Droit du sang

Droit du sang

Le droit du sang ou en latin, jus sanguinis, est la règle de droit accordant aux enfants la nationalité de leurs parents. Dans la plupart des pays du monde comme l'Allemagne, la Suisse, la France, l'Autriche, le Japon, etc. la nationalité est principalement régie par le droit du sang qui consiste à donner aux enfants, à la naissance, la nationalité de leurs parents, quel que soit le pays où ils naissent. Dans un nombre limité de pays d'immigration, comme les USA, l'Argentine, le Canada, ou l'Australie, les enfants reçoivent à leur naissance la nationalité du pays, quelle que soit la nationalité des parents.

Sommaire

Application

Cette notion s'oppose à celle de droit du sol (ou jus soli dans sa version latine) qui accorde à l'enfant la nationalité du territoire où il naît, indépendamment de la nationalité de ses parents.

Toutefois, l'un n'exclut pas l'autre. Par exemple, la naissance en France suivie d'un séjour continu sur le sol français, permet à un enfant étranger d'obtenir la nationalité française à sa majorité, voire un peu avant dans certains cas.

Le droit du sang est très ancien et il continue à prédominer dans tous les pays qui ne cherchent pas à se peupler par un apport de populations migrantes, comme les USA, l'Australie, le Canada, et en général toutes les anciennes colonies de peuplement bitanniques. Il présente l'avantage de faire dépendre les enfants du même droit civil et du même statut personnel que ses parents, ce qui est fondamental pour leur permettre de bien les élever dans leur tradition.

Le droit du sang est encore très présent en Europe centrale et orientale, ainsi qu'en Asie (par exemple dans le système des Millets). Il a aussi été le droit romain initial. Les premières ébauches de droit du sol (partiel) datent de Clisthène, et se développent dans le monde romain lorsque la citoyenneté est élargie à tous les habitants libres de l'Empire.

France

En France, selon Patrick Weil, le droit du sol, contrairement à une idée largement répandue, est loin d'avoir été un «  principe permanent de la politique de la nationalité française ». Selon lui, il a été introduit en France en 1515 par un arrêt du parlement de Paris (qui portait sur le droit d'aubaine). Toutefois, on ne peut pas dire qu'il existait à cette époque une notion comparable à celle contemporaine de nationalité française qui rassemble plusieurs droits différents: celui d'être régnicole, c'est-à-dire justiciable des tribunaux royaux français, celui de la naturalité, c'est-à-dire d'être régi par le statut civil local qui n'était pas encore un droit national mais des coutumes régionnales, et celui de la citoyenneté (droit de voter et d'être élu) qui n'était pas non plus uniforme puisque la France était une société d'ordres et de communautés. La citoyenneté se déclinait aux différentes échelles locales: on pouvait ne pas être une personne régnicole française, mais pouvoir voter aux élections municipales de la ville dont on était bourgeois, tandis qu'un Français régnicole qui n'avait pas encore ses lettres de bourgeoisie était considéré comme un étranger à la ville et ne votait pas. Dans beaucoup de villes, il fallait être natif de la ville pour pouvoir prétendre aux fonctions édilitaires. Sous l'Ancien régime, tout changement de naturalité supposait des lettrs royales de naturalisation.

Il faut attendre la Constitution de 1791 pour qu'une loi positive mentionne la possibilité d'une acquisition automatique de la nationalité par la naissance en France: « sont français les fils d'étrangers nés en France et qui vivent dans le royaume ». En 1804, « en rupture avec la tradition », le Code civil, contre le souhait de Napoléon Bonaparte[1],[2], instaure la primauté de la filiation paternelle (droit du sang ou jus sanguinis) : « La nationalité est désormais un attribut de la personne, elle se transmet comme le nom de famille, par la filiation. Elle est attribuée une fois pour toutes à la naissance, et ne dépend plus de la résidence sur le territoire de la France » mais conserve toutefois le droit du sol (jus soli) en obligeant l'individu né d'un étranger à réclamer la nationalité française dans l'année qui suit sa majorité[3]. Toutefois, selon Patrick Weil, « cette rupture avec la tradition n’avait aucune dimension ethnique » mais « signifiait simplement que la nation étant comme une grande famille, on attribuerait dorénavant la nationalité comme d’autres droits personnels (noms, biens) par la transmission par le pater familias » [2],[4].

La loi de 1889 , sur fond d'immigration croissante[5], marque le retour du jus soli. Selon Patrick Weil, « La France étant devenue un pays d'immigration, elle ne pouvait laisser croître plus longtemps en son sein une population d'étrangers ». Toutefois, afin de garantir leur socialisation, les enfants de parents nés à l'étranger ne pouvaient obtenir la citoyenneté qu'une fois qu'ils avaient atteint leur majorité[6].

Implications politiques

La controverse entre partisans du droit du sang et droit du sol traduit des visions philosophiques et politiques antagonistes, l'une naturaliste, l'autre humaniste.

Les êtres humains d'origines différentes sont, dans cette vision, vus comme des espèces animales différentes : irréductiblement différents et inassimilables. Dès lors, la préservation de l'identité nationale de chaque pays passe par des lois issues du droit du sang.

Le droit du sol est au contraire assimilateur, comme l'ont déclaré Patrick Henry, Benjamin Franklin et George Washington en 1775 à Philadelphie : "Le droit du sol est cette dignité qui est donnée à tout homme qui vit, travaille et paye ses taxes dans nos colonies, d'être accepté comme un citoyen à part entière, pourvu du droit d'exprimer ses opinions et de participer aux décisions le concernant, quelles que soient ses origines, sa foi ou sa fortune" (à noter toutefois que cette déclaration excluait implicitement les femmes, les esclaves et les Amérindiens)[7]. Les êtres humains sont, dans cette vision, vus comme les membres d'une seule et unique espèce, fondamentalement semblables. Dès lors, l'identité nationale du pays se forge progressivement par l'éducation, la multiculturalité et l'assimilation (le fameux melting pot).

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Notes et références

  1. « Bonaparte lui-même était favorable au droit du sol estimant que toute personne d’origine étrangère qui avait reçu une éducation française était français (n’oublions pas qu’il était né 6 mois après l’annexion de la Corse par la France). Il ne fut pas suivi. », Christian Bruschi, La citoyenneté et la nationalité dans l’histoire, Revues Plurielles, Ecarts d'identité - N°75
  2. a et b Patrick Weil, L’accès à la citoyenneté : une comparaison de vingt-cinq lois sur la nationalité, Nationalité et citoyenneté, nouvelle donne d’un espace européen, Travaux du centre d’études et de prévision du Ministère de l’Intérieur, mai 2002, n°5, p. 9-28
  3. Christophe Vimbert, La tradition républicaine en droit public français, Publication Univ Rouen Havre, 1992, p.34
  4. « Dans l’Europe du dix-huitième siècle, le jus soli était le critère dominant pour attribuer la nationalité dans les deux royaumes les plus puissants, la France et l’Angleterre. Les individus y avaient été liés au seigneur qui possédaient les terres sur lesquelles ils étaient nés et l’État avait hérité de cette tradition féodale avec laquelle la Révolution française rompit. Le jus soli symbolisant cette allégeance féodale, il fut décidé, contre le souhait de Napoléon Bonaparte, que le nouveau Code Civil de 1804 n’accorderait la nationalité française à la naissance qu’aux enfants nés d’un père français, que cette naissance ait eu lieu en France ou à l’étranger. Cette rupture avec la tradition n’avait aucune dimension ethnique: elle signifiait simplement que la nation étant comme une grande famille, on attribuerait dorénavant la nationalité comme d’autres droits personnels (noms, biens) par la transmission par le pater familias. », Patrick Weil, L’accès à la citoyenneté : une comparaison de vingt-cinq lois sur la nationalité, op.cit
  5. Laetitia van Eeckhout, L'immigration, Odile Jacob, 2007, p.23
  6. Sylvain Allemand, « Droit du sol vs droit du sang ? », scienceshumaines.com
  7. Mark Mayo Boatner, Encyclopedia of the American Revolution, éd. McKay, New York 1966 et 1974, ISBN 0-8117-0578-1

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Droit du sang de Wikipédia en français (auteurs)

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