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Dopage sur le Tour de France
Le dopage est un problème récurrent du Tour de France et du cyclisme professionnel de manière générale. Dès les débuts de l'épreuve le dopage fait son apparition, puis évolue avec des techniques de plus en plus sophistiquées et performantes. Avec souvent un temps de retard, les contrôles évoluent également, faisant aujourd'hui du Tour de France une compétition à la pointe de la lutte contre le dopage. Chaque été, de nouveaux cas sont détectés et des affaires incluant médecins et managers éclatent périodiquement. Cette question du dopage des cyclistes est désormais très médiatisée et passionne le public de l'épreuve[1].
Le dopage généralisé (1903-1966)
Le « pot belge » resta longtemps en usage. Les frères Pélissier en expliquèrent tous les détails dès le début des années 1920 au journaliste Albert Londres, qui publia Les Forçats de la route en 1924 où il décrit le phénomène du dopage dans tous ses détails. Henri Desgranges, organisateur du Tour jusqu'en 1936 y répliqua par un éditorial cinglant dans lequel il accuse les frères Pélissier d'être des millionnaires mal préparés.
Les pro et anti-dopage s'affrontent par plumes interposées durant près d'un demi-siècle. Le camp des anti-dopage est clairement plus faible de celui des pro-dopage. Roland Barthes fait ainsi figure d'exception quand il écrit en 1957 : « Doper le coureur est aussi criminel, aussi sacrilège que de vouloir imiter Dieu ; c'est lui voler le privilège de l'étincelle. »[2]. Les journalistes sur la course sont souvent liés d'amitié avec les coureurs, et ils restent muets sur le sujet ou défendent même le dopage. Antoine Blondin écrit ainsi : « Nul ne disconviendra que le dopage puisse être une pratique catastrophique, l'arme illusoire des plus faibles. À travers lui, alors que tout devrait s'affirmer dans une allégresse contagieuse - l'audace, le courage, la santé -, une planète révèle qu'elle possède aussi sa face d'ombre où tout se tait. » et ajoute « On a certes envie de leur dire qu'il ne fallait pas faire ça, mais on peut demeurer secrètement ému qu'ils l'aient fait. Du moins se seront-ils une fois offerts aux acclamations et aux outrages pour que tourne le somptueux manège, ce concours permanent où ils se veulent élus. »[3].
Certains coureurs n'hésitent pas a déclarer publiquement qu'ils se dopent et que cela fait partie de leur liberté individuelle. Jacques Anquetil défend le principe de « préparation optimale » et déclare : « Après tout, l'épreuve du dopage est identique à celle du froid, de la canicule, de la pluie ou de la montagne » avant d'ajouter « Laissez moi tranquille. Tout le monde se dope. ».[4] Le Général de Gaulle, lui-même, a clairement choisi son camp : « Dopage ? Quel dopage ? A-t-il oui ou non fait jouer la Marseillaise à l'étranger ? »[5].
Outre les témoignages des coureurs et des suiveurs du Tour, les exemples sont nombreux pour illustrer cette pratique généralisée. Roger Rivière est ainsi victime en 1960 d'un malaise dans une descente dans les Cévennes. On retrouve dans ses poches des cachets de palfium, un puissant analgésique.
Le décès de Tom Simpson (1967)
Sous l'impulsion du docteur Pierre Dumas, médecin du Tour de France, les premiers contrôles inopinés sur le Tour sont mis en place en 1966, provoquant la grogne du peloton.
Le décès de Tom Simpson sur la route du Tour le 13 juillet 1967 est un électrochoc pour tous : coureurs, organisation et spectateurs. Jusque là, aucun coureur n'avait perdu la vie sur les routes de la Grande Boucle et le dopage est alors clairement montré du doigt comme responsable du drame. On retrouve des traces d'amphétamines dans l'estomac de Simpson lors de son autopsie.
L'omerta reste la règle (1968-1997)
Les contrôles se multiplient et deviennent quotidiens en 1968. Les premiers coureurs contrôlés positifs sont exclus du Tour dès 1968. Mais les coureurs s'adaptent et profitent du silence complice des médias et des failles des systèmes de contrôle pour poursuivre leurs pratiques.
Dans les années 70 et 80, les cas de dopage sont nombreux mais font l'objet d'une médiatisation discrète. Le coureur explique souvent son contrôle par la prise d'un médicament pour soigner une toux ou par l'utilisation d'un bidon suspect passé par un spectateur.
La fédération internationale, elle même, couvre les coureurs et joue sur les règlements pour couper court aux scandales. L'exemple le plus significatif est celui de Pedro Delgado en 1988, déclaré positif à la probénécide quelques jours avant son arrivée en jaune à Paris. L'organisation du Tour est plutôt favorable à son exclusion, mais l'UCI met son veto en arguant que ce produit qui figurait bien sur la liste des produits par le CIO ne figurait pas encore sur la liste des produits interdits par l'UCI, à un mois près. Le message de l'UCI est clair : soyez malins.
C'est donc assez naturellement et discrètement que le dopage gangrène petit à petit le cyclisme. En 1977 et 1978, plus de la moitié des participants au Tour de France auraient, à un moment ou un autre de leur carrière, contrevenu avec la réglementation antidopage[6].
L'affaire Festina (1998)
Article détaillé : affaire Festina.En 1998, le scandale de l’affaire Festina éclate. Cette affaire met surtout en lumière la participation active du staff médical et donc l'organisation du dopage au niveau des équipes. Suite à cette affaire, les contrôles sont renforcés et la France se dote d’une loi anti-dopage plus contraignante.
Les gendarmes et les voleurs (1999-2006)
Malgré les précautions prises suite à l'affaire Festina, les soupçons de dopage planent encore sur le Tour, notamment après les performances de coureurs comme Marco Pantani et Lance Armstrong.
Le 23 août 2005, le journal sportif français L'Équipe publie une enquête annonçant que six échantillons d'urine de Lance Armstrong datant du Tour de France cycliste 1999 contiendraient de l'EPO.
En 2006, quelques jours avant le départ du Tour éclate l’affaire Puerto. Les médias espagnols diffusent une liste de coureurs impliqués dans une affaire de dopage par transfusion sanguine. Ceci a pour conséquence l'exclusion, par la direction de l'Équipe cycliste T-Mobile, de Jan Ullrich et d'Oscar Sevilla. De même l'Italien Ivan Basso est exclu. Ils ne participent pas au Tour 2006, dont le départ est donné le lendemain (samedi 1er juillet 2006).
Quelques jours plus tard, l'américain Floyd Landis remporte le Tour, mais voit rapidement sa victoire remise en cause après que l'on eut décelé un taux de testostérone anormalement élevé à la suite de sa victoire d'étape à Morzine.
Le maillot jaune exclu (2007)
Quelques semaines avant le départ du Tour 2007, alors que Floyd Landis est en plein procès pour éviter d'être déchu de son titre, le danois Bjarne Riis (vainqueur du Tour 1996) reconnaît s'être dopé à l'EPO pendant sa carrière sportive. Son ancien équipier, Erik Zabel avoue également s'être dopé en 1996 (cette année là, il a remporté le Maillot Vert). Leurs 2 noms sont alors rayés du palmarès du tour de France 1996.
Deux jours avant le départ du Tour de France 2007, l'UCI fait signer aux coureurs une charte mentionnant qu'ils acceptent de fournir leur ADN et de verser le montant de leur salaire 2007 en cas de violation de la règle antidopage.
Cela n'empêchera pas le Tour d'être à nouveau touché par plusieurs affaires de dopage : tout commence avec l'allemand Patrik Sinkewitz, contrôlé positif le 8 juin et qui abandonne le 15 juillet dans le Tour de France après avoir percuté un spectateur. Puis, Alexandre Vinokourov, grand favori de cette édition, est exclu de l'épreuve suite à un contrôle positif aux transfusions homologues. Dans la foulée, et à la demande de Patrice Clerc, l'équipe Astana se retire de la Grande Boucle, emportant avec elle des coureurs de qualité, tels Andreas Klöden et Kashechkin. Le lendemain, c'est l'italien Cristian Moreni de la Cofidis qui est rattrapé par le dopage. Il reconnait avoir eu recours à de la testostérone (à l'instar de Floyd Landis) durant l'étape Marseille - Montpellier. Pourtant, Eric Boyer, le manager de la Cofidis, n'avait pas été le moins virulent dans ses propos concernant le cas de dopage de Vinokourov. L'équipe Cofidis se retire alors du Tour.
Enfin, après avoir largement consolidé son maillot jaune lors de la 16e étape, la dernière étape de montagne du Tour, Michael Rasmussen quitte l'épreuve à la demande de son équipe, la Rabobank, à qui le danois a menti, notamment sur le lieu de sa préparation pour le Tour (il était en Italie alors qu'il avait déclaré être au Mexique). Par ailleurs, la fédération danoise l'avait, quelques jours avant la 16e étape, exclu de l'équipe nationale en raison de la non-communication de son calendrier d'entrainement empêchant l'UCI de réaliser des contrôles anti-dopage inopinés.
Quelques semaines après la fin du Tour, l'Equipe annonce que des prélèvements effectués sur le coureur danois aurait révélé la présence de Dynepo, une EPO produite à partir de cellules humaines[7]. Cette analyse n'a pour autant pas aboutie à un contrôle positif, en raison d'un règlement inadapté à ce type de substances.
Nouveaux cas... et nouvelle EPO (2008)
Conséquence de la sortie du Tour du giron de l'UCI : les contrôles antidopage ne sont pas effectués par cette dernière mais par l'Agence française de lutte contre le dopage. En outre, celle-ci ne bénéficie pas des données du passeport biologique mis en place en début de saison, l'UCI refusant de les communiquer[8],[9].
Au départ de Brest, les 3 et 4 juillets, l'AFLD a effectué 180 contrôles sanguins[10].
Plusieurs cas entacheront néanmoins ce Tour de France 2008. Tout d'abord, l'Espagnol Manuel Beltran est contrôlé positif à l'EPO suite à un prélèvement effectué lors de la 1ère étape.[11] L'Espagnol Moises Duenas est quant à lui contrôlé positif à l'EPO suite à un contrôle effectué lors de la 4e étape.[12] L'Italien Riccardo Riccò, vainqueur des 6ème et 9ème étapes est également mis hors course suite à un controle positif à l'EPO sur un échantillon prélevé lors de la 4e étape[13]. Ce contrôle positif est le premier qui met en évidence l'apparition dans le peloton d'une EPO dite de troisième génération, le CERA. Enfin, le kazakh Dimitri Fofonov est contrôlé positif à l'heptaminol suite à un contole effectué lors de la 18e étape.[14]
En octobre 2008, l'AFLD procède à de nouveaux tests sur les échantillons prélevées lors du Tour de France 2008 afin de détecter la CERA. Ces nouvelles analyses permettent de confirmer le contrôle positif de l'italien Riccardo Ricco et mettent en évidence la présence de trois nouveaux tricheurs:
- l'italien Leonardo Piepoli[15] qui avait remporté la 9ème étape.
- l'allemand Stefan Schumacher[16] qui avait remporté les 4ème et 20 ème étapes et porté le maillot jaune pendant deux jours.
- l'autrichien Bernhard Kohl[17] qui avait terminé troisième et meilleur grimpeur.
Ce Tour 2008 aura ainsi démontré l'efficacité des contrôles anti-dopage et aura été marqué par la découverte de la présence dans le peloton d'une troisième génération d'EPO: le CERA.
Nouveau cas en 2009
L'espagnol Mikel Astarloza a été contrôlé positif à l'EPO suite à un contrôle hors compétition juste avant le tour[18], il risque deux ans de suspension, et sa victoire sur la 16e étape du Tour de France 2009 pourrait être invalidée au profit de Sandy Casar.
Le Tour, bouc-émissaire du sport professionnel ?
De nombreuses voix s'élèvent contre un traitement médiatique disproportionné qui ferait du Tour de France le bouc émissaire du sport professionnel.
Xavier Louy, ancien directeur du Tour de France, dans un entretien au journal Metro, cite Bernard Tapie pour qui "les cyclistes sont des enfants de chœur comparés aux footballeurs"[19]. Dans le même entretiens, il regrette que durant un stage de l'équipe de France de Football à Tignes, alors qu'un contrôle inopiné avait été diligenté par le ministère de Sports, "le médecin s’est fait jeter et a dû patienter des heures avant de pouvoir procéder à des prélèvements".
Sur la même longueur d'onde, l'ancien vainqueur du Tour, Stephen Roche, déclare en juin 2008 à Cyclismag : "Oui le vélo a un problème avec le dopage mais il a montré qu'il faisait des efforts pour l'éradiquer contrairement à d'autres sports. Vous croyez qu'il n'y a pas de dopage dans le football, dans le rugby, dans le tennis ? Je pense que dans les autres sports, on trouverait les mêmes chiffres. Vous croyez que les autres sportifs ne prennent rien ? Ils ont les mêmes médecins !"[20]
Lors de la séance du mardi 18 décembre 2007 à l'Assemblée Nationale, Bernard Laporte, secrétaire d’État chargé des sports, explique qu'"au regard du nombre de licenciés – 105 000 pour le cyclisme, 173 000 pour l’athlétisme et 1,851 million pour le football –, les chiffres sont encore plus éloquents : le cyclisme a été contrôlé trois fois plus que l’athlétisme et cinquante fois plus que le football."[21]
Enfin, le journaliste Pierre Serisier (rue89.com) rappelle à titre d'exemple qu'"aucun contrôle sanguin n’a été pratiqué lors de la Coupe du monde 2006 en Allemagne"[22].
Quelques chiffres
Les derniers bilans des contrôles diligentés par l'Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) montrent que l'athlétisme et le cyclisme sont les sports les plus contrôlés. Dans le même temps, le pourcentage de contrôles positifs dans le cyclisme est inférieur à d'autres sports[23].
Notes et références
- ↑ « L'enquête qui met le Tour dans la seringue », Le Canard enchaîné, n° 4575, 2 juillet 2008, p. 4.
- ↑ Roland Barthes, Le Tour de France comme épopée, Paris, Le Seuil, 1957, p. 106
- ↑ Antoine Blondin, Sur le Tour de France, Paris, La Table ronde, 1996
- ↑ Cité dans le documentaire télévisé Les Miroirs du Tour, 2003 où le journaliste Émile Besson admet d'ailleurs : « Il l'a fait devant moi Jacques. Je tenais la porte, alors je peux dire que j'étais complice »
- ↑ Cité par L'Équipe Magazine du 23 juillet 1994
- ↑ Cyclisme & Dopage - Les vrais chiffres du dopage dans le Tour de France
- ↑ Rasmussen : non négatif à l'EPO
- ↑ « Les contrôles à la française », dépêche de l'Agence France Presse, sur le site de la chaîne de télévision Eurosport, 3 juin 2008
- ↑ « Tour de France: l'épreuve 2008 placée sous l'égide de la FFC », dépêche Reuters, sur le site du magazine Le Point, 3 juin 2008
- ↑ L'Equipe, 26 juillet 2008
- ↑ http://info.rsr.ch/fr/news/Premier_cas_positif_sur_le_Tour.html?siteSect=2010&sid=9323678&cKey=1215807459000
- ↑ http://info.rsr.ch/fr/sports/Moises_Duenas_positif_et_equipe.html?siteSect=300001&sid=9336001&cKey=1216233426000
- ↑ http://www.eurosport.fr/cyclisme/tour-de-france/2008/ricco-rime-avec-epo_sto1638403/story.shtml
- ↑ Le Kazakh Dmitri Fofonov contrôlé positif sur lesoir.be, 27/07/2008. Consulté le 28/07/2008
- ↑ « Piepoli positif à la CERA »
- ↑ «Schumacher positif à la CERA»
- ↑ « Kohl positif à la CERA»
- ↑ http://www.leparisien.fr/sports/cyclisme/astarloza-positif-a-l-epo-avant-le-tour-31-07-2009-595637.php
- ↑ Metro, 10-07-2007
- ↑ Grisaille sur les maillots jaunes
- ↑ http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080085.asp
- ↑ "Passeport biologique": le cyclisme toujours montré du doigt
- ↑ Bilan des contrôles effectués au cours du premier trimestre 2008 et Bilan des contrôles effectués au cours du quatrième trimestre 2007
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