- Charles de Beaumont, chevalier d'Éon
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Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Timothée d'Éon de Beaumont, dit le Chevalier d'Éon (5 octobre 1728 à Tonnerre, France - 21 mai 1810 à Londres) est un auteur, diplomate et espion français.
Il est resté célèbre pour son habillement qui le faisait passer pour une femme. À sa mort, cependant il fut reconnu par un concile de médecins, comme de sexe masculin et parfaitement constitué.
Sommaire
Biographie
Il est le fils de Louis d'Éon de Beaumont, directeur des domaines du roi, et de Françoise de Charanton, fille d'un Commissaire Général des Guerres aux armées d'Espagne et d'Italie. D'Éon raconte dans son autobiographie Les Loisirs du chevalier d'Éon de Beaumont qu'il est né « coiffé », c'est-à-dire couvert de membranes fœtales, tête et sexe cachés et que le médecin de la ville a été incapable de déterminer son sexe[1].
Jeunesse
Il naît et commence ses études à Tonnerre puis, en 1743, il les poursuit à Paris chez son oncle, au Collège Mazarin et obtient un diplôme en droit civil et en droit canon en 1749 à 21 ans. Il s'inscrit comme avocat au Parlement de Paris le 22 août 1748. Il montre également des talents en équitation et en escrime. Il se met à écrire, publie en 1753 plusieurs Considérations Historiques et Politiques. L’ouvrage étant remarqué, le jeune homme se crée un réseau de relations, dont le prince de Conti, cousin du roi Louis XV qui le nomme censeur royal pour l'Histoire et les Belles-Lettres[2].
Carrière
Sollicité, il s'affilie au « Secret du Roi », une politique que mène Louis XV en parallèle des conseils officiels (le prince de Conti, le maréchal de Noailles, Beaumarchais, M. de Tercier en font également partie). Il est aussitôt dépêché à la Cour de Russie en juin 1756, alors que débute la guerre de Sept Ans, pour obtenir de la tsarine Élisabeth une alliance avec la France. Il y est dépêché comme secrétaire d'ambassade. Il racontera plus tard y avoir été « lectrice » de la tsarine sous le nom de Lia de Beaumont. Celle-ci aurait percé à jour le déguisement et aurait tenté de consommer, mais il serait resté mou et aurait été traité de fou. En fait, le poste n'existait pas à la cour de Russie, et l'histoire n'apparaît qu'à l'époque où il est en Angleterre. À la cour russe, la tsarine donnant des bals costumés où l'on inversait les rôles (les hommes devaient être vêtus en femme et les femmes en homme), il prend sans doute plaisir à se travestir, sa faible corpulence lui permettant de mystifier tout le monde[3].
Il est de nouveau à Saint-Pétersbourg comme secrétaire d'ambassade de 1758 à 1760. Il porte le texte du traité d'alliance au roi à Versailles où il arrive deux jours avant le courrier dépêché par la tsarine. Le roi le récompense en lui donnant un brevet de Capitaine de dragons en 1760. Il participe aux dernières campagnes de la guerre de Sept Ans où il est blessé et quitte l'armée en 1762 pour redevenir agent secret. Il est envoyé à Londres en 1762, où il collabore à la rédaction du traité de paix qui sera signé à Paris le 10 février 1763. Sa grande habileté diplomatique, alors que la France est vaincue par l'Angleterre qui veut s'emparer de tout l'empire colonial français, lui vaut de recevoir une des plus rares distinctions du temps : l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis.
Parallèlement, il est chargé par le Secret du Roi de la composition d’un plan d’invasion sur la Grande-Bretagne, plus précisément d'un projet de descente sur l'Angleterre et le Pays de Galles dont il a reconnu les côtes avec le marquis Carlet de la Rozière. Il est nommé par la suite ministre plénipotentiaire de l’ambassade du duc de Nivernois. À l’arrivée du nouvel ambassadeur, Claude Louis François Régnier, comte de Guerchy, il en devient le secrétaire.
Les deux hommes n’arrivent pas à s’entendre. Le chevalier, imbu de l’estime du Roi et redescendu secrétaire après avoir été ministre plénipotentiaire, accepte difficilement les remarques de son supérieur qu'il juge incompétent. Une guerre ouverte s’installe alors à l’ambassade de France, deux camps se forment et une guerre de libelle voit le jour. Le 4 novembre 1763, Louis XV demande l’extradition du chevalier mais la législation anglaise l’interdit. Redevenu simple particulier, il continue par provocation d’aller à l’ambassade de France et divulgue en 1764 des secrets d’État et une partie de sa correspondance personnelle, étant prêt à saborder sa carrière afin de discréditer Guerchy. Le conflit est marqué par plusieurs procès devant la Cour de sa Majesté Britannique. Lors d'un procès, un témoin surprise accuse l’ambassadeur de France d'avoir tenté d’empoisonner son ex-secrétaire lors d'un repas[4]. Le dernier procès, en septembre 1767, donne raison au chevalier d’Éon qui poursuit alors son métier d'espion.
Sexe
Sa prétendue folie devait alimenter les arguments de Treyssac de Vergy et d’Ange Goudar, deux hommes de plume aux ordres de l’ambassadeur. La rumeur se fit persistante, alimentée par l’attitude équivoque, non-conformiste du chevalier. Son changement de sexe n’y est pas non plus étranger. De fou, on le prétend hermaphrodite, puis femme. Les Britanniques réalisent de nombreuses caricatures du chevalier qu'ils baptisent Épicène[5] d'Éon. Ils vont même jusqu'à ouvrir des paris sur son sexe : un parieur traînant en justice un autre parieur, le tribunal, avec de faux-témoins et en l'absence d'Éon, le reconnaît comme femme[6]. Ce changement de sexe et ce travestissement supportent plusieurs interprétations, interprétations freudiennes (névrose, délire narcissique, schizophrénie, etc.) comme des lectures purement politiques ou stratégiques.
À cette même époque, d'Éon est en liaison avec le libelliste français Charles Théveneau de Morande. En 1775, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais est envoyé à Londres par le roi de France Louis XVI pour récupérer auprès du Chevalier d'Éon la correspondance échangée avec le feu roi Louis XV (notamment ses projets de débarquement). Après maintes péripéties, une transaction de plus de vingt pages est conclue entre eux deux qui stipule notamment la remise intégrale des documents et que la chevalière ne quittera plus jamais ses vêtements féminins. En échange de quoi la rente viagère lui était accordée. Les négociations ont duré quatorze mois.
D'Éon quitta Londres le 13 août 1777 et se présenta à la cour en capitaine de dragons. Une ordonnance fut prise le 27 août 1777 par le roi Louis XVI, lui donnant ordre « de quitter l'uniforme de dragons qu'elle continue à porter et de reprendre les habits de son sexe avec défense de paraître dans le royaume sous d'autres habillements que ceux convenables aux femmes ». Il est exilé à Tonnerre, où il resta six ans.
Fin de vie
En novembre 1785, il regagne la Grande-Bretagne et perd sa rente. Il se retrouve dans une demi-misère, doit vendre sa bibliothèque et est recueilli par une dame britannique de son âge, la veuve Mrs Cole. Il continue de se battre en escrime, toujours en habits de femmes (gardant une agilité malgré une forte corpulence), jusqu'à l'âge de 68 ans. Il est gravement blessé lors d'un dernier duel.
Il accueille favorablement la Révolution française, propose à l'Assemblée nationale de conduire une unité d'Amazones, se voit accorder un passeport, mais la déclaration de guerre du 1er février 1793 et de lourdes dettes le contraignent à demeurer sur le sol britannique.En 1804, il est emprisonné pour dettes ; libéré, il signe un contrat pour publier une autobiographie mais est paralysé suite à une chute due à une attaque vasculaire. Grabataire, il vivra encore quatre ans dans la misère, avant de mourir, à Londres, le 21 mai 1810 à l'âge de 82 ans.
En effectuant la dernière toilette de la défunte, on découvrit avec stupéfaction que cette vieille dame... était un homme. Un chirurgien accompagné de plusieurs membres de la Faculté médicale de la Grande-Bretagne déclara dans un rapport médico-légal, le 23 mai 1810 : « Par la présente, je certifie que j'ai examiné et disséqué le corps du chevalier d'Éon et que j'ai trouvé sur ce corps les organes mâles de la génération parfaitement formés sous tous les rapports ».
Le chevalier d'Éon, habillé quarante-neuf ans en homme et trente-trois en femme, est enterré au cimetière de la paroisse Saint-Pancrace, dans le comté de Middlesex[7].
Héritage
Dans la chanson Sans contrefaçon qui évoque l'univers des travestis, la chanteuse Mylène Farmer se dit être le Chevalier d'Éon en faisant allusion à son déguisement.
L'éonisme désigne le besoin qu'éprouvent certains hommes d'adopter des comportements vestimentaires ou sociaux socialement considérés comme féminins, alors qu'ils ne sont pas spécifiquement homosexuels. Deux approches de l'éonisme prévalent : le psychologue Havelock Ellis considère que l'éonisme serait la première étape de l'inversion sexuelle, celle-ci s'exprimant symboliquement sur un plan vestimentaire. Le psychiatre Angelo Hesnard pense que l'éonisme est un moyen d'appropriation de l'image de la femme par le travestisme et peut conduire à une forme de perversion sexuelle. Dans certaines pratiques sexuelles, notamment le fétichisme, l'éonisme est un stimulant puissant.
Le Chevalier d'Éon est un espion jouable avec la France dans le jeu vidéo Empire: Total War
Il fut aussi source d'inspiration pour le manga La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda paru pour la première fois au Japon en 1972.
Ouvrages
- Éloge du comte d'Ons-en-Bray (publié in L'Année littéraire), 1753.
- Essai historique sur les différentes situations financières de la France sous le règne de Louis XIV, Ballard, 1753.
- Mémoire sur l'utilité de la culture des mûriers et de l'éducation des vers à soie en France, Paris, 1758.
- Les Loisirs du chevalier d'Éon de Beaumont, ancien ministre plénipotentiaire de France, ses divers sujets importants d'administration, etc. pendant son séjour en Angleterre, 13 volumes , Amsterdam, 1774.
- Lettres, Mémoires & Négociations particulières du Chevalier d'Eon, Ministre Plénipotentiaire de France, Londres, 1764
- Frédéric Gaillardet, Mémoires du chevalier d’Éon (collection de documents commentés), Paris, 1836. 2 vol.
Notes
- Evelyne et Maurice Lever, op cit., p. 12
- Evelyne et Maurice Lever, op cit., p. 15-17
- le chevalier d'Éon Emission Deux mille ans d'Histoire du 25 février 2009
- En fait l'ambassadeur Guerchy a voulu le faire enlever ; suite à cet imbroglio diplomatique, Guerchy est rappelé en France
- épicène : se dit d’un mot qui a la même forme au masculin et au féminin, ou qui désigne un représentant d’une espèce sans en préciser le sexe (e.g. : enfant, girafe).
- Simon Burrows, op cit., p. 43
- Pierre Pinsseau L'étrange destinée du chevalier d'Éon (1728-1810) p. 256
Bibliographie et sources
- Evelyne et Maurice Lever, Le Chevalier d'Éon : « Une vie sans queue ni tête », Paris, Fayard, 2009 (ISBN 978-2213616308) (Le sous-titre fait référence à la préface de l'autobiographie d'Éon).
- Philippe Luyt, D'Éon de Tonnerre. Iconographie et histoire, 2007.
- Musée municipal de Tonnerre, Catalogue bilingue de l'exposition - Le Chevalier d'Éon : secrets et lumières, 2007 www.tonnerre.fr
- Fernande Gontier, Homme ou femme ? La confusion des sexes, Paris, Perrin, 2006. 6e chapitre.
- Simon Burrows, Blackmail, scandal and revolution London's French libellistes, 1758–92, Manchester University Press, octobre 2006.
- Paul Mourousy, Le Chevalier d'Éon : Un travesti malgré lui, Paris, Le Rocher, 1998 (ISBN 978-2268029177)
- Edith Moreels, Le Chevalier d'Éon. L'histoire du plus étrange espion de tous les temps, Alleur, Marabout, collection « Histoire et mystères », 1996, 340 p.
- Gary Kates, Monsieur d’Eon is a woman : A tale of polittical intrigue and sexual mascarade, BasicBooks, 1995.
- Jean-Michel Royer, Le Double Je, ou les Mémoires du chevalier d'Éon, Paris, Grasset, 1986, ouvrage couronné par la Société des gens de lettres
- M. De Decker, Madame le Chevalier d'Eon, Paris, 1987.
- D'Éon chevalier et chevalière, sa confession inédite par André Frank en collaboration avec Jean Chaumely, Paris, Éditions Amiot-Dumont, 1953.
- O. Homberg et F. Jousselin, Un Aventurier au XVIIIe siècle. Le Chevalier D'Éon (1728-1810), Paris, Plon, 1904, 312 p.
- Pikul'Valentin Savvich. Par la plume et l'épée (L'original Пикуль Валентин Саввич, Пером и шпагой. Pikul'est l'écrivain russe). Le roman. Russie, Moscow.
- M. de La Fortelle, La Vie militaire, politique et privée de Demoiselle Charles-Geneviève-Auguste-Andrée-Timothée Éon ou d'Èon de Beaumont, [... etc.], Paris, Chez Lambert, 1779.
- Mylène Farmer Chanson Sans contrefaçon
Filmographie
- Qui était le Chevalier d'Éon ?, Secrets d'histoire, TV5, 2009.
Théâtre
- 2010, Eonnagata, pièce mêlant théâtre et danse, de Robert Lepage. Avec Sylvie Guillem, Robert Lepage et Russell Maliphant.
Voir aussi
Liens internes
- 1959 Le Secret du chevalier d'Eon, un film de Jacqueline Audry, avec Andrée Debar, Bernard Blier et Isa Miranda
- 2006 Le Chevalier d'Éon (シュヴァリエ, Shuvarie), série d'animation en 24 épisodes de Kazuhiro Furuhashi racontant la vie romancée du célèbre espion de Louis XV
Liens externes
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