- Expérience
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D'un point de vue très théorique, une expérience est un engagement dans une situation de mise à l'épreuve d'un élément d'ordre spéculatif, souvent appelé hypothèse lorsqu'elle s'inscrit dans un système logique. Cette situation et cet engagement ne sont pas toujours recherchés, il arrive ainsi qu'on parle d'expérience mystique quand se produit une révélation d'ordre spirituel. Au contraire, dans les disciplines scientifiques, les expériences sont qualifiées de scientifiques parce qu'elles sont conduites en respectant des protocoles aussi rigoureux que possible, concernant aussi bien la planification et la mise-en-œuvre concrète de la situation expérimentale, que le recueil des données (souvent au moyen d'instruments de mesure) ou l'interprétation théorique qu'il en est faite.
En raison de cet élément spéculatif, l'expérience comporte de manière intrinsèque un poids d'indétermination (incertitude) plus important que les autres types d'initiatives (actions, activités, projets, programmes, etc...) qui visent un but en réduisant au minimum les paramètres incertains. Il n'y a cependant pas de frontière nette, et toute initiative peut être au moins rétrospectivement appréhendée comme une expérience didactique, formatrice, capitalisable en elle-même.
La conduite d'une expérience mène ainsi à deux types de bénéfice. D'abord le bénéfice pour l'objet central de l'expérience en matière d'informations nouvelles (si l'expérience a été pertinente), mais aussi dans tous les cas, un enseignement sur les causes de l'éventuel échec, enseignement qui sera réinvesti dans la définition d'une expérience plus adéquate.
Les expériences, réalisées selon un protocole précis et renouvelable, sont essentielles en matière de progrès des connaissances, particulièrement dans les sciences dites exactes. Voir Expérience scientifique ou Expérience technologique ; plan d'expérience ; liste des expériences scientifiques.
De ce concept très extensif, ont dérivé des acceptions particulières. Ainsi, on nomme aussi expérience :
- Le savoir élaboré à l'aide d'expériences diverses, alliées à la réflexion, à l'intuition,...
- Une partie du vécu subjectif d'une personne, pouvant aller jusqu'au traumatisme, ou par exemple expérience de mort imminente
- Un exercice intellectuel : expérience de pensée, petites expériences de pensée
- La pratique d'un courant artistique innovant ou d'avant-garde: cinéma expérimental, littérature expérimentale
Sommaire
Structure théorique d'une expérience
D'un point de vue très général, l'expérience isolée comporte sommairement trois phases : la préparation ; l'expérimentation ; l'évaluation ; les deux dernières étant l'aboutissement simple de ce qui les a précédé.
Une expérience globale composée d'expériences partiellement individualisables comporte les trois mêmes pôles. Cependant si dans l'expérience isolée les trois phases constituent autant d'étapes réglées chronologiquement, dans l'expérience globale, il s'agit de trois registres qui interagissent en permanence. Ainsi :
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- L'évaluation est plus ou moins associée aux paramètres pris en compte dans la préparation, par exemple, les résultats questionnent la méthode d'échantillonnage ;
- L'expérimentation peut être répétée, en fonction des deux autres phases ;
La préparation se réalise autour d'une double intention : la réussite de l'expérience, c'est-à-dire la conduite jusqu'à son terme ; la pertinence ou succès de l'expérience, c'est-à-dire l'accès à un résultat positif, à l'égard de l'objectif initial.
Chacune des intentions motivant et organisant l'expérience trouve ses limites dans au moins une forme d'incertitude : l'incertitude de base portant sur la réalisation de l'expérience est rejointe par autant d'incertitudes qu'il y a de choix possibles pour les conditions initiales.
La préparation est donc basée sur des perspectives et opérations d'anticipation ; supputations de l'expérience qui peuvent réduire l'incertitude sur tel ou tel paramètre.
La préparation aboutit ainsi à la réunion de facteurs d'efficacité.
Dans l'expérience globale, chaque phase ne résultant pas simplement de la précédente, les liens entre les conditions initiales et les résultats sont affectés par une complexité qui apporte une nouvelle charge d'incertitude.
L'évaluation se réfère à des critères qui auront été explicités en association avec la détermination des facteurs d'efficacité.
L'expérience qualitative préalable
Wolfgang Köhler constate que "les physiciens ont mis des siècles à remplacer graduellement des observations directes et surtout qualitatives par d'autres, indirectes, mais très précises". Il cite quelques exemples où tel savant fait une observation singulière mais uniquement d'ordre qualitatif avant que ce fait - une fois découvert - serve de fondement à une méthode d'évaluation quantitative du phénomène ; ces méthodes se concrétisant souvent en instruments de mesure toujours plus perfectionnés.
Il généralise ce constat historique en posant que toute nouvelle science se développe naturellement par le passage progressif des "expériences directes et qualitatives" aux "expériences indirectes et quantitatives" ; celles-ci étant une caractéristique majeure des "sciences exactes". Il insiste sur la nécessaire accumulation préalable des expériences essentiellement qualitatives ; conditions indispensables des investigations quantitatives ultérieures.
C'est le défi qu'il propose à la psychologie qu'il considère comme une "jeune science. Il invite ainsi à résister à l'imitation de la physique ; à ne pas plaquer les méthodes d'une science mûre sur les tatonnements de celle qui se cherche et donc à favoriser avant tout la croissance des expérimentations préalables indispensables aux futures expériences quantitatives rigoureuses.
Reconnaissant la complexité de l'objet de la psychologie comparée aux simplifications que la physique autorise, il assure après avoir évoqué la question des tests qu"on ne saurait assez souligner l'importance de l'information qualitative comme complément nécessaire du travail quantitatif".
- W. Köhler, Gestalt Psychology, 1929. Traduction française La psychologie de la forme, Gallimard, Paris, 1964. Traduit par Serge Bricianer.
L'exemple type est celui de Galilée, qui découvre le mouvement des planètes par l'observation avec une lunette astronomique.
Voir aussi
- Expérimental
- Méthode expérimentale
- Analyse expérimentale
- Théorie vérificationniste de la signification du positivisme logique
- Fait
Liens externes
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