Contrôle constitutionnel

Contrôle constitutionnel

Contrôle de constitutionnalité

Le contrôle de constitutionnalité est un contrôle juridictionnel pour s'assurer que les normes de droit interne (loi, règlement), mais également externe (traité) respectent la Constitution, qui est placée au sommet de la hiérarchie des normes.

Selon certains [Qui ?], le contrôle de constitutionnalité aurait été préfiguré par Montesquieu [réf. nécessaire] dans la séparation des pouvoirs (où le judiciaire a le pouvoir de faire respecter les lois [entendues au sens de privilèges], y compris les lois fondamentales du royaume de France à l'encontre du roi), l'idée d'un contrôle va être reprise et développée par les fédéralistes américains, puisqu'il sera perçu comme un autre moyen de « poids et contrepoids » (checks and balances). Elle ne sera effective que quelques années plus tard, lors de l'arrêt Marbury v. Madison de la Cour suprême des États-Unis en 1803. Toutefois, la séparation des pouvoirs de Montesquieu a aussi pu être invoquée comme argument contre le contrôle de constitutionnalité, au nom du légicentrisme et du pouvoir souverain du parlement (il n'existe ainsi pas de tel contrôle en Grande-Bretagne).

Depuis, nombre de pays (dont l'Inde, à l'issue d'un conflit durable entre la Cour suprême et le Parlement) ont également (ré)inventé le contrôle de constitutionnalité. La doctrine classique les classait entre deux modèles, mais l'évolution des contrôles, répondant au double objectif commun du respect des droits et libertés fondamentales et du refus d'un contrôle politisé, fait qu'aujourd'hui ces modèles sont d'une utilité très amoindrie.

Sommaire

Le contrôle de la loi, expression de la volonté générale

Problème de légitimité d'un contrôle du juge qui n'est seulement que nommé, vis-à-vis de représentants du peuple. Il y a deux réponses doctrinales :

  • Le théoricien du droit Hans Kelsen répond par la théorie du « juge-aiguilleur » : le rôle du juge est seulement procédural. Cependant, en France, cette théorie n'est pas appliquée, puisque le Conseil constitutionnel se reconnaît incompétent pour le contrôle des lois référendaires.

Le contrôle est alors compris dans cette redéfinition de la démocratie : celle-ci n'est pas limitée au pouvoir de la majorité, mais il faut également la défense des droits et libertés :

  • cela évite la « tyrannie de la majorité » par le parlement ;
  • cela instaure une réelle supériorité de la constitution ;
  • il y a le respect de l'État de droit.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la Nouvelle-Calédonie en 1985, dit que « la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution[1]. » Cette jurisprudence modifie la définition de la loi en France, qui n'est plus seulement élaborée par le gouvernement et le parlement, mais aussi par la Cour constitutionnelle[2].

Il y aurait deux peuples :

  • le peuple actuel, représenté par le législateur ;
  • le peuple constituant, représenté par :
    • le Conseil, selon Michel Troper ;
    • le chef de l'État, selon Carl Schmitt : le politique prime sur le droit, par conséquent, le gardien de la Constitution est l'autorité politique qu'est le chef de l'État.

Le contrôle de constitutionnalité et contrôle de légalité en France

Le contrôle de constitutionnalité intervient avant la promulgation de la loi (dans un délai de 15 jours): il ne peut être demandé que par le Président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et, depuis 1974, un collège de 60 députés ou sénateurs. Une fois opérée, la demande est transmise au Conseil Constitutionnel, qui apprécie la conformité de la loi (tout ou partie) avec le bloc de constitutionnalité.

Le contrôle de constitutionnalité est une innovation introduite par la Constitution de 1958 : auparavant la Constitution se plaçait comme la norme suprême,dont les principes étaient à respecter, mais il n'y avait aucun contrôle effectif. Seuls les députés avaient le pouvoir de faire la loi et apprécier sa conformité avec la Constitution, d'où le nom de légicentrisme. La nécessité d'un contrôle a permis de développer le constitutionnalisme, qui est le contrôle effectif de cette conformité.

Le contrôle de constitutionnalité était néanmoins peu utilisé, car seules quatre personnes pouvaient l'initier (le Président de la République, le Premier Ministre et les Présidents de l'Assemblée Nationale et du Sénat). En effet, le Président de la République et le Premier Ministre étant du même parti (au moins jusqu'en 1974) et maître des ordres du jour des travaux de l'Assemblée Nationale, ces trois-là avaient peu d'intérêt à invoquer le contrôle de constitutionnalité.

La réforme initiée par Valéry Giscard d'Estaing en 1974 permit d'élargir la saisine du Conseil Constitutionnel, en l'ouvrant à 60 députés ou 60 sénateurs. Par ce biais, elle s'ouvrit à l'opposition, ce qui entraina une explosion des saisines, donc un meilleur contrôle de la constitutionnalité des lois.

Le contrôle de légalité est lié à la théorie de la « loi-écran », en vigueur depuis l'arrêt Arrighi (1936) du Conseil d'État : pour qu'une loi soit appliquée, il faut prendre un certain nombre de règlements. Le contrôle de légalité consiste à apprécier la conformité de la loi et du règlement qui en découle. Si une loi anticonstitutionnelle est malgré tout promulguée, les juges ne sont plus compétents pour apprécier sa conformité avec la Constitution, et le Conseil Constitutionnel ne peut plus être saisi. Elle ne peut donc pas être attaquée. Toutefois, lorsque l'art. 61-1 de la Constitution entrera en vigueur (modification du 23 juillet 2008), un justiciable pourra soulever devant une instance qu'une disposition législative (promulguée) porte atteinte aux droits constitutionnels, ce qui pourrait entraîner un contrôle de constitutionnalité de cette disposition. Si un règlement est attaqué par rapport à sa non-conformité avec la Constitution, il ne pourra être apprécié qu'en fonction de la loi dont il est issu. S'il lui est conforme, toute attaque sera nulle: la loi initiale fait écran.

Modèles

Quatre critères sont présents : organe de contrôle, saisine, forme de contrôle, effet du contrôle.

Contrôle de constitutionnalité
Critères Modèle nord-américain Modèle européen
Organe de contrôle Tribunaux ordinaires (contrôle diffus) Juridiction spéciale (contrôle concentré)(Cf ci dessous)
Forme de contrôle Par voie d'exception ; contrôle concret ; contrôle a posteriori Par voie d'action ; contrôle abstrait ; contrôle a priori; Cependant en FRANCE, après la réforme du 23 juillet 2008, est introduit dans Constitution une forme d'exception d'inconstitutionnalité qui permettra au citoyens lors d'un procès via la Cour de Cassation de saisir le juge constitutionnel. Mais les modalités d'application de ce principe reste à définir par le vote d'une loi organique à une date encore indéterminée à ce jour...
Effet du contrôle Effet inter partes (autorité relative de la chose jugée, l'acte inconstitutionnel est inapplicable en l'espèce) Effet erga omnes (autorité absolue de la chose jugée, l'acte inconstitutionnel est annulé)

N.B. : aujourd'hui, en Europe, le contrôle a posteriori par voie d'exception s'est beaucoup développé.

Cour suprême des États-Unis

La Cour suprême des États-Unis exerce un contrôle constitutionnel élaboré par la jurisprudence Marbury v. Madison en 1803. Elle s'est octroyé le droit (qui n'était pas prévu dans la Constitution) d'apprécier la loi fédérale par rapport à la Constitution. En 1810, elle s'est également attribué le droit d'apprécier la conformité des lois des Etats fédérés par rapport à la Constitution. C'est, selon elle, une extension de sa mission de "dire le droit" et de trancher les litiges. Aux USA, le contrôle constitutionnel se fait par voie d'exception, c'est-à-dire qu'il ne se fait pas de droit mais c'est la Cour Suprême qui décide de se saisir d'une affaire qui l'intéresse. Lorsqu'une loi est déclarée inconstitutionnelle, elle n'est pas directement "annulée" mais plutôt "suspendue" dans son exécution. C'est ainsi un contrôle a posteriori de la loi, puisqu'elle doit être entrée en vigueur pour pouvoir subir ce contrôle.

Contrôle diffus, saisine du juge ouverte, contrôle par voie d'exception, contrôle concret, contrôle a posteriori, autorité de la chose jugée effet relatif (pas d'annulation de l'acte et effet inter partes).

Ce modèle s'est ensuite étendu dans les pays d'Amérique du Sud.

ex : Brésil : recours d'amparo, qui permet à un citoyen d'invoquer l'atteinte portée contre un droit garanti par la constitution, mais dont les effets ne sont pas erga omnes.

ex : Colombie : a également importé ce modèle, mais surtout, c'est le premier pays a avoir inventé le contrôle a priori d'une loi.

Modèle européen

Hans Kelsen fonde la Haute cour constitutionnelle d'Autriche en 1920. Louis Favoreu en fait un modèle. Juridiction créée pour connaître spécialement et exclusivement des contentieux constitutionnels et située en dehors de l'appareil juridictionnel ordinaire et indépendante de celui-ci comme des pouvoirs publics. Contrôle concentré (une seule cour compétente), saisine limitée (autorités politiques, juridictions voire auto-saisine), contrôle par voie d'action, contrôle abstrait, contrôle a priori, effet absolu de la chose jugée (acte inconstitutionnel annulé et effet erga omnes).

Pratique

Évolution des modes de contrôle dans le modèle nord-américain

Dans trois cas, les juges des États-Unis peuvent prendre des décisions erga omnes :

  • jugements déclaratoires ;
  • facial challenges : contestations directes de la constitutionnalité des lois (on n'attaque pas un acte faisant grief pris en son application, mais la loi elle-même) ;
  • overbreadth : contrôle de l'excès de pouvoir législatif.

Les caractéristiques du modèle européen de contrôle de constitutionnalité

1 Un contrôle centralisé (et non diffus)

Aux Etats Unis, chaque juge est compétent pour apprécier la constitutionnalité de la loi, sous le contrôle de la cour suprême. En Europe les tribunaux ne peuvent se prononcer sur l'inconstitutionnalité d'une loi : seule la cour ou le tribunal constitutionnel, organe unique et spécialisé dans ce type de problème est compétent pour le faire. C'est pourquoi on dit qu'en Europe le contrôle de constitutionnalité est centralisé, par opposition aux Etats unis où il est diffus. La juridiction centrale est totalement distincte des autres juridictions. On ne peut pas la placer sur le même plan que les autres juridictions ou encore au niveau de la cour suprême des Etats Unis, qui elle est placée au sommet de l'ordre judiciaire américain; elle est amenée à statuer en appel sur les jugements des juridictions inférieures et ce pour toutes les questions de droit que posent ces jugements. La cour suprême des Etats Unis ne s'occupe donc pas seulement des questions de droit constitutionnel.

A l'inverse les cours constitutionnelles européennes sont spécialisées dans le traitement des questions de droit constitutionnel. Elle ne sont pas au sommet d'un ensemble de juridiction. Elles forment a elles seules une catégorie a part de juridictions spécialisées dans les questions de constitutionnalité.

Un contrôle qui peut être abstrait ou concret

En Europe comme aux Etats unis le contrôle peut avoir un caractère concret donc s'effectue dans une situation de faits de mise en oeuvre de la loi. En Allemagne la constitutionnalité d'une loi peut être contrôlée au moment où le juge ordinaire en fait application. Mais le juge ordinaire ne peut pas se prononcer lui-même. Si la constitutionnalité d'une loi est invoquée devant lui par l'une des parties à un procès il doit saisir la cour constitutionnelle qui doit trancher elle-même . C'est le système de la question préjudicielle : le juge doit avant de statuer sur un cas d'espèce renvoyer à un autre tribunal le soin de trancher une question de droit qui ne relève pas de sa compétence . Le procès sera donc suspendu jusqu'à la réponse de la cour constitutionnelle. Le tribunal devra attendre que la cour constitutionnelle ait examiné la constitutionnalité de la loi litigieuse avant de poursuivre le procès .

Critiques possibles

Le contrôle de constitutionnalité donne au juge un rôle de « co-auteur » de la loi : il serait une sorte de « troisième chambre ». Ceci à amener certains critiques à parler d'un « gouvernement des juges » qui contredirait la souveraineté populaire incarnée par les élus.

En effet, ayant le pouvoir de déclarer une loi inconstitutionnelle, le Conseil Constitutionnel met un frein à l'entreprise législative de l'assemblée législative comme celle de l'exécutif. S'il en venait à censurer à tort et à travers par sa jurisprudence, l'institution dans son ensemble en serait paralysée.

C'est par exemple ce qui s'est passé avec le New Deal sous Roosevelt : les juges de la Cour Suprême s'opposaient systématiquement à l'application des lois votées par le Congrès.

Notes

  1. Décision nº 85–197 DC du 23 août 1985 [lire en ligne]
  2. Dominique Rousseau, « Constitutionnalisme et démocratie », La Vie des idées, 19 septembre 2008
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