Void-Vacon, Meuse, le 26 février 1725, mort à Paris le 7 octobre 1804[1], connu pour avoir conçu et réalisé, entre 1769 et 1771, le premier véhicule automobile jamais construit.

Il s'agit d'un « fardier » d'artillerie, mû par une machine à vapeur à deux cylindres, conservé en parfait état au musée des Arts et Métiers, à Paris.

Le véhicule dessiné un siècle auparavant par le jésuite belge Ferdinand Verbiest, publié en 1668 ou 1672 dans l’ouvrage Astronomia Europa et parfois présenté comme le tout premier véhicule automobile, n'est qu'un jouet comportant un jet de vapeur et une roue à aubes, dont la réalisation n'est pas prouvée[2].

Fardier de Cugnot, modèle de 1771, conservé au musée des Arts et Métiers, à Paris.

Sommaire

Ses grands projets et son heure de gloire

Son travail reste axé sur le domaine militaire. Ses observations sur l’artillerie lourde, le transport et la fortification lui inspirent quelques idées d’inventions nouvelles. Ainsi, il met au point un fusil spécial utilisé par les militaires à cheval. Cependant, ayant d’autres perspectives, concernant entre autres les machines à vapeur, il se retire de l’armée en 1763, pour se consacrer à ses propres recherches.

Après un bref séjour à Bruxelles, Cugnot rentre à Paris et publie en 1766 Éléments de l’art militaire ancien et moderne et, en 1769, Fortification de campagne théorique et pratique, ouvrage qui rencontrera un certain succès et grâce auquel il se fait connaitre dans les milieux militaires. Son concept de véhicule à vapeur, jusqu'alors jamais envisagé, est pris au sérieux. La technologie toute nouvelle de la machine à vapeur (voir Denis Papin et James Watt) est alors un domaine de recherche de pointe.

Le duc de Choiseul, ministre des affaires étrangères, de la guerre et de la marine, tente au même moment de développer l’artillerie : Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval, l’ingénieur militaire délégué à ces missions, donne alors sa chance à Cugnot et à son « fardier ». Très intéressé, Choiseul soutient la construction d’un premier prototype, « aux frais du roi », en 1769. Les essais sont menés en octobre.

Ceux-ci sont concluants, malgré quelques problèmes techniques. La construction d’un second prototype en vraie grandeur est alors ordonnée par Gribeauval. C’est un grand tournant dans la carrière de Cugnot : le coût exorbitant du projet et les fortes réserves émises par les ingénieurs quant à sa « faisabilité » n'ont pas suffi à invalider le programme.

Multiples embûches et oubli

Premier accident d'automobile, 1770

La suite de la vie de Cugnot est semée de déconvenues. Le véhicule « grandeur nature » étant prêt en 1770[3], ses premiers essais ont lieu en novembre 1770 à Vanves. Un premier accident survient : on ne parvient pas à freiner le fardier qui détruit un mur en le percutant. Malgré ce contretemps, d’autres essais sont prévus.

Alors que l'engin est réparé, en juin 1771, Cugnot perd deux de ses précieux soutiens, Choiseul et Gribeauval : le premier a quitté ses fonctions un an plus tôt ; le second, le nouveau ministre montrant moins d'intérêt que son prédécesseur pour l’innovation, se voit privé de l’appui financier nécessaire. Les essais ne peuvent se poursuivre. Le prototype est donc entreposé à l’Arsenal, où il tombe dans l’oubli.

À partir de ce moment, on n’entend plus parler de Cugnot dans le domaine militaire. Il continue cependant ses recherches seul : il publie en 1778 Théories de la Fortification. À partir de 1779, il touche une pension de 660 livres par an, eu égard à l'intérêt de ses inventions. Dix ans plus tard, alors qu’éclate la Révolution française à Paris, il perd ses revenus et s'installe en Belgique. En 1800, à son retour à Paris, une maigre rente du Consulat lui est attribuée, grâce à laquelle il peut finir sa vie sans soucis financiers. Cugnot meurt en octobre 1804 à Paris, sans descendance.

Le « chariot à feu » ou « fardier de Cugnot »

C'est donc essentiellement le prototype connu comme le « fardier de Cugnot » qui a immortalisé le nom de son créateur. Selon certains de ses contemporains, comme Gribeauval, deux fardiers ont été construits officiellement, le premier étant un modèle réduit ; cependant, il se peut qu’une première maquette ait été réalisé par l’ingénieur lui même, avant 1769.

Origines de l'invention

C’est sans doute lors de son service dans l’armée que Cugnot élabora son projet de fardier à vapeur. L'observation des énormes chars roulants tirés par des chevaux servant au déplacement des pièces d'artillerie, la lourde intendance nécessaire à l'entretien des animaux, source de retard et de lenteur, suggéra sans doute à Cugnot une solution visant à remplacer la traction hippomobile. Ce problème avait déjà été envisagé par son prédécesseur Denis Papin, qui construisit un bateau à vapeur dès 1707, ainsi que par Thomas Newcomen, créateur de la première machine à vapeur proprement dite. Cette invention a influencé Cugnot.

Un projet ambitieux

Les dimensions du véhicule sont importantes : 7,25 mètres de long et 2,19 m de large. Les roues arrière font 1,23 m de diamètre. Il ne pèse pas moins de 2,8 tonnes à vide et environ 8 tonnes en charge : ancêtre, outre de l'automobile, de nos chars d'assaut modernes, le fardier est avant tout conçu pour le transport des canons. La célèbre « marmite », cuve à eau du système de propulsion, mesure près d'1,50 mètre de diamètre. La réalisation d’un tel projet nécessite des fonds considérables : il coûta environ 20 000 livres de l'époque, comparables à 3 ou 400 000 euros[réf. nécessaire]. L'armée ne lésine donc pas : ce nouveau système de transport d'armes lourdes suscite un intérêt indéniable.

C’est grâce au soutien financier de Gribeauval et de Choiseul que le second fardier fut construit après les essais du premier en 1769 : on fait alors appel à Brezin dès avril 1770 pour le lancement du « chantier » ; les pompes (cylindres et pistons) sont fabriquées à l’Arsenal de Strasbourg. Rien n'est refusé au bon déroulement de ce projet d'avant-garde. Le « chariot à feu », après sa réparation (cf. accident de 1770), est prêt en juin 1771.

Description du fardier

Schéma du fardier de Cugnot

Le véhicule se compose de deux parties principales : le moteur (foyer et chaudière), c’est-à-dire la marmite située à l’avant, énorme récipient sous pression, en cuivre, et le châssis, constitué de deux poutres longitudinales reliées par des traverses en bois, structure où doivent prendre place le conducteur et le chargement. La charge repose essentiellement sur les deux grandes roues arrière.

S'agissant de la partie avant, tractrice, les idées de Cugnot sont déjà innovatrices : le "moteur" est constitué d'une machine à vapeur à deux cylindres verticaux, les pistons entraînant une unique roue motrice. La marmite alimente la machine à vapeur grâce à un système de transmission de vapeur d'eau sous pression. La machine entraînant la roue motrice par pistons est le prototype simplifié des locomotives à vapeur du siècle suivant.

L’appellation « fardier » désignait ce type de chariots destinés au transport des charges très lourdes (fardeau).

Fonctionnement et utilisation

Le « chariot à feu » de Cugnot est le premier véritable et unique prototype de véhicule automobile capable de transporter un adulte de l'histoire humaine, et c'est aussi la première machine à vapeur à rotation.

Le fardier utilisait un moteur dérivé de la machine de Thomas Newcomen pour faire tourner une roue motrice unique à l'aide de deux pistons transmettant l'énergie fournie par une chaudière à vapeur. La « marmite » contenait une réserve d'eau portée à ébullition par un foyer à bois, et la vapeur se transmettait, par un tuyau, à deux pistons entraînant la roue dans un mouvement circulaire (machine dite « atmosphérique » de type Newcomen). Le véhicule disposait de quatre commandes : le frein, les poignées de direction (sorte de volant qui agissait sur la roue motrice), une tringle, qui jouait le rôle d’accélérateur en actionnant le robinet de vapeur, et deux cliquets inversant le mouvement à double effet des pistons et provoquant la marche arrière.

Demeuré à l'état de prototype, le fardier souffre de graves défauts de jeunesse. Tout d’abord la mise en œuvre est très longue : l’eau doit atteindre la température voulue ; puis le combustible se consume très rapidement. Les pauses pour recharger le moteur sont donc fréquentes : toutes les douze minutes environ. Le Fardier, lorsqu’il est en côte, ne développe pas assez de puissance, du fait de la faible pression de la vapeur. Cugnot n’a pas résolu le problème du freinage, qui pouvait être fatal en descente : la simple pédale qui sert de frein est pratiquement inopérante dans ce cas. Enfin, la vitesse maximale, bien que constituant un succès scientifique remarquable, (entre 3,5 et 4 km/heure) permettait néanmoins tout juste de suivre une armée à pied. En dépit de son utilité certaine dans le transport de charges lourdes, le fardier de 1771 n'était pas, en l'état, capable de remplacer efficacement les chevaux.

Le fardier, après Cugnot et de nos jours

Trente ans après la fin des essais du chariot, le commissaire général de l’artillerie, nommé Roland, signale l’existence de l’engin, toujours entreposé à l’Arsenal, et propose de nouveaux essais à Bonaparte. Mais ce dernier, occupé à préparer la campagne d'Égypte, refuse. Par souci de gain de place, on le transfère alors dans l'abbaye de Saint-Martin-des-Champs, qui fait aujourd'hui partie du Musée des Arts et Métiers, où il est toujours conservé.

Cet exemplaire unique du premier véhicule automobile de l'histoire est parvenu jusqu'à nous dans un état de conservation remarquable.

Notes et références

  1. Le fardier de Cugnot descriptif détaillé sur le site de la Société des Ingénieurs de l'Automobile (SIA)
  2. en:Ferdinand Verbiest
  3. 2007 Concours Lépine, le livre des inventions, Flammarion, édition septembre 2006

Bibliographie

  • Max Rauck, Cugnot, 1769–1969: der Urahn unseres Autos fuhr vor 200 Jahren, Münchener Zeitungsverlag, Munich, 1969.
  • Bruno Jacomy, Annie-Claude Martin: Le Chariot à feu de M. Cugnot, Paris, 1992, Nathan/Musée national des techniques, ISBN 2-09-204538-5.
  • Louis Andre: Le Premier accident automobile de l'histoire , in La Revue du Musée des arts et métiers, 1993, Numéro 2, p 44-46

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