- Docétisme
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Le docétisme (du grec dokein, paraître) désigne généralement un ensemble de courants de pensées christologiques du début du christianisme, relevant du courant christologique sarx pour lequel se faire « chair » n'entraîne pas ipso facto se faire homme[1]. Les théologiens docètes interprètent littéralement le verset de l’évangile selon Jean où il est écrit[2] que « la Parole se fit chair »[3].
Au terme d'une étape métaphysique supplémentaire, il en résulte que, selon eux, Jésus n'a pas de corps physique, à l'instar d'un Esprit, et que, de ce fait, la crucifixion est une illusion. En d'autres termes, l'aspect humain du Christ est simple illusion et n'a pas de réalité objective[4].
Sommaire
Acceptions du terme
Il existe des débats parmi les chercheurs quant à la réalité que recouvre le terme docétisme. Le terme est le plus généralement employé par les théologiens ou des chercheurs en se basant sur l'étymologie du mot (dokein : sembler, paraitre) pour définir des conceptions christologiques qui affirment que la souffrance de Jésus Christ n'était qu'une illusion. Les hérésiologues des premiers siècles après J.-C. appelaient quant à eux docétistes ceux qui pensaient la divinité de Jésus inconciliable avec une naissance physique. Certains théologiens antiques ont pu par ailleurs s'appeler eux-mêmes docétistes alors qu'ils ne semblent pas avoir souscrit à l'une ou l'autre de ces doctrines. Enfin, il convient de signaler que des théologiens d'aujourd'hui utilisent le terme docétisme pour qualifier des christologies actuelles qui manquent, à leurs yeux, de fondement historiques. La confusion entre ces différentes acceptions peut rendre l'usage du mot problématique[5].
Le théologien catholique Norbert Brox suggère que le terme docétisme devrait être réservé quand une doctrine distingue les manifestations de Jésus de son essence : « le docétisme est à portée de main quand une christologie revendique : Jésus était différent de ce qu'il semble être »[6].
Doctrines
Le terme « docétisme » apparaît pour la première fois à la fin IIe siècle dans un écrit de Sérapion, évêque d'Antioche dans une condamnation de l'évangile de Pierre. Il est aussi mentionné par Clément d'Alexandrie sans qu'il n'explique davantage leurs croyances.
Sans qu'on ne sache précisément s'il s'agissait d'une secte ou d'une doctrine, cette croyance était en tout cas communément attribuée aux gnostiques, qui associaient la matière au mal, et qui pensaient donc que Dieu ne se serait pas incarné dans un corps matériel. Cette pensée prend son origine dans l'idée qu'une étincelle divine est emprisonnée dans notre corps matériel, et que le corps matériel est donc en soi un obstacle qui empêche l'homme de se rendre compte de son origine divine.
L'humanité est en fait assoupie. Cela peut être également expliqué comme ceci - le corps humain est temporaire, l'esprit est éternel - donc le corps de Jésus était une illusion et sa crucifixion également, de la même façon qu'un bouddhiste parle de l'illusion : l'illusion est tout ce qui est temporaire, pas tout ce qui est réel. Même ainsi, dire que le corps humain est temporaire a tendance à tailler en brêche l'importance de la croyance en la résurrection des morts et en la bonté de la matière créée, et est en opposition avec l'orthodoxie constituée postérieurement.
Il faut toutefois souligner que le terme gnostique recouvre lui-même des réalités christologiques parfois fort différentes et les apologètes chrétiens des premiers siècles nomment « gnose » tout ce qui n'est pas issu des écoles d'Alexandrie, d'Antioche ou de Nicomédie [pas clair][7].
Différents courants
Le docétisme peut être rapproché du dualisme, doctrine philosophique envisageant la matière comme un simple support, un élément inférieure à l'esprit, idée propagée par le moyen puis le néo-platonisme[8].
Tandis que certains passages de Paul de Tarse[9] et des épîtres de Jean[10] reflètent un certain docétisme[11], celui-ci fut l'objet de nombreux débats à partir de la fin du Ier siècle. Dans les mouvances docètes, on peut distinguer un docétisme modéré qui parfois envisage l'incarnation mais non les souffrances du Christ. Ces docètes affirmaient notamment qu'un des disciples se serait substitué à son maître sur la croix. Parmi les modérés certains attribuaient un corps éthéré et céleste au Christ mais apportaient différentes réponses à la question de savoir dans quelle mesure le corps de Jésus participait aux actions réelles et souffrances de ce dernier. Un courant plus radical considérait lui que le Christ ne relevait nullement de la matière et que ses actions et ses souffrances n'étaient qu'apparences, récusant la crucifixion et l'ascension.
Par ailleurs, plutôt qu'à la conception même de Jésus, les docètes s'intéressaient en priorité à la question de sa naissance - dont il était important pour eux qu'elle fût sans tache, sans souillure - rendant cette naissance virtuelle dans l'idée de contester la réalité humaine de Jésus au profit de sa réalité divine[12].
Le docétisme fut combattu par les hérésiologues comme Ignace d'Antioche ou Irénée de Lyon, puis exclu dès le deuxième concile œcuménique tandis que le concile de Chalcédoine dogmatisera plus tard la double nature et renouvellera la condamnation du docétisme en 451.
Postérité
Le docétisme eut une assez large postérité, notamment à travers le catharisme médiéval, mouvement détruit par la croisade albigeoise et l'inquisition qui s'ensuivit. Par ailleurs, la doctrine islamique, exprimé dans la sourate 4, 156 du Coran, affirmant à propos de Jésus : « Ils ne l'ont pas tué et ils ne l'ont pas crucifié. Ce n'était qu'un faux-semblant ».
Certains aspects des formulations et représentations docètes trouvent une survivance dans certains mouvements regroupés sous le terme « New Age », en particulier la theosis et l'étincelle divine, concept que l'on trouve dans les églises du christianisme oriental, toutes confessions confondues.[réf. nécessaire]
Notes et références
- À la différence du courant christologique anthropos pour lequel se faire « chair », c'est précisément se faire homme. C'est ce dernier courant qui constituera l'orthodoxie ultérieure du christianisme
- Jn 1. 14
- arche à Jérusalem par David, cf Évangile selon Jean, préface et traduction par Bernard Pautrat, éd. Rivages-Poche, 2000 Dans le sens décrit dans la suite du prologue qui paraphrase la reconduite de l'
- F. C. Baur cité par A. K. M. Adam, cf sources
- Norbert Brox, Doketismus, eine Problemanzeige, in Zeitschrift für Kirchengeschichte, n° 95, 1984, cité par A. K. M. Adam, cf sources
- Norbert Brox, Doketismus, eine Problemanzeige, in Zeitschrift für Kirchengeschichte, n° 95, 1984, p. 309, cité par A. K. M. Adam, cf sources
- cf François Blanchetière, Les premiers chrétiens étaient-ils missionnaires ?, éd. Cerf, 2002 et Étienne Trocmé, Les enfances du christianismes, éd. Noesis, 1997
- Philon d'Alexandrie, Ammonius Saccas, ou encore Plotin (cf.Énnéades) par
- Christologie de Paul voir l'article
- 1 Jn 4. 2
- adoptianiste, cf Pierre-Jean Ruff, L'évangile de Jean et le gnosticisme, in Profil de liberté, décembre 2003, article en ligne Certains chercheurs considèrent que le Jésus johannique relève d'un apparent docétisme à rapprocher de la théorie
- Simon Mimouni, Les origines de Jésus dans la littérature apocryphe, in Aux origines du christianisme, éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, 2004, pp. 525-528
Bibliographie
- (en) Ronnie Goldstein et Guy Stroumsa, The Greek and Jewish Origins of Docetism: A New Proposal, in Zeitschrift für Antikes Christentum, Vol. 10, n°3, juin 2007, pp. 423–441
- Guy Stroumsa, Le rire du Christ. Essais sur le christianisme antique, éd. Bayard, 2006, présentation en ligne
- (en) Darrell D. Hannah, The Ascension of Isaiah and Docetic Christology, in Vigiliae Christianae, Vol. 53, n°2, mai1999, pp. 165-196
- (en) A.K.M. Adam, Docetism, Kasemann, and Christology, in Scottish Journal of Theology, Vol. 49, n°4, 1996, pp. 391-410
- (de) Norbert Brox, Doketismus, eine Problemanzeige, in Zeitschrift für Antikes Christentum, n° 95, 1984, pp. 301-314
- (en) Jerry W. McCant, The Gospel of Peter: Docetism Reconsidered, in New Testament Studies, Vol. 30, n°2, 1984, pp. 258-273
- (en) Edwin Yamauchi, The Crucifixion and Docetic Christology, in Concordia Theological Quarterly, n°46, 1982, pp. 1-20
- (en) Michael Slusser, Docetism : A Historical Definition, in Second Century, Vol.1, n°3, 1981, pp.163-172
- (en) J.N.D. Kelly, Early Christian Doctrines, éd. HarperCollins, 1978, pp.141-142
Voir aussi
Liens internes
Sources partielles
- (en) A. K. M. Adam, Docetism, in The Ecole Initiative, Sections of the Encyclopedia, université méthodiste d'Evansville, article en ligne
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