- Dissonances cognitives
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Dissonance cognitive
La dissonance cognitive est un concept de psychologie élaboré par Leon Festinger en 1957. Elle fait suite à son étude d'une secte ufologiste qui croyait que les extraterrestres viendraient les chercher bientôt en raison d'une fin du monde imminente.
Selon cette théorie, l'individu en présence de cognitions (« connaissances, opinions ou croyances sur l’environnement, sur soi ou sur son propre comportement » [1]) incompatibles entre elles, éprouve un état de tension désagréable: c'est l'état de « dissonance cognitive ». Dès lors, cet individu mettra en œuvre des stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif. Ces stratégies sont appelées « modes de réduction de la dissonance cognitive ». Une de ces stratégies pour réduire la dissonance cognitive consiste à oublier ce qui ne cadre pas avec ses références antérieures, il est appelé « processus de rationalisation ». En 2007 il a été mis en évidence chez des singes capucins[2].
Sommaire
Principes fondamentaux
Apprentissage versus rééducation
- La rectification d'idées acquises est plus pénible pour un individu que l'apprentissage d'idées nouvelles pour lesquelles il ne possède pas encore de modèle. Ce phénomène avait déjà été signalé par Jean Piaget dans ses travaux. Carl Rogers l'admettait également. Les exemples abondent dans l'histoire : Héliocentrisme vs. Géocentrisme, Darwinisme vs. Créationnisme, etc. Il est à remarquer que religions et systèmes totalitaires (sans qu'il soit question ici de les comparer directement) marquent une préférence pour enseigner leurs points de vue dès la prime jeunesse, en tant que modèle primal.
- De même, des fournisseurs de matériels divers consentent des réductions importantes aux écoles professionnelles car leurs élèves seront enclins à privilégier dans la vie professionnelle un matériel qu'ils connaissent déjà par rapport à un autre même moins cher ou plus riche en fonctionnalités.
- Des formations gratuites sont parfois même proposées par des éditeurs de logiciels ou des fabricants de matériel, afin de positionner leur approche dans l'esprit du client qui sera ainsi moins réceptif aux arguments, différents, de la concurrence.
Investissement et engagement personnels
Plus l'investissement et l'engagement de la personne lui ont coûté, moins elle est prête à y renoncer. C'est ainsi que[3] :
- Plus un apprentissage a été difficile, malaisé ou même humiliant, moins l'individu est prêt à remettre en cause la valeur de ce qui lui a été enseigné. Cela signifierait en effet qu'il a investi pour rien. Là encore, les exemples sont légion, surtout en informatique : attachement presque affectif à un système d'exploitation ou à un éditeur de texte, par exemple, en dépit de leurs défauts manifestes.
- Le bizutage, à l'époque où il était toléré, s'associait par la suite à un attachement à une institution tel, que dès l'année suivante le bizuté devenait bizuteur à son tour. Voir aussi l'article Retournement.
- On observe aussi lors d'enquêtes que plus un choix s'est montré difficile et engagé (d'une grande école, d'un appartement, voire d'un conjoint...), plus on avait tendance ensuite à estimer avoir effectué le bon, et donc à oublier certains éléments de l'environnement ayant peu de rapport avec ce choix. Le choix d'une grande école peut impliquer certaines positions philosophiques qui entraînent ce type de biais cognitif. Par exemple, une formation scientifique peut dans certains cas faire sous-estimer les phénomènes culturels ou les aspects juridiques.
- Les mécanismes des ventes pyramidales s'appuient fortement sur le refus irrationnel de faire marche arrière alors qu'on s'est sûrement fourvoyé.
Ces phénomènes rejoignent aussi celui de doigt dans l'engrenage.
Application en communication
Un message visant par exemple à modifier le comportement d'un grand nombre de personnes (la cible) ne peut être considéré accepté que lorsque toute dissonance cognitive a disparu chez les éléments de la cible. Il est fréquent qu'un risque de rejet subsiste par dissonance cognitive, lorsqu'une contradiction existe entre le message et des convictions ou des habitudes fortements ancrées chez des individus. Par exemple avec le message suivant : "l'alcool au volant est un danger mortel, dans le cadre de la Sécurité routière", il y a dissonance cognitive si le sujet comprend le message tout en étant dépendant de l'alcool sans un désir de se détacher de cette dépendance.
Pour réduire cette dissonance, la cible peut soit éviter le message, soit l'interpréter pour diminuer la portée du message, jusqu'à remettre en cause sa crédibilité.
Pour faire accepter le message, la solution peut être de crédibiliser le message en s'appuyant sur des personnes de confiance (médecins, experts…), ou sur des faits avérés.
Application en pédagogie
Des faits contredisant l'opinion qu'un enfant a sur lui-même le placent devant une dissonance cognitive : selon que l'enfant a une bonne ou mauvaise image de soi, il pourra attribuer un échec ou une réussite à l'environnement extérieur au lieu de s'attribuer à lui-même le résultat. Pour réduire la dissonance cognitive, l'enfant va ainsi chercher des excuses plutôt que de remettre en cause ses convictions.
Rosenthal et Jacobson, Pygmalion à l'école (1968), ont aussi mis à jour un phénomène qui peut trouver sens dans le cadre de la dissonance cognitive. Ils ont fait l'expérience suivante : on constitue deux groupes de rats identiques. Au moment où on les remet aux étudiants chargés de les dresser, une remarque indique que le premier groupe est composé d'animaux doués, alors que le second est de pauvre qualité. Les résultats du dressage confirment ce pronostic fantaisiste. Des expériences en milieu scolaire vont dans le même sens. Les dresseurs adaptent les résultats aux attentes pour réduire la dissonance. Plus surprenant, en milieu scolaire le groupe d'enfants valorisé obtient objectivement de meilleurs résultats.
Article détaillé : Effet Pygmalion.Articles connexes
Références
- ↑ Festinger, 1957, p.9
- ↑ Go Ahead, Rationalize. Monkeys Do It, Too., John Tierney, 6 novembre 2007, nytimes.com
- ↑ Gregory Bateson, Vers une écologie de l'esprit, tomes I et II
Bibliographie
- Festinger, L., Riecken, H. W., & Schachter, S., L'échec d'une prophétie, PUF, 1993.
- Festinger, A theory of cognitive dissonance, 1957
- Harmon-Jones & Mills, Cognitive dissonance: a pivotal theory in social psychology, 1999
- Saillot I., « Dissonance cognitive et langage inconsistant de Pierre Janet : rapprochement », Janetian Studies, Vol.3, 2006 en ligne.
Lien externe
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