Accords du Latran

Accords du Latran

Les accords du Latran sont signés au palais du Latran le 11 février 1929 entre l'État italien, représenté par Mussolini, et le Saint-Siège, représenté par le cardinal Gasparri, secrétaire d'État du pape Pie XI. Ils mettent fin à la « question romaine », survenue en 1870 après la prise de Rome et son annexion au Royaume d'Italie. Ils réduisent les prétentions de souveraineté du pape au seul État de la Cité du Vatican. En contrepartie, le catholicisme devient religion d'État en Italie.

Sommaire

Contexte

Article détaillé : Question romaine.

En 1870, le général Cadorna envahit les États pontificaux et Rome devient la capitale de l'Italie, le pape Pie IX, est contraint de se réfugier au Vatican et se considère comme prisonnier. En 1871, le parlement italien vote une « loi des Garanties » pour garantir les prérogatives du pape que celui-ci refuse provoquant un désaccord qui durera 60 ans. Ce n'est qu'à l'issue de la Première Guerre mondiale que l'Église, le gouvernement italien et les libéraux modérés se rapprochent et les catholiques réintègrent la vie politique. Avec l'arrivée du fascisme, l'Église parie sur les composantes conservatrices du fascisme ; cela se traduit par la réforme des lois ecclésiastiques de 19231925, favorable à l'Église, mais c'est le discours de Mussolini le 3 janvier 1925 qui marque la restauration de bons rapports entre le Vatican et le gouvernement italien.

Accords du Latran

Les négociations qui aboutiront aux accords du Latran commencent en 1926. Elles aboutissent à la signature par le cardinal Gasparri (secrétaire d'État) et par Mussolini de protocoles au palais du Latran, le 11 février 1929. Pie XI voit dans ces accords la restauration de l'Italie à Dieu, et de Dieu à l'Italie.

Les accords comprennent trois conventions distinctes :

  • un traité politique qui règle la « question romaine » ;
  • une convention financière qui dédommage le Saint-Siège ;
  • un concordat qui statue sur la position de l'Église en Italie.

Traité politique

Le Pape accepte l'État de la Cité du Vatican, dont l'État italien reconnaît la pleine propriété et l'autorité souveraine au Saint-Siège. Toute forme d'ingérence italienne est abandonnée. En compensation, le Saint-Siège renonce à toute prétention sur les anciens États pontificaux. Il reconnaît le Royaume d'Italie sous la maison de Savoie, et Rome comme capitale de l'État italien. Cependant, l'Italie reconnaît en Rome une « città sacra ». Concrètement, cela signifie que l'Italie prend le Vatican sous sa protection. Ainsi, en cas d'incident place Saint-Pierre, c'est la police italienne qui intervient.

On reconnaît au nouvel État des services publics : le Vatican aura une gare, des services postaux, une monnaie (la lire vaticane), un organe de presse, une radio et une télévision avec le droit d'émettre, etc. Le Vatican devient l'instrument du Saint-Siège, personne de droit international, défini comme l'ensemble des institutions supérieures catholiques. Le préambule du pacte dispose ainsi :

« Étant donné que, pour assurer au Saint-Siège l'indépendance absolue et visible, il faut lui garantir une souveraineté indiscutable, même dans le domaine international, on s'est rendu compte qu'il était nécessaire de constituer, avec des modalités particulières, la Cité du Vatican, reconnaissant au Saint-Siège, sur cette même Cité, la pleine propriété, la puissance exclusive et absolue et la juridiction souveraine. »

Le pape est reconnu comme le chef temporel du Vatican, avec tous les pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire – le gouvernement effectif du Vatican étant pourtant délégué à un gouverneur général. En cas de vacance, le pouvoir passe au Sacré Collège des cardinaux.

Le nouveau territoire pontifical est formé de 44 hectares, ce qui fait du Vatican l'État le plus petit du monde. Pour l'essentiel, il s'agit de la place Saint-Pierre, de la basilique homonyme, du palais du Vatican et des jardins attenants. L'ensemble est entouré d'une frontière qui fut fixée à l'occasion de ces accords, constituée pour l'essentiel de murs, avec cinq points d'accès. Seule la place Saint-Pierre et la basilique sont librement accessibles. Mussolini avait proposé d'inclure d'autres bâtiments dans le nouvel État, mais Pie XI avait refusé, affirmant :

« Il sera clair pour tous, nous l'espérons, que le Souverain Pontife n'a vraiment que cette portion de territoire matériel indispensable pour l'exercice d'un pouvoir spirituel confié à des hommes pour le bénéfice des hommes. »

Convention financière

Après la perte des États pontificaux, le Saint-Siège se trouvait dans une situation financière difficile. En 1871, la « loi des Garanties » offrait la somme de 2 milliards de lires à titre de compensation pour la perte des États et des biens ecclésiastiques. Les Garanties ont été refusées par tous les papes, de 1871 aux accords du Latran. À l'occasion de ces derniers, Mussolini propose cette même somme augmentée de ses intérêts, portant le montant total à 4 milliards de lires.

Cette somme n'est pas versée directement au Vatican. Le Saint-Siège reçoit en fait 750 millions de lires en argent comptant et des titres à 5 % d'une valeur nominale d'un milliard de lires, confiés par Pie XI à l'Administration spéciale des biens du Saint-Siège.

Concordat

Le concordat fait du catholicisme la religion officielle de l'État italien. Les mariages catholiques et les jugements de l'Église en matière matrimoniale prennent effet civil. Les juridictions ecclésiastiques sont reconnues en matière spirituelle et disciplinaire, un prêtre apostat pouvant ainsi se voir refuser un emploi public. L'enseignement religieux catholique devient obligatoire à tous les niveaux scolaires.

De son côté, l'État italien se voit reconnaître un droit de nomination des évêques, lesquels doivent jurer fidélité au roi. Toute activité politique est interdite à l'Action catholique. Les religieux et les prêtres se voient interdire de militer dans un parti. Le but de Mussolini est d'empêcher la recréation d'un parti catholique.

Mussolini ajoutera au concordat des dispositions unilatérales réglant le sort des autres confessions, qui sont désormais reconnues. Un fossé juridique s'installe alors entre le catholicisme et les autres religions.

Après les accords

Quatre jours avant la signature formelle des accords, le 7 février, le contenu de ces derniers est dévoilé à l'ensemble des représentations diplomatiques près le Saint-Siège. Le gouvernement français, alors dirigé par Aristide Briand, est le premier à présenter ses félicitations au pape. Le 9 février, lors d'une audience solennelle spéciale, les différents États concernés prennent acte du nouveau statut du Vatican.

Entente cordiale

Avec ces accords, les buts respectifs des signataires sont : de fasciser l'Église pour l'un, et de restaurer un État catholique pour l'autre. Tous deux échouent dans leurs objectifs, mais néanmoins les relations restent bonnes entre l'Église et le gouvernement fasciste jusqu'en 1945. Ainsi, en 1931, l'Église concède de nouvelles garanties concernant l'Action catholique, dont on réaffirme le caractère religieux et diocésain.

La seule crise d'envergure concerne encore une fois les organisations catholiques laïques, perçues par le gouvernement fasciste comme une menace. Mussolini, répugnant à attaquer l'Église de face, comme le fait Hitler au même moment, préfère des actions d'intimidation des militants catholiques. En janvier 1938, Pie XI menace en représailles d'excommunier le fascisme et le gouvernement mussolinien. Finalement, en 1939, Mussolini obtient une réforme des statuts de l'Action catholique.

Après la Seconde Guerre mondiale

On aurait pu craindre la fin des accords du Latran avec l'effondrement du gouvernement fasciste, mais une partie sera confirmée par le nouvel État italien. La nouvelle république italienne reconnaît la partie des accords du Latran réglant la question romaine. Toutefois, l'article 7 de la nouvelle constitution italienne affirmera la séparation de l'Église et de l'État (comme en France en 1905). L'Église n'a donc plus le pouvoir temporel d'appliquer la doctrine chrétienne au sein de la société civile. La République italienne précise que les modifications qui furent apportées aux accords ne nécessitent pas une révision constitutionnelle. Le nouvel État italien reconnaît l'Église catholique et l'État du Vatican mais n'accepte plus les lois catholiques (même si les actes d'état civil religieux, comme le mariage, continuent d'avoir un effet civil en Italie[1]). La péninsule italienne ne se trouve plus pour la première fois depuis l'Empire romain sous l'autorité spirituelle du Saint-Siège.

Notes et références

  1. Accord de Villa Madama, loi du 25 mars 1985 Art 8- Gli effetti civile del vincolo matrimoniale celebrato in forma canonica

Voir aussi

Bibliographie

  • Francesco Margiotta Broglio, Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, 2003 (ISBN 2-213-618577)  ;
  • Joël-Benoît d'Onorio, « Le Saint-Siège et le droit international », dans Le Saint-Siège dans les relations internationales, Cerf/Cujas, Paris, 1989 (ISBN 978-2-204-03106-6) ;
  • Cardinal Paul Poupard, Le Vatican, coll. « Que sais-je ? », PUF, 1981.
  • Sergio Romano, La Foi et le Pouvoir : Le Vatican et l'Italie de Pie IX à Benoît XVI, Buchet-Chastel, 2007 Résumé en ligne

Articles connexes

Lien externe



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